Clément d'Alexandrie

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Icône de saint Clément d'Alexandrie

Saint Clément d'Alexandrie, Père de l'Église, est un lettré grec chrétien, né à Athènes vers 150 et mort en Asie Mineure vers 220. Il chercha à harmoniser la pensée grecque et le christianisme.

Biographie

Sa vie est peu connue. Païen de naissance, il se familiarisa avec tous les systèmes de philosophie de son temps. Il se convertit au christianisme et entame une série de voyages (Grèce, Italie). Il rencontre en Égypte, à Alexandrie, où régnait le mouvement intellectuel le plus animé de cette époque, la secte des éclectiques, celui qui deviendra son maître, Pantène, qui dirigeait alors l'École théologique d'Alexandrie. Désigné par le pape Démétrius Ier (12e pape d'Alexandrie) pour aller mener une mission chrétienne aux Indes, Pantène doit abandonner la direction de l'École Théologique d'Alexandrie. Il choisit alors le plus brillant de ses élèves, Clément, pour prendre sa succession. Clément d'Alexandrie prend ainsi avant Origène la direction de l'École d'Alexandrie.

En 202, les persécutions de Septime Sévère l'obligent à trouver refuge en Cappadoce, auprès de l'évêque Alexandre.

Clément d'Alexandrie est un des premiers théoriciens de l'Église à avoir présenté le christianisme comme une philosophie, en cherchant à réconcilier les prophètes bibliques et les philosophes grecs.

Dans son Protreptique (discours persuasif), tout en polémiquant contre les dieux païens, il s’efforce de montrer la grandiose unité de la révélation divine dans l’œuvre des philosophes, des poètes et de leurs maîtres à tous, les prophètes de l’Ancien Testament. Le logos divin, apparu sous la forme du Christ, unifie tous ces messages.

Dans son Pédagogue, il affirme que tout chrétien est un « spirituel » capable de percevoir Dieu. Le propos du livre est de prendre en mains l'éducation chrétienne : il présente une éthique adaptée aux besoins des chrétiens de la classe moyenne. Divisé en trois livres, la première partie développe la formation que Dieu donne à ses enfants par l'action éducatrice de son Fils. La seconde partie (livres II et III) fournit au chrétien la règle de vie quotidienne qui doit s'imprégner de l'exemple évangélique.

Les Stromates est un ouvrage dont l'approche s'avère plus complexe. Pour l'essentiel, l’œuvre se présente sous la forme d'une réfutation des hérésies et d'un exposé de la « vraie gnose », permettant l’union mystique avec Dieu. Ses démonstrations exégétiques très allégoriques ont parfois troublé les théologiens chrétiens des siècles suivants.

Dans son épître de Mar Saba (du nom du monastère Mar Saba), Clément d'Alexandrie fait référence à l'Évangile secret de Marc, un évangile apocryphe. Il s'agit de l'unique allusion à cet évangile qui nous soit parvenue. Il condamne l'usage qui en est fait par les carpocratiens, une secte gnostique d'Alexandrie.

Il est fêté par l'Église catholique le 4 décembre. Son martyre n'étant pas attesté, il a cessé depuis 1751, sous Benoît XIV, de figurer dans le martyrologe romain.

Doctrine

C'est en acquiesçant à la bonté essentielle de la création que Clément d'Alexandrie entra dans la foi chrétienne. Comme Justin le Philosophe, il accorda sa préférence philosophique à Platon qui, selon lui, s'approchait le plus de la Vérité chrétienne.

C'est dans une double-perspective que Clément d'Alexandrie perçut le christianisme: d'une part en tant que "philosophie", mais aussi en tant que réalité qui, par sa force mystérieuse, est en mesure de transformer et de sublimer l'homme jusqu'au plus profond de son être. De plus, ce n'est pas tant par goût du mystère que par recherche du vrai que Clément adhéra au christianisme. Dans la doctrine chrétienne, il découvrit la vérité pleine et sévère, entière et définitive, en laquelle toute quête philosophique devait aboutir. Cette vérité comporte la connaissance de Dieu, le jugement moral et la raison.

Tandis que la lecture de Platon lui avait donné l'intuition de la Vérité, il en acquiert la certitude par la connaissance de l'Epiphanie divine, c'est-à-dire du Christ. Il lit ses expériences spirituelles comme la traduction en acte de la Vérité encore obscure du platonisme, délivrée par Dieu sous la forme d'un don à la fois rationnel (la parole du Christ) et expérimental (la vie chrétienne).

