Cohésine

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La cohésine est un complexe qui est impliqué dans la cohésion des deux chromatides sœurs après la réplication (phase S) jusqu'à l'anaphase (phase M), ainsi que dans la formation de boucles d'ADN. Cohésine est un membre de la famille de protéines SMC, qui comprend également la condensine. Le complexe cohésine est conservé de la levure à l’homme.

Structure[modifier | modifier le code]

2 sous-unité constituées de longues hélices alpha, Smc1 et Smc3 ainsi que une sous-unité désorganisée Scc1 forment un anneau d'un diamètre de 35nm. Une quatrième sous-unité, Scc3 est positionnée près de Scc1.
Schéma des quatre sous-unités formant le complexe cohésine chez la levure du boulanger (Saccharomyces cerevisiae)

Chez la levure du boulanger S. cerevisiae, le complexe cohésine est formé de 5 protéines : Smc1, Smc3, Scc1, Scc3, et Pds5 ou Scc2 les deux dernières protéines étant en compétition pour le même site de fixation. Les protéines Smc3 et Smc1 se dimérisent via leur domaine hinge, et interagissent respectivement avec la partie N-terminale et C-terminale de Scc1 via leur domaine ATPase, formant ainsi un anneau d'un diamètre de 35 nm[1]. En méiose, Scc1 est remplacé par une sous-unité spécifique de la méiose, Rec8.

Chez les vertébrés, deux complexes cohésine existent : SMC1α, SMC3 et la kléisine RAD21 forment un anneau qui interagit soit avec SA1 soit avec SA2 (homologues de Scc3)[2]. En méiose, la sous-unité Smc1α peut être remplacée par SMC1β, RAD21 par REC8 ou RAD21L et SA1/SA2 par SA3[3].

Rôle dans la cohésion des chromatides sœurs[modifier | modifier le code]

Chargement de la cohésine[modifier | modifier le code]

Chez la levure, la cohésine est chargée sur la chromatine dès la fin de la phase S, quand Scc1 est resynthétisé après avoir été clivé en anaphase. Chez l'Homme, la cohésine est chargée dès la télophase, en fin de mitose, et stabilisée par son acétylation par EcoI en phase S.[4]

La répartition de cohésine sur les chromosomes est inégale, le centromère et les régions péri-centromériques étant particulièrement riches en cohésine.

Mécanismes de cohésion des chromatides sœurs[modifier | modifier le code]

Plusieurs hypothèses existent pour expliquer comment la cohésine établit la cohésion des chromatides sœurs :

  • la cohésine encercle topologiquement les deux chromatides sœurs via l'anneau formé par Smc1, Smc3 et Scc1.
  • le domaine ATPase de Smc1 et de Smc3 interagissent avec une des chromatides soeur, faisant alors un pont entre les deux chromatides.
  • la cohésine agit en tant que dimère, chaque anneau encerclant une chromatide[5].

Clivage de la cohésine[modifier | modifier le code]

La cohésine est éliminée par clivage de la sous-unité kléisine (Scc1 chez la levure de boulanger) par l'enzyme séparase, libérant ainsi les deux chromatides sœurs et permettant la ségrégation équilibrée des chromatides sœurs.

Rôle dans la mitose[modifier | modifier le code]

La cohésine maintient les deux chromatides sœurs ensemble jusqu'à l'entrée de l'anaphase, où à la suite de la dégradation de celle-ci, les deux chromatides se séparent et migrent vers les pôles opposés de la cellule. La solidarité entre les deux chromatides sœurs joue un rôle important lors de la métaphase en ce qu'elle promeut l'attachement de chaque kinetochore à des pôles opposés. Cette « bi-orientation » permet une division normale: au contraire, si les deux chromatides migraient dans la même direction (« mono-orientation »), la division résulterait en des cellules filles aneuploïdes.

