Bande dessinée

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Little Nemo in Slumberland, de Winsor McCay.

La bande dessinée (communément abrégée BD ou bédé) est une forme d'expression artistique, souvent désignée comme le « neuvième art[Note 1] », utilisant une juxtaposition de dessins (ou d'autres types d'images fixes, mais pas uniquement photographiques), articulés en séquences narratives et le plus souvent accompagnés de textes (narrations, dialogues, onomatopées). Will Eisner l'a définie (avant l'émergence d'Internet) comme « la principale application de l'art séquentiel au support papier[W 1]».

Définitions

Krazy Kat de George Herriman

Il est de coutume de distinguer « la » bande dessinée et « les » bandes dessinées. Cette distinction est mise en lumière par Francis Lacassin[L 1]. « La » bande dessinée est le concept, c'est-à-dire l’Art — le 9e — et la technique permettant la réalisation de cet art. « Les » bandes dessinées sont les médias par lesquels est véhiculé cet art[D 1],[B 1]. Cela implique de donner une double définition, celle de la bande dessinée et celle du médium bande dessinée.

Puisque la bande dessinée est un art, il existe deux grandes perceptions de cet art. La première perception considère la bande dessinée comme un art mineur, la bande dessinée est de l’art. L'autre perception fait de la bande dessinée un art à part entière.

Si la bande dessinée est « de » l’art, il faut alors que cet art se rattache à toutes les formes picturales qui l’ont précédé. C’est la position de Scott McCloud[M 1]. Cette façon de percevoir la bande dessinée oblige à la replacer dans le grand courant artistique et culturel qui commence avec les premiers dessins, ceux de l’art pariétal[Note 2], comme à la grotte de Lascaux, même si aujourd'hui un tel rapprochement est artificiel. A priori les spécialistes s'accordent sur le fait qu'il ne s'agit pas de suites de dessins. De plus, la qualité narrative de ces peintures reste à prouver, de nombreux archéologues, comme le professeur Norbert Aujoulat responsable du site, penchent pour une interprétation chamanique (les dessins auraient une fonction magique)Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu..

Il n'existe donc pas de raison de rattacher les peintures rupestres à la bande dessinée plutôt qu'aux autres arts graphiques au même titre que les bas-reliefs des temples égyptiens[M 2], les codex précolombiens[M 3] et les Biblia pauperum[B 2] de la fin du Moyen Âge[Note 3]. Il faut encore ajouter à cette liste : la Tapisserie de BayeuxErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu., le Rouleau de Josée de la bibliothèque vaticane[2] et les 182 collages de Max Ernst Une Semaine de bonté[M 4]. Ces références artistiques ont toutes en commun la volonté de raconter une histoire comme le fait une bande dessinée ou encore les frises du Parthénon à Athènes, la colonne Trajane à Rome, les bas-reliefs du temple d'Angkor au Cambodge.

« L'histoire de l'art ne pouvait donc pas reconnaître dans la dimension narrative de ces œuvres le critère d'une discipline autonome au sein des arts visuels[3]. » Cette vision d'un grand courant artistique qui parcourt l’histoire de l’art pour donner ses lettres de noblesse à la bande dessinée est de moins en moins retenue depuis la mise en avant de la bande dessinée, neuvième art.

Dans le deuxième cas, si la bande dessinée est « un » art, il faut évidemment définir en quoi la bande dessinée est « un » art, il ne suffit pas de l'affirmer. Là encore deux perceptions s’affrontent :

