Château d'Issy

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Château d'Issy
Photographie de la façade du château d'Issy, côté jardin, vers 1860 (détruit). Paris, BnF.
Présentation
Type
Style
Baroque français
Architecte
Construction
1681-1709
Occupant
Propriétaire
Patrimonialité
Localisation
Pays
Département
Commune
Coordonnées
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Le château d'Issy, aujourd'hui détruit, était situé sur le territoire de l'actuelle commune d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

Au XVIIIe siècle, les princes de Conti ont été les principaux propriétaires de ce domaine. Le château a brûlé en 1871, pendant la commune de Paris.

L'un de ses deux pavillons d'entrée a été conservé ; il abrite la galerie d'histoire de la ville d'Issy-les-Moulineaux, au sein du musée français de la Carte à jouer.

Histoire[modifier | modifier le code]

L'emplacement du futur château d'Issy est occupé autour du XIIIe siècle par deux principales propriétés. La première est le vieux château de Villepreux, la seconde est le fief de Mérainviller.

Au XVIIe siècle[modifier | modifier le code]

Le « Petit Olympe » de la reine Margot[modifier | modifier le code]

En 1606, la reine Margot se réfugie à Issy, dans la demeure de Jean de La Haye, pour fuir l'épidémie de peste qui frappe Paris. Séduite par le lieu, elle achète le bâtiment de ce dernier et les terres qui l'entourent pour 33.000 livres (?). Elle lui donnera elle-même le nom de « Petit Olympe ». Il semble que la ferme et une partie des jardins de ce domaine se trouvaient à l'emplacement du futur château classique d'Issy.

La reine Margot meurt en 1615, et le domaine reste sans nouveau propriétaire jusqu'en 1622, à cause des procédures testamentaires de la reine et du règlement de ses dettes.

L'ensemble est vendu aux enchères le pour 22 000 livres (?) à M. de Choisy[1].

Le Petit Olympe compta jusqu'à 100 arpents de parc.

En 1609, le poète Michel Bouteroue rédige un poème intitulé le Petit Olympe d'Issy, où il vante les charmes de la propriété[2].

Macé Bertrand de la Bazinière[modifier | modifier le code]

Schéma décrivant l'emprise du château d'Issy, milieu du XVIIe siècle.

Le domaine sera alors divisé en deux parties. L'une — acquise ultérieurement par les prêtres de Saint-Sulpice — deviendra le séminaire Saint-Sulpice, et l’autre, le Petit Olympe, est réunie en 1660 par le financier Macé Bertrand de la Bazinière à la propriété voisine (la Chatellenie de Villepreux) , pour constituer une maison de plaisance.

Le château de Pierre Bullet pour Denis Talon (1681-1698)[modifier | modifier le code]

En 1681, cette parcelle de terrain est achetée par le président à mortier, conseiller du roi et premier avocat général au Parlement Denis Talon[3].

Il confie à l'architecte Pierre Bullet[4],[5], élève de François Blondel, la conception d'un petit château. Denis Talon commande également à l'architecte paysagiste André Le Nôtre la construction des jardins et de fontaines[6], tandis que Pierre Desgots, jardinier du roi aux Tuileries et beau-frère de Le Nôtre[7], effectue des travaux dans le parc.

Denis Talon meurt en 1698.

Au XVIIIe siècle[modifier | modifier le code]

Les princes de Conti (1699-1776)[modifier | modifier le code]

Le Grand Conti (1699-1709)[modifier | modifier le code]
École française du XVIIe siècle, Portrait de François-Louis de Bourbon, prince de Conti (vers 1664-1699), château de Versailles.

Le , François Louis de Bourbon, prince de Conti, dit « le Grand Conti », rachète le domaine pour la somme de 140 000 livres. Cet achat est principalement dicté par le fait que le cousin du prince, Monseigneur, fils de Louis XIV et héritier du trône, s'est installé au château royal de Meudon voisin depuis 1695. Le riche prince de sang entreprend de nombreuses modifications — que l'on suppose avoir été réalisées par Pierre Bullet — en agrandissant et en embellissant le château. Il dote en particulier le château d’une façade à péristyle composée de colonnes doriques, il fait construire l'entrée en hémicycle, ainsi que pour son fils Louis Armand II un bâtiment séparé appelé le petit château ou « pavillon des bains ».

La princesse de Conti[modifier | modifier le code]
Attribué à Pierre Mignard, Portrait de Marie Thérèse de Bourbon, princesse de Conti (1691), musée national de Port-Royal des Champs.

À la mort du prince en 1709, l'ensemble du domaine est complètement remanié. C’est dans ce domaine qu’en 1716 sa veuve, Marie-Thérèse, donne une très brillante fête en l’honneur de la duchesse de Berry.

Le château est alors décrit par Dézallier d'Argenville, dans son Voyage pittoresque des environs de Paris, publié en 1749 :

« ISSY. Le château de Madame la Princesse, Douairière de Conty, est une des belles maisons des environs de Paris. Sa façade présente du côté de la cour un péristile de colonnes Doriques, surmontées d'un Attique & d'un fronton. Celle du jardin est semblable, à l'exception de l'Ordre qui est toscan. Cette Architecture est de Bullet.