En métaphase, chaque chromosome est attaché de façon bilatérale via ses kinétochores aux microtubules du fuseau. La cohésine oppose une résistance à la traction exercée par les microtubules se liant aux kinétochores de chaque chromatide. La cohésion des chromatides sœurs compense la force de traction exercée par les microtubules. La tension générée via la cohésion des deux chromatides sœurs est cruciale dans le bon déroulement de l'anaphase pour deux raisons :

  1. La tension permet la stabilisation de la liaison microtubule-kinétochore. Elle favorise la bi-orientation des deux chromatides sœurs, c'est-à-dire leur migration vers des pôles opposés ;
  2. La tension générée aux kinétochores indique au checkpoint mitotique que chaque chromatide est attachée de façon correcte au fuseau et que l’anaphase peut avoir lieu. Ce mécanisme permet de rendre le déclenchement de l’anaphase dépendant de l’attachement bilatéral correct de tous les chromosomes. Plusieurs études se sont penchées sur la manière dont la tension influençait  la mise en route ou non des systèmes de correction d'erreurs. Un des mécanismes proposés met en jeu la kinase Aurora B, enzyme clée dans le checkpoint mitotique. En l'absence de tension, une sous-unité de la kinase, appelée Ipl1, inhiberait les interactions entre kinétochores et centromères via la phosphorylation de nombreux substrats situés sur la face externe des kinétochores. Ainsi la machine de correction devrait intervenir pour permettre un attachement correct entre kinétochores et microtubules. À l'inverse, lorsqu'une tension est générée, Ipl1 située au niveau de la face interne des kinétochores, se verrait physiquement séparée de ses substrats situés sur la face externe, annulant ainsi la phosphorylation ainsi que l'intervention de la machine de correction d'erreur.

Ce mécanisme permet de rendre le déclenchement de l’anaphase dépendant de l’attachement bilatéral correct de tous les chromosomes. Par ailleurs, la cohésine joue un rôle crucial dans la mitose en ce qu'elle assure la réparation par recombinaison homologue de cassures double brin d’ADN, car la chromatide sœur intacte sert de matrice à la réparation.

Rôle dans la méiose[modifier | modifier le code]

Role de la cohesine lors d'un crossing over

La méiose comprend non seulement la séparation des chromatides sœurs lors de l’anaphase II mais aussi la séparation, lors de l’anaphase I, des chromosomes homologues étroitement appariés dès la prophase I. La cohésine joue un rôle à ces deux niveaux. La cohésine contribue à la cohésion des chromosomes homologues jusqu’à anaphase de la méiose I. Lorsqu’un enjambement (crossing over) a lieu entre deux paires de chromosomes homologues dès la prophase I, l’entremêlement réalisé implique que la cohésion le long des bras des chromatides résulte en une cohésion des deux chromosomes homologues. Il ne s'agit pas là de la cohésion au niveau du chiasma mais de l'action de la cohésine, le long des chromatides sœurs, alors que des chromatides non sœurs s'entremêlent. A l'anaphase de la méiose II, la cohésine joue un rôle analogue à celui joué dans la mitose puisqu’elle permet la cohésion des chromatides sœurs jusqu’à l’anaphase II, puis concourt à leur orientation vers des pôles bien distincts.

De la séparation des chromosomes homologues à la séparation des chromatides sœurs[modifier | modifier le code]

La séparation des chromatides sœurs résulte du clivage de la sous-unité kléisine de la cohésine par l’enzyme séparase. Cette séparation a lieu après une première séparation, celle des chromosomes homologues, qui a également nécessité le clivage de la cohésine. La particularité de la cohésine dans la méiose est qu’elle n’est pas totalement éliminée du premier coup: elle persiste au niveau du centromère et de la région périphérique du centromère (péri-centromère) jusqu’à l’anaphase II avant d’être totalement éliminée des chromosomes.

