Bolet Satan

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Rubroboletus satanas

Rubroboletus satanas (auparavant Boletus satanas[1]avant son transfert en 2014, dans le nouveau genre Rubroboletus à la suite de nombreuses études phylogénétiques effectuées sur le genre Boletus s.l.), en français le Bolet Satan ou Bolet de Satan, est une espèce de champignons (Fungi) basidiomycètes, toxique et plutôt rare, du genre Rubroboletus dans la famille des Boletaceae. Il est caractérisé par son chapeau blanchâtre et sa chair modérément bleuissante à la coupe.

Taxonomie[modifier | modifier le code]

Nom binomial accepté[modifier | modifier le code]

Le nom correct complet (avec auteur) de ce taxon est Rubroboletus satanas (Lenz) Kuan Zhao & Zhu L.Yang[2].

L'espèce a été initialement classée dans le genre Boletus sous le basionyme Boletus satanas Lenz[2].

Synonymes[modifier | modifier le code]

Rubroboletus satanas a pour synonymes[2] :

  • Boletus crataegi Smotl.
  • Boletus crataegi Smotl. ex Hlavácek
  • Boletus foetidus Lagger
  • Boletus foetidus Trog
  • Boletus marmoreus Roques
  • Boletus satanas f. crataegi Smotl.
  • Boletus satanas f. crataegi Smotl. ex Antonín & Janda
  • Boletus satanas (Lenz) Kuan Zhao & Zhu L.Yang
  • Boletus satanas Lenz
  • Boletus satanus Lentz
  • Boletus tuberosus var. satanas (Lenz) Bataille
  • Rubroboletus satanas f. crataegi (Smotl. ex Antonín & Janda) Janda & Kříž
  • Suillellus satanas (Lenz) Blanco-Dios
  • Suillus satanas (Lenz) Kuntze
  • Tubiporus satanas (Lenz) Maire
  • Tubiporus satanas (Lenz) Ricken

Phylogénie[modifier | modifier le code]

Collection de sporophores de Rubroboletus satanas avec coupe verticale.

Connu à l'origine sous le nom de Boletus satanas, le Bolet Satan a été décrit par le mycologue allemand Harald Othmar Lenz en 1831. Lenz avait eu connaissance de plusieurs rapports faisant état de réactions indésirables de personnes ayant consommé ce champignon et s'était apparemment senti malade à cause de ses "émanations" en le décrivant, d'où l'épithète sinistre du nom[3]. Le mycologue américain Harry D. Thiers a conclu que le matériel provenant d'Amérique du Nord correspondait à la description de l'espèce[4], mais des tests génétiques ont depuis confirmé que les collections de l'ouest de l'Amérique du Nord représentaient Rubroboletus eastwoodiae, une espèce différente. Une analyse génétique publiée en 2013 a révélé que B.satanas et plusieurs autres bolets à pores rouges font partie du clade "dupainii" (nommé d'après B.dupainii), et sont éloignés du groupe principal de Boletus (y compris B.edulis et ses proches) au sein des Boletineae. Cela indique que B.satanas et ses proches appartiennent à un genre distinct[5]. L'espèce a donc été transférée dans le nouveau genre Rubroboletus en 2014, avec plusieurs espèces alliées de bolets à pores rouges et à oxydation bleue[6]. Des tests génétiques sur plusieurs espèces du genre ont révélé que R.satanas est le plus étroitement apparenté à R.pulchrotinctus, une espèce morphologiquement similaire mais beaucoup plus rare qui se trouve dans les régions méditerranéennes.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le latin rubro dans le nom de genre Rubroboletus fait référence à la rougeur du pied et des tubes. Tandis que l'épithète spécifique satanas fait référence à Satan ou au diable, ramenant également aux couleurs rouges "sataniques" de ce bolet et à sa toxicité.

Noms vulgaires et vernaculaires[modifier | modifier le code]

Bolet Satan, Bolet de Satan, Bolet satanique, Bolet du diable, Bolet diabolique.

Description[modifier | modifier le code]

Jeune spécimen.

