Château d'Azay-le-Rideau

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Château d'Azay-le-Rideau
Image illustrative de l’article Château d'Azay-le-Rideau
Période ou style Renaissance française (à inspiration italianisante)
Type Château
Début construction 1518
Fin construction 1523
Protection Logo monument historique Classé MH (1914)
Coordonnées 47° 15′ 33″ nord, 0° 27′ 58″ est[1]
Pays Drapeau de la France France
Anciennes provinces de France Touraine
Région Centre-Val de Loire
Département Indre-et-Loire
Commune Azay-le-Rideau
Géolocalisation sur la carte : Indre-et-Loire
(Voir situation sur carte : Indre-et-Loire)
Château d'Azay-le-Rideau
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Château d'Azay-le-Rideau
Site web http://www.azay-le-rideau.fr/

Le château d'Azay-le-Rideau est un monument classé appartenant à l'État et situé dans la commune du même nom, en Indre-et-Loire, en France.

Le château fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [2]. Le château d’Azay-le-Rideau, comme une centaine d’autres monuments, propriété de l’État, est géré, animé et ouvert à la visite par le Centre des monuments nationaux.

Histoire[modifier | modifier le code]

Création du château[modifier | modifier le code]

Azay se situe dans l'ancienne province de Touraine, relevant d'abord des comtes de Blois, puis d'Anjou à partir de 1044 (les comtes d'Anjou sont les Plantagenêts à partir de 1060, et accèdent au trône d'Angleterre en 1154 avec Henri II qui meurt en 1189 à Chinon). Le premier château médiéval d'Azay est construit aux alentours de 1119 par l'un des premiers seigneurs du lieu, Ridel (ou Rideau) d'Azay, cité dans une charte de Marmoutier, qui édifie une forteresse défensive censée protéger la route entre Tours et Chinon. Un Ridel ou Rideau d'Azay et de Rillé est cité en 1143 et 1153. Le capétien Philippe Auguste, roi de France en 1180-1223, évince les Plantagenêts de la Touraine vers 1204 en battant le dernier fils d'Henri II, Jean sans Terre, et finit par rétablir la famille Ridel/Rideau qu'Henri II avait spoliée : ainsi, Hugues Ridel et son frère Geoffroy Ridel sont des chevaliers de Philippe Auguste ; l'abbaye de Marmoutier cite encore un Guy d'Azay en 1290. On perd alors la trace des sires d'Azay, domaine probablement passé à la Couronne.

Des seigneurs d'Azay[3] apparaissent de nouveau à partir de la 2e moitié du XIVe siècle : l'érudit Jacques-Xavier Carré de Busserolle cite le premier maréchal Boucicaut vers 1360, comme à Chezelles (aussi acquéreur de la Bourdaisière).

Puis Azay est aux mains de la famille de Marmande alliée à celle de La Haye-(Passavant), Pierre de Marmande, sgr. de St-Michel-sur-Loire, Clermault et Cravant, ayant épousé Isabelle de La Haye-(Passavant), dame de Faye. Leur fille Marguerite de Marmande (vers 1335 - vers 1371), dame de Marmande (à Vellèches et Marigny), La Haye-en-Touraine, Azay, Cravant-les-Côteaux, La Roche-Clermault, Saint-Michel-sur-Loire, Chezelles et Savary, Faye-la-Vineuse etc., est en 1357 la femme de Jean III, comte de Sancerre (1334-1402/1403).

Leur fille Marguerite de Sancerre (vers 1355-1418), comtesse de Sancerre et dame d'Azay, ne transmet pas tous ses nombreux fiefs à sa nombreuse descendance (les Orléans-Longueville, les Bueil, les Chaumont d'Amboise), issue de son deuxième mariage avec Béraud II, dauphin d'Auvergne (1333-1499 ; le premier mari de la comtesse Marguerite fut Gérard V Chabot de Retz) : elle laisse Azay et La Haye à son quatrième et dernier époux, le maréchal Jacques de Montb(e)ron (vers 1350-1422 ; épousé en 1408). En fait, Jacques de Montbron vendra La Haye, et ses fils François Ier et Jacques de Montbron se verront disputer Azay par le fils de la comtesse Marguerite, le dauphin Béraud III (1380-1426), qui vend finalement Azay à Jean le Gallois du Puy-du-Fou († vers 1441) le 14 mai 1422.

