Vittore Carpaccio

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Vittore Carpaccio
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Famille Carpaccio (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
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Œuvres principales

Vittore Carpaccio, né vers 1465 à Venise (Italie) et mort en 1525 ou 1526 à Capo d'Istria, de son vrai nom Scarpazza ou Scarpaccia, est un peintre italien narratif de l'école vénitienne, émule de Gentile Bellini et de Lazzaro Bastiani, et influencé par la peinture flamande.

Biographie[modifier | modifier le code]

Vittore Carpaccio ou Vittore Scarpaccia[1] fut l'un des premiers à utiliser la présence de l'architecture, préfigurant un genre, les vedute (paysages urbains). Il traitera invariablement de manière grave et naïve, parfois pittoresque, la réalité vénitienne, en marge de la mode picturale de son époque.

Il fut toute sa vie au service des Scuole (écoles), confréries charitables et de bienfaisance qui employaient des artistes dont les mécènes étaient d’illustres familles vénitiennes, ce qui explique que leurs emblèmes figurent en bonne place dans ses œuvres. Le système des commandes, s'organise à l'intérieur d'un réseau complexe d'échanges et de conflits, d'intérêts économiques corporatifs et contributions patriciennes occasionnelles. Dans ce processus très élaboré, le parti pris décoratif compte peu au regard de la volonté d'affirmation du prestige d'un particulier, d'un groupe ou d'une institution. Cela explique l'abondance des portraits dans les grands cycles, commanditaires, bienfaiteurs et figures de l'autorité en place.

Jeunesse, formation et Venise à la fin du XVe siècle[modifier | modifier le code]

Vierge à l'enfant bénissant, 1505-1510, 84,8 × 68,3 cm, huile sur panneau, National Gallery of Art, Washington (district de Columbia).

Carpaccio naquit vers 1465 et reçut sa formation artistique au cours des dix dernières années du siècle. À cette époque Venise s’apprête à conquérir le titre de la ville la plus triomphante et la mieux gouvernée de l’Occident, comme nous en informe dans ses « Mémoires » Philippe de Commynes[2], voyageur attentif et fort crédible, émerveillé par cette ville dans laquelle il avait été envoyé en 1495 pour assurer la préparation diplomatique de l’expédition de Charles VIII. La République de Saint Marc, joue encore un rôle prépondérant en Méditerranée grâce à sa flotte. Le long du Grand Canal, marchés et « fondachi » étrangers prospèrent, et la ville prend son aspect définitif. Les jeunes patriciens ne se contentent pas de fréquenter l’antique université de Padoue, mais ils suivent également les cours de l’École de logique et de philosophie naturelle ouverte au Rialto et d’une autre école d’orientation humaniste, florissante depuis le milieu du XVe siècle près de Saint Marc. À la fin du siècle, l’on publie à Venise des ouvrages modernes tant par la perfection de leur impression que par la variété des sujets de culture ancienne et contemporaine dont ils traitent, et ce surtout grâce à Aldo Manuzio[3], qui ouvre son imprimerie en 1489 à Venise et publie des volumes prestigieux. Le renouveau de la vie culturelle bouleversa profondément tous les domaines artistiques à Venise. Les précieuses constructions en marbre de Pietro Lombardo, les édifices nouveaux et anciens, les églises, les « scuole » et les palais s’enrichissent de sculptures, d’objets précieux, de fresques et de peintures typiques du début de la Renaissance.

Pour la Scuola di Sant'Orsola[modifier | modifier le code]

Le goût de Vittore Carpaccio pour les histoires peut se développer librement dans le cycle de peintures consacré aux épisodes de la vie de sainte Ursule, destiné à la Scuola di Sant'Orsola. Grâce aux dates des cartouches, il en a peint les différents épisodes dans le désordre entre 1490 et 1495. Selon La Légende dorée, cette princesse bretonne, fiancée au Prince d'Angleterre, fut tuée à Cologne par les Huns, à son retour d'un pèlerinage.

Pour la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista[modifier | modifier le code]

Il a collaboré avec Gentile Bellini et deux autres représentants de la tradition narrative vénitienne, Lazzaro Bastiani et Giovanni Mansueti, au cycle de tableaux réalisé pour la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista, conservé aujourd'hui aux Gallerie dell'Accademia. Il était à l'époque très occupé par le cycle de Sainte Ursule, mais il a dû trouver le temps de répondre à l'appel de Gentile Bellini dont il était peut-être l'élève. Il réalise en 1500 le Miracle de la relique de la croix (guérison miraculeuse d'un possédé au Rialto). L'événement est décentré à gauche dans le tableau, comme une scène qui s'inscrit dans la vie quotidienne de la ville.

Pour la Scuola Dalmata di San Giorgio degli Schiavoni[modifier | modifier le code]

Entre 1501 et 1503 il exécute pour la Scuola Dalmata di San Giorgio degli Schiavoni, consacrée à Saint Georges et à Saint Tryphon, deux grandes toiles représentant Saint Georges et le Dragon, les deux peintures de saint Jérôme et le Lion et Les Funérailles de saint Jérôme, ainsi que La Vision de saint Augustin. Quelques années plus tard, il termine le cycle par un Baptême des Sélénites et réalise Saint Tryphon exorcise la fille de l'empereur Gordien, confié pour une grande part à un peintre de son atelier.

