Conférence de Yalta

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Conférence de Yalta
Les dirigeants alliés à la conférence. De gauche à droite : Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline.
Les dirigeants alliés à la conférence. De gauche à droite : Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline.

Type Conférence diplomatique
Pays Drapeau de l'URSS Union soviétique
Localisation Palais de Livadia, Yalta
Coordonnées 44° 28′ 04″ nord, 34° 08′ 36″ est
Date 4 au
Participant(s) Joseph Staline
Franklin D. Roosevelt
Winston Churchill

Géolocalisation sur la carte : Crimée
(Voir situation sur carte : Crimée)
Conférence de Yalta
Géolocalisation sur la carte : Ukraine
(Voir situation sur carte : Ukraine)
Conférence de Yalta

La conférence de Yalta est une réunion des principaux responsables de l'Union soviétique (Joseph Staline), du Royaume-Uni (Winston Churchill) et des États-Unis (Franklin D. Roosevelt). Elle s'est tenue du 4 au dans le palais de Livadia, situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta en Crimée. Elle a été préparée par la conférence de Malte du 31 janvier au 3 février, où les alliés se sont concertés pour présenter un front uni à Staline sur la planification de la campagne finale contre les troupes allemandes et japonaises et sur la limitation de la progression de l'Armée rouge en Europe centrale. Les buts de la conférence de Yalta sont les suivants :

  • adopter une stratégie commune afin de hâter la fin de la Seconde Guerre mondiale ;
  • régler le sort de l’Europe après la défaite du Troisième Reich ;
  • garantir la stabilité du nouvel ordre du monde après la victoire.

L'objectif principal de Staline est de faire confirmer les résultats de la conférence interalliée de Moscou du 9 octobre 1944 esquissant un plan de partage de l'Europe du Sud-Est en « zones d'influence » pour l'après-guerre. Ce sont ces résultats qui, ajoutés à ceux de la Seconde Conférence de Québec, débouchent sur la « guerre froide »[1]. La version officielle soviétique, après guerre, est fondée sur le souci de « préserver l'URSS de futures attaques, comme en 1914 et en 1941, en la protégeant par un glacis territorial et politique ». Dans ce but, la diplomatie soviétique œuvre, pour commencer, à la création d’une Pologne dirigée par un gouvernement ami de l’Union soviétique.

Churchill et Roosevelt, de leur côté, cherchent à obtenir de Staline la promesse que l'URSS entre en guerre contre le Japon dans les trois mois après la capitulation de l’Allemagne et tous deux sont prêts, pour cela, à faire des concessions.

Staline négocie d'autant plus en position de force, qu'à ce moment les armées soviétiques ne sont plus qu’à une centaine de kilomètres de Berlin.

Par ailleurs, Roosevelt, dont la santé se dégrade, affiche une totale méconnaissance des valeurs morales de son interlocuteur[2] en affirmant : « Si je lui donne tout ce qu'il me sera possible de donner sans rien réclamer en échange, noblesse oblige, il ne tentera pas d'annexer quoi que ce soit et travaillera à bâtir un monde de démocratie et de paix. »[3]

Rapport des forces

En février 1945, le rapport des forces est nettement à l'avantage de Staline.

Les forces soviétiques sont, de loin, les premières en nombre et en armement. Elles atteignent Varsovie et Budapest, et ne sont qu'à quelques étapes de Berlin. Cependant, Staline est prudent. Sa priorité est la prise de Berlin, à la fois comme symbole de sa victoire et pour les avantages politiques et scientifiques qu'elle lui confèrera. Il tient à s'emparer du maximum de régions industrielles allemandes, et de l'institut de physique nucléaire de Dahlem, où il espère trouver des éléments de fabrication de la bombe atomique. Il craint une capitulation allemande, voire un retournement des alliances, qui le frustrerait ainsi de sa victoire. Aussi, il fait croire à ses alliés que Berlin n'est pas prioritaire, et que l'offensive principale de l'Armée Rouge portera vers la Bohême et la vallée du Danube : il les invite à chercher la jonction en Allemagne du Sud.

Pour Roosevelt, Eisenhower et les responsables américains en général, la priorité est de finir la guerre avec le minimum de pertes en vies américaines. Le président américain accepte de laisser l'URSS fournir l'effort de guerre le plus lourd, quitte à lui abandonner une plus vaste zone d'occupation. Peu méfiant, il annonce dès le début de la conférence que les troupes américaines quitteront l'Europe deux ans après la fin de la guerre.