Le fort d'Azay est brûlé par Charles VII en 1418 lorsque le roi, de séjour à Azay sur la route de Chinon, est provoqué par les troupes bourguignonnes qui occupent la place forte. Le capitaine et 350 soldats sont exécutés, et le village garde d'ailleurs jusqu'au XVIIIe siècle le nom d'Azay-le-Brûlé, à ne pas confondre avec le nom actuel d'une commune des Deux-Sèvres, ou le surnom parfois donné à Azay-sur-Indre.

La veuve de Jean du Puy-du-Fou, Marie d'Auxigny, est alors la dame d'Azay avec son deuxième mari Jehan de Montgomery, épousé vers 1442 (cf. l'abbé Casimir Chevalier : Azay-le-Rideau, p. 464-483, Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. II, 1873 ; leur fils René de Montgomery sera le père de Jacques de Montgomery de Lorges, capitaine de la Garde écossaise, et le grand-père du célèbre Gabriel) ; puis la fille aînée de Marie d'Auxigny, Catherine du Puy-du-Fou, transmet Azay à son mari Fouques de Bois-Jourdan, et à leurs enfants :

Cour intérieure du château.

Le domaine est acquis (sans doute en plusieurs fois : d'abord à la fin du XVe siècle, vers 1497, pour la part des Bueil) par Martin Berthelot († vers 1498), maître de la Chambre aux Deniers du roi, qui cède cette part à son fils Gilles Berthelot († 1529), président de la Chambre des comptes et trésorier de France, aussi acquéreur de la part de Charles de Bois-Jourdan (ex-part d'Antoine de Loubes) en 1510.

Le château actuel est bâti entre 1518 et 1523 par le maire de Tours et trésorier du roi François Ier, Gilles Berthelot, et par sa femme, Philippe Lesbahy ; il s'agit d'un des chefs-d'œuvre de la première Renaissance française. Les fondations à base de pilotis et de pierres de Saint-Aignan sont réalisées sous la direction de Denis Guillourd. Philippe Lesbahy aidée par l'abbé Guillaume Artault, dirige l'essentiel des travaux en l'absence de son mari[4].

Lorsqu'en 1527, le cousin de Gilles Berthelot, Jacques de Beaune-Semblançay, condamné à mort pour malversations, est exécuté, le couple décide de vider les lieux et de se rendre à Metz. En fuite, - Gilles Berthelot décède en 1529 à Cambrai.

En juin 1528 le roi confisque un château inachevé, et bien que Philippe Lesbahy insiste pour le conserver, elle le perd en 1535 lorsque le roi l'offre à l'un de ses compagnons d'armes, Antoine Poton (de) Raffin de Pelcavary († avant 1552), capitaine de ses gardes du corps, qui l'a accompagné à Pavie. La construction reçoit de son nouveau propriétaire quelques aménagements mais l'idée de fermer sa cour ce qui lui aurait donné la forme traditionnelle d'un quadrilatère est abandonnée, ce qui lui fera conserver jusqu'à ce jour la forme "en L" [4].

La demeure n'est en réalité occupée qu'à partir de 1547; le fils d'Antoine, - François Poton (de) Raffin de Puycalvary, en hérite, puis sa veuve Nicole Le Roy de Chavigny (épousée en 1553 ; † 1602), fille de Guyon Le Roy du Chillou, vice-amiral de France, et de Radegonde de Maridor dame de Ballon, la tante de la Dame de Monsoreau. Sa demi-sœur Anne Le Roy s'est mariée en 1506 à François II ou III du Plessis de Richelieu (ils sont les arrière-grands-parents du cardinal), et son autre demi-sœur Françoise Le Roy a épousé en 1515 René de Maillé de L'Islette. Devenue veuve en 1570, Nicole Le Roy de Chavigny a convolé en deuxièmes noces avec Artus de Cossé-Brissac (1512-1582), maréchal de France.

La petite-fille d'Antoine Raffin, - Antoinette Raffin, fille de François de Raffin et Nicole Le Roy, ancienne dame d'honneur de Marguerite de Valois, s'installe au château en 1583 et entreprend d'actualiser les décors de l'édifice avec l'aide de son époux, le diplomate Guy (de Lusignan) de Saint-Gelais, seigneur de Lansac, premier baron d'Angoumois, gouverneur de Blaye et de Brouage, vice-amiral de Guyenne, sénéchal d'Agenais, négociateur de l'élection du duc d'Anjou au trône de Pologne., fils de Louis de St-Gelais (1513-1589 ; réputé fils bâtard de François Ier) et de Jeanne de La Roche-Landry.

