Champignon hallucinogène

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Les champignons hallucinogènes, champis, champignons magiques, ou encore magic mushroom, sont des champignons possédant des propriétés hallucinogènes et enthéogènes dues à diverses molécules en fonction de leur espèce.

Selon le mycologue Roger Heim, on peut distinguer trois groupes de champignons psychotropes[1] :

Une poignée de Psilocybe semilanceata.

Chimie

La psilocybine et la psilocine sont les principales molécules actives des champignons que l'on nomme communément hallucinogène. D'autres substances actives, en quantité bien moindre sont présentes dans certains psilocybes : la baeocystine et la norbaeocystine.

Le muscimole et l'acide iboténique sont les substances actives et toxiques des champignons dits psychotonique ou délirogène, comme l'amanite tue-mouches (Amanita muscaria).

Historique

On retrouve des traces très anciennes de leur usage dans diverses cultures. Ils font encore l'objet d'une utilisation chamanique en Amérique latine notamment. Ils sont alors qualifiés de « champignons sacrés » ou « chair des dieux » (teonanácatl) et on leur prête des vertus enthéogènes[1].

On trouve des représentations sur des peintures rupestres découvertes au Sahara datant de 7000 avant J.-C. Certaines représentations mayas datent de 500 avant J.-C, notamment les vestiges archéologiques des sites des hauts plateaux guatémaltèques et dans le sud-est du Mexique représentant des effigies dont la tige est ornée d'une tête humaine ou animale surmontée d'une couronne en forme d'ombrelle.

Plusieurs dieux peuvent leur être assimilés, le dieu Piltzintecuhtli qui est un dieu mexicain des plantes hallucinogènes dont les champignons divins, le dieu aztèque Xochipilli qui est le dieu du « rêve fleuri »[2].

Psilocybe cubensis.

On sait que des champignons hallucinogènes furent distribués aux fêtes du couronnement de Moctezuma II en 1502.

L'un des premiers textes européens à y faire référence et à en décrire l'usage rituel est le Codex de Florence (Historia general de las cosas de la Nueva España), écrit par le clerc espagnol Bernardino de Sahagún entre 1547 et 1569.

Après 1521, les européens commencent à essayer d'en interdire l'usage[2].

En 1938, Richard Evans Schultes et Reko ramènent plusieurs spécimens au musée de Harvard[2].

En 1953, Robert Gordon Wasson entreprend sa première expédition dans la région mazatèque au Mexique et en 1955 il découvre le premier les effets psychoactifs du Psilocybe mexicana. En 1958, à la suite de cette découverte, la psilocybine est isolée par Albert Hofmann[3].

En 2006, l'OEDT publie une étude indiquant que, durant les années 1990 et au début des années 2000, la consommation de champignons hallucinogènes a subi une importante augmentation sensible au sein de la jeunesse européenne. Cette hausse est imputée aux pays autorisant la vente des champignons hallucinogènes, à la tendance visant à consommer des produits biologiques et à l'essor de l'internet où un nombre significatif de sites web permet l'achat de ces produits en ligne avec livraison à domicile. Cette étude s'inquiète aussi du fait que, s'adaptant aux nouvelles législations pénalisant les champignons contenant de la psilocybine ou de la psilocine, les vendeurs proposent des produits plus dangereux comme des champignons de la famille des agarics et des espèces d'amanites[4].

Législation

En raison du caractère religieux des champignons hallucinogènes et parce qu'ils n'induisent pas de dépendance physique, les législations ne sont pas uniformes à leur propos.

