Chant de révolte

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Le Chant de révolte ou la chanson contestataire, entre autres noms, est un genre musical. Un certain nombre de chansons populaires s'y apparentent.

En France, La complainte de Mandrin ayant eu un succès à la veille de la Révolution française en est un exemple. Les chants des esclaves noirs sont, par excellence, des chants contestataires. À l'Île de la Réunion, la pratique du rouleur, un tambour fait dans un tonneau de bateau, symbole des esclaves, est resté interdite jusqu'en 1981.

En 2013, Kent (chanteur), animateur d'une émission (Vibrato) de radio française, consacrée à la vie de la musique, réalise une émission sur le sujet : « On confond chanson engagée et chanson révoltée. On pourrait dire qu’une chanson engagée est partisane et militante tandis qu’une chanson révoltée peut simplement se contenter de dénoncer. La position du chanteur n’est pas la même dans l’un ou l’autre des cas. »[1]. « Une chanson qui dénonce simplement la misère ou qui vitupère contre la société sans proposer de solutions n'est pas une chanson engagée. C'est une chanson révoltée. »[2]

La chanson de révolte française

La Marseillaise

Hymne national de la République française, la Marseillaise est au départ un chant de guerre et c'est ce que lui reprochent ses opposants aujourd'hui. Elle a été créée en 1792 alors que l'assemblée constituante a convaincu le roi Louis XVI de déclarer la guerre à l'Autriche. Les troupes sont en garnison à Strasbourg et Claude Joseph Rouget dit de Lisle (plus connu sous le nom de Rouget de Lisle), connu localement pour son Hymne à la liberté, se voit confier par les généraux et le maire de la ville la réalisation d'un chant de guerre pour encourager les troupes. Il compose alors le Chant de guerre pour l'armée du Rhin. Celui-ci est porté de ville en ville par les soldats et il atteint Marseille où il rencontre un vif succès auprès des Fédérés. Ils le chantent pendant leur trajet vers Paris qui les amène à participer à l'insurrection du Palais des Tuileries le 10 août 1792. C'est alors que le chant de guerre révolutionnaire prend le nom de Marseillaise.

La Marseillaise est d'abord le chant des partisans de la Révolution (les patriotes). Il n'est pas orienté contre les étrangers en tant que tels, bien qu'écrit dans un contexte de déclaration de guerre de la France à l'Autriche, mais contre les ennemis de la Révolution (ou contre-révolutionnaires), qu'ils soient Français (principalement les nobles qui ont émigré dans l'espoir de voir l'absolutisme rétabli en France) ou étrangers. D'ailleurs, un Français, Bouillé, qui incarne le mieux la trahison contre la révolution, est directement nommé dans un couplet. Les puissances voisines de la France sont visées, en particulier l'Autriche et la Prusse qui incarnent alors le mieux l'absolutisme et le conservatisme.

Rencontrant toujours un grand succès, la Convention du 26 messidor an III (14 juillet 1795) la décrète chant national. Interdite sous l'Empire et la Restauration, elle réapparait lors des Trois Glorieuses de 1830. Elle accompagnera, reprise par le peuple, la lutte contre la domination allemande pendant les trois guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945.

Aujourd'hui, le chant est parfois critiqué comme étant un chant de guerre, qui a été repris par les nationalistes au début du XXe siècle et opposé à L'Internationale de la gauche.

La Carmagnole

La Carmagnole est une chanson révolutionnaire.

Le Temps des cerises

Avant d'être reprise comme une chanson d'amour, Le Temps des cerises est un poème révolutionnaire, écrit en 1866 par un militant révolutionnaire républicain, Jean-Baptiste Clément. Maire de Montmartre, il est très engagé dans la Commune de Paris. Il a été emprisonné sous Napoléon III et s'est réfugié 8 ans à Londres. En 1867, le poème est mis en musique par Antoine Renard, ténor d'opéra. La chanson a été associée à l'insurrection parisienne de la Commune en 1871, qui s'est déroulée pendant la saison des cerises (fin mai).

L'Internationale

L'écriture de L'Internationale par Eugène Pottier en 1871 est intimement liée à la répression de la Commune de Paris par Adolphe Thiers. Elle n'est mise en musique que 17 ans plus tard, en 1888 par Pierre Degeyter à Lille. Elle connaît la célébrité à la faveur des congrès du Parti ouvrier français en 1896 et 1899, puis du Congrès international socialiste de Paris de 1900. C'est au congrès de Copenhague, en 1910, qu'elle commence sa carrière internationale avec une exécution magistrale par 500 choristes et musiciens. En 1928, Pierre Degeyter est invité à Moscou où le congrès de l'internationale communiste lui rend hommage[3].