Leur fils Artus de Saint-Gelais de Lansac, marquis de Ballon, en hérite avec sa femme Françoise de Souvré (vers 1585-1657 ; mariée en 1602), gouvernante du futur Louis XIV et fille du maréchal Gilles. Ensuite la succession d'Azay devient quelque peu confuse :

  • Leur fils - Gilles de Saint-Gelais est tué au siège de Dole en 1636 : il avait épousé Françoise Fouquet de Marcilly, d'où Marie-Madeleine de Saint-Gelais, dame de Ballon, de Marcilly et d'Azay, qui épouse en 1651 Henri-François Groignet, marquis de Vassé et baron de la Roche-Mabile († 1684) ; leur fils - Louis-Alexandre de Vassé, né en 1656, mourut aussi dès 1684, et de sa femme Anne-Louise-Julie, fille du maréchal Louis de Crevant d'Humières, il eut - Emmanuel-Armand de Vassé (1683-1710), marié en 1701 à Anne-Bénigne de Beringhen (1684-1749), fille de Jacques-Louis Ier (1651-1723), avec postérité : notamment leur fils - Armand-Mathurin marquis de Vassé (1708-1782)[5], marié en 1743 à sa cousine Louise-Madeleine de Courtarvel, fille d'Hubert de Courtarvel marquis de Pezé (1680-1734) et de Lydie-Nicole de Beringhen, sœur d'Anne-Bénigne : Parents, entre autres enfants, - d'Adélaïde-Euphémie-Geneviève de Vassé dame de La Roche-Mabile, femme en 1767 de Jean-Baptiste-Alexis Le Maire, marquis de Courtemanche. Ainsi, les Courtemanche auront Azay-le-Rideau juste avant la Révolution, et la succession semble donc passer des Raffin aux St-Gelais, puis aux Vassé par mariage en 1651 jusqu'en 1787, enfin aux Courtemanche jusqu'en 1791.
  • Mais on trouve aussi qu'à une date indéterminée[6] - Henri de Beringhen aurait acquis Azay, et qu'il y aurait même accueilli Louis XIII : le roi aurait été reçu au château le par son ami Henri de Beringhen (1603-1692), seigneur d'Armainvilliers et de Grez (en Seine-et-Marne ; son fils Jacques-Louis Ier obtint de Louis XIV le titre comtal en 1704[7]), issu d'une lignée de gentilshommes aventuriers protestants d'origine hollandaise, et dont le père, - Pierre de Beringhen[8] († 1619), domestique d'un seigneur normand (Henri-Robert Aux-Epaules de Ste-Marie-du-Mont) dont il entretenait la collection d'armes, fut remarqué par Henri IV qui en fit ensuite son premier valet de chambre. Henri de Beringhen, exilé en Hollande et en Allemagne à la suite d'un différend avec le cardinal de Richelieu (il sert alors Gustave-Adolphe dans la guerre de Trente Ans), en revient à sa mort en 1642 et reçoit alors la charge de premier écuyer de la Petite Écurie. Par ailleurs, cette famille possède jusqu'en 1710 le domaine de La Rivière vers Thomery, en Seine-et-Marne. Après Henri, son fils et successeur dans la charge de Premier Ecuyer, - Jacques-Louis (Ier) de Beringhen (20/10/1651 - 1/05/1723), époux en 1677 de Marie-Magdeleine-Elisabeth-Fare d'Aumont (fille du duc Louis-Marie-Victor), voit en ses grandes terres bretonnes de Châteauneuf érigées en marquisat.