  • La bande dessinée est un art à la croisée de l’écriture littéraire et de l’écriture graphique[4]. C’est la vision de l’inventeur de la bande dessinée Rodolphe Töpffer : « Ce petit livre est d’une nature mixte. Il se compose de dessins autographiés au trait. Chacun des dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman d’autant plus original qu’il ne ressemble pas mieux à un roman qu’à autre chose[5]. » Ce que R. Töpffer appellera « Littérature en estampes » dans son Essai de Physiognomonie[6] et Will Eisner Sequential Art, « l’Art séquentiel »[W 1] ou Visual Narrative, « La Narration visuelle »Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu..
  • Si la bande dessinée n'est que graphique regroupant texte et dessin, le texte doit s’inscrire obligatoirement sous une forme graphique dans le dessin au sein d’une bulle : selon H. Filippini, « la bande dessinée est une suite de dessins contant une histoire ; les personnages s’y expriment par des textes inscrits dans des bulles[7]. » Cette définition rejette les auteurs de bandes dessinées appelées alors « histoires en images » comme les Français J-P. Pinchon (Bécassine), Louis Forton (Les Pieds nickelés et Bibi Fricotin), le Néerlandais Marten Toonder (Tom Poes/Tom Pouce), les Américains Rudolph Dirks (Katzenjammer Kids/Pim Pam Poum) et Gustave Verbeek (Upside-Downs/Dessus-dessous[8]). Cette définition rejette aussi, peut être moins catégoriquement, les bandes dessinées sans texte comme celles de l'Américain Otto Soglow (Little King/Le Petit Roi) qui en 1975 ne comportaient toujours pas de texte.

Les spécialistes de la bande dessinée défendent avec de moins en moins de vigueur cette deuxième vision restrictive de la bande dessinée, même H. Filippini intègre tous les auteurs cités ci-dessus dans son Dictionnaire de la bande dessinée (cf. bibliographie).

Toutefois ce débat ne peut pas rester celui de spécialistes, ce serait un paradoxe au regard de la popularité du genre… Par exemple la « BD » (une abréviation d'usage précisément populaire mais peu appréciée des amateurs) est maintenant considérée comme un genre au sein de l'art contemporain, lorsque sur un plan uniquement esthétique (mais pas narratif) elle résulte d'une démarche artistique ; cette reconnaissance conduit des auteurs à exposer et à vendre leurs planches originales, mais il s'agit là d'une démarche artistique dérivée de la bande dessinée considérée comme un art en elle-même puisque dans ce cas ce sont seulement des fragments de bande dessinée.

Médium bande dessinée

Little Nemo de Winsor McCay

Si la définition du concept de bande dessinée partage encore les critiques et les spécialistes de la bande dessinée, les amateurs de bandes dessinées n’ont aucune difficulté à définir dans la pratique le medium bande dessinée.

  • Bande dessinée : succession d'images organisées pour raconter une histoire et présentées de façons diverses (en planche, en illustré, en petit format, en album, etc.).
  • Histoire en images : distinction faite par certains spécialistes pour différencier les suites d'images organisées pour raconter une histoire mais dont le texte est disposé en récitatif sous les images. Se présente aussi sous diverses formes. C'est le cas des fameuses images d'Épinal de l'imagerie Pèlerin.

Dans la pratique, il est arrivé aux deux genres de coexister chez le même auteur : pour des raisons de format et de qualité d'impression, Marten Toonder fut publié sous forme d'histoire en images dans la presse régionale française ainsi que dans le quotidien La Croix, mais en bande dessinée chez Artima. L'hebdomadaire pour la jeunesse Cœurs Vaillants imposa quelque temps à Hergé un format double (bande dessinée de Tintin en Amérique dont chaque case avait une légende sous-jacente), puis y renonça au soulagement du dessinateur[réf. nécessaire].

Aux États-Unis

  • Funny : à la fin du XIXe dessin d’humour paraissant dans la presse quotidienne. Au début du XXe siècle synonyme de strip.
  • Strip, aphérèse de comic strip : dessin d’humour en deux ou trois cases disposé horizontalement et paraissant avec le supplément du dimanche d'un journal, appelé aussi sunday strip dès qu'il regroupe les daily strips sur une page, avant de devenir une véritable histoire avec des personnages récurrents plutôt pour les adultes.
  • Comic, apocope de comic strip : appelé aussi daily strip, dessins d'humour en deux ou trois cases disposés horizontalement paraissant tous les jours et organisés pour raconter une histoire plutôt pour les adultes.
  • Comic book : Magazine individuel, généralement imprimé en couleur, à l’origine sur mauvais papier, aujourd'hui de plus en plus sur papier glacé, contenant des histoires ou des gags sous la forme séquentielle du comic strip. Le contenu peut consister en reprise d'histoires déjà publiées ou en matériel original, ce qui est le plus généralement le cas. Dans sa formule la plus standard, le comic book consiste en une publication mensuelle de 32 pages + couverture d'un format d'environ 17 x 26 cm et contenant des pages de publicité.
  • Graphic novel : livre relié pouvant comporter jusqu’à une centaine ou plusieurs centaines de pages et racontant une histoire unique.