On remarque au rez-de-chaussée un bas-relief de marbre, représentant les Chevaliers Danois, qui surprennent Renaud dans les jardins d'Armide. Le salon pavé de marbre blanc est décoré de pilastres aussi de marbre, entre lesquels on a sculpté des trophées très-délicatement travaillés.

En face du Château, est un grand parterre de broderie, surmonté d'un autre placé sur une terrasse, é d'un amphithéâtre de gazon. Le grand parterre est suivi d'une longue allée couverte, qui se termine à un beau bassin, au-delà duquel est la grande allée qui donne sur la campagne. On monte ensuite au réservoir & aux potagers par une rampe que termine un tapis verd en glacis, qui descend jusqu'à l'allée d'en bas.

Ce jardin, dont l'étendue est de 96 arpens, & qui est planté sur la croupe d'un côteau, fait admirer le beau génie de le Nostre. Un de ses principaux agrémens, est qu'on n'y voit point de murs ; on diroit qu'il s'unit à la campagne. La Princesse, en se promenant, découvre tout le pays, & peut dire avec Benserade :

… Si tout n'est à moi, tout est à mes regards.

La droite de la grande allée dont j'ai parlé, est occupée par une croix de Saint André, embellie de cabinets & de fontaines qui mènent à l'allée de Meudon, d'où l'on découvre une campagne qui s'étend jusqu'à la rivière de Seine.

On trouve, en se rapprochant du château, le petit et le grand Canal accompagnés de bosquets, dont un se nomme le bosquet & le bassin des cannes. Il y a plus loin un boulingrin, & deux jolis parterres de broderie avec des fontaines.

Il ne reste plus à voir que le pavillon des bains, placé sur la droite de la cour. La gauche est occupée par le logement des Officiers, & par l'Orangerie, dont le parterre fait face à un des côtés du Château. »

Louis François de Bourbon-Conti[modifier | modifier le code]

En 1736, Louis François de Bourbon-Conti, petit-fils du Grand Conti, perd sa femme au château : Louise Diane d'Orléans, fille de l'ancien régent Philippe d'Orléans, y meurt à l'âge de vingt ans en donnant naissance à un enfant mort-né. Après sa mort, son mari se rend rarement à la propriété d'Issy.

Le château reste dans la famille des Bourbon-Conti jusqu’en 1776, date à laquelle le dernier descendant Louis François Joseph de Bourbon-Conti décide de vendre tous les biens qu’il possède à Issy.

Adrien Jules Gaultier Designy (1776-1782)[modifier | modifier le code]

Le château devient alors la propriété d’Adrien Jules Gaultier Designy, président de la 2e chambre des requêtes du Palais. Ce dernier n’en profite que peu de temps, et cède en 1782 la propriété à la princesse de Chimay.

La princesse de Chimay (1782-1793)[modifier | modifier le code]

Durant la Révolution française, la princesse de Chimay est arrêtée le 3 brumaire An II () par les sans-culottes parisiens, et guillotinée le 8 thermidor, la veille de la chute de Robespierre. Le château est confisqué comme bien national. C'est le début de la déchéance de l’ancien domaine des Conti, qui se poursuivra durant tout le XIXe siècle.

Du XIXe au XXe siècle : morcellement et destruction[modifier | modifier le code]

La famille du comte de l'Espine[modifier | modifier le code]

La période révolutionnaire passée, l’ensemble est acquis en par la famille du comte de l’Espine. Cette période voit l'ajout d'un pigeonnier, d'une orangerie, et d'un pavillon de l'hémicycle symétrique au « pavillon des bains » du XVIIe siècle.

Le Grand établissement d'hydrothérapie[modifier | modifier le code]

En 1852, le docteur Léopold Wertheim, introducteur de l'hydrothérapie en France, fonde au château d'Issy un établissement de soins[9].

Le Comptoir central du Crédit[modifier | modifier le code]

En 1857, le domaine est racheté par le Comptoir central de Crédit, qui lance une opération de lotissement sur le parc en 1866[10]. Pendant la guerre de 1870, ce qui reste du domaine est occupé par les troupes françaises défendant Paris contre les Prussiens. Le lieutenant-colonel commandant le régiment, le futur général Boulanger, s’installe dans le château.

Le , les canonniers de la commune de Paris y mettent le feu. Le château est laissé aux flammes, et rien ne sera sauvé de l’incendie.

Le château ruiné reste à l'abandon pendant plus de 40 ans, avant d'être en grande partie démoli en 1910. Le Petit Château, dit le pavillon des bains, est démoli en . On y construit un immeuble en lieu et place.

Le rachat des ruines par Auguste Rodin pour Meudon[modifier | modifier le code]

C’est alors que le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) rachète certains fragments architecturaux de la façade du château — le fronton de la façade de jardin, ainsi que les colonnes de l'avant-corps sur cour —, qu’il fait remonter en 1907 et 1908 dans sa villa des Brillants à Meudon. À ciel ouvert du vivant du sculpteur, l'avant-corps du bâtiment s'appuie aujourd'hui sur un musée élevé de 1929 à 1931 par l'architecte Henry Favier, grâce à la donation de l'Américain Jules Mastbaum, qui dota sa ville natale Philadelphie d'un musée Rodin, dont la façade reproduit celle du château d'Issy[11].