Retables[modifier | modifier le code]

Entre 1510 et 1520 il exécute un certain nombre de retables d'autels et réalise en particulier le retable de la Crucifixion et apothéose des Dix Mille Martyrs du mont Ararath en 1515. Cette scène ornait autrefois l'autel élevé en l'honneur des martyres par Ettore Ottobon, neveu du prieur Francesco, dans l'église de Sant'Antonio di Castello. Ce tableau très particulier, construit à la verticale représente l'épisode de soldats romains convertis au christianisme et exécutés par leur propre empereur allié pour l'occasion aux rois païens d'Orient. Il a une importance historique car il a été commandé au moment où l'empereur Maximilien cherche à s'allier avec le sultan ottoman Sélim Ier pour attaquer Venise[4].

Dernières années[modifier | modifier le code]

La force créatrice du maître, fidèle aux conquêtes et aussi aux limites de la vision du xve siècle, semble s'atténuer, au cours de la deuxième décennie du siècle, comme s'il était écrasé par la modernité des gloires naissantes du cinquecento vénitien. D'autre part, l'intervention toujours plus fréquente de l'atelier, déjà perceptible dans la série des six scènes de la vie de la Vierge peintes pour la Scuola degli Albanesi (it) (aujourd'hui, partagée entre l'Académie Carrara à Bergame, la Brera, le Museo Correr et la Ca' d'Oro à Venise), alourdit souvent ses œuvres. Les scènes de la vie de saint Étienne de la Scuola di Santo Stefano (it) (1511-1520), partagées entre la Brera, le Louvre, les musées de Stuttgart et de Berlin, gardent toutefois, surtout dans certains épisodes (Dispute de saint Étienne parmi les docteurs au Sanhédrin), 1514, Brera ; La Prédication de saint Étienne à Jérusalem, 1514, Musée du Louvre), un chromatisme lumineux, un sens concret de l'espace, une netteté formelle et une limpidité aérienne qui désignent encore le meilleur Carpaccio. Cependant, sa production tardive, réservée en partie à la province et partagée avec ses fils Benedetto et Piero, révèle que la parabole de Carpaccio décline désormais dans le sens de la sécheresse et de la faiblesse académique (œuvres à la cathédrale et au musée de Capodistria)[5].

Carpaccio fit preuve au cours de la plus grande partie de sa carrière d’une extraordinaire indépendance d’expression par rapport à la tradition figurative vénitienne, et il garda un attachement profond à la culture de la fin du XVe siècle. Dès le début de la dernière décennie de ce siècle, son langage figuratif atteignit une conscience pleine et originale, résultat des expériences vécues dans les milieux humanistes les plus cultivés. Son choix difficile de se mettre volontairement en concurrence avec les nouvelles tendances, se contentant de traduire la réalité objective en rêves enchantés de grande valeur symbolique, étrangers au naturalisme moderne, explique l’absence d’un atelier organisé ou de disciples de valeur. Et qui explique aussi, en partie, les rôles de narrateur épidermique et de peintre de genre dans lesquels l’historiographie artistique confina longtemps Vittore Carpaccio, avant que la critique moderne n’en reconnût la grandeur créatrice, géniale et solitaire.

Œuvre[modifier | modifier le code]

Principales œuvres[modifier | modifier le code]

1490 à 1500[modifier | modifier le code]

Le Miracle de la relique de la Croix au Pont du Rialto, 1496, 365 × 399 cm, tempera sur toile, Gallerie dell'Accademia de Venise.

1500 à 1510[modifier | modifier le code]

Sainte Famille et Donateurs, 1505. Musée Calouste-Gulbenkian, Lisbonne

1510 à 1520[modifier | modifier le code]

La Prédication de saint Etienne à Jérusalem (Louvre, Inv181).

Sans date[modifier | modifier le code]

Giovanni di Niccolò Mansueti, Miracle de la Relique de la Sainte Croix à l'Église San Lio.

Galerie[modifier | modifier le code]

Cycles de toiles peintes[modifier | modifier le code]

La Légende de sainte Ursule[modifier | modifier le code]

Le grand cycle légendaire sur l'histoire de sainte Ursule est un ensemble réalisé entre 1490-1500, destiné à la Scuola de Sainte Ursule, détruite au XIXe siècle[15]. L'ensemble des toiles se trouve à la Gallerie dell'Accademia de Venise.

Maître de Jacques de Besançon. Jacques de Voragine prêchant, détail d'une miniature de frontispice d'un manuscrit de la Légende dorée. vers 1480-1490, enluminure sur parchemin. Bibliothèque nationale de France.

Le cycle comporte huit toiles et un retable. C’est une narration précise et élégante tirée de la Légende dorée de Jacques de Voragine qui oscille constamment entre l’évocation profane des fêtes vénitiennes et l’atmosphère de recueillement intérieur qui dit la vie de l’âme.