En Europe

  • Périodique, ou illustré : journal édité dès la fin du XIXe siècle et comportant des histoires dessinées à destination de la jeunesse.
  • Tegneserie ou Tecknad serie : Tegneserie en norvégien/danois ou Tecknad serie en suédois signifie série ou suite de dessins.
  • Fumetto : pour les Italiens les phylactères ressemblent à des petits nuages de fumée. C'est donc le phylactère qui définit, ici, la bande dessinée.
  • Tebeo : c'est le nom de la première revue de bandes dessinées espagnole (TBO, en 1917) qui a donné son nom aux bandes dessinées en Espagne. Elles sont couramment désignées par les termes « cómic » (d'origine anglophone) et historieta, ce dernier étant plus usité pour les comic strips, qui sont, littéralement, une « petite histoire » d'une seule bande ou d'une seule page.
  • Petit format : type d'illustré populaire bon marché né après-guerre, de format réduit (en moyenne 13 x 18 cm), imprimé à l'origine en noir et blanc, puis en alternance noir/bichromie.
  • Album : livre broché ou relié (à couverture souple ou rigide) proche du format A4 comportant à l’origine, pour les albums cartonnés, une soixantaine de planches, puis une quarantaine, aujourd'hui le plus souvent en couleur. Si ce dernier format est désormais le standard il est souvent débordé tant par la taille physique que le nombre de pages.

En Occident

Beaucoup de pays ont simplement traduit « bande dessinée » dans leur langue vernaculaire comme les Portugais qui parlent de banda desenhada, ou utilisent le terme américain comic. D’autres comme les Brésiliens utilisent un terme plus imagé et parlent de história em quadrinhos (histoire en petits tableaux). En Argentine, au Chili, en Uruguay, le terme historieta (historiette), est utilisé comme en Espagne. Les jeunes dessinateurs préfèrent souvent utiliser le terme américain comic.

En Asie

Des mangas
  • Manga : au Japon, terme inventé par Gakyōjin Hokusai, « le Fou de dessin » en 1814 et qui s’applique à tout ce qui s’approche de près ou de loin aux bandes dessinées japonaises. Manga (漫画) qui est généralement traduit par « images dérisoires », (man signifiant originellement en chinois « déborder, à son gré »), « dessins libres » dans le sens d'interprétation libre. À noter que le manga-ka Shōtarō Ishinomori utilisait également la graphie 万画, qui signifie alors « dix mille images ».
  • Amekomi : au Japon, traduction de l'américain american comic, pour désigner les bandes dessinées d'importation généralement américaines et traduites en japonais.
  • Lianhuanhua (连环画 « images enchaînées ») : bandes dessinées chinoises composées de petits livres ne contenant qu’une seule image par page accompagnée d’un récitatif, très rarement de phylactères.
  • Manhua : désigne les bandes dessinées d’importation japonaise et traduites en chinois.
  • Manhwa (만화, prononcer man-h'oua) : désigne en Corée la deuxième production de bandes dessinées d’Asie après le Japon.

Anatomie de l'objet

Les amateurs s'entendent sur un certain nombre de mots et de définitions pour décrire les différents éléments dont sont composées les bandes dessinées :

