Blaxploitation

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La blaxploitation — ou blacksploitation — est un courant culturel et social propre au cinéma américain des années 1970 qui a revalorisé l'image des Afro-Américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan et non plus seulement dans des rôles secondaires et de faire-valoir. Le mot est la contraction, sous forme de mot-valise, des mots « black » (qui signifie noir) et « exploitation ». On parle parfois de blaxplotation, autre contraction issue de « black » et de « plot » (le sujet d'un film).

Description[modifier | modifier le code]

Bien qu'Oscar Michaux soit le premier réalisateur de film à mettre en scène des Afro-Américain sans caricature, les films hollywoodiens des années 1930, 1940 ou 1950 ne montrent les Noirs que dans des rôles de danseurs de cabaret, serveurs, bandits ou esclaves. Bien qu’un certain réalisme exigeait de représenter les basses couches de la société américaine par les personnes mêmes qui en étaient issues, l’émergence dans l’espace public d’une classe moyenne noire au cours des années 1950-1960 (notamment à travers les luttes pour les droits civiques) a conduit de nombreux artistes à changer de registre en matière de représentation des Noirs. Par ailleurs, malgré les victoires politiques du mouvement des droits civiques, les scénarios et castings continuaient à profiter aux acteurs blancs, du moins pour les rôles majeurs.

Sweet Sweetback's Baadasssss Song, tourné en 1971 par Melvin Van Peebles[1], sonne la révolte. Ce film 100 % noir rapporte plus de 15 millions de dollars, un chiffre exceptionnel pour une production indépendante d'un budget de 150 000 dollars. La même année sort Les Nuits rouges de Harlem (Shaft en version originale), cette fois-ci produit par un grand studio mais toujours réalisé par un Noir, Gordon Parks (photographe et journaliste). Shaft sera un succès planétaire grâce en partie à la musique originale du film d'Isaac Hayes[2]. Les premiers succès des productions de blaxploitation font réaliser aux studios de production de cinéma l'existence d'une niche dans le marché du cinéma, les spectateurs noirs[3].

Dans les productions blaxploitation, les films n'engageaient que des Noirs et ne s'adressaient qu'à la même communauté sur des thèmes de prédilection en utilisant tous les stéréotypes possibles. Que ce soient les films policiers (trilogie des Shaft) ou les enquêtes par des détectives privés (Shaft, les nuits rouges de Harlem), le cinéma d'horreur (Blacula, le vampire noir, Abby (en)), les arts martiaux (Black Belt Jones (en) de Robert Clouse), le péplum (La Révolte des gladiatrices de Steve Carver), le western (Boss Nigger), l'espionnage (Dynamite Jones de Jack Starrett), le film politique engagé (The Spook Who Sat by the Door d'Ivan Dixon), le comique (Uptown Saturday Night (en)).

Mais, sans compter les condamnations de plus en plus fortes des associations noires telles que la NAACP, la surproduction finit par lasser le public et à la fin des années 1970, le genre tomba en désuétude[réf. nécessaire].

Quelques icônes du cinéma de blaxploitation sont à signaler comme Pam Grier (vue dans Jackie Brown), Jim Kelly (vu dans Opération Dragon de Bruce Lee), Rudy Ray Moore et Fred Williamson, aperçu dans Une poignée de salopards ainsi que dans Une nuit en enfer.

Bien que le genre soit quasi-exclusivement américain, le cinéma italien s'y est essayé avec la série des Black Cobra à la fin des années 1980.

Le genre a eu une grande influence sur certains réalisateurs contemporains. Ainsi, Quentin Tarantino lui a rendu maintes fois hommage dans ses films, principalement dans Jackie Brown mais aussi dans Kill Bill vol 1 par l'usage de la musique du film Truck Turner & Cie et quelques clins d'œil appuyés. En 2009, le film Black Dynamite parodie les films de blaxploitation. En 2018, plusieurs remakes de films de blaxploitation sont annoncés : Shaft, produit par New Line Cinema, Super Fly, produit par Sony Pictures Entertainment, Cleopatra Jones, produit par Warner Bros., et Foxy Brown, produit par Hulu[4]. Le nouveau site de streaming Brown Sugar a lancé la chaîne Bounce TV, consacrée aux films de blaxploitation[5].

Sociologie[modifier | modifier le code]

Inspirés de l'idéologie du Black Power, ces films sont populaires dans la communauté noire, car ils montrent des acteurs afro-américains dans des situations d'hommes fiers et libres de leurs choix de vie. Ces personnages noirs résistent aux Blancs et leur répondent. Le personnage noir est souvent associé au bien, et le blanc au mal[6],[7].

Lorsque le personnage est un homme, dans beaucoup de films comme Black Caesar, le parrain de Harlem, la mère tient une place importante dans la vie du personnage, en raison d'un problème persistant dans les quartiers noirs dans les années 1970 : beaucoup de pères abandonnaient l'enfant à leur mère. Les films de la blaxploitation reflètent les aspirations des Noirs aux droits civiques, leurs difficultés quotidiennes, mais aussi la prostitution, la drogue, la corruption, le racisme de la part des policiers, les viols...

