Barbe bleue (roman)

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Barbe bleue
Auteur Amélie Nothomb
Pays Drapeau de la Belgique Belgique
Genre Roman
Éditeur Albin Michel
Date de parution 2012
Type de média Livre
Couverture Pablo Zamora
Nombre de pages 170
ISBN 978-2-226-24296-9
Chronologie

Barbe bleue est le vingt-et-unième roman d'Amélie Nothomb paru en 2012 aux éditions Albin Michel. Il fait partie de la rentrée littéraire 2012.

Présentation[modifier | modifier le code]

Cet ouvrage présente une réflexion les différentes conceptions des limites des relations humaines, abordant comme thèmes la mort, l'assassinat, l'amour, la polygamie, la frontière entre confiance poussive et tentation volontaire, la nécrophilie, la folie ou l'insensibilité. On y retrouve le luxe comme support de réflexion et de développement, comme dans d'autres ouvrages d'Amélie Nothomb tels que Le Fait du prince. Une question philosophique sur l'expression de la personnalité aborde la théorie d'une palette de couleurs, associant les traits de caractères et les sentiments à des bases chromatographiques.

Résumé[modifier | modifier le code]

Saturnine Puissant, jeune professeure à l'École du Louvre, répond à une annonce de colocation trop avantageuse pour être tout à fait normale et pénètre dans le monde à la fois luxueux, surprenant et macabre de l'aristocrate espagnol Don Elemirio Nibal y Milcar. L'évolution de leur relation poussera la jeune femme à réfléchir et peut-être reconsidérer sa conception des normes relationnelles et de la rationalité du mode de vie de son insolite colocataire, Barbe Bleue philosophe des temps modernes.

« La colocataire est la femme idéale[1] ».

Description des personnages[modifier | modifier le code]

Les personnages ci-dessous sont décrits de manière très réaliste car ils sont présentés comme ceci dans le livre.

Saturnine Puissant[modifier | modifier le code]

La jeune femme est âgée de 25 ans. Elle est d’origine belge et est née à Bruxelles le 1er janvier 1987. Saturnine a l’honneur d’enseigner à l’école du Louvre malgré son jeune âge et sa nationalité. Elle ne croit pas en Dieu. Don Elemirio, le propriétaire de l’appartement, s’entiche de la jeune fille et lui coud une jupe, dit « jupe-Dom Pérignon », d’un jaune qu’il a créé juste pour l’occasion.

Corinne[modifier | modifier le code]

Amie de Saturnine. Elles se sont rencontrées à l’école secondaire où Corinne avait de grosses difficultés. Elle loge dans un petit appartement à Marne-La-Vallée, en France près de Paris. Après avoir commencé sa carrière à Walibi en Belgique, elle part en France au Parc d’attraction Euro Disney, où elle sera mieux payée. Elle y organise les files d’attentes au palais de l’épouvante.

Les parents de Don Elemirio Nibal y Milcar[modifier | modifier le code]

Le père s’appelle Deodato Nibal y Milcar, la mère n’est quant à elle pas nommée. Le couple possédait de nombreux domestiques et participait régulièrement à des soirées mondaines. Ils sont morts dans un regrettable accident : Monsieur, qui adorait cueillir des champignons, est parti remplir un panier de lépiotes couronnées. Il les a ensuite cuisinées. Madame et Monsieur ont mal au ventre, elle demande à son mari d’aller chercher du bicarbonate de soude pour soulager leurs douleurs à l’estomac. Malheureusement il se trompe et prend des nitrates. Le couple explose (littéralement).

Hilarion Griveland[modifier | modifier le code]

Il s’agit du secrétaire de Don Elemirio.

Mélaine[modifier | modifier le code]

Homme de maison, il répond à une annonce et est engagé.

Les huit colocataires précédentes et le vêtement qui a été créé pour elles[modifier | modifier le code]

Emeline[modifier | modifier le code]

Cette femme répondit à l’annonce de colocation de Don Elemirio, et il l’a choisie sans plus d’explication. Elle s’éprend rapidement de son propriétaire : après 3 semaines elle le rejoint dans son lit. Il lui coud une robe « couleur de jour ». Don Elemirio créa une pièce où elle ne pourrait pas rentrer, mais qui serait toujours ouverte, car il avait besoin de garder un espace personnel. Emeline une fois prévenue de cette interdiction ne put s’empêcher d’aller regarder ce qui se trouvait dans la petite pièce. C’est ainsi qu’elle mourut.

