Sociologie des religions

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La sociologie des religions (dite aussi « sociologie de la religion ») est la branche de la sociologie s'intéressant aux phénomènes d'ordre religieux. Il s'agit d'une discipline qui explique les phénomènes entourant la spiritualité et les religions.

Approches sociologiques[modifier | modifier le code]

Émile Durkheim et Max Weber sont considérés comme les fondateurs de la discipline[1].

L'approche marxiste, introduite par Karl Marx et Friedrich Engels, envisage la religion comme idéologie, comme « l'opium du peuple »[1], la religion est une production non-materielle des sociétés traduisant des rapports sociaux et politiques. Dans l'ouvrage Sociologie religieuse (1850), Engels soutient que toute religion est un “déguisement” d'intérêts de classe, légitimatrice de ceux-ci, dans le processus de la lutte des classes.

L'approche de Max Weber distingue la religion des autres phénomènes sociaux par son contenu, et plus précisément par la séparation qu'elle effectue entre deux mondes : visible/invisible, naturel/surnaturel, temporel/spirituel, humain/suprahumain, etc. Max Weber affirme dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme que la religion, en particulier le calvinisme, a influé sur le système économique, bien plus que l'inverse, postulé par Marx.

L'approche fonctionnelle, illustrée par Durkheim, définit la religion par son utilité : la religion est ce qui crée du lien social ou qui fournit une explication globale du monde.

Yves Lambert propose une approche qui définit la religion par trois critères : par sa croyance en l'existence d'une réalité se situant au-delà de la réalité empirique ; par la foi en l'existence d'une relation entre l'homme et une réalité supraempirique ; sur des formes rituelles collectives.

Aspects de la recherche sociologique[modifier | modifier le code]

L'évolution religieuse occidentale[modifier | modifier le code]

Érosion de l'adhésion chrétienne[modifier | modifier le code]

De manière générale, on constate particulièrement dans les années 60 une baisse de l'adhésion chrétienne, prenant des « allures d’un krach »[2]. Celui-ci s'est produit, selon Guillaume Cuchet, « à la faveur de Vatican II, avant Mai 68 et la publication en juillet de la même année de la fameuse encyclique Humanae vitae de Paul VI sur la contraception, traditionnellement invoqués pour l’expliquer. Non que ces deux événements n’aient pas eu d’importance : ils ont amplifié la vague, mais ils ne l’ont pas créée »[2].

Théorie de la sécularisation[modifier | modifier le code]

Il y a, en réalité, plusieurs théories de la sécularisation[3], sujets d'un débat scientifique international[4]. Celles-ci expriment que « la modernisation des sociétés condui[t] automatiquement à un recul, voire une disparition du religieux »[5].

Hans Joas confirme ces « mouvements de sécularisation », mais rappelle qu'il peut y avoir, en même temps, « des épisodes de revitalisation du religieux, comme c'est par exemple le cas aujourd'hui en République populaire de Chine ». Il oppose aux théories de la sécularisation « des processus apparemment contradictoires [comme] le fait que la sécularisation s'accompagne d'une revitalisation de certaines traditions religieuses »[6].

Sociologie chrétienne[modifier | modifier le code]

Diagonale du vide (France)[modifier | modifier le code]

Carte Boulard, d'après l'original de 1947

Suite au choc de La France, pays de mission ? (1943), le vide chrétien des campagnes a été découvert, avec en particulier, la « diagonale du vide », prenant « la France en écharpe du Nord-Est au Sud-Ouest, des Ardennes aux Landes »[7], mis en lumière par Fernand Boulard dans sa « carte Boulard ».

Catholicisme d'ouverture, catholicisme d'identité[modifier | modifier le code]

Depuis l'établissement de la notion par Philippe Portier[8], les termes de catholicismes d’« identité » et d’« ouverture » sont utilisés pour désigner « les deux grandes tendances du mouvement catholique contemporain en France »[9].

Les « catholiques d’ouverture » sont ceux qui veulent « prendre en compte, dans le monde d’aujourd’hui, les ferments de progrès, de miséricorde [... et ils] considèrent que c’est à partir de la rencontre, du dialogue des consciences, que l’on peut construire le monde, sans qu’une norme préalable vienne boucher les horizons »[10] ; ils veulent « réconcilier la gauche et le christianisme »[11]. Ils connaissent une « période d'effervescence » autour des années 1968[12]. Ce pôle du catholicisme français est décrit comme étant en déclin, avec un faible taux de transmission intergénérationnelle de la foi chrétienne et peu de vocations sacerdotales ou religieuses suscitées en son sein[9].

