Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé

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Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé
Cadre
Type
Domaine d'activité
Siège
66 rue de Bellechasse, 75007 Paris
Pays
Organisation
Dirigeant
Jean-François Delfraissy (depuis décembre 2016)
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Annuaire du service public

Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, souvent abrégé en Comité consultatif national d'éthique (CCNE), est un organisme consultatif français, dont la mission est de « donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé »[1].

Historique[modifier | modifier le code]

À la suite de la naissance d'Amandine, le premier bébé français conçu par fécondation in vitro en 1982, des Assises nationales de la Recherche sont lancées en 1982 par Jean-Pierre Chevènement et Philippe Lazar[2], alors directeur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Le Comité consultatif national d'éthique est créé par décret du président François Mitterrand le 23 février 1983[3], et par la suite ses compétences ont été modifiées par plusieurs décrets et lois successifs[4], la plus récente étant la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique[5].

Les premiers sujets traités sont l'assistance médicale à la procréation, l’expérimentation sur l'être humain, la recherche sur l'embryon humain, l'accès à l'information génétique et la notion de consentement[6].

Le premier président du CCNE est le professeur Jean Bernard (1983-1993). Suivent le professeur Jean-Pierre Changeux (1993-1999), le professeur Didier Sicard (1999-2007), le professeur Alain Grimfeld (2010-2012), le professeur Jean-Claude Ameisen (2012-2016)[6] et le professeur Jean-François Delfraissy depuis le 14 décembre 2016.

En , pour la première fois dans son histoire, le CCNE se prononce en faveur de l’aide active à mourir, essentiellement le suicide assisté, dans son avis no 139[7],[8],[9], qui ouvre la voie à la Convention citoyenne sur la fin de vie[10]. Ainsi, une personne pourrait être accompagnée activement dans sa volonté de mettre fin à ses jours ou de faire appel à un médecin pour lui donner la mort dans des conditions strictes[11].

Le CCNE a ainsi fait évoluer sa position notamment au regard des pathologies assorties de pronostics vitaux à moyen ou à long terme, qui n’ont aujourd’hui pas de solutions, alors que « la sédation profonde et continue » est prévue pour des pronostics vitaux engagés à court terme[11]. Le CCNE considère de ce fait qu’il existe « une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir »[11].

Constitution[modifier | modifier le code]

Le CCNE est consulté par saisine de différents organismes ou institutions gouvernementales, mais aussi par auto-saisine. Composé de scientifiques, de médecins, de philosophes, de juristes, de théologiens de toutes confessions (jusqu'en septembre 2013, date à laquelle ils ont été évincés par le gouvernement), et de journalistes, le CCNE est le seul comité français et international ne dépendant d'absolument aucune autorité de tutelle[12], exception faite de son mode de nomination.

Le CCNE rend son premier avis le , « sur les prélèvements de tissus d'embryons et de fœtus humains morts, à des fins thérapeutiques, diagnostiques et scientifiques ». Il a depuis rendu une centaine d'avis accessibles à tous, et portant sur des sujets aussi variés et cruciaux que le statut des embryons, les diagnostics prénataux, les conditions des dons d'organes, l'obtention et l'utilisation des cellules souches, le droit à la fin de vie (euthanasie), la santé en prison, ou les prédictions fondées sur la détection de troubles précoces du comportement chez l'enfant.

Membres et nomination[modifier | modifier le code]

Le CCNE se compose d’un président, de 39 membres et de présidents d’honneur. Le président est nommé par le président de la République pour une période de deux ans renouvelables. Les membres sont nommés pour 4 ans (renouvelable une fois) et renouvelés par moitié tous les deux ans :

Le Secrétaire Général est chargé de la coordination des travaux du Comité.

La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique instaure la parité et porte le nombre de membres à 45 par ajout de six représentants d'associations de personnes malades et d'usagers du système de santé, d'associations de personnes handicapées, d'associations familiales et d'associations œuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes. Un décret d'application a été signé le 28 mars 2022[14].

Membres actuels[modifier | modifier le code]

La composition actuelle du CCNE est la suivante[15] :

Quelques anciens membres notoires[modifier | modifier le code]

Didier Sicard, président d’honneur du Comité national d’éthique (2014).

Les anciens présidents du CCNE ont été :

Parmi les anciens membres notoires, on[Qui ?] peut citer :

« États généraux »[modifier | modifier le code]

La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a donné au CCNE le pouvoir d'organiser des « états généraux » avant de procéder à tout projet de réforme sur des questions éthiques ou de société :

« Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux »[21].

C’est dans le cadre de l’organisation de ces états généraux que la loi prône le recours à des conférences de citoyens :

« Les états généraux mentionnés à l'article L. 1412-1-1 réunissent des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. Les experts participant à la formation des citoyens et aux états généraux sont choisis en fonction de critères d'indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité »[22].

