Asantehene

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L'Asantehene est le titre du monarque de l'empire ashanti ainsi que du dirigeant cérémonial du peuple Ashanti aujourd'hui. La maison royale Ashanti fait remonter sa lignée au clan Oyoko (un Abusua) et des maisons Abohyen de Twum et Bretuo d'Osei Tutu. Le terme Asantehene provient de sa formation de l'empire ashanti et signifie roi de tous les asante.

L'Asantehene trône traditionnellement sur un tabouret doré connu sous le nom de Sika 'dwa, et son cercle de conseillers est parfois désigné par ce nom. L'Asantehene est également le dirigeant titulaire de Kumasi, qui sert de capitale à l'empire Ashanti et aujourd'hui de chef-lieu de la région Ashanti. En effet, avant de porter ce titre, le roi de Kumasi porte le titre de Kumasehene. Avant que la ville soit renommée Kumasi, ce titre porte le nom de Kwaamenhene.

L'Asantehene actuel est Otumfuo Nana Osei Tutu II, né Nana Kwaku Dua. Osei Tutu II était l'un des sept descendants éligibles comme héritier présomptif.

Historique[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Portrait africain représentant un personnage central entouré de symboles ashantis, d'un trole descendant du ciel en haut à droite, d'un dwa et de parapluie de chefs en haut à gauche, un prête à gauche, une queue d'éléphant en dessous et un tambour sacré.
D'après le mythe fondateur, le trône d'or est descendu du ciel et supplante la légitimité de tous les autres dwa.

La création du titre d'Asantehene répond à la création d'une nouvelle entité politique, l'empire ashanti, qui découle de confédérations locales centrées autour de Kumasi. Les prédécesseurs dynastiques de l'Asantehene sont les titres de Kwaamanhene (chef de Kwaaman) puis Kumasehene (chef de Kumasi) lorsqu'Obiri Yeboa renomme la ville car l'État de Kwaaman intègre alors plusieurs villes vers 1680[1],[2].

L'origine du titre d'Asantehene est étroitement lié à la domination progressive du clan Oyoko découlant de la tradition de l'Abusua qui détermine l'organisation sociale et familiale en huit clans. Ce clan s'implante au XVIe siècle à Kumasi et remplace progressivement le clan Aduana (en) dans la noblesse et sur le trône de Kumasi. Selon la tradition orale, les Oyoko possèdent une ancêtre commune, Ankyewa Nyame[3].

Au milieu du XVIIe siècle, les Oyoko, sous le chef Oti Akenten, commencent à consolider les clans Ashanti en une confédération pour faire face à la menace du royaume de Denkyira[4]. L'introduction du trône royal Ashanti (twi : Sika Dwa) et du titre d'Asantehene lors du règne d'Osei Toutou permet de centraliser le pouvoir à Kumasi[5].

Mythe fondateur de l'Asantehene[modifier | modifier le code]

Selon la tradition orale, Okomfo Anokye aide Osei Tutu à instaurer l'unité ashanti en faisant descendre du ciel un symbole offert par les dieux, le trône en or (sika dwa). Ce trône devient le symbole d'autorité auquel les chefs peuvent prêter allégeance[6]. Okomfo Anokye fait réunir les chefferies voisines de Kwaaman afin qu'ils se soumettent à celui qui devait désormais être nommé Asantehene. À la suite de cela, Osei Tutu décide de renommer la ville en Kumasi en rapport aux trois arbres kum qu'il plante[7]. Kumasi signifie littéralement en twi « sous l'arbre kum »[8], ces arbres sacrés sont des figuiers des pagodes[9]. La plantation d'arbres sacrés, appelés gyedua ou « arbres de réception » est devenue une obligation pour ses successeurs[10].

L'ère coloniale et l'indépendance Asante[modifier | modifier le code]

L'Empire Ashanti devient un protectorat britannique en 1902 et la fonction d'Asantehene est supprimée. En 1926, les Britanniques autorisent le rapatriement de Prempeh I – qu'ils avaient exilé aux Seychelles en 1896 [11] – et lui permettent d'adopter le titre de Kumasehene, mais pas d'Asantehene. Cependant, en 1935, les Britanniques accordent finalement aux Ashanti une autonomie modérée sous le nom de Royaume d'Ashanti, et le titre d'Asantehene est rétabli.