Les « catholiques d’identité » sont décrit comme rêvant « de visibilité dans un monde globalisé et communautaire »[13] et ayant « une conception plutôt pessimiste du monde tel qu’il va ». Ils cherchent à restaurer « l’Église dans son statut traditionnel de guide de la cité, de defensor civitatis »[14]. Ils « privilégient l’idée qu’il faut construire le social sur des normes objectives », selon Philippe Portier[10]. Le catholicisme d'identité se divise, selon Magali Della Sudda, en deux sous-catégories, « charismatiques et restitutionnistes. Ces derniers sont proches de l’Opus Dei, la communauté Saint-Martin, la communauté des frères de Saint-Jean, les Légionnaires du Christ, les Foyers de Charité ainsi que d’autres groupes issus du schisme lefebvriste »[15].

Touefois, l'historien Guillaume Cuchet estime que la distinction entre « identité » et « ouverture », ne fonctionne pas bien, car les termes ne se correspondent pas vraiment : « dans le tandem, " identité " et " ouverture " ne renvoient pas exactement à la même chose. D’un côté, il s’agit de la définition de soi ; de l’autre, de l’attitude face au monde moderne. Or, que l’on sache, les catholiques d’« ouverture » ont aussi une " identité ", même s’ils n’aiment pas beaucoup le mot, sauf à dire sans doute que leur " identité " est précisément leur " ouverture " »[16]. Après avoir longtemps employé l'expression[17], Le Monde semble désormais lui préférer la formule « catholicisme d'affirmation »[16].

Extrémismes religieux[modifier | modifier le code]

Montée des extrémismes religieux[modifier | modifier le code]

Les problèmes liés à cette étude sont multiples :

  • D'une part les termes liés à l'extrémisme religieux, mêlant, extrémisme, radicalisme, intégrisme, ultraorthodoxie, fanatisme. Il faut donc de ne pas travestir la réalité en respectant les sensibilités de chacun. Le fondamentalisme est purement religieux, et s'attache principalement au respect des traditions de sa religion dans le cadre religieux. L'intégrisme au contraire, veut modeler la société et l'État conformément aux prescriptions religieuses. Il entre donc de plain-pied dans la politique.
  • D'autre part dans la diversité des confessions des religions, donc des extrémismes religieux (islamistes, hindous nationalistes, loubavitch, télé-évangélistes américains, etc.). Ainsi, il ne sera fait mention ici que des points communs entre ces différents extrémismes.
  • Enfin, toute étude sociologique de l'extrémisme religieux est rendu difficile par les extrémistes eux-mêmes. Aucun sociologue n'ayant pu étudier les extrémistes de l'intérieur.

Origine commune[modifier | modifier le code]

L'affirmation de l'extrémisme religieux apparaît dès 1970, notamment en Iran et en Israël avec l'imam Khomeiny et les ultra orthodoxes juifs. En Occident, les sectes commencent à se développer. Ceci s'explique par une triple rupture :

  • celles des idéologies séculières, qui comprennent le communisme, le libéralisme et le concept État-nation-parti des pays du Tiers Monde. Les échecs de ces idéologies sont montrés du doigt, à cause des inégalités Nord/Sud créées par le libéralisme et le retard économique et politique des deux autres idéologies dans leurs pays. Les intégristes religieux proposent une alternative à cela.
  • celle de l'ère des blocs, désormais révolue. Le bloc occidental et le bloc oriental, chacun orienté dans son conflit avec l'autre, imposait en son sein la cohésion. Avec l'effondrement du bloc soviétique, la contestation apparaît, notamment religieuse.
  • celle de la critique de la modernité, pouvant être perçue comme un facteur de corruption moral et politique.

Organisation des extrémismes religieux[modifier | modifier le code]