  • En France, ils sont inscrits sur la liste des stupéfiants depuis le 1er juin 1966 ; ainsi, la possession, l'usage, la détention, le transport et le ramassage sont passibles de sanctions pénales.
  • Aux Pays-Bas, la culture et la vente de certains champignons hallucinogènes sont interdits depuis le 1er décembre 2008. Quelques variétés moins psychoactives sont toujours tolérées, notamment en kit de culture. Les champignons séchés sont totalement interdits.
  • L'Irlande a décidé d'inclure en juin 2006 sur la liste des stupéfiants les champignons frais et séchés.
  • À l'inverse, en Espagne et dans d'autres pays européens les spores et les champignons frais sont autorisés à la vente dans les smartshops. Séchés, ils sont considérés comme une préparation, et sont le plus souvent interdits, y compris aux Pays-Bas.
  • En Angleterre, les champignons séchés contenant de la psilocybine sont illégaux depuis le 18 juin 2005.
  • La Suisse a décidé de compléter la liste des substances prohibées ou strictement contrôlées en y faisant figurer les champignons hallucinogènes. La mesure est entrée en vigueur le 31 décembre 2001.
  • Dans les Îles Vierges britanniques où les champignons poussent naturellement, il est légal de posséder et de consommer les champignons Psilocybe, mais leur vente est illégale.
  • En Belgique, la culture des champignons est interdite depuis la promulgation de la loi pénale du 24 février 1921. La Possession et la vente de champignons hallucinogènes sont prohibées depuis l'arrêté royal du 22 janvier 1998.
  • Au Canada, la vente de matériel et de spores n'est pas interdite, mais il est interdit de vendre, produire ou posséder de la psilocybine ou de la psilocine.
  • En République tchèque, il est légal de posséder et de consommer des champignons, mais il est illégal d'en vendre.
  • Au Danemark, la vente, la consommation et la possession de Psilocybes sont interdites depuis le 1er juillet 2001.
  • En Grèce, les champignons hallucinogènes sont interdits de culture par la loi 1729/87.
  • Au Japon, depuis 2002 les champignons Psilocybe sont interdits et ont été rajoutés à la liste des stupéfiants de ce pays.
  • Au Mexique bien que les champignons hallucinogènes soient interdits ils sont tolérés dans le milieu autochtone.
  • Au Royaume-Uni, bien que les champignons séchés soient interdits, ils sont considérés comme des médicaments frais en vertus de l'article 21 de la Loi sur les drogues de 2005. Les spores sont quant à eux autorisés.

Effets et conséquences

En moyenne, les premiers effets commencent à se faire sentir environ 30 minutes après l'ingestion, mais il peut arriver qu'ils mettent plus d'une heure et demie à survenir. Le « palier » commence en moyenne 30 minutes après, et dure de 2 à 3 heures. Les derniers effets peuvent se faire sentir jusqu'à 6 ou 7 heures après l'ingestion voire 24 heures[5].

Usage médicinal

Potentiel thérapeutique

Les recherches actuelles en neuropsychiatrie se penchent sur l'activité sérotoninergique de la psilocybine qu'on trouve dans certaines espèces de champignons hallucinogènes. Compte tenu de la forte variation du taux des molécules actives dans les champignons à psilocybine, les utilisations thérapeutiques, en Occident, se sont généralement faites avec la molécule de psilocybine isolée contrairement aux utilisations traditionnelles qui emploient le champignon en entier. Ceci permet d'avoir un dosage plus précis et de ne pas être soumis aux aléas de la nature. Les études concernant le potentiel thérapeutique de la psilocybine entre en jeu dans les traitements suivant :

  • Traitement des TOC (Trouble obsessionnel compulsif) : la psilocybine utilisée de manière contrôlée à faible dose s'est révélée être un excellent traitement pour les patients souffrants de TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Une expérience menée sur des individus a démontré une amélioration spectaculaire chez tous les sujets et a pu être quantifiée : grâce à la psilocybine leurs symptômes obsessionnels ont diminué de 25 % sur l'échelle d'obsessions et de compulsions de la « Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale »[6]. Il va de soi que l'usage était cadré et supervisé par des médecins et qu'une auto-médication comporte des dangers.
  • Traitement de l'algie vasculaire de la face : la psilocybine contenue dans certains champignons est un traitement efficace pour l'algie vasculaire de la face, céphalée extrême qui résiste à presque tous les traitements actuels[7].
  • Traitement de l'anxiété et de la dépression relative à la mort chez les patients cancéreux : le professeur Griffith de l'université de Hopkins à démontré que le principe actif nommé « psilocybine » contenu dans certains champignons hallucinogènes a fait ses preuves lors de tests sur des patients déprimés atteints de cancer en phase terminale. D'après cette étude, l'usage contrôlé de psilocybine induit une diminution de l'anxiété chez le patient, une meilleure acceptation de la peur de la mort ainsi qu'une amélioration de l'humeur, une diminution voire une suppression de la dépression[8],[9].

Effets recherchés

Les usagers d'hallucinogène recherchent des sensations de l'ordre du développement personnel comme une meilleure compréhension d'eux-mêmes, un aiguisement des sens, une sensation de liberté et d'harmonie voire des révélations mystiques[10].

Plus rarement, ils recherchent une désinhibition ou une euphorie[10].