  • Les récitatifs sont des panneaux généralement situés au bord des vignettes et servant aux commentaires en « voix off », notamment pour donner des indications de temps et de lieu ou pour fournir des informations permettant une meilleure compréhension de l'action. Le style ligne claire a beaucoup utilisé le récitatif comme Edgar P. Jacobs, l'auteur de Blake et Mortimer. Les « histoires en images » sont caractérisées par l'usage exclusif du récitatif.
  • Les bulles, appelées à l'origine phylactères (terme — moins utilisé aujourd'hui que bulle dans la BD — qui désignait les banderoles supportant les textes dans les enluminures du Moyen Âge) ou en anglais balloon (ballon, plus rare en français que bulle). Généralement rondes ou elliptiques (plutôt rectangulaires dans le style ligne claire), elles contiennent les dialogues des personnages auxquels elles sont rattachées. Pour les pensées ou les rêves, elles ont souvent une forme de nuage ou, dans les comics américains, la forme d'un rectangle qui n'est plus rattaché au personnage.
  • Les onomatopées sont des mots ou des icônes suggérant un bruit, une action, une pensée par imitation phonétique, graphique ou icônique. Les mangas utilisent des onomatopées pour suggérer des sentiments.
  • La case est une image ou une vignette contenant un dessin et généralement encadrée. À noter qu'une bande dessinée ne comporte pas nécessairement de case, dans ce cas la case se confond avec la planche.
  • La bande (de l'anglais : strip) ou bandeau est une suite de cases, disposées sur une ligne.
  • La planche est un ensemble de cases tenant sur une ou deux pages.
À l’origine le mot planche était réservé au document original dessiné par l’auteur. Celui-ci numérote souvent sa planche discrètement dans un coin de celle-ci. La numérotation des planches n'est quasiment jamais identique à la numérotation des pages de l'album dans lequel elles paraissent.
  • Un album est un recueil de planches qui racontent une histoire. Elles peuvent appartenir à une même série, à un même auteur, ou à un même thème (albums collectifs).
À l’âge d’or des illustrés, les aventures des héros de bandes dessinées étaient publiées sous forme de feuilletons appelés « histoires à suivre », puis éditées en albums.
Depuis la quasi-disparition des magazines de bandes dessinées, les histoires sont quelquefois pré-publiées dans toutes sortes de médias, magazines, fanzines, hebdomadaires, quotidiens, etc. avant d’être éditées en albums.

Le reste du temps, les histoires sont directement éditées en albums, cette pratique a tendance à se généraliser. Même si le format à la française (hauteur supérieure à la largeur) est celui de la majorité des albums, il existe aussi des albums ayant un format plus rare (format à l'italienne où la largeur est supérieure à la hauteur, format carré). De même le format est souvent plus grand que celui d'une feuille A4 mais les petits formats ou les traduction des comics sont plus petit que le A4. Les éditions françaises des mangas prennent un format poche.

  • Une série est un ensemble d'albums reliés par un thème ou un personnage, organisé le plus souvent de façon chronologique quand l'histoire se déroule tout au long de la série.

Histoire

Les Pieds Nickelés de Louis Forton

Apparue en Suisse au début des années 1830 avec la parution des premiers albums de Rodolphe Töpffer (voir l'Histoire de monsieur Jabot), la bande dessinée se diffuse au cours du XIXe siècle dans le monde entier via les revues et journaux satiriques (voir notamment en France le Savant Cosinus de Christophe). Popularisée à la toute fin de ce siècle dans les journaux américains sous la forme du comic strip, la bande dessinée devient alors un médium de masse, assez diversifié aux États-Unis, de plus en plus restreint à l'humour et aux enfants en Europe.

Dominant de plus en plus la presse enfantine mondiale, via des périodiques spécialisés à partir des années 1930, la bande dessinée touche également les adolescents et certains adultes, dans le cadre du comic book et de strips de qualité aux États-Unis, des « petit format » en Europe. À partir des années 1950, elle connaît un troisième foyer de développement majeur lorsque le Japon se met à en créer massivement sous l'influence d'Osamu Tezuka. Les trois foyers sont alors relativement indépendants, tant dans les œuvres publiées que dans les structures éditoriales, seul le foyer américain pénétrant les deux autres.

Dans les années 1960, la bande dessinée commence à chercher à se légitimer en quittant les champs de l'enfance et du genre. Les créations de Jean-Claude Forest, du mouvement gekiga et de l'underground américain conduisent à de nombreuses remises en question qui permettent l'apparition d'un premier discours critique en Europe et aux États-Unis. Dans les années 1970, les expérimentations se poursuivent derrière Mœbius, tandis que la revendication de la paternité littéraire, de plus en plus patente, explose à la fin de la décennie avec le succès du terme « roman graphique » de Will Eisner ou le concept des « romans en bande dessinée » lancé pour promouvoir Corto Maltese d'Hugo Pratt.