Cité par des historiens d'art comme collectionneur d'estampes de Rembrandt, il reçut Louis XIV à Azay, dont il fit édifier les communs actuels. Puis - Jacques-Louis (II) de Beringhen (1680-1723), son fils homonyme, 2e marquis de Châteauneuf, comte du Plessis-Bertrand et d'Armainvilliers, dit "le marquis de Beringhen", marié le à Marie-Louise-Henriette, fille d'Henri-Charles de Beaumanoir marquis de Lavardin, meurt maréchal de camp le (voir le portrait exposé au château). Dans la vente de la collection du marquis de Beringhen, premier écuyer de Louis XV, qui eut lieu à Paris le 2/07/1770, figura la série des Quatre Éléments de Nicolas Lancret (qui fut gravée), ornant une chambre de son hôtel parisien de la rue Saint-Nicaise, ainsi que sous le numéro 36 deux tableaux ovales commandés à François Boucher, Les Amusements de la campagne et La Musique pastorale (1743), qui furent vendus 1 400 livres ; ces deux œuvres figurèrent aux ventes Dangé, fermier général (7/02/1778,) de Pange (5/03/1781), baron de Cassin, puis Polo ("Vente de 26 chefs-d’œuvre de la peinture française du XVIIIe siècle") à Paris le 30/05/1988 (reprod. coul p. 62 et 65 du catalogue).

C'est par la sœur de Jacques-Louis II, Anne-Bénigne de Beringhen rencontrée plus haut, épouse en 1701 d'Emmanuel-Armand de Vassé, qu'Azay serait revenu aux Vassé.

Quatre générations de Biencourt au XIXe siècle[modifier | modifier le code]

Vue du château et des douves.

En 1791 le château « abandonné et très dégradé » est vendu pour 300 000 livres tournois par Henry de Courtemanche au marquis Charles de Biencourt (1747-1824), page des écuries de la Reine en 1761, maréchal des camps et armées royales, député de la Noblesse aux États Généraux de 1789, puis à la Constituante. Il lui donne son aspect actuel en procédant à de profonds changements intérieurs et extérieurs. Ses descendants le conserveront jusqu'en 1899.

Famille d'origine picarde citée au XIIe siècle, les Biencourt portaient "De sable, au lion d'argent, couronné, armé et lampassé d'or".

Époux depuis 1770 de Marie-Jeanne Chauvelin de Beauséjour, qui est peut-être La femme au miroir portraiturée au pastel par Maurice Quentin de La Tour du musée des Arts décoratifs de Lyon[9], le premier marquis de Biencourt possédait un hôtel rue de Richelieu à Paris ; en 1824 - année de sa mort - il fit ajouter au rez-de-chaussée Sud du château un « pavillon chinois » (détruit vers 1860 ?), et vers 1825 ou 1826 aménager la bibliothèque qui, comme le salon situé à l'opposé, est alors décoré de lambris bas en bois mouluré surmontés d'une toile peinte à grands motifs végétaux (conservée - projet de restitution de l'état XIXe).

Les Biencourt emploient ici l'architecte français Pierre-Charles Dusillion, qui avait également travaillé au château voisin d'Ussé, et vers 1835 fut l'auteur de l'hôtel particulier du 14, rue Vaneau à Paris (VIIe), dont les ornements de la façade de style néo-Renaissance sont dus au sculpteur Dominique Molknecht.

On peut citer quelques épaves de la collection d'art du couple :

  • un tableau de Salomon van Ruysdael, Vue de fleuve avec la ville de Weep (vers 1650), ayant fait partie au XVIIIe siècle de la collection; a figuré à la XXVe Biennale des Antiquaires de Paris en septembre 2010[10] ;
  • Louis XIV franchissant le Rhin, d'Adam François van der Meulen et une paire de tableaux, Louis XIV à la bataille de Bruxelles (?), et La défaite du comte Marsin près le canal de Bruges, atelier de Martin dit des Batailles, les trois toiles portant une étiquette de collection aux nom et armes du marquis et provenant de sa descendance dans la région, passèrent en vente aux enchères publiques à Cheverny les 6, 7 et 8 juin 2009[11].
  • la seule réplique localisée (sur six connues) dans une collection privée américaine en 1988, du célèbre Portrait de Marie-Antoinette en robe de velours par Élisabeth Vigée-Lebrun (1778), qui passa dans la collection E. de Rothschild au début du XXe siècle ; l’œuvre originale figura dans la "Vente de 26 chefs-d’œuvre de la peinture française du XVIIIe siècle" (collection Polo) à Paris le 30/05/1998 (reprod. coul. p.105 du cat.)