Les Bolets sont des champignons, pour la plupart mycorhiziens, dont l'hyménophore, constitué de tubes et terminés par des pores, se sépare facilement de la chair du chapeau. Ce chapeau d'abord rond, recouvert d'une cuticule, devient convexe à mesure qu’il vieillit. Ils ont un pied (stipe) central assez épais et une chair compacte. Le Bolet Satan est le plus gros des Bolets d'Europe, son chapeau peut atteindre voire dépasser 30 cm, il est également très connu pour sa toxicité. Ses caractéristiques morphologiques sont les suivantes :

Son chapeau mesure 5 à 25 cm, il est blanc pur au départ, il ressemble alors à une boule de neige, il s'étale ensuite en un large dôme aplati et tourne au blanchâtre à gris mastic, parfois avec des tons grisâtres plus accentués, ou encore olivâtres ou rosâtres[7]. Il est le seul bolet du genre Rubroboletus à chapeau blanchâtre typiquement sans nuances de rose au niveau du chapeau, bien que cela ne soit pas impossible sur de rares cas, vers la marge.

Son hyménophore présente des tubes jaunes puis olivâtres, légèrement bleuissant, soutenant des pores fins, d'abord jaune puis vite rouge orangé à rouge sang, bleuissants[7].

Son pied est souvent obèse, nettement renflé à la base, faisant 5 à 15 cm de long pour 3 à 10 cm de large, jaune en haut puis rose vif à rouge en bas, orné d'un fin réseau concolore ou plus au moins rouge, assez difficile à distinguer par rapport à ceux d'autres bolets[7].

Sa chair est blanchâtre ou jaunâtre, faiblement ou modérément bleuissante d'un bleu ciel à la coupe au contact de l'air, plutôt lentement. Sa saveur est douce et son odeur est généralement désagréable, de plus en plus écœurante avec l'âge, nauséeuse, de viande avariée[7].

Caractéristiques microscopiques[modifier | modifier le code]

Ses spores mesurent 12 à 15 µm x 5,5 à 6,5 µm[8], elles sont allongées-fusoïdes[7].

Variétés et formes[modifier | modifier le code]

Rubroboletus satanas f. crataegi n'a pas de tonalités roses et a par conséquent un pied et des pores jaunes[9].

Habitat et distribution[modifier | modifier le code]

Illustration de Rubroboletus satanas par Albin Schmalfuss, 1897.

C'est un champignon ectomycorhizien, thermophile et calcicole, il apparaît en été et au début de l’automne dans les régions méridionales dans les bois de feuillus, sous les hêtres, les chênes, ou les charmes. Assez rare, surtout dans les régions du nord, ce bolet ne pousse que pendant les périodes chaudes et ensoleillées[10], on le trouve souvent après les gros orages de fin d'été[7].

Rubroboletus satanas est largement répandu dans toute la zone tempérée, mais il est rare dans la plupart des localités signalées. En Europe, il se rencontre principalement dans les régions méridionales et est rare ou absent dans les pays septentrionaux. Au Royaume-Uni, ce bolet ne se trouve que dans le sud de l'Angleterre. il est rare en Scandinavie, se rencontrant principalement sur quelques îles de la mer Baltique où les conditions sont favorables, avec un sol très calcaire[11]. Dans la région méditerranéenne orientale, il a été signalé dans la forêt de Bar'am dans la région de la Haute Galilée dans le nord d'Israël[12], ainsi que sur l'île de Chypre, où il est associé au chêne doré (Quercus alnifolia). Il a également été documenté dans les régions de la mer Noire et de l'Anatolie orientale en Turquie[13], ainsi qu'en Crimée et en Ukraine[14], sa répartition pouvant s'étendre jusqu'à l'Iran au sud[15].

Dans le passé, R. satanas a été signalé dans les zones côtières de la Californie et du sud-est des États-Unis[16], mais ces observations concernent plutôt Rubroboletus eastwoodiae, une espèce étroitement apparentée.

Toxicité[modifier | modifier le code]

Malgré son nom, le Bolet Satan n'est pas réellement dangereux pour la vie d'un adulte en bonne santé. Sa toxicité est d'ordre gastrointestinale, sa consommation entraînera nausées, diarrhées, diarrhées sanglantes et vomissements répétés. Son degrès de toxicité apparaît variable selon les individus. Il est particulièrement toxique si consommé cru, mais, même cuite, sa chair reste nocive, des intoxications sévères ayant été observées chez des personnes qui ont consommé des sujets jeunes et bien cuits. Ces intoxications sont extrêmement rares, son aspect caractéristique, son odeur repoussante et le fait qu'il devienne très rapidement véreux dissuadent de le consommer[17].

La bolesatine, une enzyme toxique, isolée des fructifications de R. satanas, est impliquée dans les intoxications[18]. La bolesatine est un inhibiteur de la synthèse des protéines et, lorsqu'elle est administrée à des souris, elle provoque une thrombose importante[19]. À des concentrations plus faibles, la bolesatine est un mitogène, qui induit la division cellulaire dans les lymphocytes T humains[20]. La muscarine a également été isolée à partir de R. satanas, mais on estime que ses quantités sont beaucoup trop faibles pour expliquer ses effets toxiques[21].