Si les séries classiques de divertissement dominent toujours les marchés à la fin des années 2000, la bande dessinée a exploré depuis les années 1980 tous les champs abordés par les autres arts narratifs, et s'est vue de plus en plus légitimée, malgré les récriminations récurrentes de ses acteurs sur la lenteur de cette reconnaissance.

L'art de la bande dessinée

Aspects techniques

Processus de création

Bien que les étapes de la création d'une bande dessinée dépendent des artistes et des œuvres, un cheminement général peut être évoqué :

  • synopsis : histoire ou idée originale ou inspirée d'une œuvre existante (littéraire ou cinématographique, par exemple).
  • scénario : traitement détaillé de l'histoire. Il précise, planche par planche, le découpage de l'action, la position des personnages, et présente les dialogues.
  • recherche graphique : Le dessinateur travaille au style général. Il crée les personnages principaux et l'environnement dans lequel ils évoluent.
    Si le lieu et l'époque existent, ou ont existé, un travail de recherche de matériel typographique et iconographique est effectué. Si l'univers de l'histoire sort de l'imaginaire de l'auteur, les recherches sont beaucoup plus orientées vers du design graphique.
  • mise en page : choix des points de vue, des cadrages et de l'agencement des vignettes dans la planche.
  • crayonné : première ébauche proprement dite du dessin. À partir de cette étape, le travail s'effectue généralement sur un support plus grand (format A2) que celui de la planche imprimée (format A4).
  • encrage : opération consistant à passer à l'encre les contours du crayonné et les ombres afin de donner au dessin un trait définitif. Finalement, seul ce tracé sera imprimé. Les décors et les phylactères sont aussi ajoutés et positionnés lors de cette étape. Ils ne sont pas toujours présents, où alors de manière succincte, dans le crayonné.
    Certains auteurs encrent directement sur le crayonné, qu'ils éliminent ensuite en gommant. Perdant ainsi toutes traces de cette étape. D'autres utilisent un calque transparent placé par-dessus le crayonné.
  • mise en couleur : opération qui consiste à choisir et appliquer la couleur aux différentes zones délimitées par les traits encrés (personnages, décors, vêtements), tout en respectant la continuité des couleurs au fil des planches. Le coloriste doit aussi définir les lumières et les ombres du dessin. La mise en couleur dite traditionnelle est effectuée sur un tirage particulier de la planche, appelé "bleu", où les traits noirs de l'encrage sont imprimés en bleu-gris clair.
    Par le passé cette tâche était faite à l'aquarelle appliquée au pinceau et à l'aérographe ; de nos jours elle est souvent effectuée par informatique. Les couleurs sont de plus en plus réalisées par des professionnels, les coloristes et parfois par le dessinateur lui-même.
  • couleur directe : l'encrage et la mise en couleur peuvent être réalisés lors d'une étape unique, à la manière d'un peintre.

Le champ graphique est vaste en fonction de la technique utilisée qui va des premiers dessins gravés à la pointe sèche jusqu'à l'utilisation de la peinture à l'aérographe par certains auteurs tels Juan Gimenez. Cette dernière méthode (maintenant souvent même remplacée par l'infographie) permet des réalisations qui sont plus proches visuellement de la photo que du dessin avec l’élimination du trait.

  • lettrage : le texte des dialogues et commentaires est encré en l'alignant dans les espaces laissés à cet effet lors de l'encrage de la planche. L'opération est répétée pour chaque langue dans laquelle l'histoire est publiée.

En fonction de l'œuvre et de l'artiste, la même personne peut réaliser tout ou une partie du travail de création : scénario, dessin, encrage. Le plus souvent le travail est partagé entre un scénariste et un dessinateur. Certaines étapes plus spécifiques, telles que le lettrage et la mise en couleur, peuvent être laissées à des spécialistes.

Enki Bilal, par exemple, est un artiste complet. Scénariste et dessinateur, il travaille en couleur directe. Il a aussi la particularité de dessiner les cases sur des feuilles séparées, ce qui lui permet de les agencer à loisir sur la planche.