Son fils Armand-François-Marie (1773-1854), 2e marquis de Biencourt, a été garde de Louis XVI et à ce titre a participé à la défense des Tuileries le 10 août 1792 ; du fait de son mariage en 1800 avec la richissime Antoinette-Marie d'Apchon, il put constituer un des premiers patrimoines fonciers de France. Maire de la commune d'Azay de 1825 à 1830, il entreprend la première grande restauration du château : rétablissement des voûtes et des lucarnes, restitution des médaillons et insignes royaux de l'escalier[réf. nécessaire], construction d'une nouvelle tour de style Renaissance « remplaçant le vieux donjon », par Dusillion. Il fait aussi élargir le terre-plein dominant la rivière au sud, créant ainsi une grande terrasse desservie depuis le salon par un perron, qui sont supprimés lors de la restauration du XXe siècle.

Dès 1840, le château est inscrit sur la liste des monuments historiques mais, en 1845, les derniers vestiges médiévaux sont démolis pour laisser place à deux nouvelles tours d'angle sur cour.

En 1871, pendant un mois, la demeure est occupée par le prince Frédéric-Charles de Prusse, neveu du roi de Prusse, et son état-major, les Biencourt mère et fils se réfugiant alors dans les communs. Il occupe aussi pendant six semaines avec ses soldats le village de Saint-Patrice en Indre-et-Loire, et le château de Rochecotte. Ayant pris la chute fortuite d'un lustre dans les cuisines d'Azay pour un attentat envers lui, le prince faillit faire incendier le château, avant que ses officiers l'en dissuadent.


« M. le marquis de Biencourt entretient avec beaucoup de soin son château (...) on y visite surtout avec intérêt une collection de portraits historiques attribuée aux meilleurs maîtres[12]. »

Cette série unique de 300 effigies, selon un inventaire réalisé à la mort d'Armand-Marie-Antoine de Biencourt (1802-1862), 3e marquis de Biencourt, constituée en partie grâce à la fortune de son épouse depuis 1824, Aurélie de Montmorency-Robecq-Tancarville (1803-1883), fait alors du château l'un des plus beaux musées de France de l'époque, et chose rare pour un bien privé sous le Second Empire, ouvert aux visiteurs ; en 1868 il est cité par Adolphe Johanne dans son Guide de la Loire et du Centre : « (...) les appartements renferment une très riche collection de portraits historiques et plusieurs objets curieux (...) de jolis bahuts (...) une très belle tête en marbre trouvée dans une ferme. »

Ruiné entre autres par le krach boursier de l'Union Générale (1882) et ne pouvant plus assurer l'entretien du domaine, son fils Charles-Marie-Christian (1826-1914), 4e marquis et propriétaire depuis 1862, veuf jeune et ayant perdu ses deux fils, est contraint en 1898 de mettre en vente ce patrimoine.

Dans un premier temps il met en vente le mobilier et les œuvres d'art, puis la demeure et ses 850 hectares de terres dont un parc de 24 hectares, douze fermes, trois moulins à eau.

Ces biens sont acquis une première fois en pour 1 280 000 francs par le vicomte Henry de Larocque-Latour (et sa femme Alice de Cugnac) - qui revend aussitôt deux fermes - dans le but de le transformer « en université destinée à de jeunes pensionnaires étrangers qui auraient étudié la civilisation française » ; mais il n'a pas les moyens financiers de son projet et s'avère insolvable ; il est placé sous saisie par le tribunal civil de Chinon en 1902 qui ordonne une nouvelle vente[13], et le domaine est revendu le pour 517 000 francs à Jean-Achille Arteau, "avoué plaidant à Tours", homme d'affaires avisé qui conserve les vastes terres et bois de bon rapport - susceptibles d'être valorisées - mais veut se défaire du château, qui resta vide, et de son parc, qu'il propose à l'État.

D'un château à l'autre, d'Azay à Chantilly[modifier | modifier le code]

Son offre acceptée, le , M. Arteau vend à l'État le château et une partie du parc pour 200 000 francs-or (de l'ordre de grandeur d'un million d'euros de 2023), grâce à un legs de l'industriel Léon Dru ; l'ensemble est classé Monument Historique le même jour, et un an plus tard y est créé par décret un « musée national de l'art de la Renaissance », placé sous la double responsabilité du conservateur Xavier de Ricard et de l'architecte Jean Hardion. Depuis 1907, il a fait l'objet d'importantes restaurations.

En 1939-1940, le château en partie démeublé abrite la Direction Générale de l’Éducation Nationale « en repli » comme les autres ministères français.

