Bataille de Poitiers (1356)

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Bataille de Poitiers (1356)
Description de l'image Bataille_de_Poitiers_1356.jpg.
Informations générales
Date
Lieu Nouaillé-Maupertuis à 8km au sud de Poitiers (Poitou-Charentes)
Issue Victoire anglaise
Belligérants
France Angleterre
Gascogne
Commandants
Jean II le Bon Le Prince noir
Forces en présence
15 000 cavaliers 7 000 hommes
Pertes
15 barons tués[1]
2 426 hommes d'armes tués[1]
1 933 hommes d'armes prisonniers[1]
190 hommes d'armes
150 archers[2]

Guerre de Cent Ans

Batailles


Coordonnées 46° 32′ 24″ nord, 0° 23′ 24″ est

Lors de la guerre de Cent Ans, après leur éclatante victoire à la bataille de Crécy[3] (1346), les Anglais se sont solidement établis en Guyenne et mènent régulièrement des raids dans le Sud de la France[4]. En 1355 déjà, le roi de France Jean II manquant de fonds n'avait pu les combattre. Il réunit en 1356 les états généraux qui lui accordent ce dont il a besoin pour lever une armée. La bataille a lieu à Nouaillé-Maupertuis près de Poitiers. Quoique numériquement très supérieures, Jean II conduit ses troupes par une tactique irréfléchie et se fait prendre.

Campagne précédant la bataille

Course poursuite entre la chevauchée du Prince noir et l'Ost royal.

La chevauchée menée, début août 1356, par le Prince noir dévaste une grande partie du Bergeracois, du Périgord, du Nontronnais, du Confolentais, du Nord-Ouest du Limousin, de la Marche, du Boischaut, de la Champagne berrichonne, du Berry, de la Sologne, du Sud de la Touraine et du Poitou.
Pour le poursuivre plus efficacement, Jean II le Bon abandonne la moitié de son ost pour ne garder que les cavaliers, plus rapides. Les différents contingents qui avaient passé la Loire à Orléans, Mehun, Saumur, Blois,Tours et ailleurs, se réunirent vers la capitale tourangelle. Après avoir cherché l'adversaire, l'ost français, se trouve à proximité des anglais à Tours. Grâce à une habile manœuvre, le roi de France oblige les anglo-gascons à se diriger vers le Sud. Partant de Loches, les Français traversent la Creuse à La Haye, le 16 septembre, occupent le pont de Chauvigny et se dirigent sur Poitiers.
Le 17 septembre[5] au matin, le prince Noir fonce, avec 200 hommes d'armes, à travers la forêt de Moulière et débouche sur la route de Poitiers à Chauvigny où il tombe par surprise sur l'arrière garde de l'armée Française forte 700 hommes d'armes et chevaliers à la Chaboterie au Breuil l'Abbesse. Les français totalement décontenancés, s'enfuirent dans la forêt, perdant 240 hommes dont le comte de Joigny, Jean II de Chalon comte d'Auxerre et Jean II de Châtillon qui seront libérés après rançon.
Quand le roi Jean apprend que ses ennemis étaient derrière et non devant, il fait retourner sa troupe. Au soir, les deux armées campent l'une en face de l'autre.

Avant que la bataille ne se déclenche, le cardinal de Talleyrand-Périgord, légat pontifical d'Innocent VI tente une médiation et obtient une trêve de 24 heures.

Les Anglo-Gascons, très largement moins nombreux et menacés d'encerclement et de famine, offrent de rendre le butin et de ne point porter les armes pendant sept ans contre le royaume de France.

Mais, au conseil royal, prévaut l'idée de profiter du rassemblement d'une armée, manifestement plus puissante que l'autre, pour ne pas laisser échapper l'occasion de faire un exemple de ces ravageurs du royaume. Ainsi, il est énoncé dans les conditions de reddition que le Prince noir devra se constituer prisonnier au roi de France. Ne pouvant accepter ces termes, l'héritier du trône d'Angleterre se résout à livrer bataille.