Fonction[modifier | modifier le code]

Palais de l'Asantehene avant sa destruction en 1874.

Au sommet de la structure du pouvoir ashanti se trouve l'Asantehene, le roi d'Ashanti. Chaque Asantehene est intronisé sur le trône royal ashanti car celui-ci symbolise le pouvoir même du roi. En opposition avec le système clanique héréditaire de l'abusua, Osei Kwadwo met en place un système méritocratique pour la nomination de fonctionnaires[12].

En tant que roi, l'Asantehene détient un pouvoir important mais ne jouit pas d'une domination royale absolue. Il partage ses pouvoirs législatifs et exécutifs avec la bureaucratie asante. Cependant, il est le seul à pouvoir invoquer la peine de mort en cas de crime. En temps de guerre, il agit en tant que commandant suprême de l'armée, bien que cette fonction soit par la suite gérée par le ministère de la Guerre dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ses décisions et le respect des traditions s'effectuent en accord avec l'Asantehemaa (reine mère) qui prend en charge les fonctions spirituelles, traditionnelles et généalogiques[13],[14].

L'Asantehene est élu de la même façon que les autres chefs claniques. Tous les chefs et membres de la confédération rendent un hommage annuel à Kumasi et doivent jurer fidélité au roi[5].

La résidence actuelle de l'Asantehene est le palais Manhyia construit en 1925 par les Britanniques et présenté au Prempeh I en cadeau à son retour d'exil. Le palais original de l'Asantehene à Kumasi est détruit 1874 lors de la troisième guerre anglo-ashanti[15].

Élections et régents[modifier | modifier le code]

Mode de succession[modifier | modifier le code]

La monarchie Ashanti repose sur une alternance de succession dynastique fixée par les deux premiers Asantehene Osei Toutou et Opokou Waré au sein de la dynastie royale Oyoko. Ces modalités particulières consistent à ce que l'ordre de succession royale alterne entre la maison d'Osei Toutou et la maison d'Opokou Waré. Elles sont à l'origine de plusieurs conflits dynastiques. De plus, le rôle des Asantehemaa et ce mode de succession renforcent le poids de la matrilinéarité[16].

En effet, la lignée royale est déterminée par les Maanu aussi appelées royales Oyoko. Il s'agit du nom donné aux femmes du clan Oyoko en âge de procréer, qui assurent la légitimité des prétendants au trône impérial [17]. Ce modèle de succession est tacitement rejeté par Kwaku Dua I qui refusera l'alternance dynastique et la filiation matrilinéaire. D'après Pescheux, ce choix est nourri par l'expérience personnelle de Kwaku Dua, alors enfant et descendant légitime rejeté par la conspiration orchestrée par Adoma Akosua[18].

Electeurs dynastiques[modifier | modifier le code]

Il existe plusieurs fonctions qui forment le Conseil de l'Asantehene et dans lequel l'Asantehemaa joue un rôle majeur. Parmi ces membres se trouvent le Kontihene, le Gyaasehene et le Dabehene qui constituent le corps électoral des rois, aussi appelés les anciens. Le Kontihene est désigné pour suppléer l'Asantehene en cas d'absence et mène les consultations avec l'Asantehemaa en cas de nomination d'un nouveau Asantehene ou d'un nouvel héritier. Le Gyaasehene peut détrôner le monarque si ce dernier s'obstine à agir à l'encontre du Conseil. Le Dabehene prend en charge l'ensemble des besoins logistiques du quartier royal et agit en tant que porte-parole royal[19].

Régence[modifier | modifier le code]

Pendant la période entre le décès d'un Asantehene et l'élection d'un successeur, le Mamponghene, l'adjoint de l'Asantehene, fait office de régent[20]. Cette politique n'est modifiée qu'à la fin du XIXe siècle, en période de guerre civile, lorsque le Kwasafomanhyiamu, ou conseil d'administration lui-même, règne en tant que régent[20]. La succession est décidée par une série de conseils de nobles Asante et d'autres membres de la famille royale[20].

Liste des dirigeants[modifier | modifier le code]

Tous les dirigeants figurant dans les listes ci-dessous étaient membres de la dynastie Oyoko.