Une grande majorité des films de blaxploitation sont de qualité plutôt médiocre, souvent violents et remplis de clichés et préjugés. Ils parlent de prostitution, de drogue, et de meurtre, des stéréotypes repris depuis dans le gangsta rap. On y présent également des maquereaux flamboyants, appelés pimps[1].

Certains de ces films étaient parfois réalisés par des Blancs (Larry Cohen pour Black Caesar, le parrain de Harlem), ce qui poussa des associations afro-américaines à les rejeter.

Bandes originales[modifier | modifier le code]

Chaque film est l'occasion de fournir une bande originale de grande qualité. Beaucoup de grands musiciens noirs des années 1970 composent pour les films de blaxploitation : James Brown (Black Caesar, le parrain de Harlem), Jimmy Cliff (The Harder They Come), Curtis Mayfield (Super Fly, Three The Hard Way, Short eyes), Isaac Hayes (Les Nuits rouges de Harlem, Truck Turner & Cie, Les Durs), Johnny Pate (en) (Brother on the Run, Shaft in Africa, Bucktown), Marvin Gaye (Trouble Man), Norman Whitfield (Car Wash), Edwin Starr (Casse dans la ville), Roy Ayers (Coffy, la panthère noire de Harlem), J.J. Johnson (Dynamite Jones), Willie Hutch (Le Mac), Herbie Hancock (The Spook Who Sat by the Door) et Barry White (Together Brothers)[1]...

Films de blaxploitation[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Indispensables Blaxploitation », sur lesinrocks.com, (consulté le ).
  2. Shaft : music from the sountrack / Isaac Hayes, comp. ; Isaac Hayes, claviers, chant - Publication : Hambourg : Polydor, 1971. in: http://catalogue.bnf.fr
  3. La Blaxploitation, un autre regard, www.imaf.cnrs.fr, 15 septembre 2017 (consulté le 15 juin 2018)
  4. (en) The return of blaxploitation: why the time is right to bring back Shaft and Foxy Brown, www.theguardian.com, 11 janvier 2018 (consulté le 15 juin 2018)
  5. (en) Glenn Kenny, Blaxploitation Movies Are Ready to Stream, Nostalgia Included, www.nytimes.com, 9 février 2017 (consulté le 15 juin 2018)
  6. (en) Neil Mitchell, 10 great blaxploitation movies, www.bfi.org.uk, 3 novembre 2016 (consulté le 15 juin 2018)
  7. La Blaxploitation, c'est Baadasssss !, www.allocine.fr, 15 janvier 2010 (consulté le 15 juin 2018)

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • en anglais
    • 1993 : Framing Blackness: The African American Image in Film de Ed Guerrero (Temple University Press)
    • 1995 : That's Blaxploitation!: Roots of the Baadasssss 'Tude (Rated X by an All-Whyte Jury) de Darius James (St. Martin's Griffin)
    • 1997 : Who Stole the Soul?: Blaxploitation Echoed in the Harlem Renaissance de Brian Dorsey (Institut F'Ur Anglistik Und Amerikanistik)
    • 1998 : What It Is… What It Was!; The Black Film Explosion of the '70s in Words and Pictures de Andres Chavez, Denise Chavez, Gerald Martinez (Miramax Books)
    • 1998 : The Superfly Guide to Blaxploitation Movies de Alan McQueen & Martin McCabe (Titan Books)
    • 2001 : Blaxploitation Cinema de Dr Mikel J. Koven (Pocket Essentials)
    • 2006 : Women of Blaxploitation: How the Black Action Film Heroine Changed American Popular Culture de Yvonne D. Sims (McFarland & Company, Inc.)
    • 2007 : Blaxploitation Films of the 1970s: Blackness and Genre de Novotny Lawrence (Routledge)
    • 2007 : The Notorious Phd's Guide to the Super Fly '70s de Todd Boyd (Broadway edition)
    • 2008 : Blaxploitation Cinema: The Essential Reference Guide de Josiah Howard (FAB Press)
    • 2008 : "Baad Bitches" and Sassy Supermamas: Black Power Action Films de Stéphane Dunn (University of Illinois Press)
    • 2009 : Reflections on Blaxploitation: Actors and Directors Speak de David Walker, Andrew J. Rausch, Chris Watson (The Scarecrow Press, Inc)
    • 2009 : Jack Hill: The Exploitation and Blaxploitation Master, Film by Film de Calum Waddell (McFarland & Company, Inc.)
    • 2009 : BadAzz MoFo's Book of BLAXPLOITATION, Volume One de David Walker (Drapetomedia)
    • 2010 : Blaxploitation Films de Mikel J. Koven (Oldcastle Books)
  • en français
    • 2007 : Mad Movies, Hors-série spécial Grinhouse (cinéma d'exploitation), juin, 2007
    • 2008 : Blaxploitation, 70's Soul Fever. Sévéon, Julien. Bazaar & Compagnie. Paris, 2008

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]