Proserpine[modifier | modifier le code]

Elle rencontre, via l’annonce de colocation, Don Elemirio un an et demi après la mort d’Emeline. Pour elle, il inventa un chapeau claque (un chapeau haut-de-forme) en dentelle de Calais.

Séverine[modifier | modifier le code]

Elle paraissait sévère tout en reflétant la délicatesse d’un Sèvres, ainsi elle reçut une cape catalpa dans les tons bleus s’approchant de la couleur des fleurs du Sèvres.

Incarnadine[modifier | modifier le code]

Il lui confectionna une veste flamme à l’image de son caractère de feu.

Térébenthine[modifier | modifier le code]

Cette femme avait écrit une thèse sur l’hévéa, arbre dont on extrait le latex, alors son amant lui fabriqua une ceinture-corset en fondant un pneu pour en récupérer la substance extensible.

Mélusine[modifier | modifier le code]

Elle ressemblait, par sa silhouette et ses yeux, à un serpent si bien qu’il lui conçut un fourreau sans manches, à col roulé, qui descendait jusqu’aux chevilles.

Albumine[modifier | modifier le code]

Don Elemirio lui composa, en raison de son nom, un chemisier couleur de coquille d’œuf, au col couleur de meringue, en polystyrène expansé.

Digitaline[modifier | modifier le code]

Pour sa beauté vénéneuse, il imagina de longs gants de taffetas pourpre qui remontaient au-delà du coude et sur lesquels était inscrit le proverbe latin de Paracelse : « Dosis sola facit venenum » : seule la dose fait le poison.

Don Elemirio Nibal y Milcar[modifier | modifier le code]

Ce personnage est décrit de façon précise, une vie entière lui est inventée dans les détails. Il est issu d’une famille d’aristocrates espagnols en exil à cause d’une insulte, gauchiste, qu’aurait proféré un ancêtre à l’encontre de Franco. Il est né en France, y a grandi et vécu. Lorsqu’il atteint l’âge de 4 ans, par peur de commettre des péchés car il est catholique au plus haut point et aura ensuite recours au trafic d'indulgences pour effacer ses péchés, il décide de rédiger un journal intime où il inscrit toutes ses pensées ainsi que ses faits et gestes. À 6 ans, il s’éprend d’un jeune garçon pour lequel il vole de l’argenterie. Cette idylle ne dure pas car il découvre vite, en dînant chez le petit garçon, que celui-ci a vendu ses cadeaux pour se faire de l’argent. Un an plus tard, alors qu’il se trouve à l’église, il se rend compte de la beauté de l’or qui prendra une grande place dans sa vie.

À la mort de ses parents, il décide de vivre en autarcie et renvoie tous les domestiques contre trois hommes : son homme de ménage, son secrétaire et son chauffeur (qui ne sert qu’à ses domestiques et colocataires). Il choisit des hommes car il n’accepte pas qu’une femme exerce une tâche dégradante. La solitude reste dure pour un homme et c’est ainsi qu’il découvre la colocation dans le but de rencontrer des femmes. Il s’éprend au premier coup d’œil d’Emeline et la choisit comme colocataire. Mais il se pose alors la question de la place de l’un et de l’autre dans le couple. Il ressent le besoin de se créer un espace à lui : une chambre peinte en noire. Malheureusement Emeline brise sa confiance en allant dans ce lieu intime et meurt à cause du dispositif cryogénique qu’il a installé par mesure de sécurité. Il s’ensuit sept relations amoureuses durant chacune entre trois semaines et six mois. Toutes ces femmes sont décédées, pour avoir trahi sa confiance, par le procédé de protection de la chambre noire. À ce moment Don Elemirio se découvre une passion pour la photographie ; après avoir conçu pour chacune d’elles un vêtement, il les photographie mortes habillées par sa création de couleur, pour chacune une couleur différente. Si bien qu’au début du roman sa chambre noire est décorée de huit photos représentant chaque couleur, il n’en manque plus qu’une, le jaune. Âgé de 44 ans, il tombe amoureux de Saturnine le jour où elle lui fait remarquer la beauté de l’alliance du jaune et de l’or. Il essaie de la séduire par différents moyens : cuisine, champagne, etc. Va-t-elle résister ? Et lui ? Résistera-t-il à la tentation de terminer son nuancier de couleur ?