Sa vision du christianisme est très moderne: selon lui, le christianisme ne se trouve pas dans les "marques extérieures", mais dans le cœur de l'homme, car c'est à une transformation qu'il est appelé, par laquelle sa vie se trouve conformée au Christ en entier.

  • Un riche peut-il être sauvé ?
Ô riche, si tu es raisonnable, navigue vers cette assemblée de fêtes (He 12, 22) et, s'il le faut, parcours toute la terre (Mt 23, 15) ! N'évite ni les dangers ni les efforts pour te procurer ici-bas un royaume céleste. Ce royaume, un homme te le donnera, parce qu'il imite Dieu. Pour avoir un peu reçu ici-bas, il te fera habiter là-haut avec lui pour toujours. Supplie-le d'accepter, hâte-toi, lutte et crains qu'il ne te juge indigne, car il ne lui a pas été ordonné de recevoir, mais il t'a été ordonné d'offrir[1].
  • Mais lui devint sombre et s'en alla tout triste
Si quelqu'un fait pénétrer l'amour dans son âme, il peut venir à bout de ses erreurs, même s'il est né dans le péché (Jn 9,34) et qu'il a commis beaucoup d'actes défendus, à condition de faire grandir en lui l'amour et d'éprouver un repentir sincère. Ne t'abandonne pas à un désespoir insensé, puisque tu sais quel est le riche qui n'a pas sa place aux cieux et comme user de ses biens pour échapper à la malédiction de la richesse, à l'obstacle qu'elle met devant la vie, et pouvoir jouir de l'éternité bienheureuse.
Admettons que, par ignorance, faiblesse ou circonstance involontaire, on tombe dans des fautes ou des erreurs après avoir reçu le sceau et la rédemption, au point d'être totalement abattu, Dieu ne prononce pas pour autant une condamnation définitive ! Les portes restent ouvertes à tout homme qui se tourne en vérité vers lui de tout son cœur, et le Père reçoit avec une immense joie le fils qui se repent vraiment (Lc 15,20-24). Le repentir véritable consiste à ne plus retomber dans les mêmes fautes et à extirper complètement de l'âme celles qui avaient entraîné une condamnation à mort ; dès qu'elles auront été éliminées, Dieu viendra de nouveau habiter en toi[2].

Clément d'Alexandrie s'appuie ici sur un dialogue de Platon mettant en scène Socrate (Première Alcibiade, 109 e) pour expliquer l'Évangile.

Docte ignorance

« Le juste recherchera une découverte pleine d'amour et, dans son effort pour l'atteindre, il trouve le bonheur ; à qui frappe, dit la Parole, on ouvrira ; demandez, et il vous sera donné (Lc 11, 9). Car ceux qui s'emparent du Royaume ont été appelés violent (Mt 11, 12), parce qu'ils exploitent non la violence des controverses, mais celle de la continuité d'une vie droite et des prières ininterrompues.
S'arrêter à l'examen de son ignorance, voilà ce que doit d'abord apprendre celui qui marche selon la raison. l'ignorance a poussé à chercher ; en cherchant, on trouve le maître ; l'ayant trouvé, on a cru et, croyant, on a espéré ; puis, par l'amour, on s'assimile alors à l'aimé, se hâtant d'être ce qu'on a commencé par aimer.
Telle est à peu près la méthode que Socrate suggère à Alcibiade, qui l'interroge ainsi : « Ne pense-tu pas que je trouverai ? - Tu le pourras, si tu cherches. - Et ne crois-tu pas que je chercherai ? - Assurément, si tu penses que tu ne sais pas. »
C'est aussi le sens des lampes des vierges sages, qui de nuit sont allumées dans les ténèbres de l'ignorance que l'Écriture a désignée indirectement par la nuit (Mt 25, 1-13). Les âmes sages, pures comme des vierges, comprenant qu'elles sont elles-mêmes placées dans l'ignorance du monde, allument les ténèbres, chassent l'ignorance, recherchent la vérité et attendent l'apparition du Maître[3]. »

Citations

Au IIIe siècle, Clément, harmonisa la pensée grecque et le christianisme.