L'internationale exprime la pensée socialiste. Elle renvoie à la précarité extrême dans laquelle vivent les prolétaires, ouvriers et paysans, au XIXe siècle. Ils sont "esclaves" de la bourgeoisie car ils ne possèdent pas leurs outils de travail. Ils sont "esclaves" de l’État car en plus ils doivent payer l'impôt. Le chant revendique la propriété commune et l'égalité sociale, revendication légitime car les travailleurs sont les créateurs de richesses.

Le chant se diffuse dans la classe ouvrière française dans les années 1890, d'abord au Nord puis dans l'ensemble du pays. Il monte en puissance jusqu'à la Grande Guerre. Il s'affirme chez les socialistes contre La Marseillaise récupérée par les nationalistes. Mais il rencontre bientôt un succès fou au-delà des frontières françaises. Il se fait connaître en Belgique : ainsi, c'est à Bruxelles, en 1904 qu'il devient le chant officiel au Bureau Socialiste International. L'URSS en fait son hymne officiel dès 1917. Il devient un chant populaire chez les brigades internationales espagnoles lors du coup d’État de Franco en 1936. Mais c'est surtout après la Seconde Guerre mondiale qu'il se diffuse mondialement.

Les chansons de Montéhus

Montéhus est né peu après la Commune de Paris. Il est engagé à gauche. Sa chanson Gloire au 17e en l'honneur d'un régiment de soldats qui refusa de tirer sur une manifestation de vignerons à Béziers, le fait connaître en 1907. Il dénonce la guerre, la prostitution, l'exploitation capitaliste, l'impôt et la misère. Il est condamné pour "incitation à l'avortement".

Pendant la Première Guerre mondiale, il chante désormais des chansons militaristes mais il rallie la SFIO dans les années 1930 et soutient le Front Populaire. L'une de ses chansons les plus connues est La butte rouge qui fait référence à la butte de Bapaume à Berzieux dans la Marne, le théâtre de violents combats sur le front de la Somme pendant la Première Guerre mondiale durant l'offensive de l'été 1916.

En 1920, il écrit les paroles de La Jeune Garde juste avant le Congrès de Tours fondateur du Parti communiste français. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, ce chant est entonné tant par les jeunesses socialistes que par les jeunesses communistes.

Le Chant des partisans

C'est le 30 mai 1943 tandis que dans la Seconde Guerre mondiale, le vent tourne en faveur des puissances alliées et de la Résistance contre le nazisme que naît à Londres le fameux Chant des partisans. Il restera le symbole de la résistance française à l'occupation allemande. Il fut surnommé « La Marseillaise de la Résistance ». Le texte est de Joseph Kessel et Maurice Druon, la musique d'Anna Marly. Il sera l'indicatif de l'émission de la BBC Honneur et Patrie de mai 1943 à mars 1944, mais il sera surtout le chant de ralliement.

Hymne de la Résistance, Le Chant des Partisans est aussi un appel à la lutte fraternelle pour la liberté.

L'après mai 68

En France, certains artistes contestataires font entendre leur voix après les mouvements de Mai 68.

Renaud construit sa carrière avec des chansons exprimant sa révolte dès son premier album en 1975, avec des titres comme Camarade bourgeois (satire de la bourgeoisie), Hexagone (qui se moque des coutumes françaises archaïques et des réactions droitières des Français) ou Société tu m'auras pas (où le chanteur prône le retour de la Commune). Léo Ferré l'anarchiste, met en musique la désillusion de Mai 68 dans Il n'y a plus rien.

En 1971, Georges Coulonges pour célébrer le centenaire de la Commune de Paris, écrit une chanson mis en musique et interprété par Jean Ferrat La Commune. Dans le refrain, il évoque les chants de la Commune.

En 1977, Michel Fugain crée la chanson Le Chiffon rouge au Havre qui représente les mal lotis de la ville (détruite lors de la Seconde Guerre mondiale). Avec les premiers licenciements massifs dans la sidérurgie, à la fin des années 1970, la chanson a du succès. La même année, Pierre Perret chante Lily une chanson engagée contre le racisme ordinaire. Elle met en scène une Somalienne immigrée qui déchante face à la façon dont elle est reçue en France.

Années 1980

Durant les années 1980, des groupes de musique anarcho-punk comme les Bérurier Noir et René Binamé, produisent des chansons de révolte.

Années 1990

À partir des années 1990, le rap politique prend de plus en plus de place dans la catégorie des chansons de révolte. Il est apparu durant la décennie des années 1980 (voir l'article rap français section historique). Ces chansons engagées restent généralement écartées des médias de masse.