Débat sur la composition du CCNE[modifier | modifier le code]

Le gouvernement Ayrault procède au renouvellement statutaire de la composition du CCNE le 11 septembre 2013. Entrent au CCNE des personnalités proches du président François Hollande, comme Jean-Marie Delarue (conseiller d'État honoraire et contrôleur général des lieux de privation de liberté) et Michelle Meunier (sénatrice PS, membre de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes). Le Conseil d'État nomme Jean-Pierre Mignard, juriste et co-directeur de la rédaction du journal Témoignage Chrétien. Les deux nouveaux représentants des « principales familles philosophiques et spirituelles » désignés par le président ne sont plus des membres du clergé mais des laïcs issus de la société civile et spécialistes des questions religieuses. Ainsi, le pasteur Louis Schweitzer est remplacé par Marianne Carbonnier-Burkard, historienne spécialiste de la Réforme protestante; le neurologue Lionel Naccache, aussi connu pour ses écrits sur le Talmud, succède au rabbin Michaël Azoulay. Leurs postes n'étant pas à renouveler, le théologien Xavier Lacroix continuera à représenter le « courant de pensée » catholique, et le philosophe Abdennour Bidar le courant musulman. « Prendre des personnalités civiles et non des personnes inscrites dans la hiérarchie religieuse est une bonne chose, car ces dernières finissent toujours par engager leur religion dans le débat » témoigne Didier Sicard, ancien président du CCNE[23].

Ce renouvellement déclenche de nombreuses critiques parmi les autorités religieuses et des élus de droite[24],[25],[26], ces derniers voyant dans ce geste « une manœuvre politique qui vise à “changer en douce la couleur” du CCNE à l'approche des débats majeurs sur l'euthanasie et l'ouverture de l'AMP aux couples homosexuels, alors que des personnalités connues pour leur sensibilité à gauche ou leur amitié avec le président de la République viennent d'être nommées par ce dernier », selon la journaliste Delphine de Mallevoüe du Figaro[27]. Pourtant, Jean-Marie Delarue s'était publiquement prononcé en défaveur du mariage pour tous[23].

Selon Patrick Gaudray, chercheur en génétique et président du comité technique du CCNE, le CCNE n'est pas une enceinte politisée : « Les gens ne peuvent pas être dans une position figée et dogmatique. Sinon, nous ne pourrions pas fonctionner. Ils prennent le temps de s'écouter pour arriver à des positions plus subtiles. Il est d'ailleurs parfois difficile de connaître leur positionnement politique[23]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Loi no 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique
  2. Jean-Marc Biais et Jacqueline Rémy, « "Éthique" est un mot grave », entretien avec Didier Sicard dans L'Express du 20 février 2003.
  3. Décret no 83-132 du 23 février 1983 portant création d'un Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé
  4. « Textes fondateurs »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur CCNE (consulté le ).
  5. « Loi no 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique (version initiale) », sur Légifrance (consulté le ).
  6. a et b Historique du CCNE.
  7. « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », sur Comité consultatif national d'éthique, .
  8. René Schaerer, Françoise Poirier et Pierre Reboul, « Compte rendu d'actualités : L'avis no 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) », Jusqu'à la mort accompagner la vie, no 151,‎ , p. 125–137 (DOI 10.3917/jalmalv.151.0125, lire en ligne).
  9. Coline Garré, « Le CCNE trace les contours éthiques d'une aide active à mourir », Le Quotidien du médecin, .
  10. Donia Necible, « Suicide assisté : le Comité consultatif national d’éthique pose les termes du débat », Dalloz Actualité, .
  11. a b et c « Sur la fin de vie, le tournant du Comité d’éthique », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. La Bioéthique, entretien avec Didier Sicard dans l'émission Avec ou sans rendez-vous sur France Culture le 19 juin 2007.
  13. Article 4 §1°du décret no 83-132 du 23 février 1983 portant création d'un Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, de l’article 2§1° du décret relatif au Comité Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé, no 97-555 mai 1997, de l’article 1er de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique codifié à l’article L 1412-2 §1°du code de la santé publique.
  14. Décret no 98-450 2022-436 du 28 mars 2022 relatif à l'égal accès des femmes et des hommes au Comité consultatif national d'éthique et à la composition du Comité.
  15. « Les membres | Comité Consultatif National d'Ethique »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur ccne-ethique.fr (consulté le ).
  16. « Décret de nomination »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), (consulté le ).
  17. « Reconduction du Pr. Jean-François Delfraissy dans ses fonctions de Président du CCNE | Comité Consultatif National d'Ethique »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur ccne-ethique.fr (consulté le ).
  18. Céline Rouden, « Jean-Claude Ameisen devrait présider le comité d’éthique » dans La Croix du 19 septembre 2012.
  19. Infirmière intégrée à la demande de Jean Bernard, soucieux de pouvoir entendre l'avis d'une infirmière, Infirmière, la passion de l'hôpital , par Michelle Bressand, éditions Robert Laffont.
  20. Jean Bernard, « Hommage à France Quéré », sur ipubli.inserm.fr (consulté le ).
  21. Article L1412-1-1 du Code de la Santé publique
  22. Article L1412-3-1 du Code de la santé publique
  23. a b et c Laetitia Clavreul et Lionel Dupont, « Renouvellement en profondeur du Comité d'éthique », sur lemonde.fr, .
  24. Delphine de Mallevoüe, « Volée de critiques après le renouvellement du Comité national d'éthique », Le Figaro, 23 septembre 2013, lire en ligne
  25. « Christine Boutin : « je demande la suppression du Comité consultatif national d’éthique » » Valeurs actuelles, 27 septembre 2013, lire en ligne
  26. « Le Comité d'éthique se renouvelle », La Croix, 22 septembre 2013, lire en ligne
  27. Delphine de Mallevoüe, « Comité d'éthique : la colère des religieux évincés », Le Figaro, mercredi 25 septembre 2013, page 12.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Christophe Sauvat, Le comité national d'éthique, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 1999.
  • Comité consultatif national d'éthique, La bioéthique : Pour quoi faire ?, Paris, PUF, coll. « Quadrige », , 348 p. (ISBN 978-2-13-061906-2 et 2-13-061906-1).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]