Kwaamanhene de l'État de Kwaaman[modifier | modifier le code]

Nom Règne
Nana Twum vers 1570-1590
Nana Antwi 1590-1600
Nana Kobia Amamfi 1600-1630
Nana Oti Akenten 1630-1640

Kumasehene de l'État Kumaseman[modifier | modifier le code]

Nom Règne Remarques
Obiri Yeboa vers 1640 à 1680 Renomme la ville Kumasi au sein de l'État de Kwaaman.
Osei Tutu vers 1680/c.1695-1701 (certainement Kumasehene vers 1695) Fonde l'empire ashanti et règne en tant que premier Asantehene.

Asantehene du Royaume d'Ashanti (Empire Ashanti)[modifier | modifier le code]

Osei Tutu I, fondateur de l'Empire ashanti[modifier | modifier le code]

Après avoir succédé à Obiri Yeboa au trône de l'État de Kwaaman (Kumasi) entre 1680 et 1695, Osei Tutu fédère plusieurs États voisins soumis à Denkyira par voie diplomatique et militaire. Sur base des enseignements acquis lors de ses séjours dans les courts de Denkyira et d'Akwamu, il procède à plusieurs réformes administratives, financières et militaires sur lesquelles il s'appuie pour reformer la confédération ashanti et centraliser le pouvoir à Kumasi. En 1701, au terme de la bataille de Feyiase, il fonde l'Empire ashanti et adopte une politique d'expansion militaire avant de mourir au combat en 1717. Après son décès, un conflit de succession.

Opoku Ware I[modifier | modifier le code]

Héritier du clan Oyoko, il succède à Osei Tutu I entre 1718 et 1722 durant une période de troubles civils. Il raffermit et confirme son accession au trône entre 1720 et 1721. Il poursuit la construction de l'empire ashanti entamé par son prédécesseur et instaure une règle de succession dynastique par alternance entre sa maison et celle d'Osei Tutu. Tout au long de son règne, il mène des campagnes militaires qui étendent l'Empire ashanti jusqu'à son extension maximale, dépassant les frontières de l'actuel Ghana et intégrant l'est de la Côte d'Ivoire. Sa politique intérieure se concentre sur le soutien au commerce et à la production de marchandises. Il réalise une série de réformes qui incluent la fondation des institutions gouvernementaux. Il restructure également le fonctionnement administratif des États constitutifs de l'empire et réduit le pouvoir des chefs qui administrent les provinces de l'empire. Cette réforme conduit à une conspiration contre Opoku Ware qu'il parvient à réprimer. Il meurt en 1750, sans parvenir à achever la réforme et est remplacé par Kusi Obodom.

Kusi Obodom[modifier | modifier le code]

Il est élu comme successeur d'Opoku Ware I par opposition au candidat suggéré par Opoku Ware I et règne de 1750 à 1764 et contrairement à la rotation dynastique instaurée. Le règne d'Obodom débute par une guerre civile en réponse à son élection jusqu'à ce que la stabilité s'ensuive en 1751 En matière de politique intérieure, Kusi Obodom institue des réformes juridiques telles que la restauration des pleins pouvoirs constitutionnels des chefs qui sont limités par son prédécesseur. En politique étrangère, l'Asantehene cherche à soumettre la coalition composée d'États tributaires rebelles et d'autres groupes qui mettent fin à la domination des Ashantis sur la Côte de l'Or. À la fin de son règne, l'alliance s'est désintégrée et l'empire recouvre son influence. En 1764, le Dahomey et l'empire d'Oyo soutiennent les États Akyem ainsi que d'autres États sujets rebelles. La poursuite des rebelles par Kusi Obodom mène à une confrontation avec le Dahomey et Oyo à travers lequel l'armée Ashanti est vaincue à la bataille d'Atakpamé. L'impopularité croissante de Kusi Obodom, ainsi que sa santé défaillante, conduisent à sa destitution en 1764 et à l'élection d'Osei Kwadwo comme Asantehene.