L'enfance spirituelle
« Les tout-petits (Mt 11, 25) sont les esprits nouveaux qui, au milieu de l'ancienne déraison, sont nouvellement devenus intelligents et qui se lèvent à l'horizon selon la nouvelle alliance. C'est tout récemment que Dieu s'est fait connaître, au temps de la venue du Christ : Car Dieu, personne ne l'a connu sinon le Fils et celui auquel le Fils le révèle (Mt 11, 27). Ce sont des nouveaux qui constituent le peuple nouveau par opposition à l'ancien peuple, et ils ont eu connaissance des biens nouveaux. »
« Nous avons la riche abondance du jeune âge, notre jeunesse qui ne vieillit pas ; en elle toujours nous sommes au sommet de notre force pour acquérir la connaissance, toujours jeunes, toujours doux, toujours nouveaux : il faut que soient nouveaux ceux qui ont reçu leur part du Verbe nouveau. »
« Or comme quiconque prend part à l'éternité devient, habituellement, semblable à l’incorruptible, il s'ensuit que notre titre d'enfants traduit le printemps de toute notre vie : la vérité qui est en nous ne vieillit pas et toute notre façon d'être est irriguée par cette vérité[4]. »

Bibliographie

Éditions anciennes

Le meilleur manuscrit de Clément d'Alexandrie, daté du XIe siècle, a été ramené de Constantinople par Janus Lascaris pour la bibliothèque de Laurent le Magnifique. Il est utilisé pour la première édition de l'intégralité des œuvres survivantes en 1550, préparée à Florence par Piero Vettori. Une traduction latine de Gentien Hervet est imprimée en 1551 par le même imprimeur, Lorenzo Torrentino.

Éditions

Parmi les éditions les plus récentes, on peut signaler celles des Sources Chrétiennes publiée au Cerf, commencée en 1949 (2e édition revue et corrigée en 1991-2011), et celle de la Cambridge University Press (2005).

Traductions françaises modernes

  • Extraits de Théodote, trad. F. Sagnard, 2° éd., Paris, Le Cerf, 1970 (Sources chrétiennes), 280 p.
  • Le pédagogue, trad. Claude Montdésert, Henri-Irénée Marrou, Chantal Matray, Paris, Le Cerf, 1970 (Sources chrétiennes), 256 p.
  • Protreptique, trad. Claude Montdésert et A. Plassart, 4° éd., aris, Le Cerf, 1976 (Sources chrétiennes), 216 p.
  • Stromates : livres I-V, trad. Pierre Voulet, Paris, Le Cerf, 1981 (Sources chrétiennes)
  • Le Pédagogue, traduction de B.Troo et P.Gauriat et commentaires, Édition J-P.Migne, 1991 (coll. « Les Pères dans la Foi »), ISBN 2-908587-06-8
  • Quel riche sera sauvé ?, trad. P.Descourtieux, Paris, Le Cerf, 2011 (Sources chrétiennes),

Études anciennes

Études modernes

Clément d'Alexandrie a fait l'objet de nombreuses études, y compris dans les années les plus récentes. Voir sa notice dans CPG (Clavis Patrum Graecorum), 1375-1399.

  • André Méhat, Études sur les Stromates de Clément d'Alexandrie, Éditions du Seuil, 1966 Collection Patristica Sorbonensia
  • Claude Mondésert, Clément d'Alexandrie. Introduction à l'étude de sa pensée religieuse à partir de l'Écriture, Paris, Aubier, 1944.
  • Vera Araújo, Un riche peut-il être sauvé, Nouvelle cité, 1995 (ISBN 2853132803)

Annexe

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Clément d'Alexandrie, Quel riche peut être sauvé ? 31,7 - 32,5 ; 38,4 - 39,2, trad. P. Descourtieux (Sources Chrétiennes 537, Cerf, Paris, 2011, p. 183-187)
  2. Op. cité : trad. P. Descourtieux (Sources Chrétiennes 537, p. 183-187)
  3. Stromates, 5, 16,6 - 17,3, trad. P. Voulet et A. Le Boulluec, Sources Chrétiennes 278, Cerf, Paris, 1981, p. 51-53.
  4. Le Pédagogue I, V, 19-20, trad. M. Harl, Sources Chrétiennes 70, Cerf, Paris, 1960, p. 145-147

Source partielle

Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Clément d'Alexandrie » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, (lire sur Wikisource)