Cette particularité permet à la méiose d’être distinguée de façon binaire (méiose I et méiose II) et de former 4 cellules filles haploïdes à la suite d’une première division réductionnelle, puis d’une division équationnelle. L’élimination en 2 étapes de la cohésine sur toute la longueur des chromatides sœurs s’explique par la présence de la sous-unité Rec8, spécifique de la méiose. Celle-ci, tout comme son homologue Scc1 de la mitose correspond à la partie où s’opère le clivage via l’enzyme séparase, cependant elle diffère par sa capacité à résister à la séparase au niveau du péri-centromère. Plusieurs points de vue peuvent être adoptés pour expliquer quelle propriété spécifique de Rec8 permet sa conservation au niveau du péri-centromère. Notamment, le fait que Rec8 ait besoin d’être phosphorylé pendant la méiose I peut être mis en relation avec l’action de la protéine Shugoshin (Sgo1) située dans la région du péri-centromère. Dans cette optique, en favorisant la formation d’un certain complexe protéique clé pour éviter la phosphorylation de Rec8, cette protéine joue un rôle déterminant dans la résistance de l’anneau cohésine autour des régions proches du centromère. D’autres agents contribuent à réguler la protection de la cohésine au niveau du péri-centromère, notamment la protéine Spo13, spécifique de la méiose ou encore la kinase Aurora Ipl1.

Migration des chromosomes homologues[modifier | modifier le code]

Schéma d'ensemble

De façon analogue à la migration des chromatides sœurs telles que décrites pour la mitose, le checkpoint mitotique liée à la génération de tension via la cohésine joue un rôle clé dans l’orientation diamétralement opposée des chromosomes homologues. Cependant, quels sont les moyens que la cellule a pour sentir la tension et réagir en conséquence est une question ouverte. En effet, les procédés mis en jeu ne sont pas tout à fait assimilables à ceux mis en jeu lors de l’orientation des chromatides sœurs.

Rôle dans la structuration des chromosomes[modifier | modifier le code]

En plus de son rôle de cohésion des chromatides sœurs, la cohésine a un rôle dans la structuration des chromosomes, via la formation de boucles. Les boucles se forment par un mécanisme appelé extrusion de boucles : la cohésine se fixe à la chromatine, puis se déplace bi-directionnellement sur la chromatine.

En médecine[modifier | modifier le code]

Les mutations sur l'un des gènes codant l'une des protéines des cohésines entraînent des « cohésinopathies ».

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Marston Adèle L. Chromosome Segregation in Budding Yeast: Sister Chromatid cohesion and Related Mecanisms. Genetics Society of America,

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Stanislau Yatskevich, James Rhodes et Kim Nasmyth, « Organization of Chromosomal DNA by SMC Complexes », Annual Review of Genetics, vol. 53, no 1,‎ , p. 445–482 (ISSN 0066-4197 et 1545-2948, DOI 10.1146/annurev-genet-112618-043633, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Ana Losada, Tomoki Yokochi, Ryuji Kobayashi et Tatsuya Hirano, « Identification and Characterization of Sa/Scc3p Subunits in the Xenopus and Human Cohesin Complexes », Journal of Cell Biology, vol. 150, no 3,‎ , p. 405–416 (ISSN 0021-9525 et 1540-8140, PMID 10931856, PMCID PMC2175199, DOI 10.1083/jcb.150.3.405, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Kei-ichiro Ishiguro, « The cohesin complex in mammalian meiosis », Genes to Cells, vol. 24, no 1,‎ , p. 6–30 (PMID 30479058, PMCID PMC7379579, DOI 10.1111/gtc.12652, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Ireneusz Litwin et Robert Wysocki, « New insights into cohesin loading », Current Genetics, vol. 64, no 1,‎ , p. 53–61 (ISSN 0172-8083 et 1432-0983, DOI 10.1007/s00294-017-0723-6, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Kim Nasmyth et Christian H. Haering, « THE STRUCTURE AND FUNCTION OF SMC AND KLEISIN COMPLEXES », Annual Review of Biochemistry, vol. 74, no 1,‎ , p. 595–648 (ISSN 0066-4154 et 1545-4509, DOI 10.1146/annurev.biochem.74.082803.133219, lire en ligne, consulté le )