Au XXIe siècle[modifier | modifier le code]

Aujourd'hui, sur place ne sont conservés de l'ancien château d'Issy que :

  • la moitié la plus récente de l'hémicycle d'entrée, édifiée à la fin du XVIIIe siècle. Elle abrite la galerie d'histoire du musée de la Ville d’Issy, au sein du musée français de la Carte à jouer ;
  • l'orangerie ;
  • le colombier ;
  • une fontaine, inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du [12].

Une petite partie du parc, rachetée par la commune d'Issy-les-Moulineaux et principalement vendue en lots, est transformée en l'actuel parc municipal Henri-Barbusse, inauguré le , avec son bassin conservé.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. L'acte de vente mentionne : « Vend, adjuge, baille et délivre : une maison assize au village d'Issy et consistant en trois corps de logis ausquelz y a cellier, cuisine, garde-manger, salles, chambres, garde-robes, cabinets, greniers, foulleryes, granges, estables, deux courts, une grande et une petite, en laquelle grande y a un abreuvoir d'eaux, un coulombier, le tout couvert de thuilles, un jardin à costé de ladicte maison faict un parterre, auquel y a un vivier plain d'eaux, et quelques arbres fruictiers, ledict jardin clos de murs ; (...) tenant ladicte maison et jardin d'une part à la veuve et héritiers du feu sieur de Vauluise et à la chapelle Saint-Vincent ; d'autre part par derrière au parc cy-après déclaré et par devant allant à la rue Saint-Vincent […] ».
  2. Je veux d'un excellent ouvrage,
    Dedans un portrait racourcy,
    Représenter le païsage
    Du petit Olympe d'Issy,
    Pourveu que la grande princesse,
    La perle et fleur de l'univers,
    A qui cest ouvrage s'addresse
    Veuille favoriser mes vers.

    Que l'ancienne poésie
    Ne vante plus en ses écrits
    Les lauriers du Daphné d'Asie
    Et les beaux jardins de Cypris,
    Les promenoirs et le bocage
    Du Tempe frais et ombragé,
    Qui parut lors qu'un marescage
    En la mer se fust deschargé.

    Qu'on ne vante plus la Touraine
    Pour son air doux et gracieux,
    Ny Chenonceaus, qui d'une reyne
    Fut le jardin délicieux,
    Ny le Tivoly magnifique
    Où, d'un artifice nouveau,
    Se faict une douce musique
    Des accords du vent et de l'eau.

    Issy de beauté les surpasse
    En beaux jardins et prés herbus,
    Digues d'estre au lieu de Parnasse
    Le séjour des sœurs de Phébus.
    Mainte belle source ondoyante,
    Découlant de cent lieux divers,
    Maintient sa terre verdoyante
    Et ses arbrisseaux toujours verds.
    ………………………
    Un vivier est à l'advenue
    Près la porte de ce verger,
    Qui, par une sente cognüe,
    En l'estang se va descharger;
    Comme on voit les grandes rivières
    Se perdre au giron de la mer,
    Ainsi ces sources fontenières
    En l'estang se vont renfermer.
    …………………………
    Une autre mare plus petite,
    Si l'on retourne vers le mont,
    Par l'ombre de son boys invite
    De passer sur un petit pont,
    Pour aller au lieu de délices,
    Au plus doux séjour du plaisir,
    Des mignardises, des blandices.
    Du doux repos et du loysir.

  3. [1] Roland Mounier, The Institutions of France Under the Absolute Monarchy, 1598-1789, Volume 2 « The Origins of State and Society », University of Chicago Press, 1979, 716 p.
  4. encyclopedia.com.
  5. Auteur de la porte Saint-Martin à Paris.
  6. À cette époque, Le Nôtre entreprend des modifications des jardins du château de Meudon, appartenant au Grand Dauphin.
  7. Arbre généalogique d'André Le Nôtre.
  8. Voir une reconstitution en vidéo sur youtube.com.
  9. « Grand établissement d'hydrothérapie à Issy, (près Paris). Au château d'Issy, / [Circulaire, signée : Juge, de Tulle.] » Accès libre, sur Gallica, (consulté le ).
  10. http://cths.fr/ed/edition.php?id=1464
  11. Panneau explicatif sur la façade du château d'Issy, au musée Rodin à Meudon.
  12. Notice no PA00088111, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Charles Grandidier, Le séminaire d'Issy, Paris, 1853 (en ligne sur Gallica).
  • René Le Bacon, « Le château d'Issy, propriété des Conti de 1699 à 1777 », in: Les trésors des princes de Bourbon Conti, Somogy Éditions d'Art, 2000, p. 102 à 106. — Catalogue de l'exposition au musée d'Art et d'Histoire Louis-Senlecq à L'Isle-Adam.
  • Pierre Laforest, Le château d'Issy, mémoire de Master sous la direction de Claude Mignot, Paris IV Sorbonne, 2011.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]