Épisode I: L'Arrivée des ambassadeurs anglais à la cour du roi de Bretagne[modifier | modifier le code]
Épisode II : Les Adieux des Ambassadeurs[modifier | modifier le code]
Épisode III : Le Retour des ambassadeurs à la cour d'Angleterre[modifier | modifier le code]
Épisode IV : La Rencontre des fiancés et le départ des pèlerins[modifier | modifier le code]
Épisode V : Le Rêve de sainte Ursule[modifier | modifier le code]
Épisode VI : La Rencontre des pèlerins avec le pape Cyriaque[modifier | modifier le code]
Épisode VII : L'Arrivée des pèlerins à Cologne[modifier | modifier le code]
Épisode VIII : Le Martyre des pèlerins et les funérailles de sainte Ursule[modifier | modifier le code]
Épisode IX: L'Apothéose de sainte Ursule et ses compagnes[modifier | modifier le code]

Pour suivre le détail des différentes toiles et retable : Le cycle de la Légende de Sainte Ursule[1].

Histoires des saints Georges, Tryphon et Jérôme[modifier | modifier le code]

Au XVe siècle, la Dalmatie (une partie de la Croatie actuelle) fait partie de la République de Venise. Des marchands et marins originaires de cette région s'installent à Venise et se regroupent au sein d'une confrérie, reconnue en 1451 par Venise, la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni (en français les Esclavons, nom d'une population de la Croatie actuelle). Elle est aussi connue sous le nom de Scuoloa Dalmatia (des Dalmates). La Scuola se place sous le patronage des Saints Georges, Tryphon et Jérôme.

Cycle de Georges de Lydda, Tryphon de Lampsaque et Jérôme de Stridon, entre 1502-1507, huile sur toile. Chapelle de la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni (école de Saint Georges des esclavons), Venise.

Histoires de la Vierge[modifier | modifier le code]

Les histoires de la Vierge ont été peintes principalement dans les huiles (certains médias mixtes) . Cycle de toiles, peintes entre 1504-1508, répartis entre plusieurs musées.

Vie de saint Étienne[modifier | modifier le code]

La confrérie des marchands et des artisans de laine (Laneri), décidèrent de décorer la salle principale du bâtiment avec cinq toiles commandées à Vittore Carpaccio par l'histoire saint Étienne, patron de l'école. Cycle de peintures, entre 1511-1520, huile sur panneau, dans divers musées.

Portraits[modifier | modifier le code]

Dessins[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

En 1963, une exposition consacrée à Carpaccio rassembla à Venise nombre de ses œuvres dans le cadre prestigieux du Palais des Doges[16]. C'est à cette occasion que le nom du peintre fut donné à un plat, le carpaccio, composé de très fines tranches de filet de bœuf cru servies avec un assaisonnement[17],[18]. L'appellation viendrait de la prédominance des tons rouge vif dans la peinture de Vittore Carpaccio[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (it) Giorgio Vasari, Le Vite, 1568, vol. III, p. 617.
  2. Les mémoires de messire Philippe de Commines (édition de 1552) sur Gallica.
  3. Voir également Alde le Jeune, il était le fils de Paul Manuce, petit-fils de Alde l'Ancien.
  4. Augusto Gentili, « Carpaccio », dans Giovanna Nepi Sciré, La Peinture dans les Musées de Venise, Paris, Editions Place des Victoires, (ISBN 978-2-8099-0019-4), p. 158 à 184
  5. [En savoir plus sur/http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Carpaccio/151469#EUV6dZi5TUd47vQX.99]
  6. Carlo Falciani (dir.) et Pierre Curie, La Collection Alana : Chefs-d'œuvre de la peinture italienne, Bruxelles, Fonds Mercator, , 216 p. (ISBN 978-94-6230-154-2)
    Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition au musée Jacquemart-André du 13 septembre 2019 au 20 janvier 2020, notice de Mattia Vinco p. 144.
  7. Mina Gregori, Le Musée des Offices et le Palais Pitti : La Peinture à Florence, Editions Place des Victoires, (ISBN 2-84459-006-3), p. 146
  8. Musée Correr, Venise
  9. John Walsh, Chefs-d'œuvre du J. Paul Getty Museum : Peintures, Thames & Hudson, (ISBN 2-87811-128-1), p. 18
  10. Doge Loredan, Carrara
  11. Alcyone, Philadelphie
  12. habitants de la ville de Silcha (Silène), dans La Légende dorée, éd. La Pléiade, p. 313
  13. (de) « Tombe du Christ », sur Gemäldegalerie de Berlin (consulté le )
  14. St Étienne, Brera, Milan
  15. Basilique San Zanipolo, bâtiment actuel du couvent dominicain (depuis 1810) : à l’origine, il s’agissait de la scuola de Saint-Ursule.
  16. G. CHARENSOL, « DE VENISE A BRUXELLES », Revue des Deux Mondes (1829-1971),‎ , p. 608–615 (ISSN 0035-1962, lire en ligne, consulté le )
  17. Carpaccio, Le Petit Robert, 2004, p. 359
  18. a et b Chérer, p. 63-66

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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