Alors que la BD évoque en premier un art propre aux peintres, tout en étant vendue comme de la littérature (ou du moins comptabilisée comme telle dans les chiffres du secteur de l'édition), plus nombreux sont les liens entre cinéma et bande dessinée tant dans la technique de réalisation que par les moyens artistiques à mettre en œuvre, qui ont interpénétré les deux modes d'expression.

Il en est ainsi pour l'écriture et le rythme de l'histoire, la réalisation des décors, l'utilisation des angles de prises de vues (panoramiques, plongées, contre-plongées, gros plans, plans américains, le dessin seul gardant la possibilité de montrer le personnage prenant appui ou marchant sur le bord de l'écran, voire d'en sortir) les montages, les éclairages (avec des outils électroniques de création ou de colorisation maintenant communs aux deux arts), la limitation du champ visuel par l'écran ou la page, la vision 2D, la sonorisation (subjective pour la BD même si certains auteurs tel Cosey font des suggestions d'accompagnements musicaux) avec voix off ou attribuée à l'acteur, les ellipses, retours en arrière et autres jeux sur l'échelle du temps… Mais le dessinateur est, lui, maître de ses acteurs, n'a pas besoin de budget pour des milliers de figurants ou de difficiles décors, et peut refaire toute prise sans limite. Enfin, le dessinateur a la liberté de cadrage (une case peut être horizontale, verticale, etc) quand le cinéaste est tenu au rapport de l'écran.

Aspects économiques

Un marché en augmentation

En 2012, le marché de la bande dessinée francophone vit une situation paradoxale. Depuis seize ans le nombre de publication ne cesse de croître[9] et atteint le chiffre de 5 327 livres publiés dont 72 % sont des nouveautés (le reste se partageant entre rééditions, art book et essais). Cette bonne santé économique vient après une période de crise qu'a subi le secteur durant les années 1980-1990 mais qui est maintenant dépassée[10]. Toutefois, ce succès n'est pas total et seule une centaine d'album bénéficie de tirages supérieurs à 50 000 exemplaires. De même, dix mangas représentent 50 % de l'ensemble des ventes de ce secteur[11]. D'ailleurs le marché du manga se stabilise après avoir longtemps progressé. Si au milieu des années 2000, la production de manga constituait la moitié de la production de bande-dessinée[10], depuis il recule et en 2010 il connaît une baisse de près de 14 % en volume et de 7,7 % en valeur[12] et en 2011 une stabilisation.

Par ailleurs, 310 éditeurs sont recensés mais quatre publient plus de 43 % des titres[13]. Ces grands groupes se caractérisent par une production diversifiée et un catalogue important alors que les éditeurs plus petits sont souvent cantonnés à une niche (Panini : comics et manga, Bamboo : humour essentiellement, l'Association : bande dessinée d'auteur…) et ont un fonds moins riche. Cela n'empêche pas des succès importants comme Les Profs édités par Bamboo (120 000 exemplaires) ou Les Simpson édités par Jungle (150 000 exemplaires)[14]. La situation est donc contrastée et certains craignent que la surproduction menace l'équilibre de ce marché[10].

Le marché de l'occasion

Le marché de l'occasion de la bande dessinée est un marché dynamique, porté par les différents festivals et par des librairies spécialisées (en Belgique particulièrement).

Marché des éditions

  • Une dédicace est un dessin original exécuté par l'auteur d'une bande dessinée et généralement dédicacé à un lecteur. Cette dédicace est souvent dessinée sur une des pages blanches qui commencent ou finissent l'album. Les festivals de bandes dessinées prévoient souvent des stands de dédicace nombreux ; la popularité des auteurs est un facteur d'attrait important pour les visiteurs. Les libraires peuvent également inviter des auteurs à dédicacer.
En France, les dédicaces sont en règle générale gratuites. Aux États-Unis les dédicaces dessinées sont payantes pour le lecteur ; l'auteur est ainsi rémunéré.
  • La planche originale est la planche (généralement en format A2) sur laquelle l'auteur a exécuté son dessin. Les premiers auteurs de bandes dessinées accordaient peu d'importance à ces documents dès lors que l'album était imprimé. Actuellement, les passionnés se disputent ces planches à prix d'or.
  • Les éditions originales sont les albums (en nombre limité) édités une première fois. Lorsque l'album a du succès, il peut être réédité de nombreuses fois ; les collectionneurs accordent une valeur parfois très importante aux albums de l'édition d'origine. La valeur varie selon la rareté de l'édition originale, l'état de l'album et la présence d'une dédicace. La bande dessinée qui a été vendue au prix le plus élevé à ce jour est un exemplaire du premier numéro d'Action Comics, qui a été échangé au prix de US$3 207 852 sur eBay le [15].