De son côté, Churchill souhaite rétablir un équilibre européen et éviter une hégémonie soviétique sur le continent, mais, ayant déjà beaucoup cédé lors de la conférence interalliée de Moscou le , il n'est plus en position de revenir sur ses concessions.

Les accords

Palais de Livadia, près de Yalta, où sont signés les accords de Yalta en 1945.

Les accords conclus à l'issue des rencontres prévoient :

  • des élections libres dans les États européens libérés, les trois alliés s'engageant à « constituer des autorités gouvernementales provisoires largement représentatives de tous les éléments démocratiques des populations et qui s'engageront à établir, dès que possible, par des élections libres, des gouvernements qui soient l'expression de la volonté des peuples » (cf. Communiqué final en annexe : Déclaration sur l'Europe libérée) ;
  • l'organisation en avril 1945 de la conférence de San Francisco ;
  • l’entrée en guerre de l'Union soviétique contre le Japon dans les trois mois qui suivent la défaite de l'Allemagne, l'URSS recevant en échange le sud de l’île de Sakhaline et les îles Kouriles ;
  • la destruction du militarisme allemand et du nazisme ;
  • la division de l'Allemagne en trois zones occupées par les trois vainqueurs : États-Unis, URSS, Royaume-Uni (par la suite, Churchill soutient une division de l'Allemagne en quatre zones d'occupation, la quatrième revenant alors à la France. Cette proposition aboutit peu après la conférence de Potsdam) ;
  • déplacement de la Pologne vers l'ouest : elle cède des territoires à l'URSS et reçoit en compensation des territoires enlevés à l'Allemagne ;
  • l'établissement de la frontière soviéto-polonaise sur la ligne du pacte germano-soviétique de 1939 (correspondant en partie à la ligne Curzon) ;
  • la réorganisation du « Comité de Lublin », gouvernement pro-soviétique établi en Pologne libérée, « suivant des bases démocratiques plus étendues, avec l'inclusion des chefs démocrates se trouvant à l'étranger », c'est-à-dire des membres du gouvernement polonais en exil à Londres (cf. Communiqué final en annexe : Pologne) ;
  • quelques modalités concernent le fonctionnement de l'ONU, dont la création a été décidée en 1944 à la conférence de Dumbarton Oaks : le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité jouera pour tous les cas sauf pour les questions de procédure ; l’URSS demande autant de sièges qu'elle compte de provinces et de régions (soit 16), mais en obtient "seulement" trois (Russie, Ukraine, Biélorussie) ; les Nations unies auront un droit de regard sur l'organisation de l'Europe.

Une conférence pour terminer la guerre

L'Allemagne : défaite, occupation, réparations

Lors de la première séance plénière, la question principale porte sur la défaite de l’Allemagne par une analyse de la situation militaire. Cela débouche sur le premier article du communiqué disponible au public[4].

Comme on peut le lire à la dernière phrase de cet article : « Il a été procédé à un échange complet et réciproque des renseignements ». Le général Marshall indique qu’une offensive massive est possible sur le front de l’ouest mais que les alliés ne peuvent franchir le Rhin avant le mois de mars.

Staline prend alors sa décision, l’armée rouge libérera la Tchécoslovaquie et la Hongrie, repoussant la prise de Berlin. Ainsi, Staline évite toute tension avec les alliés occidentaux. Cependant, cette première séance plénière est importante car elle définit bien le cadre général des négociations qui vont suivre : les Occidentaux sont en position d’infériorité par rapport aux Soviétiques.

Lors de la deuxième séance plénière du 5 février, Staline aborde la question de l’occupation de l’Allemagne qu’il considère être la plus importante.

Si lors de la conférence de Téhéran, tous les Alliés étaient d’accord sur un démembrement complet de l’Allemagne, à l’approche de la victoire cette certitude devient moins évidente.

Les Occidentaux pensent briser le Reich nazi, mais faut-il détruire l’Allemagne et sa population ? On peut lire dans le deuxième article du communiqué disponible au public : « Nous sommes inflexiblement résolus à anéantir le militarisme et le nazisme allemand », mais les alliés présentent le peuple allemand comme victime du nazisme et décident qu’« Il n’est pas dans notre intention d’anéantir le peuple allemand ». Churchill considère alors l’Allemagne comme une future alliée contre l’expansionnisme soviétique.