Références culturelles majeures[modifier | modifier le code]

Inquisition espagnole[modifier | modifier le code]

Tribunal instauré en 1478 en Espagne pour défendre la foi catholique.

Trafic d’indulgences[modifier | modifier le code]

Fait de donner de l’argent au prêtre pour se faire pardonner ses péchés.

La Princesse de Clèves [modifier | modifier le code]

Roman de Madame de La Fayette publié en 1675.

Hasselblad[modifier | modifier le code]

Appareil photo d'origine suédoise.

Publication et réception par la presse[modifier | modifier le code]

Le roman, traduit en 46 langues, est publié le . Imprimé en 200 000 exemplaires dès le 1er tirage, il rencontre un franc succès selon les critiques littéraires. Le Soir qualifie le roman d’« excellent »[2] et l’Express dira « Amélie Nothomb, avec son art du dialogue épuré, se révèle plus spirituelle que jamais. »[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10].

Une réécriture féministe[modifier | modifier le code]

Barbe bleue d’Amélie Nothomb signale dès son titre une narration traversée par des multiples références réelles et littéraires. De ce fait, Gilles de Rais et Cômor sont des personnages légendaires et semi historiques qui incarnent la cruauté elle-même. Inspirée du conte de Charles Perrault Barbe Bleue, Nothomb dialogue avec des multiples personnages qui sont des tueurs en série, tel que : Marcel Petiot, dit « le docteur Petiot » et Henri Désiré Landru, surnommé « le Barbe-Bleue de Gambais ».

Alors que l’histoire de Barbe bleue continue à inspirer de nombreux musiciens et cinéastes ; dans la littérature contemporaine on peut constater la validité du sujet pour les féministes de différentes nationalités, comme : “La llave” (1993) de l'Argentine Luisa Valenzuela, Bluebeard's egg (1983) de la Canadienne Margaret Atwood, "The bloody chamber" (1979) de l'Anglaise Angela Carter. À partir de ce constat, on peut questionner les moyennes par lesquels Amélie Nothomb reconfigure l’histoire de Perrault tout en lui donnant une dimension féministe et moderne.

La narration de Nothomb se situe au XXIe siècle dans le VIIe arrondissement de où Saturnine, une jeune fille belge devenue la colocataire de Elemirio Nibal y Milcar, un noble espagnol. Les règles de colocation sont simples, seule une pièce est interdite : la chambre noire. La relation entre les deux personnages se tisse durant la narration des gourmandises préparées par le maître des lieux où la jeune femme est invitée à dîner chaque soir. Le confort est inespéré pour cette jeune universitaire pas habituée à la commodité qui le rendent le chauffeur, Mélanie, l'homme de ménage et Don Elemiro. Pendant ces repas luxuriants, accompagnés toujours par des flûtes remplies de champagne, le couple discute de problèmes philosophiques, esthétiques et religieux, étant donné que l’héroïne de Nothomb a une maturité intellectuelle signifiée par son nom : Puissant. De ce fait, elle ne succombera pas aux charmes d'un Don Elemiro/Don Juan qui cependant ne sort jamais, pleure quand se sent aimé et fait de la couture une de ses passions.

Nothomb construit son univers sur de dualités fortes : jeunesse et vieillesse, humain et divin, beauté et laideur, gros et maigre, sacrer et désacraliser. "Le thème du pur et l'impur constitue un de ses principaux questionnements" (Amanieux, p. 45). Dans ces deux personnages, on peut apercevoir comment les relations de pouvoir s’incarnent entre les genres.