Ce marché est actif pendant les festivals mais également lors de ventes aux enchères.

Il faut noter que les artistes bénéficient rarement de leur vivant des montants parfois importants auxquels leurs œuvres sont échangées.

Produits dérivés

Les bandes dessinées les plus fameuses inspirent la création de nombreux produits dérivés (figurines, posters…). Certains héros de bandes dessinées sont également utilisés sur des articles dits "avec licence" : vêtements, articles de papeterie, personnages ou même reconstitution de scènes d'une bande dessinée à succès tels les personnages de Walt Disney depuis fort longtemps ou, plus récemment de ceux de Tintin, d'Astérix et bien d'autres…

Éditeurs franco-belges

Un classement rapide permet de distinguer, parmi les éditeurs de langue française :

Musées, archives, bibliothèques

La bande dessinée, comme tout art parvenu à maturité, possède ses institutions spécialisées. Les plus importants centres incluent :

Communication par la BD

La bande dessinée s'est rapidement imposée comme un vecteur de communication efficace sur tous publics :

  • Glénat concept est la première agence de communication par la BD (créée en 1984 et dirigée par Roger Brunel)
  • En Belgique, Cartoonbase se spécialise dans ce domaine à partir de 1997.

Festivals

Critiques et défenses de la bande dessinée

Bibi Fricotin de Louis Forton.

Au même titre que la musique pop ou le roman policier, la bande dessinée connut le plus grand mal pour acquérir une véritable reconnaissance. D'abord considérée comme un simple outil de divertissement destiné à la jeunesse, la bande dessinée dut s'émanciper de son statut de comic pour asseoir un moyen d'expression artistique nouveau. Certains auteurs contribuèrent largement à cette émancipation, cette reconnaissance, tel Hugo Pratt.

Ce sentiment semble cependant moins fort aujourd'hui. Ainsi, Vincent Bernière écrit-il en 2008 que « vouloir défendre la bande dessinée japonaise, ou la bande dessinée en général, est un combat d'arrière-garde »[16]. Il exprime ainsi avec confiance son sentiment que l'époque où la bande dessinée était considérée comme un sous-art est désormais révolue.

Internet

L'essor de la BD sur internet a permis à cet art de sortir du format classique. Le processus de création s'est démocratisé comme en témoigne la production sur des sites internet comme grandpapier et notamment grâce aux logiciels de graphisme sur ordinateur qui permettent à de plus en plus d'auteurs de réaliser l'ensemble des étapes par eux-mêmes. Le mode d'édition peut lui aussi être différent sur Internet: des séries sont désormais publiées sur des sites internet qui proposent des abonnements avec des nouvelles planches à échéances hebdomadaires, mensuelles ou quotidiennes. Cette façon de procéder copiée sur la diffusion d'épisodes de séries télévisées permet de subventionner la création en même temps que celle-ci se fait. Par exemple, lesautresgens, réalisés par une trentaine d'auteurs et qui grâce au succès rencontré sur Internet publient désormais une version papier des planches déjà disponibles sur leur site.

Émission de télévision consacrée à la bande dessinée

Parmi les émissions autour de la bande dessinée, on peut citer :

  • Tac au tac, diffusé entre 1969 et 1975 sur les chaînes de l'ORTF. Coopérant ou s'affrontant, les invités se livraient à des dessins improvisés, souvent collectifs, encadrés par des contraintes inspirées des jeux surréalistes comme le cadavre exquis. De nombreux dessinateurs de bande dessinée y ont participé, tels que Gotlib, Franquin, Mandryka, Jean Giraud, Claire Bretécher, Hugo Pratt, Uderzo, Morris...
  • La Bande à Bédé, rubrique de l'émission Récré A2, diffusée le mercredi après-midi entre 1980 et 1986.
  • Une émission de télévision consacrée à la bande dessinée, nommée Un monde de bulles, fut diffusée sur la chaîne parlementaire Public Sénat, sur le canal 13 de la TNT française de 2005 à 2013. L'émission crée par Jean-Pierre Elkabbach et Jean-Philippe Lefèvre, mettait en lumière les auteurs, scénaristes et dessinateurs de bande dessinées, sous forme de reportages, dévoilant ainsi les coulisses, la fabrication et le processus de ce médium. Elle y décryptait aussi les sorties, les rendez-vous spécifiques liés à ce thème tels que les festivals et passait parfois des bandes annonces des films basés d'après ce support.