Le mycologue anglais John Ramsbottom a controversialement rapporté en 1953 que R. satanas était consommé dans certaines régions d'Italie et de l'ancienne Tchécoslovaquie[22]. Dans ces régions, le champignon serait consommé après une ébullition prolongée qui est censé neutraliser les toxines, bien que cela n'ait jamais été prouvé scientifiquement.

Galerie[modifier | modifier le code]

Confusions possibles[modifier | modifier le code]

Neoboletus erythropus, le Bolet à pied rouge. Bon comestible. Souvent délaissé de peur de le confondre avec le Bolet Satan.

Autres bolets toxiques[modifier | modifier le code]

Par une croyance populaire et la diabolisation de cette espèce, le Bolet Satan est souvent considéré comme le seul Bolet toxique en Europe. Il n'en est rien. En plus des autres espèces toxiques citées précédemment en tant que confusions possibles du Bolet Satan, on notera également les suivantes :

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Espèce décrite en 1831 par Harald Othmar Lenz (de).
  2. a b et c GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 10 janvier 2024
  3. (en) Ramsbottom J (1953). Mushrooms & Toadstools. Collins. pp. 53–54.
  4. (en) Thiers HD (1975). California Mushrooms – A Field Guide to the Boletes. New York: Hafner Press. p. 58.
  5. (en) Nuhn ME, Binder M, Taylor AFS, Halling RE, Hibbett DS (2013). "Phylogenetic overview of the Boletineae". Fungal Biology. 117 (7–8): 479–511.
  6. (en) Kuan Zhao, Gang wu, Zhu L. Yang, « A new genus, Rubroboletus, to accommodate Boletus sinicus and its allies »
  7. a b c d e et f Guillaume Eyssartier & Pierre Roux, Guide des champignons – France et Europe – 4ᵉ édition, Belin, 2017., p. 106
  8. « Mycocharentes - Rubroboletus satanas »
  9. « MycoDB : Fiche de Rubroboletus satanas », sur www.mycodb.fr (consulté le )
  10. « MycoDB : Fiche de Rubroboletus satanas », sur www.mycodb.fr (consulté le )
  11. (en) S Nilson ,O Persson, Fungi of Northern Europe 1: Larger Fungi (Excluding Gill-Fungi), , p. 104
  12. (en) Z Avizohar-Hershenzon , N Binyamini, "Boletaceae of Israel: I. Boletus sect. Luridi". Transactions of the British Mycological Society.,
  13. (en) K Demirel, Y Uzun, A Kaya, Some Poisonous Fungi of East Anatolia,
  14. (en) Akulov, Yu O., Pryidiuk, M.P., "The preliminary checklist of boletoid fungi of Ukraine". Pagine di Micologia,
  15. (fa) Asef Shayan, M.R., Qarch-ha-ye Sammi-ye Iran قارچهای سمی ایران, p. 214
  16. (en) JA Ammirati, JA Traquair, PA Horgen, Poisonous Mushrooms of the Northern United States and Canada;. Minneapolis: University of Minnesota Press, , p. 241
  17. René Charles Azéma, « Les champignons catalans », Terra Nostra, no 47,‎ , p. 360-363.
  18. (en) O Kretz , EE Creppy, G Dirheimer, "Characterization of bolesatine, a toxic protein from the mushroom Boletus satanas Lenz and its effects on kidney cells". Toxicology.,
  19. (en) R Ennamany, A Bingen, EECreppy, O Kretz, JP Gut, L Dubuisson, C Balabaud, PB Sage, A Kirn, "Aspirin (R) and heparin prevent hepatic blood stasis and thrombosis induced by the toxic glycoprotein Bolesatine in mice". Human & Experimental Toxicology.,
  20. (en) F Licastro, MC Morini, O Kretz, G Dirheimer, EE Creppy, F Stirpe, "Mitogenic activity and immunological properties of bolesatine, a lectin isolated from the mushroom Boletus satanas Lenz". International Journal of Biochemistry.,
  21. Denis R. Internet Archive, Mushrooms : poisons and panaceas : a handbook for naturalists, mycologists, and physicians, New York : W.H. Freeman, (ISBN 978-0-7167-2600-5 et 978-0-7167-2649-4, lire en ligne)
  22. J Ramsbottom, Mushrooms & Toadstools. Collins., , p. 53