Osei Kwadwo[modifier | modifier le code]

Installé en 1764 après l'abdication de Kusi Obodom, il appartient à la maison dynastique d'Osei Tutu Ier en accord avec le principe de rotation dynastique du matriclan Oyoko. Son règne est marqué par l'émergence d'un conflit dynastique centré sur le bannissement de l'Asantehemaa Akyaama qui aura des répercussions pendant un siècle et permet la montée en puissance de Konadu Yaadom. Sur le plan administratif, il mène des réformes majeures que les historiens surnomment la révolution kwadwoïenne. Celles-ci visent à centraliser le pouvoir à Kumasi, renforcer le contrôle militaire, et établir une administration civile pour les provinces. Osei Kwadwo s'engage dans plusieurs campagnes militaires et consolide les territoires conquis de l'Empire. Ses efforts contribuent à stabiliser les frontières intérieures, à réprimer des révoltes, et à étendre l'influence ashanti sur des royaumes voisins tels que le royaume d'Akwamu. Il tente d'envahir les Fanti mais se confronte à un échec à cause de leurs relations avec les Britanniques. Il meurt en 1777 et laisse le pays dans un nouveau conflit dynastique qui oppose les descendants d'Akyaama et Konadu Yaadom. Les soutiens du jeune Osei Kwame Panyin, fils biologique d'Akyaama, l'installent par la force au lieu de l'héritier désigné par Osei Kwadwo.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. PESCHEUX Gérard, Le royaume asante (Ghana), KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-8111-3751-9, lire en ligne)
  2. (en) W. E. F. Ward, A History of Ghana, Taylor & Francis, (ISBN 978-1-000-85485-5, lire en ligne)
  3. Pescheux 2003, p. 90-95.
  4. « Ghana - THE PRECOLONIAL PERIOD » [archive du ] (consulté le )
  5. a et b (en) « Osei Tutu | king of Asante empire », Encyclopedia Britannica (consulté le )
  6. (en) H. James Birx, Encyclopedia of Anthropology, SAGE, (ISBN 978-0-7619-3029-7, lire en ligne), p. 284.
  7. (en-US) Ayodale Braimah, « Kumasi, Ghana (17th Century- ) • », (consulté le ).
  8. « The History Behind The Origin Of The City Of Kumasi - Opera News », sur gh.opera.news (consulté le )
  9. (en) ID: 108 ~ Creator: Kathy Curnow ~ Date: 2017, « The Kum Tree », sur Bright Continent (consulté le )
  10. (en) J. G. Platvoet, « Cool Shade, Peace and Power », Journal of Religion in Africa, vol. 15, no 3,‎ , p. 174–200 (ISSN 1570-0666 et 0022-4200, DOI 10.1163/157006685X00084, lire en ligne, consulté le )
  11. "Asantehene to visit Seychelles", Modern Ghana, 5 July 2007. Retrieved 9 March 2013.
  12. Shillington, p. 195.
  13. (en) Tordoff, « The Ashanti Confederacy1 », The Journal of African History, vol. 3, no 3,‎ , p. 399–417 (ISSN 1469-5138, DOI 10.1017/S0021853700003327, S2CID 159479224, lire en ligne)
  14. Aidoo, « Order and Conflict in the Asante Empire: A Study in Interest Group Relations », African Studies Review, vol. 20, no 1,‎ , p. 1–36 (ISSN 0002-0206, DOI 10.2307/523860, JSTOR 523860, S2CID 143436033)
  15. Prussin, « Traditional Asante Architecture », African Arts, vol. 13, no 2,‎ , p. 57–65+78–82+85–87 (DOI 10.2307/3335517, JSTOR 3335517, S2CID 191603652)
  16. Pescheux 2003, p. 22.
  17. Akutsu 1992, p. 503-504.
  18. Pescheux 2003, p. 521.
  19. Magdalene Mensah, « La chefferie dans la cosmogonie asante », Academia.edu,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. a b et c Shillington, History of Africa, p. 195.

Lectures complémentaires[modifier | modifier le code]

  • Robert B. Edgerton, 1995, La chute de l'empire Asante. La guerre de Cent Ans pour la Gold Coast africaine. New York : La Presse Libre. (ISBN 0-02-908926-3)
  • Alan Lloyd, 1964, Les Tambours de Kumasi, Londres : Panther.
  • Ernest E. Obeng, 1986, Ancienne chefferie Ashanti, Ghana Publishing Corporation. (ISBN 9964-1-0329-8)
  • Kevin Shillington, 1995 (1989), Histoire de l'Afrique, New York : St. Martin's Press.