Le « protest song »

Les genres musicaux se sont aussi diversifiés et ce ne sont plus seulement des ballades folks mais aussi du hip-hop, du punk ou de la pop. Des artistes d'autres pays peuvent être comparés à ce « protest song », véritable chanson populaire des temps modernes : Gilles Servat en France, Bob Dylan ou Rage Against the Machine [4] aux États-Unis, The Clash ou Chris TT[5] en Grande-Bretagne, Bob Marley en Jamaïque, Fela Kuti ou Femi Kuti au Nigeria, Jan Hammarlund[6] en Suède, ou Silvio Rodríguez à Cuba.

La chanson protestataire algérienne

Des algériens comme Baaziz, Double Kanon ou Matoub ont laissé une empreinte conséquente dans la scène musicale contestataire et rebelle algérienne et arabe de la fin du XXème siècle, par leur contestation des politiques et de la société avec différents styles musicaux (Chaabi, Rap et Berbere). Matoub y a laissé la vie.

Nueva canción

La Nueva canción est un mouvement ibérique et latino-américain de protest songs folk initié par des artistes chiliens comme Violeta Parra (Gracias a la Vida) et Víctor Jara. La Nueva canción est largement reconnue pour avoir joué un grand rôle dans les mouvements sociaux au Portugal, en Espagne et en Amérique latine dans les années 1970 et 1980.

C'est d'abord la Nueva canción du Chili qui émerge dans les années 1960, puis peu après en Espagne et dans les autres pays d'Amérique latine. Tout en reprenant la musique folklorique traditionnelle d'Amérique latine, elle est associée, grâce à ses paroles, aux mouvements révolutionnaires, à la Nouvelle gauche d'Amérique latine, au mouvement hippie et à celui des droits de l'homme. Les musiciens de ce courant ont souvent été confrontés à la censure, contraints à l'exil, voire torturés par les dictatures militaires, par exemple dans l'Espagne de Franco, dans le Chili de Pinochet et dans l'Argentine de Jorge Videla et Leopoldo Galtieri.

Il va inspirer la Nueva Trova à Cuba, le Tropicalisme au Brésil et la Nova Cançó en Catalogne.

Les thèmes traités sont généralement la pauvreté, l'impérialisme, la démocratie, les droits de l'Homme, la religion. Si c'est au Chili que le genre est devenu le plus populaire, c'est parce qu'en 1973 dans ce pays touts les mouvements musicaux ont dû se cacher. Lors du Coup d'État de Pinochet, le chanteur Victor Jara est torturé et mis à mort. D'autres chanteurs, comme Patricio Manns ou les groupes Inti-Illimani et Quilapayún doivent s'exiler. Le gouvernement Pinochet proscrit de nombreux instruments andins dans le but de censurer la Nueva canción.

Après avoir été initié par Victor Jara et Violeta Parra au Chili, le mouvement est poursuivi par Mercedes Sosa en Argentine qui sort un premier album en 1959. A Cuba, Silvio Rodríguez, Pablo Milanés et Noel Nicola deviennent les principales figures du mouvement à la fin des années 1960. En Espagne, à partir de 1965 Joan Manuel Serrat mène le mouvement.

Dans les années 1970, la Nueva cancion atteint des pics de popularité. Si en Espagne la censure cesse avec la chute de Franco, les musiciens d'Amérique du sud sont persécutés, parfois contraints de s'exiler voire tués par les autorités (juntes militaires). En 1971 Serrat donne un concert gratuit pour soutenir le gouvernement d'Unité Populaire au Chili. Plus généralement, ce gouvernement est très soutenu par la Nueva cancion, dont les artistes enregistrent El pueblo unido jamás será vencido en juin 1973.

En Argentine, après l'arrivée au pouvoir de la junte militaire de Jorge Videla en 1976, l'atmosphère est de plus en plus oppressante. Lors d'un concert à La Plata en 1979, Mercedes Sosa est arrêtée. Expulsée de son propre pays, elle se réfugie à Paris puis à Madrid.

Dans les années 1980, l'Argentine, l'Uruguay et le Brésil retrouvent la démocratie. De nombreux groupes retournent dans leurs pays. Mais pas au Chili qui reste une dictature et d'où l'on continue à émigrer. Le style est concurrencé par l'émergence de nouveaux genres venus des Caraïbes comme la cumbia et le merengue, et par l'essor du rock en espagnol ; mais il reste très populaire en Amérique centrale, au Chili et au Paraguay. Il est accueilli au Nicaragua, pays où a lieu la Révolution sandiniste en 1979 qui est soutenue par Mercedes Sosa et Silvio Rodriguez.

Notes et références

Annexes

Articles connexes

Listes :

Lien externe