Pourtant, un démembrement de l’Allemagne est conclu avec une « autorité suprême » des occupants, censé garantir la paix future en Europe. Chacun des alliés occupera une zone séparée, et la France est invitée à participer à ce projet. Cependant, les Soviétiques sont en position de force, et, de fait, la zone française est prise aux dépens de la zone anglaise et américaine.

La France est aussi invitée à siéger au Conseil de contrôle interallié pour l’Allemagne. De plus, il est conclu que l’Allemagne sera entièrement démilitarisée et désarmée. Cette mesure est encore plus sévère que ce qui est prévu par le traité de Versailles de 1919, qui fixe le nombre de militaires allemands à un maximum de cent mille.

La question des réparations est elle aussi engagée par Staline. Il demande de l’Allemagne en gage de réparation, 20 milliards de dollars au total, dont la moitié ira à l’URSS.

Sur ce point, c’est aussi Churchill qui s’oppose à cette somme démesurée, insistant sur le fait que l’économie allemande ne doit pas être anéantie. Il est d’ailleurs écrit dans le troisième article du communiqué disponible au public, que les dommages à verser par l’Allemagne seront à calculer « dans la plus grande mesure possible ». Cette question n’est pas résolue entièrement.

Sont définis les différents moyens de réparation des dommages auxquels est contrainte l’Allemagne, c’est-à-dire : des transferts de biens et d’argents, des livraisons de marchandises, et l’utilisation de la main-d’œuvre allemande. Les deux points sur lesquels la conférence ne s’est pas fixée sont la mise en œuvre de ce plan et surtout le montant des réparations.

Pour cela, les Alliés décident la création d’une commission dont le siège sera à Moscou. Cette commission réunira les représentants des trois pays alliés et fixera le coût total des réparations sur la base de la proposition du gouvernement soviétique. Si la demande soviétique est ainsi à moitié acceptée, c’est parce que Roosevelt, considérant que les Soviétiques font déjà suffisamment de concessions, ne prend alors pas le parti des Anglais.

Le Japon : une entrée en guerre de l’URSS ?

La conférence porte sur la question de la défaite japonaise. Il est dit que : « Les chefs des gouvernements des trois grandes puissances […] ont décidé d’un commun accord […] que l’URSS entrera en guerre contre le Japon ». Si cette formule « commun accord » est employée dans ce cas précis c’est tout d’abord pour ne pas contrarier Churchill. En effet, la question de l’Extrême-Orient, concernant les modalités et les conditions de l’engagement soviétique, s’est réglée lors d’une conversation privée entre Roosevelt et Staline.

L'URSS entrera en guerre trois mois après la capitulation allemande. Les conditions de l’engagement ayant fait débat sont celles de Port-Arthur et des chemins de fer mandchous. L’URSS obtient le statu quo en Mongolie et l'annexion des îles Kouriles et Sakhaline. Port-Arthur ne sera pas annexé mais internationalisé, et les chemins de fer mandchous ne seront pas propriété de l’URSS mais contrôlés par une commission soviéto-chinoise.

Néanmoins, Staline et Roosevelt veulent un accord du président chinois sur ces points, et ne pas les lui imposer. Churchill n'est mis au courant de ces propositions que le lendemain de l’entrevue, et malgré son hostilité et sa volonté de négociation, il finit par céder, craignant d’être mis à l’écart sur les affaires japonaises.

Une conférence pour poser les bases d'un monde nouveau

Roosevelt : pour une organisation politique mondiale

Pour Roosevelt, le principal dossier de Yalta est celui de la future Organisation des Nations unies. Il entendait réussir, là où Wilson avait échoué après la Première Guerre mondiale avec la Société des Nations, et devenir l’arbitre entre les Anglais et les Soviétiques. Il ne se montre donc pas trop exigeant avec Staline, notamment sur la question de la Pologne. Tous les acteurs sont d’accord sur ce projet mais une question fait débat : qui sera membre du Conseil de sécurité, et quels pays composeront l’Assemblée ? Les Américains soutiennent l’adhésion de la Chine, et les Britanniques celle de la France, au sein du Conseil de sécurité. Bien que Staline objecte le fait qu’il serait en position défavorable, il finit par céder. Le réel problème se pose alors pour la composition de l’Assemblée. Les Soviétiques craignent une mainmise anglo-américaine (soutien des pays du Commonwealth et d’Amérique latine). L’URSS exige donc que chacune des seize républiques soviétiques fédérées dispose d’un siège. Dans l’extrait de la conférence non disponible au public, on constate que l’URSS obtient l’adhésion de deux républiques fédérées : la Russie blanche (Biélorussie) et l’Ukraine. Après réflexion et négociations, Staline ne demandait plus que l’adhésion de ces deux républiques ainsi que la Lituanie. Cette dernière est refusée mais Roosevelt doit s’incliner face à Staline pour préserver la réussite de son projet (l'ONU).

