Cap de Carteret

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Cap de Carteret
Le cap de Carteret
Le cap de Carteret
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Région Normandie
Coordonnées 49° 22′ 54″ nord, 1° 45′ 05″ ouest
Mer Manche
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Cap de Carteret
Géolocalisation sur la carte : Basse-Normandie
(Voir situation sur carte : Basse-Normandie)
Cap de Carteret

Le cap de Carteret est un promontoire rocheux d'origine cambrienne sur la Côte des Isles, sur la commune de Barneville-Carteret dans la Manche.

Situé face aux îles Anglo-Normandes, il a toujours constitué un lieu naturel d'observation, permettant par beau temps une vue sur les îles de Sercq et de Jersey (le cap est le point continental le plus proche de Jersey, distante de 22 km) et sur la côte sud du Cotentin jusqu'au cap du Sénéquet, à 40 km au sud. Il marque une limite entre la côte des havres au sud et une côte plus rocheuse au nord avec des dunes haut perchées, dont non loin, les dunes d'Hatainville protégées par le Conservatoire du littoral.

Le cap est classé comme espace naturel sensible de la Manche, propriété du conseil général et géré depuis 2003 par le Syndicat mixte des espaces littoraux de la Manche (Symel).

Histoire et patrimoine

L'évolution du littoral du Cotentin.
Saint-Germain arrivant à Diélette sur un Vitrail de l'Église Saint-Germain de Flamanville.

Le rivage s'est beaucoup modifié depuis le début de l'époque préhistorique quand un isthme relie Jersey au continent: Il y a 7 400 ans, la remontée des eaux s'est stabilisée et peut être estimé à - 7,1 m +- 1,2 avec un profil de côte proche de celui que nous connaissons[1]. L'occupation humaine attire l'attention d'archéologues et d'historiens dès la fin du XIXe[2].

Éperon barré

La topographie du site évoque un éperon barré confirmé par les fouilles archéologiques de et . Un talus connu depuis le XIXe barre sur son isthme oriental le promontoire protégé par des falaises sur ses autres faces. Des fossés, des remparts et des palissades sont retrouvés. Les marques d'un habitat qui couvre le Mésolithique, le Néolithique moyen, le Bronze ancien et final et la fin de l’âge du Fer sont retrouvées[N 1], confirmant la concentration des habitats préhistoriques sur le littoral[3],[4].

Saint Germain à la Rouelle

Au ve siècle la région qui deviendra la Normandie constitue le royaume de Soissons sous l'autorité d'Ægidius puis de Syagrius, résultat du démantèlement de l'Empire romain d'Occident avant de devenir la Neustrie après la victoire de Clovis à la bataille de Soissons (486). La population est constituée en partie de lètes bataves, suèves puis saxons. Dans cette région rurale, sans aristocratie connue ni pouvoir central organisé, les récits hagiographiques et légendaires attribuent à saint Germain le Scot venant d'Irlande l'évangélisation de la côte ouest du Cotentin puis du Bessin. Il n'y a pas de trace archéologique de cette évangélisation mais le souvenir local de saint Germain est inscrit dans la légende et la toponymie. Deux églises à Carteret sont sous son patronage, une médiévale sur le cap et une autre consacrée en [5].

Légende associée

La légende locale raconte que saint Germain le Scot, après son débarquement à Diélette, est appelé pour vaincre un dragon qui terrorise les habitants, des traces d'oxyde de fer sur les parois du trou du serpent ou grotte du dragon, anfractuosité de la falaise du cap accessible à marée basse, sont interprétées comme le sang du dragon, elles sont encore visibles[6].

Devenu prêtre, Germain souhaite rejoindre son parrain en Gaule[N 2], et traverse la Manche. Il se rend dans le port le plus proche, mais il ne trouve aucune barque, ni aucun pêcheur. La légende veut qu'il a prié Dieu de lui fournir une embarcation, et qu'une roue de char lui soit apparue. Il s’adresse au ciel : « Seigneur, supplie Germain, si vous approuvez les desseins que j’ai formés pour votre gloire et le salut des âmes, procurez-moi le moyen de franchir les océans. »[7]. « Conduis-moi comme tu as conduit les fils d’Israël du milieu de la Mer Rouge ».

Une roue d’un char descendit du ciel et c’est ainsi qu’il se rendit en Gaule. La rouelle serait plus probablement une barque circulaire irlandaise, que la tradition représente comme une roue de charrue. Cette embarcation traditionnelle se nomme coracle ou curraghs en Irlandais. Elle est formée d'une ou deux peaux de bœufs tendues sur une armature en osiers[8]. Dans les représentations typographiques, Germain est représenté debout sur sa roue soit en position verticale, soit en position horizontale[7].