Les descendants d'Armand de Biencourt ayant conservé ou ayant pu racheter lors de ventes une partie de son importante collection, sa petite-fille Marguerite Marie Amélie[14] offre en 1939 au "Musée Condé" de Chantilly un ensemble de 52 portraits dessinés de maîtres anciens (François et Jean Clouet, Corneille de Lyon, Holbein, Memling, Pourbus, Cranach[Lequel ?], Rubens, Stella).

Du fait de la Seconde Guerre mondiale, ce don ne fut effectif que le [15]. Par ailleurs, le musée du Louvre conserve deux coffres en bois sculpté, dont un daté du XVIe siècle, provenant du château[16].

Le château est aujourd'hui géré par le Centre des monuments nationaux[17]. Il a bénéficié d'importants dépôts du Mobilier national pour reconstituer d'après photographies, l'ambiance des intérieurs des Biencourt.

Extérieur[modifier | modifier le code]

Vue du château d'Azay-le-Rideau par le côté de la cour intérieure.

Décrit par Balzac (hôte de Saché) qui y déjeune une fois, comme « un diamant taillé à facettes serti par l’Indre », Azay-le-Rideau est un des plus célèbres châteaux de la Loire.

Relativement petit, le corps de logis s'articule en un corps principal et une aile en équerre, quadrillés de bandeaux horizontaux, entourés par l'Indre et par un parc boisé. Chaque angle est pourvu d'une tourelle. Le centre du bâtiment est désigné par l'entrée monumentale, ainsi que par l'escalier d'honneur à rampes droites qui dérègle le rythme des fenêtres : il dispose en effet de trois étages de baies jumelées formant des loggias et un fronton ouvragé, décalés par rapport au réseau des fenêtres du reste de l'édifice. Cet élément à grande valeur décorative est composé de plusieurs ornements à la mode italienne : colonnes, pilastres, coquilles, médaillons, etc.

La salamandre de François Ier et sa devise : « Nutrisco et extinguo ».

La porte d'entrée, semblable aux arcs de triomphe romains est ornée des initiales de Gilles Berthelot et de sa femme, tandis que la partie inférieure des baies est décorée de la salamandre et de l'hermine, en référence au roi François Ier et à son épouse Claude.

Les volées portant le plafond de l'escalier d'honneur sont ornées de caissons encadrant des médaillons sculptés représentant des visages ou bustes de personnages vus de profil, certains du XVIe siècle, série qui fut continuée par l'ajout de « la filiation des rois et reines de France de Louis XII jusqu'à Henri IV » commandée par Armand-François de Biencourt. Les clés d'arc présentent des sculptures très travaillées.

Mais cette inspiration italianisante alterne avec des références féodales devenues éléments de décor. Ainsi, on observe la trace de mâchicoulis sur les toits et d'un chemin de ronde sur les murs extérieurs dont la disposition - courant sur trois côtés et se prolongeant derrière les fenêtres ouvertes dans le parapet - rappelle celle du château de Montsoreau. Tout cela mêlé à de hautes toitures, ornées de poivrières effilées et de longues lucarnes.

Intérieur[modifier | modifier le code]

Antichambre au premier étage du château. Au-dessus de la cheminée, un portrait du marquis de Beringhen, par Mignard.

L'intérieur reste celui d'un château de la Renaissance italienne, avec ses décors sculpturaux riches, où restent des traces de la Renaissance flamande avec les tapisseries du XVIe siècle et XVIIe siècle exposées dans plusieurs pièces du château.

On note des « verdures » d'Anvers et Tournai, des scènes de l'Ancien Testament tissés à Audenarde, l'Histoire de Psyché réalisée à Bruxelles, ou encore la tenture de Renaud et Armide, exécutée à Paris dans les ateliers du faubourg Saint-Marcel d'après des cartons de Simon Vouet. Le mobilier et le décor sont également très riches : chaire à dais en chêne de la fin du XVe siècle, crédences, etc. ainsi que plusieurs tableaux, dont une Dame au bain (Diane de Poitiers ?) de François Clouet, le portrait de Catherine de Médicis, ou encore un tableau représentant la scène du «Camp du Drap d'Or».

L'intérieur est notamment constitué de plusieurs salons et appartements, dont la plupart ont été redécorés dans le style néo-Renaissance au XIXe siècle :

  • Une « chambre blanche », meublée d'un lit de satin brodé de la fin du XVIIe siècle et de tapisseries représentant des scènes de chasse du XVIIe siècle ainsi qu'un portrait ornant la cheminée ;
  • La « chambre bleue », au deuxième étage, fut occupée par Louis XIII, qui y a dormi deux nuits. Elle est notamment meublée d'un cabinet en poirier noirci orné de scènes gravées sur ivoire, représentant la guerre de Trente Ans ;
  • La bibliothèque possède une cheminée, des lambris bas un riche décor mural, et abrite un ensemble de gravures plans et dessins montrant les différentes restaurations menées par les Biencourt (projet de restitution de l'état XIXe siècle) ;
  • La salle à manger ;
  • Le salon, ouvert par des vitraux des XVIe et XVIIe siècles, et orné de portraits royaux et tableaux de la Renaissance et du XVIIe siècle, dont un portrait de Diane de Poitiers tiré de l'atelier de François Ier, un portrait du duc et de la duchesse de Longueville, un portrait de Marie d'Autriche, sœur de Charles Quint, et de Catherine de Médicis. Cette salle possède une cheminée monumentale décorée d'une salamandre ;
Chambre Renaissance dite « de Philippe Lesbahy », reconstitution du début du XXIe siècle. Lit à colonnes du XIXe siècle de style néo-renaissance[18].
  • Les appartements royaux, composés d'une antichambre dans laquelle sont exposés des portraits représentant certains rois de France comme François Ier, Henri III ou encore Louis XIII, et murée de tentures rouge et or ; la grande chambre royale, est décorée d'une tapisserie du début du XVIIe siècle ;
  • La grande salle du premier étage, est décorée de tapisseries des XVIe et XVIIe siècles, et d'une cheminée qui est ornée de la salamandre de François Ier et d'une frise de feuillages. Les murs sont teints de bleu ;
  • Un cabinet espagnol du XVIe siècle et un autre portugais du XVIIe siècle ;
  • La vaste cuisine voûtée en croisée d'ogives est rehaussée au XIXe siècle et possède une cheminée qui est ornée du sceau des Berthelot ;
  • Chambre du maître de maison, meublée et tapissée à la mode du XVIe siècle ;
  • La salle de billard (beau meuble du XIXe siècle) a une cheminée du XVIe siècle, avec un moulage dont l'original est au château de Montal (Lot). Cette salle est ornée de deux tapisseries de Beauvais du XVIIIe siècle : Chasse au canard et Chasse au cerf.

Depuis 2012, le château est progressivement remeublé suivant un partenariat scientifique entre le Centre des monuments nationaux et le Mobilier national. En se fondant sur les inventaires de 1854 et de la fin du XIXe siècle (ameublement des marquis de Biencourt), le Mobilier national a déposé 140 meubles, bronzes et tableaux équivalents à ceux d'origine. Ce dépôt a permis de remeubler l'intégralité du rez-de-chaussée (bibliothèque, grand salon, salle à manger, salle de billard) avec des objets des XVIIIe et XIXe siècles. Rideaux, tapis de table et bandeaux de cheminée ont été refaits par les ateliers du Mobilier national, en se fondant sur les sources d'archives et les photographies anciennes. La nouvelle présentation des salles a été inaugurée le .

Jardins[modifier | modifier le code]

Les jardins actuels ont été profondément réaménagés au XIXe siècle par les Biencourt, qui les redessinent en un grand parc paysager.

Au sud et à l'ouest, ils sont dotés de deux miroirs d'eau (héritages symboliques d'anciennes douves, ces miroirs sont en fait créés en 1950 par l'architecte en chef des monuments historiques qui a fait élargir le bras de la rivière de façon que l’eau borde les fondations[19] dans lesquels se reflètent les façades.

Iconographie[modifier | modifier le code]

Le peintre Bernard Buffet a représenté sa façade sud en 1969 dans une huile sur toile qui a figuré à une vente aux enchères publiques du 11 décembre 2017[20].

Protection[modifier | modifier le code]

Le château a tout d'abord été classé monument historique sur la liste de 1875; il a été déclassé en 1888 avant d'être reclassé par arrêté du 11 août 1905 avec son parc et ses dépendances[2].

Il est accessible par la ligne TER Tours - Chinon qui marque systématiquement l'arrêt dans la commune.