Une conférence future est programmée pour le 25 avril 1945 à San Francisco. L’organisation de cette conférence est due au fait que les trois grands n’ont su se mettre d’accord sur le système de vote de l’assemblée de la future Organisation des Nations unies, ainsi que sur l’obtention du droit de veto ou non. Ils ne se sont d’ailleurs pas mis d’accord sur les États qui pourront accéder à cette organisation. Il est donc déclaré dans un extrait non disponible au public, que « Les nations associées qui auraient déclaré la guerre à l’ennemi commun avant le 1er mars 1945 » seront invitées à la conférence de San Francisco et pourront faire partie de l’ONU.

La question polonaise

Le thème de la Pologne fait l’objet de vives tensions à Yalta. En effet, du côté de l’URSS, la Pologne est le pays dont elle a obtenu une partie du territoire après le pacte Germano-Soviétique, et du côté occidental, la Pologne est une alliée qui avait eu la garantie d’une aide en cas d’agression allemande, ce qui a entraîné l’entrée en guerre des alliés. Lors de la conférence, les deux principales questions concernant la Pologne sont : quelles seront ses frontières, et quelle sera la nature de son régime politique ?

La frontière orientale de la Pologne ne pose pas de problème, comme on peut le voir dans l’article VI : « La frontière orientale de la Pologne à l’Est devra suivre la ligne Curzon, avec des déviations au profit de la Pologne sur une profondeur de 5 à 8 kilomètres par endroits ». Le réel problème est celui de la frontière occidentale, celle avec l’Allemagne. Staline propose alors le fleuve de la Neisse. Ce déplacement de la frontière occidentale vers l’ouest est une compensation des pertes orientales. La question porte ensuite sur le choix de la Neisse : le fleuve se sépare en deux, la Neisse orientale et la Neisse occidentale. Les trois s’accordent sur une formule ambiguë : « La Pologne devra obtenir des accroissements sensibles de territoire au nord et à l’ouest ». Churchill est sceptique : l’annexion de cette partie du territoire allemand, jusqu’à l’Oder et la Neisse signifie la présence de six millions d’Allemands sous la souveraineté polonaise. Mais Staline déclare alors : « le problème des nationalités est un problème de transport ». Dans l'année suivante, 11,5 millions d'Allemands seront « déplacés » hors de ces territoires, remplacés par 4,5 millions de Polonais eux-mêmes « déplacés » hors de la Pologne orientale devenue soviétique[5].

La question du régime politique est plus aiguë. En effet, pour Churchill, elle a une forte signification symbolique puisque le Royaume-Uni a accueilli le gouvernement polonais en exil durant la guerre. Pour Roosevelt, elle touche à l’électorat américain, car venant d’être réélu, il vient de faire des promesses à des millions d’Américains d’origine polonaise. Mais Staline a mis en place un gouvernement polonais communiste, l’a installé à Lublin après la libération de l’Est de la Pologne, l’a officiellement reconnu en juillet 1944 et lui a confié l’administration du territoire polonais derrière les lignes militaires soviétiques. Les Occidentaux refusent de reconnaître ce gouvernement car ils estiment qu’il y a un problème de représentativité. Pour pallier ce problème, on s’accorde à Yalta sur la mise en place « d’élections libres et sans contraintes ». Pourtant, Staline n’a pas la moindre intention de dissoudre le gouvernement de Lublin ni de se soumettre à de véritables élections libres. Il réaménagera seulement l’équipe gouvernementale de Lublin en y ajoutant quelques membres supplémentaires polonais.

La déclaration sur l'Europe libérée

Cette déclaration a été proposée par Roosevelt et Staline et montre généreusement les principes censés permettre l’établissement d’un « ordre mondial régi par le droit ». Il est dit dans cet article que dans chacun des pays libérés, des gouvernements provisoires seront constitués en ayant la forme et la politique que chacun de ces États souhaite. Il est aussi dit que des élections libres auront lieu dans chacun de ces pays. Cet article est une grande preuve de naïveté de la part de Roosevelt, qui se félicite d’avoir donné une tonalité morale aux accords de Yalta. D’ailleurs, par cynisme ou lassitude, Staline approuve tout sans protester.