Il débarque à Diélette (située à quelques kilomètres au nord de Carteret). Lorsqu’il aborde la côte, une réunion de justice se tenait sur la plage. Son arrivée captive la foule qui se dirige vers le saint. Le juge en colère traite le saint de magicien et blasphème sur le dieu chrétien. Le juge se trouve alors frappé par la colère divine[7].

La tradition normande du XIXe siècle avance que tout le pays était dans la désolation. Des gigantesques serpents, véritables monstres, s’étaient établis dans les cavernes des caps de Flamanville, Saint-Germain-sur-Ay, Carteret et Querqueville. Toutes les semaines les bêtes parcouraient les villages et brisaient les clôtures à la recherche d’enfants qu’elles dévoraient dans son antre. Pour calmer les monstres, les habitants avaient pris la décision de leur donner en offrande un enfant. A Flamanville, alors que la foule amenait comme à l’accoutumée un enfant au serpent, un étrange objet sur la mer attira son attention : « la foule voyait un homme se tenir debout, une crosse d’évêque, une mitre en tête et une grande chape. Il ne marchait pas. Il semblait glisser. A mesure qu’il avançait on s’aperçut qu’il était porté par une grande roue de charrue. » C’était Saint-Germain la Rouelle[9].

Le saint se dirige vers l’antre du serpent. Celui-ci se recroqueville et tente de retourner dans le Trou Baligan[N 3]. Mais Saint Germain l’en empêche, et lui assène un coup de crosse à la tête. La bête se contorsionne puis se fige et s’incruste contre un bloc de granit. Le Saint se retourne ensuite vers la foule médusée qui accepte le baptême. Saint Germain reste un peu plus de trois mois dans le Cotentin.

Les Cotentinois réclament la protection du saint et lui demandent de venir à bout des autres serpents qui terrorisent les villages, dont celui du Cap de Carteret. Il suscite l’émulation de la population qui pour marquer son passage y érige des églises en son nom[9]. Sur le cap de Carteret, on construit celle-ci entre l'éperon barré (la pointe extrême du site) et les Dunes d'Hatainville au nord. Il n'en reste aujourd'hui que des vestiges. Elle surplombe une plage qui porte son nom.

La Vieille église

la fontaine

La batterie côtière

Au XVIIIe siècle, pour lutter contre la contrebande entre les îles et le Cotentin, un chemin de douanier y fut créé.

Le phare

On trouve désormais sur le haut du cap un phare dit phare de Carteret (construit en 1830), un sémaphore et une antenne de radio-communication de la Marine nationale française.

Géologie

Le cap de Carteret est constitué de grès et schistes du Cambrien inférieur, alors que le reste de l'agglomération de Carteret est construit sur des schistes et calcaires du Dévonien[10].

Classement

Logo de Natura 2000.
Logo de Natura 2000.
Logo site naturel

Trois sites le composant sont classés comme site naturel : La vieille église de Carteret sous le numéro 50019 depuis , les falaises de Carteret sous le numéro 50021 depuis , la Roche-Biard sous le numéro 50020 depuis et le massif dunaire de Beaubigny en contre-bas sous le numéro 50022 depuis et l'ensemble du littoral de Saint-Germain-sur-Ay au Rozel dans le réseau européen Natura 2000[11],[12].

Sous la gestion du Syndicat mixte des espaces littoraux de la Manche (Symel) les murets de pierre sèche à l'ancienne sont reconstitués pour la protection des abords. Un plan de circulation est défini avec la création et la restauration de sentiers pour canaliser les 80 000 visiteurs annuels, et la sauvegarde de la faune sur les falaises: oiseaux ainsi qu'un bouc et une chèvre sauvages.

Faune et flore

Flore

Genista anglica

Principalement constitué de landes (et de bocage à l'intérieur des terres), formées de fougères, bruyères, genêts d'Angleterre, ajoncs (de Le Gall et d'Europe), le cap se distingue de ses abords qui sont plutôt urbanisés au sud (port de Carteret) et sableux au nord (dunes d'Hatainville).

Dans les haies on trouve :

Il y existe aussi une petite concentration d'ormes, malheureusement très atteints par la graphiose.

Les vires rocheuses sont recouvertes par de petites siliceuses très riches au niveau de la flore : jonc capiteux, romulée à petites fleurs, scléranthe annuel, orpin des anglais.... Dans les endroits au sol plus épais, les graminées dominent avec le dactyle, le chiendent ou encore la grande brize parmi lesquelles on observera en touffes éparses la silène maritime. En nous rapprochant des dunes, on découvre alors les différents cortèges des hauts de plage aux pelouses dunaires, jusqu'à l'arrière-dune boisée[13].

Enfin, dans les jardins des résidences privées construites sur le cap, on rencontre des hortensias, des camélias et quelques palmiers.

Faune

Cormorans huppés

C'est un des rares lieux de reproduction du grand corbeau (Corvus corax) de Normandie avec des parades nuptiales spectaculaires au-dessus du cap en février/mars.

Le cap est aussi fréquenté par de nombreuses espèces régulièrement observables en mer :

  • les goélands (argentés et marins),
  • les fous de Bassan
  • le fulmar boréal
  • le cormoran huppé

et nicheurs sur le site :

  • la fauvette pitchou, grisette et à tête noire
  • le pipit maritime
  • le merle noir
  • le troglodyte mignon
  • l'accenteur mouchet
  • le pigeon ramier
  • l'alouette des champs
  • le rouge-queue noir

Outre les oiseaux, on trouve également les reptiles suivants fréquentant le cap de Carteret : la vipère péliade, la couleuvre à collier et la coronelle lisse

En mer, au large du cap, on rencontre aussi :

Afin de conserver la biodiversité des falaises du cap de Carteret, le SyMEL gestionnaire du site protégé a remis sur la falaise un petit troupeau de chèvres des fossés pour l'entretien de la végétation. Parquées sur la falaises entre les murets, elles y pâturent à différentes périodes de l'année. (SyMEL, com.pers.)


Voir aussi

Bibliographie

Notes et références

Notes

  1. malgré la disposition des lieux et la toponymie (le Chatel) la preuve d'une utilisation militaire romaine n'est pas retrouvée
  2. saint Germain d'Auxerre, patron de l'église de Barneville, parti combattre le pélagianisme en Bretagne insulaire, baptise Germain le Scot après la conversion de ses parents princiers
  3. Le trou Baligan où le dragon diabolique est terrassé n'est plus accessible, il est remplacé par la Centrale nucléaire de Flamanville construite au même endroit...

Références

  1. Pierre Stephan, « Évolutions morphologiques et indices d’occupation humaine au Pléistocène et à l’Holocène le long des côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique », Les Nouvelles de l'Archéologie, no 156 « Estrans, l'archéologie entre terre et mer »,‎ , p. 53-59 (ISSN 2425-1941, lire en ligne)
  2. P. Le Quertier, [« http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1910_num_7_11_12066 Découvertes à Carteret (Manche) et dans les environs »], Bulletin de la Société préhistorique de France, 1910, volume 7, numéro 11. pp. 591-594.
  3. Fabien Delrieu, Cyrille Billard, Gilles Laisné et al., « Barnevulle-Carteret, Le Cap », Bilan scientifique de la région Basse Normandie DRAC service régional de l'archéologie,‎ , p. 75 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Fabien Delrieu et Pierre Giraud, « Les sites fortifiés protohistoriques de hauteur en Basse-Normandie », ADLFI. Archéologie de la France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Mathilde Rouspard, « Du paganisme au christianisme en Normandie occidentale (ive-ve siècles) : premiers éléments de synthèse », Annales de Noormandie, no 2,‎ , p. 3-26 (lire en ligne)
  6. « Barneville-Carteret La Vieille église » (consulté le ).
  7. a b et c Abbé Marcel Basseville, Saint Germain Scot, dit l’Eccossoy, évêque et martyr, Ve siècle, Patron de la ville de Ribémont. Sa vie, ses reliques, son culte, 3e édition, 1943,p.16
  8. Dom Jean Laporte, Saint Germain Apôtre du Cotentin martyrisé dans le Val de Bresle, 1959, p.4
  9. a et b Abbé Marcel Basseville, Saint Germain Scot, dit l’Eccossoy, évêque et martyr, Ve siècle, Patron de la ville de Ribémont. Sa vie, ses reliques, son culte, 3e édition, 1943
  10. Guide géologique Normandie-Maine, éditions Dunod, 2e éditions, pages 94-95. (ISBN 2 10 050695 1)
  11. « Liste des sites protégés de la Manche », sur Wikimanche (consulté le ).
  12. « annexe 10 Troisième partie_gaec drouet », sur Manche.gouv.fr (consulté le ).
  13. a et b SyMEL, « Le territoire de St Germain sur Ay au Rozel, les deux visages de la côte ouest du Cotentin, document unique de gestion » (consulté le ).
  14. « Grand Dauphin GECC » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  15. « Bilan OBSMAM 2015 », sur GECC, groupe d'étude des cétacés du Cotentin,