Les Anglais acceptent le combat de mauvais gré, le chemin de la Guyenne leur étant coupé. La bataille se déroulant sur un terrain accidenté et coupé de haies, Jean II le Bon décide que le combat se fera à pied.

Préparation

Carte du champ de bataille avec le positionnement des armées
Bataille de Poitiers
Troupes françaises

Les troupes françaises sont disposées en 3 batailles[6] de 16 000 hommes chacune :

Pendant que ces batailles s'organisaient, le roi Jean fait reconnaître les positions anglaises par Eustache de Ribemont, Jean de Landas, Guichard de Beaujeu et Guichard d'Angles. Ceux-ci rapportent « la première bataille ennemies peut être estimés à 2 000 hommes d'armes, 4 000 archers et 1 500 brigands et qu'ils sont positionnés en un lieu très fort. Celui-ci est le long d'un chemin fortifié de haies et de buissons. De chaque côté de cette haie, qui n'a qu'un accès, sont positionnés les archers. Aux environs se trouvent les hommes d'armes et il est impossible d'attaquer uniquement à cheval dans ces conditions. Eustache de Ribemont préconise alors une attaque à pied après une attaque de cavalerie destinée à rompre les lignes anglaises. »

Il fut donc décidé de faire une trouée à travers les archers par une charge irrésistible, puis de s'élancer épée à la main le long du seul chemin qui conduisait aux anglais. Les maréchaux Jean de Clermont et Arnoul d'Audrehem chevauchèrent afin de de choisir 300 chevaliers ou écuyers les plus vaillants et les mieux montés et armés afin de conduire la charge de cette troupe d'élite. Un peu en arrière, se trouvait en renfort la bataille des chevaliers allemands et lorrains, commandés par les comtes de Sarrebruck, de Nidau et de Nassau. Le reste de l'armée était répartie en trois grosses batailles de 16 000 hommes chacune.

Troupes anglaises

Durant les 24 heures où les armées se faisaient face, les capitaines anglais renforcèrent leurs positions défensives en fonction des observations faites du dispositif d'attaque des troupes françaises.

Tout en conservant la première ligne de bataille telle que les chevaliers du roi de France l'avait observée, Le Prince de Galles placa plus loin à droite de la position de Maupertuis, sur une colline, 300 hommes d'armes et 300 archers sous le commandement de William Montagu, comte de Salisbury.

Le prince de Galles et sa grosse bataille, avec sa cavalerie et l'élite des barons anglais et gascons se tenaient un peu en arrière de la première bataille. La partie accessible du dispositif anglais « était fortifié et enclos avec le charroi et tout le harnois ».

Déroulement

Le roi allait donner le signal d'attaque lorsque deux légats du Pape accourus de toute hâte de Poitiers vinrent parler de trêve et de négociations pacifiques. Malgré le bon vouloir du Prince Galles, qui manquait de vivres, on ne put s'entendre et l'armistice consenti par le roi fut rompu le lendemain matin.

Au petit matin du 19 septembre 1356, un mouvement des Anglais laisse penser qu'ils tentent de passer leur butin de l'autre côté du Miosson au gué de l'Homme. Les deux commandants de l’avant-garde française ont un avis contraire sur ce mouvement : le maréchal Jean de Clermont appréhende un piège, alors que le maréchal Arnoul d’Audrehem estime qu'il faut tout de suite occuper les passages. Le ton monte, ils se défient et, sans prendre les ordres du roi, chargent chacun pour soi.

La charge d'Audrehem sur un chemin bordé de haies (Maupertuis, un mauvais passage) est anéantie par les archers gallois masqués derrière les buissons. Le connétable Gauthier VI de Brienne se joint au maréchal de Clermont pour charger sur le comte de Salisbury. Tous deux sont tués. L'avant-garde est décimée.

Les deux corps de bataille français s'engagent ensuite de façon désordonnée, désordre accentué par les pièges préparés par les Anglais. Les premières lignes françaises s'agglutinent en contrebas des haies infranchissables qui barrent le champ de bataille. Elles refluent à contre sens des secondes lignes qui montent à l'assaut. C'est la pagaille sous un déluge de flèches anglaises. La bataille tourne à l'avantage du Prince noir.

Quand il voit la déconfiture des maréchaux, le roi de France se lance dans la bataille qui se transforme bientôt en un remous de combats individuels où le désordre et puis le désarroi règnent. « Depuis la perte ou la prise des deux maréchaux, la mort du connétable, l'armée royale se disloquait progressivement. »

Il existe, pour l'armée qui relevait du ban féodal, le droit reconnu par l'ordonnance royale du 30 avril 1351, pour les seigneurs bannerets, de se départir (se dégager) d'une bataille jugée perdue et inutile à poursuivre. Ce départ doit se faire par délibération d'une même bannière et en ordre. Il ne se confond pas avec la fuite, mais s'explique par le souci d'éviter d'être fait prisonnier et de verser une rançon qui coûtait fort cher. Il est prescrit de prévenir de son départ.

Alors que le roi Jean II le Bon n'a pas encore donné l'assaut avec le gros de ses troupes, celles-ci l'abandonnent. Il pense alors que la défaite est possible, et sauve ses fils en les envoyant à Chauvigny : le dauphin Charles, le duc de Normandie et le duc d'Anjou.

Bataille de Poitiers, Jean Froissart, Chroniques(BNF)

Jean Chandos l'aperçoit de loin, reconnaissable à sa cotte d'armes fleur-de-lysée et le montre au prince de Galles : « Adressons-nous devers votre adversaire le roi de France, car en cette part gît tout le sort de la besogne. Bien sçait que par vaillance, il ne fuira point. »

Jean le Bon, sur une élévation de terrain appelée le champ Alexandre, entouré de ses plus fidèles, descend de cheval et fait mettre, à tous, pied à terre. Puis, saisissant une hache d'armes, il attend l'assaut.

Certes, Philippe VI, son père, n'avait commis aucune lâcheté, lorsque après s'être vaillamment battu, il se laissa entraîner hors du champ de Crécy par les compagnons qui lui restaient.

L'essence du pouvoir des rois de France est censée être d'ascendance divine. Une attitude non chevaleresque discréditerait la branche des Valois déjà vaincue à Crécy. Or Philippe VI, son père, avait été choisi comme roi au détriment d'Édouard III pourtant petit-fils de Philippe le Bel. Jean le Bon, ayant mis ses enfants à l'abri, choisit donc un sacrifice héroïque.

C'est ici que le commentaire de Jean-Michel Tourneur-Aumont, historien et professeur d'histoire à la Faculté des Lettres de Poitiers, prend un sens ésotérique. C'est le sacrifice du roi.

« Pressé de toutes parts, il se bat jusqu'à l'épuisement de ses forces et l'on peut se demander dans quelle faible mesure, l'appât de la rançon a pu retenir la main de ces guerriers avides, mais farouches, tout sanglants des coups que le roi leur portait. La voix de son fils cadet âgé de 14 ans, Philippe (qui en gardera le surnom de Hardi) qui était revenu se glisser à ses côtés retentit encore dans l'épopée française :— Père, gardez-vous à droite ! — Père, gardez-vous à gauche ! »

La popularité et la considération envers le roi vaincu furent unanimes. Elles sont attestées par les faits les plus probants : les dons volontaires pour la rançon en des temps de crise économique cruelle ; les entreprises de délivrance ; la littérature sans publicité, le prestige à Avignon, l'éclat des funérailles en 1364.

À deux lieues de là se dresse le tout neuf château de Chambonneau. Le Prince noir le prend par bluff. C'est au premier étage du donjon (encore existant) que se déroule le premier repas de captivité du roi et de son fils le 19 septembre au soir. Devant eux, un capitaine anglais blessé dans le combat et moribond à Chambonneau, rend l'âme dans les bras du Prince noir. Il s'agit du sire Dandley[7].

Les Anglais poursuivirent les fuyards jusque Poitiers qui ferma ses portes.

La bataille commencée à 6 heures, était finie à midi.

Bilan

Pertes[2]

Les Français perdirent 17 comtes, 1 archevêque, 66 barons et bannerets et 2 000 hommes d'armes.
3 000 hommes d'armes furent tués dans la poursuite sans compter les comtes, vicomtes, barons, bannerets….
Les Français laissèrent sur le champ de bataille 8 000 hommes d'armes.