Cependant, cette déclaration sur l’Europe libérée mentionne une convention sur la libération des prisonniers qui n'est pas anodine. Celle-ci n’apparaît ni dans le communiqué officiel ni dans le protocole des travaux. Elle prévoit que tous les prisonniers des allemands seront regroupés par nationalité et dirigés vers leur pays d’origine. En réalité de nombreux prisonniers russes ne souhaitent pas repartir en URSS, d'autant que le règlement de l'Armée Rouge assimile la capture par l'ennemi à une trahison. On évalue à deux millions le nombre de Soviétiques rapatriés contre leur gré et déportés au Goulag comme « traîtres ».

Conclusion

Conservé à la Bildarchiv der Österreichischen Nationalbibliothek de Vienne, le fameux accord de pourcentages contresigné par Churchill et Staline à Moscou le .

Dans le communiqué officiel du 11 février 1945, il n'est pas fait état des trois sièges concédés à l’URSS à l’assemblée générale de l’ONU, ni de l’évaluation des réparations allemandes, ni des avantages territoriaux reconnus à l’URSS en Asie.

Ce communiqué produit donc une profonde impression sur la presse et dans les milieux parlementaires. Spontané ou organisé, aux États-Unis et en URSS l’enthousiasme est très manifeste.

En Europe occidentale, la satisfaction est plus nuancée, les Britanniques évoquent le chaos allemand après Versailles comme un exemple à ne pas suivre. En France, bien que Charles de Gaulle souligne le manque de précision sur le cas polonais et perçoive parfaitement la naïveté de la déclaration sur l’Europe libérée, la Conférence et ses conclusions sont globalement saluées, d'autant qu'elle admet la France parmi les « Quatre Grands » et lui fait de substantielles concessions par rapport au statut que les anglo-américains sont, un temps, disposés à accorder à la France.

Les résultats de Yalta sont approximatifs. Les anglo-américains obtiennent peu d'engagements concrets importants sur le futur européen en contre-partie de ce qu'ils offrent à Staline, celui-ci étant de plus décidé à exploiter au mieux sa position de force en Europe de l'Est.

Les trois chefs de gouvernement ou d’État n’ont négocié aucun point sur la question des déportés (les Soviétiques ont libéré Auschwitz le 27 janvier, mais rien n’est révélé avant début mai).

Contrairement à la légende, ce n'est pas à Yalta que s'est décidé le « partage de l'Europe » en « taux d'influence » mais à Moscou, le .

Contresigné par Churchill et Staline, cet accord prévoit les « taux d'influence » suivants, respectivement pour les Alliés occidentaux et pour l'URSS : Hongrie et Yougoslavie : 50-50 %, Roumanie : 10 % - 90 %, Bulgarie: 25 % - 75 % et Grèce : 90 % - 10 %, nonobstant le poids respectif des non-communistes et des communistes dans les mouvements de résistance et les opinions (par exemple, les communistes étaient très minoritaires en Roumanie et Bulgarie, mais majoritaires en Grèce à la tête du principal mouvement de résistance). Certains historiens ont estimé que l'influence de cet accord a été exagérée : par exemple, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Yougoslavie ont vu les communistes y monopoliser le pouvoir, bien que les accords ne mentionnent pas la première et aient prévu une égalité d'influences dans les deux autres…

Cet accord avait été préparé au printemps 1943 lorsque Winston Churchill et Anthony Eden s'étaient rendus à Moscou pour conférer avec Joseph Staline et Viatcheslav Molotov[6].

Selon Churchill, ces accords n'avaient qu'une portée provisoire, le temps de la guerre. Il est cependant peu probable qu'il n'en ait pas perçu le risque, même s'il a sous-estimé la violence qui allait s'exercer sur les pays laissés aux Soviétiques. Son principal objectif était d'obtenir de Staline un renoncement à la Grèce, où la guerre civile grecque allait découler du choc entre la résistance grecque à majorité communiste et la volonté anglaise de maintenir la Grèce dans la sphère d'influence occidentale. L'établissement de la tutelle soviétique en Europe orientale allait se traduire par plusieurs décennies de dictature au sein du bloc de l'Est, tandis qu'en Grèce, les troubles et la dictature des colonels traduisaient la tutelle des Anglo-américains.