Notes et références

Notes

  1. Ce nom vient de la série d’articles Neuvième Art, musée de la bande dessinée parue sous la signature de Morris dans le Journal de Spirou entre 1964 et 1967 (la première livraison date du 17 décembre 1964, n° spécial de Noël, no 1392). Cette classification a été reprise et popularisée par Francis Lacassin dans son livre Pour un neuvième art, la bande dessinée. La paternité de l'expression est cependant revendiquée par le critique et historien du cinéma Claude Beylie qu'il a utilisée pour la première fois en mars 1964 dans la revue Lettres et Médecins (article « La bande dessinée est-elle un art ? ») Source : Lettres et Médecins, supplément littéraire de La Vie médicale, numéro daté de mars 1964.
  2. En 1942, une exposition organisée par l'American Institute of Graphic Arts et intitulée La Bande Dessinée, son histoire et sa signification présente les dessins pariétaux de la grotte de Lascaux, qui venait d'être découverte deux ans plus tôt, comme étant aux sources de la bande dessinée[1].
  3. Le philosophe et missionnaire catalan Raymond Lulle fait exécuter, au XIVe siècle des histoires en images juxtaposées mettant en scène ses aventures notamment en terres musulmanes. Les séquences d'images sont dialoguées à l'aide de phylactères (G. Blanchard (1969), p. 28). Dans la tradition catalane, les aucas constituaient des séries d'images, accompagnées de textes rimés racontant une histoire.

Références bibliographiques

  1. page ?
  1. page ?
  1. page ?
  2. p. 7
  1. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées W
  1. p. 10-11 et 14-19
  2. p. 14-15
  3. p. 10-11
  4. p. 19

Autres références

  1. W. Fuchs et R. Reitberger (1971)
  2. B. Galimard Flavigny (1981), p. 19
  3. T. Groensteen (2005), p.4
  4. M. Alessandrini (1979)
  5. R. Töpffer (1837) préface
  6. R. Töpffer (1845)
  7. Henri Filippini (1989), p.IX
  8. Titre original complet : The Upside Downs of Little Lady Lovekins and Old Man Muffaroo.
  9. [PDF] Gilles Ratier, « 2011 : Publier plus, pour gagner plus ? », sur www.acbd.fr, ACBD, (consulté le ), p. 1
  10. a b et c Philippe Brochen, « Comment la bande dessinée est devenue un poids lourd de l'édition », sur www.liberation.fr, Libération, (consulté le )
  11. [PDF] Gilles Ratier, « 2011 : Publier plus, pour gagner plus ? », sur www.acbd.fr, ACBD, (consulté le ), p. 4
  12. Syndicat nationale de l'édition, « Le livre en chiffres - 2011, données 2010 », sur www.sne.fr, SNE, (consulté le )
  13. [PDF] Gilles Ratier, « 2011 : Publier plus, pour gagner plus ? », sur www.acbd.fr, ACBD, (consulté le ), p. 3
  14. [PDF] Gilles Ratier, « 2011 : Publier plus, pour gagner plus ? », sur www.acbd.fr, ACBD, (consulté le ), p. 21
  15. (en) Michael Cavna, « Rare Superman book draws record $3.2 million top bid: The long, ‘cool’ journey of a record-setting comic », sur washingtonpost.com, (consulté le ).
  16. Beaux Arts magazine hors-série : Qu'est-ce que le manga ? Dans le même magazine, le lecteur peut lire qu'« il semble aujourd'hui évident de posséder des BD dans son salon. »

Ouvrages

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Bibliographie Complémentaire

Annexes

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