Photographies[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Coordonnées vérifiées sur Géoportail et Google Maps
  2. a et b Notice no PA00097546, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. « Azay-le-Rideau, p. 99-104 », sur Dictionnaire géographique, historique et biographique d'Indre-et-Loire et de Touraine, t. Ier, par Jacques-Xavier Carré de Busserolle, chez Rouillé-Ladevèze à Tours, 1878
  4. a et b Jean Des Cars La véritable histoire des châteaux de la Loire Ed. Plon, 2009
  5. « Armand-Mathurin de Vassé et sa mère Anne-Bénigne de Beringhen », sur Geneanet Pierfit
  6. « De Beringhen », sur Le Marois
  7. « Les Beringhen et Armainvilliers », sur Au pays de la Brie : Balade en Pays briard
  8. « Pierre de Beringhen », sur Geneanet Pierfit
  9. Reproduction dans "Dossier de l'art" no 111/ septembre 2004, p. 3.
  10. reprod. ds "L'Estampille-L'Objet d'Art", no 460, septembre 2010, p. 56
  11. Reproduction sous les no 31 et 32 du catalogue.
  12. G. Touchard-Lafosse, La Touraine historique, pittoresque et biographique, Tours, Lescene, 1856, p. 289.
  13. « Journal de Chinon : littéraire, commercial, judiciaire et d'annonces », sur Gallica, (consulté le )
  14. Marguerite Marie Amélie épouse le 22 octobre 1903 le vicomte Edmond de Montaigne de Poncins (sa bibliothèque est vendue à Cheverny le 10 juin 2002). Elle est la fille de Léon de Biencourt (+ 1871) et de Valentine de Chaponay, créatrice de meubles et d'objets d'art inspirés du XVIIIe siècle français (musée des Arts décoratifs de Lyon). Elle est restée sans descendance comme ses deux sœurs Jeanne, comtesse de Lur-Saluces et Charlotte, comtesse de Cossé-Brissac - elle-même donatrice en 1947 au musée des Beaux-Arts de Tours de peintures, meubles et livres anciens provenant des Biencourt.
  15. Henri Malo, Une journée à Chantilly, Braun, 1946, pp. 14 et 15.
  16. Reproduction par Gustave Geffroy dans Le Palais du Louvre, architecture-mobilier-objets, collection "les Musées d'Europe", Paris, éditions Nilsson, s.d.
  17. Site des Monuments nationaux.
  18. « La chambre Renaissance », notice sur le site du château d'Azay-le-Rideau azay-le-rideau.fr.
  19. Le miroir d'eau, sur azay-le-rideau.fr
  20. Reproduction couleurs dans "La Gazette Drouot" no 42 du 1/12/2017, p. 123.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean des Cars, La véritable histoire des châteaux de la Loire (éditions France Loisirs, 2011, p. 147 à 159);
  • Philippe de La Genardière, le château d'Azay ou le corps perdu - photographies de Stanislas Stanojevic (Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, 1994);
  • Jean-Claude Le Guillou, Azay-le-Rideau Entre Renaissance et Romantisme (C.N.M.H.S. / C.N.R.S. éditions 1995);
  • L'ABCdaire des châteaux de la Loire, collectif, (Flammarion, 1996)
  • Azay-le-Rideau, collectif (hors-série de « Connaissance des Arts »/éditions du Patrimoine-Centre des Monuments Français, 2007);
  • Margot Boutges, Le salon des Biencourt reprend vie ("Le Journal des Arts" no 452 du 4 au 7/03/2016);
  • Pierre Arizzoli-Clémentel, A la recherche du temps perdu : un rare salon fin de siècle relatif au "salon Biencourt" ré-exposé au Musée des Arts Décoratifs de Lyon ("L'Estampille-L'Objet d'art" no 250/septembre 1991 p. 84 à 94, ill.);
  • Guillaume Morel, Azay le Rideau au temps des Biencourt ("Connaissance des Arts", numéro annuel sur le patrimoine en France, p. 36 37, ill. et une vue d'ensemble du salon p. 34 et 35)
  • Boudon-Machuel Marion, Le château d'Azay-le-Rideau, Éditions du Patrimoine, 2018
  • Laurent-Rogowski Chrystelle, Le château d'Azay-le-Rideau (NE), Broché, mai 2018

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]