Presque immédiatement après Yalta, Staline viole les accords. En Roumanie, les communistes noyautent les institutions, répriment les protestations de manière sanglante et imposent au roi de nommer un gouvernement communiste par le coup d'État du , alors que l'armée roumaine combat contre la Wehrmacht en Hongrie et Tchécoslovaquie. Le cas de la Bulgarie obéit aux mêmes règles. En Pologne, les Soviétiques favorisent les hommes politiques qu'ils ont placés, temporisent les discussions avec les Alliés pour réprimer l'opposition, tendent des pièges aux membres de la résistance non communistes. Pendant tout ce temps, Roosevelt cherche à faire évoluer Staline en jouant la carte de l'apaisement[7].

La conférence suivante réunissant les trois Alliés est celle de Potsdam d’août 1945, qui tente d’éclaircir certains points jugés trop flous à Yalta, mais l’Union soviétique et les Alliés ont fait le lit de la guerre froide. L'accord stipulait aussi le renvoi en URSS de ceux qui avaient rejoint la Wehrmacht pour combattre le communisme, ainsi que de tous les prisonniers soviétiques : or être fait prisonnier au front était assimilé par le code militaire soviétique à une trahison, passible de la peine de mort (pour ceux qui s'étaient rendus) ou de la déportation au Goulag (pour ceux qui avaient été capturés)[8].

Notes et références

  1. A. Conte : Yalta ou le partage du monde, R. Laffont, 1964
  2. A. Conte parle de la « candeur de l'Occident » (in : Yalta ou le partage du monde, R. Laffont, 1964, p. 364) et A. Fontaine de « l'espoir insensé qu'il (i.e. De fait, Roosevelt) nourrit l'espoir de voir la patrie du socialisme s'associer à la garantie d'un ordre international dont la patrie du capitalisme est pour longtemps le véritable leader. » (in : La Guerre froide 1917-1991, Éditions de la Martinière, 2004, p. 87)
  3. Cité par A. Fontaine, Le Monde du 5 février 1990.
  4. La conférence de Yalta débouche sur deux textes : un communiqué disponible au public et un autre non disponible au public.
  5. H.E. Stier (dir), Grosser Atlas zur Weltgeschischte, éd. Westermann, 1985, p. 160, ISBN 978-3-14-100919-4
  6. Selon Diane S. Clemens, "Yalta Conference" World Book, éd. 2006, vol. 21. 2006, p. 549 et “Yalta Conference” Funk & Wagnells New Encyclopedia, World Almanach Education Group, 2003, Philadelphie, États-Unis; Mot-clef: Yalta Conference et Pierre de Senarclens, Yalta, que sais-je ?, PUF, 1990, p. 50-52, Churchill aurait dit : « Ne nous disputons pas pour des choses qui n'en valent pas la peine » puis prit une demi-feuille de papier, griffonna ses propositions et tendit le papier à Staline, qui sortit de sa vareuse un crayon bleu de charpentier et traça un « V » pour marquer son approbation. L'idée de préétablir des zones d'influence dans les pays des Balkans et d'Europe orientale pour éviter de se créer de futurs sujets de discorde, ne tenait aucun compte de l'orientation politique des mouvements de résistance de ces pays (le groupe résistant le plus puissant de Grèce était à majorité communiste : ELAS, alors que les communistes étaient minoritaires en Hongrie, Roumanie et Bulgarie)
  7. Pierre de Senarclens, Yalta, que sais-je ?, PUF, 1990, p.50-52
  8. L'URSS, pas plus que l'Allemagne nazie, n'avait signé la Convention de Genève : selon l'estimation du United States Holocaust Memorial Museum, 3,3 millions de prisonniers soviétiques sont morts sur les 5,7 qui ont été capturés par l'Allemagne, soit un taux de mortalité de 57 %. Les neuf dixièmes des survivants, une fois délivrés des Stalags, ont fini au Goulag, soit un taux de déportation de 40 %. Voir: (en) [PDF] American Jewish Committee, Harry Schneiderman and Julius B. Maller, eds., American Jewish Year Book, Vol. 48 (1946-1947), Press of Jewish Publication Society of America, Philadelphia, 1946, page 599.

Sources

Articles connexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

La bibliographie est trop ancienne. Les références aux ouvrages d'Arthur Conte ne sont pas nécessaires. On peut cependant citer l'ouvrage d’André Kaspi La Seconde Guerre mondiale, où il est également question de cette conférence.

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