Il est démontré actuellement par des recherches scientifiques[6] que la psilocybine, prise dans un cadre médical, permet de traiter des troubles obsessionnels compulsifs, les algies neuro-vasculaires de la face, la douleur et l'anxiété des patients ayant une maladie grave à un stade terminal, et permet la survenue d'expériences spirituelles ayant des retombées positives durables dans la vie des individus ("La médecine psychédélique-le pouvoir thérapeutique des hallucinogènes", O.Chambon, 2009, Éditions Les Arènes). John Hopkins, est un scientifique réputé en la matière pour ses recherches sur la psilocybine et son potentiel thérapeutique[11].

Champignon hallucinogène séché de la variété Psilocybe cubensis.
Un groupe d'amanita muscaria, champignon toxique utilisé parfois comme hallucinogène.

Effets à court terme

Les effets physiques comprennent :

Les effets psychiques peuvent comporter :

  • fou rire, euphorie, relaxation ;
  • chute de la concentration, invalidation des raisonnements logiques ;
  • illusions sensorielles, synesthésie[2] ;
  • distorsions spatio-temporelles[2] ;
  • hallucinations[5] ;
  • visions autoscopiques, sensation de mort imminente ;
  • expérience mystique[2] ;
  • réémergence des souvenirs oubliés ;
  • sensation d'omniscience, d'ultra-clairvoyance ;
  • dépersonnalisation, déréalisation[2] ;
  • introspection ;
  • peur, angoisse, tristesse, voire paranoïa.

Il existe quelques cas de psychoses mais les auteurs s'accordent à dire qu'il s'agissait d'un état latent chez l'usager[2].

La plupart des usagers comparent les effets des champignons hallucinogènes à ceux du LSD[5].

D'un point de vue strictement médical, l'ingestion de champignons dits hallucinogènes dans un but récréatif est considérée comme une intoxication volontaire. En effet, pour certains champignons la dose hallucinogène est souvent proche de la dose toxique.

Le risque de dépendance liée à la psilocybine n'est pas négligeable même si certains évoquent le fait que les sensations agréables sont compensées par les sensations négatives. Les champignons ne produisent pas d'euphorie constante, les sensations agréables se mélangeant avec les sensations négatives et l'expérience est généralement décrite comme étant « étrange » et « amusante »[12]. La consommation de champignons hallucinogènes n'entraîne pas de dépendance physique ou de phénomène d'addiction. En revanche, une tolérance aux effets psychédéliques de la psilocybine se développe rapidement, pour disparaître tout aussi rapidement et ne s'accompagne pas de symptômes de sevrage et rarement de dépendance psychologique[12],[13],[14].

Comme pour tous les produits psychédéliques, les effets recherchés peuvent parfois se transformer en bad trip. Les benzodiazépines (diazepam, bromazepam, etc.) et les produits laitiers permettent d'écourter le trip s'il devient difficile à supporter[réf. souhaitée]. Lorsque les effets s'estompent — descente — peuvent apparaître une lassitude et parfois un état dépressif[réf. souhaitée]. Il est généralement conseillé[Par qui ?] aux usagers d'éviter d'avoir des choses stressantes ou des décisions importantes à faire dans les 24 heures après l'ingestion.

Toxicité

Champignons à psilocybine

Du fait de leur puissant caractère hallucinogène, les champignons à psilocybine peuvent causer des accidents psychiatriques graves et durables, parfois dès la première prise. On parle alors de « syndrome post-hallucinatoire persistant », à savoir angoisses, phobies, état confusionnel, dépression voire bouffées délirantes aiguës[1].

Les effets cardiovasculaires étant nuls et ceux du surdosage uniquement des effets psychiques passagers, les interventions médicales invasives telles les lavages d'estomac sont superflues sauf si l'on soupçonne l'ingestion concomitante de champignons vraiment toxiques.

De même, il existe un « retour d'acide » ou flash back qui peut replacer quelques minutes l'usager dans l'état engendré par la consommation de champignons hallucinogènes sans en consommer et ce, plusieurs mois après la dernière prise[1].

Amanites

Les accidents mortels enregistrés à la suite de la consommation d'amanite phalloïde (également connue sous le nom d'oronge verte), ne se retrouvent heureusement pas avec l'amanite tue-mouches hallucinogène. En revanche, le principe actif de l'amanite tue-mouche n'est pas la psilocybine mais le mucimole

Mais il existe d'autres risques dus aux effets psychiques induits par la substance (risque de crise d'angoisse) et surtout aux comportements parfois déraisonnables des usagers.