Dans la lecture de Perrault, Barbe Bleue symbolise la figure de la violence domestique par excellence. Son nom qui se compose du syntagme nominal « Barbe bleu » permet de renvoyer au genre masculin, caractérisé par la « barbe » incarnant la virilité et au pouvoir dont le « bleu » en fut le symbole à partir du XIIIe siècle sous l’impulsion des Capétiens[11]. Ainsi, ces attributs lui confèrent l’exercice d’une autorité qui lui donne le pouvoir de punir et d’interdire. Ce pouvoir passe par la soumission de l’héroïne à une épreuve : “Ceci est l’entrée de la chambre noire, où je développe mes photos. Elle n’est pas fermée à clef, question de confiance. Il va de soi que cette pièce est interdite. Si vous y pénétrez, je le saurais, et il vous en cuirait” (Nothomb, p.12). De la sorte, Don Elemirio représente la loi qui fixe les limites : il ne mangera que ce qu’il se préparera lui-même. En plus d’être un art, la cuisine est pouvoir : “il est hors de question que je me soumette à celui de qui que ce soit” (Nothomb, p.12), bien que cela permette à l’auteur de se moquer des rôles stéréotypes liés au genre : "Maintenant que vous connaissez mes talents culinaires, voulez-vous m'épouser ?" (Nothomb, p.41).

Chez Nothomb, ce sont la nourriture, la chambre noire, la couleur jaune, l'or, l'œuf, le champagne qui symbolisent ce système de force et de tension entre pouvoir et soumission, interdiction et curiosité à l’opposé de Perrault qui met en exergues les attributs susmentionnés, « barbe » et « bleu ». Par ailleurs, elle confronte le personnage soumis de la femme dans la personne de Saturnine. Elle est intelligente et indépendante puisqu’elle n’a pas besoin de l’intervention des auxiliaires pour se sauver.  Elle fait écho par son éducation à Athéna, la déesse de l’intelligence. Ainsi pour manipuler l’amour pervers de Don Elemirio, Saturnine, de la même filiation que Eve, la femme de Loth, Pandore ou Psyché saura maîtriser la curiosité et saura venger les huit autres colocataires qui l’ont précédée et ont disparu mystérieusement pour avoir enfreint le règlement. Saturnine le confirme quand elle dit : "Je suis une dure à cuire" (Nothomb, p.13).

Finalement, on peut constater la manière dans laquelle Nothomb reconfigure le mythe dès la subversion des sujets classiques chez le conte de Perrault où le mariage, l’obéissance, le silence de la femme le servent comme morale. Nothomb laisse de côté l’interprétation psychanalytique de l’histoire originale : punition de la curiosité sexuelle féminine cependant souligne la lutte de forces entre punition/interdiction, pouvoir/soumission qui entraînent les relations amoureux ou hétérosexuelles avec un bouleversement des rôles de genre : “Ce que j’aime aussi, chez vous, c’est votre ton. Vous êtes une dominante. Vous m’ordonnez de commander du champagne. Vous dites : « Va pour les scorpions. » J’ai tant de volupté à vous obéir.” (Nothomb, p.57).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Quatrième de couverture de Barbe-bleue
  2. Le Soir.be, Cauwe L. “Champagne pour Amélie et ses 21 romans en 20 ans”
  3. l’Express, Payot M. Régalons-nous du Nothomb nouveau
  4. L’Express, Liger B. “Le fabuleux destin d'Amélie Nothomb “
  5. La Libre.be Guy Duplat, “Le 21e Amélie Nothomb fait pschitt”
  6. Francetv.fr, Culture, Brigaudeau A. “Rentrée littéraire 2012: Amélie Nothomb réinvente Barbe Bleue”
  7. "Barbe bleue" de Amélie Nothomb chez Albin Michel
  8. Paris Match Amelie Nothomb la Stupéfiante
  9. Elle Livres, Amélie Nothomb
  10. Salon - Littéraire, "Barbe bleue", d’Amélie Nothomb : poétique, troublant, fascinant"
  11. Fabienne, Raphoz, Les femmes de Barbe-Bleu: une histoire de curieuses, Genève, Éditions Metrópolis, , "Noblesse et couleur de barbe ont certes partie liés...En effet, dès le XIIIe siècle, le bleu inonde l'Europe. D'abord utilisé par une famille, les Carpétiens, il devient rapidement la couleur emblématique du pouvoir royal dans une large partie de l'Occident" (p.9)

Liens Externes[modifier | modifier le code]