L'extrémisme religieux est particulièrement présent auprès des populations jeunes et/ou isolées. En France, les banlieues peuvent constituer un terrain de prédilection pour l'extrémisme. À la différence des villages traditionnels, les banlieues disposent rarement de réseaux sociaux de solidarité. Mais similairement aux villages traditionnels, il y a rarement d'identité politique forte. Ces facteurs favorisent la recherche d'une identité forte et d'une appartenance communautaire marquée et rendent l'implantation des extrémismes plus aisée.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean-Paul Willaime, « Chapitre premier. Les traditions sociologiques et le phénomène religieux », dans : Jean-Paul Willaime éd., Sociologie des religions. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2021, p. 7-39
  2. a et b Guillaume Cuchet, « Conclusion », dans : , Comment notre monde a cessé d'être chrétien. Anatomie d'un effondrement, sous la direction de CUCHET Guillaume. Paris, Le Seuil, « La Couleur des idées », 2018, p. 267-276.
  3. Olivier Tschannen, « Le paradigme de la sécularisation », dans : , Les Théories de la sécularisation, « Travaux de Sciences Sociales », 1992, p. 249-317.
  4. Jean-Paul Willaime, « Pertinence de l'impertinence chrétienne dans l'ultramodernité contemporaine ? Un point de vue sociologique sur la condition chrétienne aujourd'hui: », Transversalités, vol. N° 131, no 3,‎ , p. 113–132 (ISSN 1286-9449, DOI 10.3917/trans.131.0113, lire en ligne, consulté le )
  5. « L’avenir du christianisme dans un monde sécularisé | Lire pour croire… », (consulté le )
  6. Hans Joas et Pierre-Louis Choquet, « Explorer les transformations du sacré: Entretien avec Hans Joas », Raisons politiques, vol. N° 80, no 4,‎ , p. 5–27 (ISSN 1291-1941, DOI 10.3917/rai.080.0005, lire en ligne, consulté le )
  7. Guillaume Cuchet (dir.), « Chapitre 1. La « carte Boulard », lieu de mémoire du catholicisme français », dans Comment notre monde a cessé d'être chrétien. Anatomie d'un effondrement, Paris, Le Seuil, coll. « La Couleur des idées », , p. 33-85
  8. Philippe Portier, « Pluralité et unité dans le catholicisme français », Céline Béraud, Frédéric Gugelot, Isabelle Saint-Martin (dir.), Catholicisme en tensions, Paris, EHESS, 2012, p. 19-36.
  9. a et b Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français: », Études, vol. Février, no 2,‎ , p. 65–76 (ISSN 0014-1941, DOI 10.3917/etu.4235.0065, lire en ligne, consulté le )
  10. a et b « Des « catholiques d’ouverture » s’interrogent au sujet du Concile », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  11. Myriam Filippi, Un catholicisme d’ouverture. Les mouvements catholiques d’éducation populaire et leurs membres musulmans en France (années 1960-années 2010), École pratique des hautes études, 2019, 547 p., 392.
  12. Myriam Filippi, Un catholicisme d’ouverture. Les mouvements catholiques d’éducation populaire et leurs membres musulmans en France (années 1960-années 2010), École pratique des hautes études, 2019, 547 p., 13.
  13. Bruno Dumons, « 1. Le « catholicisme d’identité », une recharge du catholicisme intransigeant ?: », dans Catholicisme et identité, Karthala, , 11–16 p. (ISBN 978-2-8111-1839-6, DOI 10.3917/kart.dumon.2017.01.0009, lire en ligne)
  14. Philippe Portier, « Pluralité et unité dans le catholicisme français », Céline Béraud, Frédéric Gugelot, Isabelle Saint-Martin (dir.), Catholicisme en tensions, Paris, EHESS, 2012, p. 19-36, 26.
  15. Magali Della Sudda, « 14. Les Vigiles debout: », dans Catholicisme et identité, Karthala, , 251–266 p. (ISBN 978-2-8111-1839-6, DOI 10.3917/kart.dumon.2017.01.0251, lire en ligne)
  16. a et b Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français », Études, no 2,‎ , p. 65-76 (lire en ligne)
  17. Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français », Études, no 2,‎ , p. 68 :

    « Ce n’est pas tout à fait un hasard si, parmi nous, il est plutôt employé généralement au Parti socialiste ou dans les colonnes du Monde, ce qui n’ôte rien a priori à son intérêt mais qui est tout de même une indication de provenance. »

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

Sur la sociologie des religions[modifier | modifier le code]

  • Joseph Laloux, Manuel d'initiation à la sociologie religieuse, Coll. Feres, Paris, Editions universitaires, 1967.
  • Max Weber, Sociologie des religions (choix de textes et traduction par Jean-Pierre Grossein), Gallimard, 1996.
  • Françoise Champion (dir.) et Martine Cohen (dir.), Sectes et démocratie, Paris, Éditions du Seuil,
  • Shmuel Trigano, Qu'est-ce que la religion ? : La transcendance des sociologues, Champs Flammarion, 2004.
  • O. Bobineau, S. Tank-Stoper, Sociologie des Religions, Armand Colin, coll. 128, 2007.

Ouvrages de sociologie religieuse[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

  • Françoise Champion, « Sectes, entre guillemets », Actualité des religions, no 6,‎ , p. 40-43
  • Régis Dericquebourg, « Les stratégies des groupes religieux minoritaires face à la lutte anti-secte française », Religiologiques, no 22,‎ , p. 119-130 (lire en ligne)
  • Régis Dericquebourg, « Les groupes religieux minoritaires : aspects et problèmes », Cahier de l'association d'étude et d'information sur les mouvements religieux, nos 150-151,‎
  • Nathalie Luca, « Sectes, églises et nouveaux mouvements religieux », Actes du séminaire "L'enseignement du fait religieux",‎ (lire en ligne)
  • Frédéric Lenoir, « Controverses passionnées à propos des sectes », Le Monde diplomatique,‎ , p. 26-27 (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]