Habitudes de consommation

Ils sont consommés par voie orale, soit mâchés et avalés frais ou sec, soit comme ingrédients d'une préparation culinaire (omelette, pizza, etc.), soit en infusion (tisane, thé), soit après macération dans de l'alcool. Leur goût amer est souvent compensé par du chocolat.

Ils sont anecdotiquement séchés puis fumés sous forme de joints, la psilocybine et la psilocyne étant détruites à la chaleur, les effets sont minimes, voire négligeables, c'est pourquoi ce mode de consommation est très rare.

Statistiques

En France, en 2010, parmi les personnes âgées de 15 à 64 ans, 3,1 % déclarent avoir déjà consommé des champignons hallucinogènes au cours de leur vie, mais seulement 0,1 % l’a fait au cours de l’année (usage actuel). Comme pour la plupart des autres drogues illicites, les hommes sont plus nombreux à avoir expérimenté les champignons hallucinogènes (5 % contre 1,5 % des femmes)[15]. Selon les termes du cinquième rapport national du dispositif TREND, en France, « les champignons hallucinogènes sont le produit hallucinogène le plus consommé, même si, de par sa nature hallucinogène incompatible avec une vie sociale, ce produit ne reste consommé qu'épisodiquement »[16].

Production et trafic

D'après, l'OICS dans son rapport du 1er mars 2006, le trafic des champignons hallucinogènes reste marginal et local.

Ils s'achètent aussi via Internet où ce type de commerce est en expansion.

Champignons hallucinogènes et société

Les plus communs des champignons hallucinogènes classiques appartiennent au genre psilocybes (les psilos). Des artistes y font d'ailleurs régulièrement allusion comme la chanson du groupe Billy ze kick, Mangez-moi ! Mangez-moi !, ou le nom du groupe Miss Hélium (jeu de mot sur Mycélium). Pendant les années 1960, de nombreux groupes de rock psychédélique ou hippie y faisaient référence dans leurs chansons, la plus célèbre étant White Rabbit des Jefferson Airplane, et sa célèbre comparaison avec le roman Alice au pays des merveilles.

Art

Cinéma :

Notes

  1. a b c d e f g h et i Denis Richard, Jean-Louis Senon, Marc Valleur, Dictionnaire des drogues et des dépendances, Larousse, (ISBN 2-03-505431-1)
  2. a b c d e f g et h Michel Hautefeuille, Dan Véléa, Les drogues de synthèse, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 2-13-052059-6)
  3. Albert Hofmann, LSD mon enfant terrible, L'Esprit frappeur, (réimpr. 1989, 1997, 2003) (ISBN 2-84405-196-0), p. 243
  4. EMCDDA
  5. a b et c Amine Benyamina, Le cannabis et les autres drogues, Solar, (ISBN 2-263-03904-X)
  6. a et b
  7. (en) Sewell RA, Halpern JH, Pope HG Jr. (2006). « Response of cluster headache to psilocybin and LSD » Neurology →]
  8. http://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT00465595 →]
  9. http://www.heffter.org/video.htm
  10. a et b Yasmina Salmandjee, Les drogues, Tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation, Eyrolles, coll. « Eyrolles Pratique », (ISBN 2-7081-3532-5)
  11. http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=neuroscientists-probe-psy
  12. a et b Albert Hoffmann, Teonanácatl and Ololiuqui, two ancient magic drugs of Mexico, sur « United Nations Office on Drugs and Crime »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le ).
  13. (en) van Amsterdam J, Opperhuizen A, van den Brink W. « Harm potential of magic mushroom use: A review » Regul Toxicol Pharmacol. 2011;59(3):423–429. PMID 21256914 DOI 10.1016/j.yrtph.2011.01.006
  14. (en) Nutt DJ, King LA, Phillips LD. Independent Scientific Committee on Drugs. « Drug harms in the UK: a multicriteria decision analysis » Lancet 2010;376(9752):1558-65. PMID 21036393 DOI 10.1016/S0140-6736(10)61462-6
  15. (en) François Beck, Romain Guignard, Jean-Baptiste Richard, Stanislas Spilka et al., « Les niveaux d’usage des drogues en France en 2010 », Tendances, no 76,‎ , p. 1–6
  16. Cinquième rapport national du dispositif TREND, Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003.
  17. Vidéo sur Google : Impression de la Haute Mongolie (Hommage à Raymond Roussel)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes