Charivari (rituel)

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Un charivari Écouter (du bas latin caribaria emprunté au grec ancien καρηβαρία / (karêbaría) qui signifie « lourdeur de tête », « mal de tête ») est un rituel ou rite collectif occidental, très similaire au carnaval. Il s'en distingue toutefois en ce qu'il n'est pas lié au calendrier.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Charivari (lithographie de Grandville).

Dans le livre 8 des Lois, Platon mentionne que le fait de frapper des vases d'airain attire les essaims d'abeilles fugitifs et permet ainsi de les dérober à leur propriétaire : « Si, se laissant aller à la passion d’élever des abeilles, on s’approprie les essaims d’autrui, et qu’on les attire chez soi en frappant sur des vases d’airain, on dédommagera celui à qui ces essaims appartiennent. »

Ce frappage de récipients métalliques est appelé charivari au XIXe siècle par Loche qui cite Platon dans son mémoire de 1830 sur les abeilles[1].

Le charivari est aussi un cortège dans lequel de nombreux musiciens et passants font du bruit avec toutes sortes d'objets, généralement détournés de leur usage traditionnel (ustensiles de cuisine), ou instruments rudimentaires tels que crécelle, claquoir ou tambour à friction. Cette « contre-musique » fait pendant aux musiques religieuses, à l'harmonie. C'est une parodie.

Le charivari est une démarche symbolique des membres d'une communauté villageoise, une démonstration empreinte de violence morale et parfois physique visant à sanctionner des personnes ayant enfreint les valeurs morales et (ou) les traditions de cette communauté[2].

Le terme désigne aussi bien le défilé en lui-même qu'un bruit discordant généré par de nombreuses personnes, du tapage ou encore du bruit accompagné de désordre. Dans ce dernier cas, on parle aussi de chahut. Le rituel est attesté dès le XIVe siècle. Il se tient à l'occasion d'un mariage jugé mal assorti (c'est notamment le cas des charivaris organisés lors du mariage d'un homme âgé avec une jeune femme) ou d'un remariage (notamment quand un veuf ou une veuve se remarie trop vite après le décès de son premier conjoint : il s'agit alors d'un rite funéraire dans lequel le bruit est le seul moyen d'expression du défunt[3]). Le charivari pouvait durer très longtemps, tant que les personnes mises en cause n'acceptaient pas de verser une sorte de rançon, comme au minimum offrir à boire aux participants, et souvent de « courir l'âne » (asoade en Gascogne) : les conjoints devaient enfourcher un âne, la femme dans le bon sens, l'homme à l'envers, tourné vers le derrière et tenant en main la queue de l'animal, en général au moment du carnaval, au milieu de la foule qui les conspuait. Ces rituels effectués, le calme revenait. Si les personnes incriminées refusaient de « courir l'âne », ils étaient remplacés par des comparses qui jouaient leur rôle, mais en ce cas c'est leur position au sein de la communauté qui était gravement compromise. Les autorités interdisaient la pratique du charivari qui troublait l'ordre public. Un usage de substitution, essentiellement plus discret et garantissant l'anonymat des participants, fut alors, en Gascogne, Béarn et Pays basque, la jonchée, qui consistait à unir les domiciles des deux personnes accusées d'adultère par une jonchée de feuillage, de fleurs, de paille ou d'objets hétéroclites. On trouve trace de cette tradition dans le Roman de Fauvel, admonitio (mise en garde pour le roi) composé par Philippe de Vitry durant le XIVe siècle.

Un des charivaris les plus célèbres est celui qui fut organisé par le roi Charles VI, à l'occasion duquel périrent brûlées quatre personnes proches du roi, resté dans l'histoire sous le nom de bal des ardents.

Au XIXe siècle, le folkloriste Jean-François Bladé, dans la préface de ses Contes populaires de la Gascogne[4], a raconté en détail un charivari engagé par sa propre nourrice contre un couple dont le mari avait été battu en public par sa femme, et auquel, encore enfant, il avait activement participé[5].

Dans le film Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne, un charivari est mis en scène où les villageois conspuent les personnages principaux car ceux-ci, bien que mariés depuis plusieurs années, n'ont toujours pas d'enfant. La foule se disperse après que le père de l'époux leur jette la rançon, constituée d'une poignée de pièces de monnaie.

Nouvelle-France[modifier | modifier le code]

Le premier charivari a lieu à Québec en 1683. Il sanctionne le mariage de la veuve de François Vézier trois semaines après le décès de son époux. Jugeant le mariage trop hâtif, les manifestants se réunissent sous les fenêtres de la maison du couple durant six jours, réclamant une amende. François de Laval intervient pour mettre fin au charivari avec la menace d'excommunication[6].

Son intervention reflète la position de l'Église face au charivari, jugé comme empiétant sur ses prérogatives de pardon. De plus, certains charivaris pouvaient mal virer avec violence physique et décès[6].

Chili[modifier | modifier le code]

Au Chili, ce rituel porte le nom de funa. Il s'agit d'une manifestation contre une personne ou un groupe de personne répudié par la société. Le nom provient de la langue mapudungún funa, qui correspond à quelque chose de pourri. Une personne ayant subi une funa est appelée «funado» ou «funada». On peut citer par exemple la funa réalisée contre Edwin Dimter Bianchi, l'assassin présumé de Victor Jara à Santiago[7],[8], qui mena à son interpellation[9]. La manifestation eu lieu avec le slogan Si no hay justicia, hay funa ! (« S'il n'y a pas de justice, il y a la funa ! ») et Alerta, alerta vecino ! Al lado de tu casa, vive un asesino ! (« Alerte, alerte voisin. Près de chez toi vit un assassin !) ».

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Comte de Loche, De l'abeille chez les anciens, Mémoires de la Société académique de Savoie,  Chambéry, 1830, p. 16, 213, 214.
  2. Annick Le Douguet, "Violence au village", Presses universitaires de Rennes", 2014, (ISBN 978-2-7535-3294-6)
  3. Victor W. Turner, Le phénomène rituel. Structure et contre-structure, PUF, , 208 p.
  4. Jean-François Bladé Contes populaires de la Gascogne, Paris, Maisonneuve frères et C. Leclerc, , 358 p. (lire en ligne)
  5. Réédition in Jean-François Bladé, Les Nouvelles, Toulouse, éditions Loubatières, 2000.
  6. a et b Gaétan Bourdages, Autant en emporte le temps, Montréal, Éditions Histoire Québec, , 317 p. (ISBN 978-2-89586-257-4), p. 103
  7. (sv) « El hombre que asesinó a VÍCTOR JARA.... » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  8. (sv) « Funa a Edwin Dimter Bianchi, "el principe" Asesino de Victor Jara » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  9. « Voici l'homme qui a assassiné le chanteur Víctor Jara. Il crie “au secours!” », sur over-blog.com, Last Night in Orient, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]