Les Anglais ne perdirent que 190 hommes d'armes et 150 archers.

Jean le Bon est fait prisonnier par Denis de Morbecque. Jean le Bon est le 2e souverain français à être capturé sur un champ de bataille[8].
Édouard III exige une énorme rançon de quatre millions d'écus d'or pour sa libération. Son prestige est au plus haut contrairement à celui de la noblesse française. Le roi étant captif, le royaume va sombrer dans la guerre civile.

Les états généraux de langue d'oïl sont réunis peu après. Ils décident de libérer Charles II le Mauvais, roi de Navarre, cousin et beau-frère du roi captif, dans l'espoir qu'il protège le pays dans la défaite. Mais le Navarrais entre en contact avec les Anglais pour s'approprier de nouveaux fiefs.

Enfin, en 1360, le traité de Brétigny, négocié par Jean Chandos côté anglais, et par Bonabes IV, sire de Rougé et de Derval, côté français, rend la liberté au roi Jean le Bon contre une rançon de 3 millions d'écus d'or, (à sa mort, le 8 avril 1364, à peine un tiers de la rançon avait été versé)[9]. En outre, la France abandonne aux Anglais la partie du royaume correspondant aux anciennes possessions des Plantagenêts en Aquitaine, soit quasiment tout le sud-ouest de la France.

Enfin, l’efficacité des archers gallois, après Crécy, ne pousse pas à la création d’unités d’archers par le futur roi de France Charles V. Celles-ci sont dissoutes sous la pression de la noblesse, mais l’idée est reprise un siècle plus tard (et après Azincourt) pour la création des compagnies d'ordonnance en 1445 et les francs archers en 1448.

Conséquences

Angleterre

La chevauchée du Prince noir en 1356 est une très grande victoire pour l’Angleterre, plus grande encore que celle d’Édouard III en 1346.

France

D'un point de vue militaire, la défaite de Poitiers est plus humiliante que celle de Crécy. En effet, ces deux batailles sont identiques, avec des stratégies et échecs identiques.

En 10 ans, les Français n’avaient pas su faire évoluer leur technique militaire. Comme en 1346, l’armée française comptait encore presque exclusivement sur sa cavalerie et n’avaient pas d’archers dans ses rangs. La conception de guerre n'avait pas évoluée et les Français se battaient, très courageusement, en un engagement où les chevaliers se ruaient les uns sur les autres : une stratégie militaire héritée du XIIIe siècle, mais totalement dépassée.

La bataille de Poitiers n'avait été livrée que contre un corps expéditionnaire, valeureux certes, mais bien loin de la force et de l'expérience des troupes royales.

À Crécy, Philippe VI, en constatant son échec, avait quitté le champ de bataille ; Jean le Bon réalisant que l’affrontement était un échec, décida cependant de rester. Ce comportement, chevaleresque et héroïque, mais néanmoins inutile, causa de grands troubles dans le royaume de France.

Bibliographie

Articles connexes

Jeux de simulations historiques

Liens externes

Notes et références

  • Les ouvrages cités en bibliographie
  1. a b et c François Autrand, Charles V, Librairie Arthème Fayard, 1994, p.196., 207-207.
  2. a et b Chroniques de Froissart chapitre XLVII
  3. Paul G. Dumas, La Boule de Canton: le roman vrai de l'écologie humaine, 2007, p. 107
  4. Émile G. Léonard, Jean Vidalenc Histoire de la Normandie, 1963, p. 75
  5. Le 17 septembre est un samedi
  6. Bataille au sens corps de combat
  7. Ces précisions sont données par la lettre de condoléances adressée le 20 septembre 1356 à la veuve Dandley.
  8. Le premier était Saint Louis à la Bataille de Mansourah puis viendront François Ier à la bataille de Pavie et Napoléon III à la bataille de Sedan
  9. Michel Pastoureau, La guerre de Cent ans et le redressement de la France, Larousse 1986, p. 41