Arsène (évêque d'Orte)

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Arsène, évêque d'Orte, mort en 868, fut un collaborateur de plusieurs papes successifs.

Carrière

Dès 848, il est l'un des principaux collaborateurs du pape Léon IV[1]. Il avait au moins un fils, Éleuthère ; on comprend d'Hincmar de Reims qu'Anastase le Bibliothécaire était aussi son fils[2] ; cependant, dans une lettre à Adon de Vienne, Anastase déclare qu'Arsène est son oncle[3].

Selon Hincmar de Reims[4], Anastase, ordonné prêtre au titre de Saint-Marcel par le pape Léon IV (en 847 ou 848), se serait ensuite violemment brouillé avec lui, aurait dû fuir Rome, et aurait été excommunié dans un synode le 16 décembre 850. Ensuite, le 19 juin 853, le même pape l'aurait une nouvelle fois frappé d'anathème. Après la mort de Léon IV (17 juillet 855), le clergé romain élut comme successeur Benoît III ; deux émissaires, Nicolas, évêque d'Anagni, et le magister militum Mercurius, partirent porter le décret d'élection aux empereurs Lothaire et Louis II, mais ils rencontrèrent à Gubbio l'évêque Arsène qui les convainquit de trahir leur mission et de prendre part à l'élection d'Anastase en lieu et place de Benoît. Une réunion des conjurés eut lieu à Orte, avec des légats impériaux et d'autres évêques comme Radoald, évêque de Porto ; à la tête d'une troupe ils s'emparèrent de Rome, déposèrent Benoît III et intronisèrent Anastase. Mais ce coup de force échoua devant la résistance unanime du clergé et du peuple de Rome, et finalement, le 29 septembre, Benoît III était rétabli solennellement en présence des légats de l'empereur Louis II[5]. Cependant, l'appui qu'avaient donné les légats impériaux à la conjuration força le parti vainqueur à la modération : le nouveau pape renonça à poursuivre Anastase comme son prédécesseur et le réadmit à la communion des laïcs[6].

Sous le pape Nicolas Ier, Arsène est chargé d'importantes missions. Il est représentant du pape (apocrisiaire) auprès de l'empereur Louis II : en 864, le pape fait demander à l'empereur, par l'entremise d'Arsène, l'autorisation d'envoyer des légats auprès de Charles le Chauve, mais Louis II, soupçonnant le pape de vouloir agir contre lui, la lui refuse[7].

En 865, Nicolas Ier envoie Arsène pour une grande mission auprès des rois francs du nord des Alpes. L'apocrisiaire, passant par Coire, se rend d'abord à Francfort auprès de Louis le Germanique ; puis à Gondreville auprès de Lothaire II, qu'il somme de reprendre sa femme Teutberge sous peine d'excommunication. Il se rend ensuite à Attigny auprès de Charles le Chauve et impose le rétablissement sur son siège de l'évêque Rothade de Soissons, déposé en 862 par un concile présidé par l'archevêque Hincmar de Reims. Puis il prend avec lui Teutberge, qui vivait réfugiée sur le territoire de Charles le Chauve, et la reconduit auprès de Lothaire II à Douzy, lui imposant de la reprendre auprès de lui et présidant à un échange de serments. Ensuite il se fait amener Waldrade, la concubine de Lothaire, et la prend avec lui pour retourner en Italie. Il revendique auprès des rois, au cours de ce voyage, de grands biens, pour lui-même qui en aurait été injustement spolié, et pour le Saint-Siège[8].

Après la mort de Nicolas Ier (13 novembre 867) et l'avènement d'Adrien II (14 décembre 867), les missionnaires byzantins Constantin et Méthode arrivèrent à Rome, et Arsène apparaît à cette occasion (avec Anastase) dans la Vie de Constantin-Cyrille : il y est présenté comme « l'un des sept évêques » qui assistaient le pape[9].

Le 10 mars 868, Éleuthère, fils d'Arsène, enleva la fille du pape Adrien II, qui était fiancée à un autre, et l'épousa. Arsène avait aidé au rapt et dut s'enfuir à Bénévent auprès de l'empereur Louis II, mais il fut saisi d'un malaise dès son arrivée, confia « ses trésors » à l'impératrice Engelberge, et mourut peu après[10]. Ensuite, selon Hincmar de Reims, Éleuthère tua Stéphanie, la femme du pape, et sa fille qu'il avait enlevée, et fut lui-même tué par des hommes de l'empereur. Son « frère » Anastase le Bibliothécaire fut accusé de complicité, et Adrien II renouvela contre lui l'excommunication prononcée par Léon IV (4 octobre 868)[4]. Anastase vécut ensuite à la cour de l'empereur Louis II (qui l'envoya en mission à Constantinople fin 869).

Notes et références

  1. Voir les Gesta Sanctorum Rotonensium (histoire des premières décennies de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon), II, § 10 : en 848, l'abbé Conwoïon, envoyé par le duc breton Nominoë, se rend à Rome avec deux évêques accusés de simonie, Susan de Vannes et Félix ; l'affaire est traitée dans un concile, dont sont rapportées les paroles du pape et de « l'archevêque Arsène » ; « Illi contra responderunt : "Etsi recepimus, ignoranter fecimus". Tunc Arsenius archiepiscopus dixit : "Nullus sacerdos debet ignorans esse ; hæc excusatio non est satisfactio". Sanctus papa Leo respondit : "Auctoritas sancti Evangelii excipienda est, etc." ».
  2. Annales Bertiniani, anno 868 : « Arsenii filius [...] Eleutherius, consilio ut fertur fratris sui Anastasii, quem bibliothecarium Romanæ ecclesiæ [...] Adrianus constituerat [...] ».
  3. Anastasii Bibliothecarii epistolæ sive præfationes (Éd. MGH, no 3, p. 401) : « ex anima avunculi mei, vestri vero Arsenii ». Arthur Lapôtre (De Anastasio bibliothecario sedis apostolicæ, Paris, Pillet et Dumoulin, 1885, p. 323) a supposé que ce passage était altéré (la lettre n'est connue que par un seul manuscrit, le Vatic. Regin. lat. 595, du Xe siècle) : il faudrait rétablir « avunculi vestri, mei vero patris Arsenii » (Adon aurait été le fils d'une sœur d'Arsène). Cette correction a été rejetée par Ernst Perels (Papst Nikolaus I. und Anastasius Bibliothecarius, Berlin, Weidmann, 1920, p. 189).
  4. a et b Annales Bertiniani, anno 868.
  5. Récit de la Vie de Benoît III dans le Liber Pontificalis (Éd. Louis Duchesne, vol. II, p. 141-144), confirmé (à propos d'Anastase) par Hincmar de Reims, Annales Bertiniani, anno 868. L'identité d'« Anastase l'antipape » et d'« Anastase le Bibliothécaire » a été longtemps mise en doute : Hincmar de Reims aurait confondu deux homonymes (mais le lien entre Anastase l'antipape et Arsène d'Orte est confirmé clairement par la Vie de Benoît III : « Legati [...] Arsenio Egubio obviantes episcopo ad invicem confabulare cœperunt [...] Post aliquos quoque dies [...] Hortam, quæ XL miliariis a Roma distat, properaverunt. [...] Arsenio cogente episcopo se conjunxerunt presbytero nomine Anastasio, etc. ») ; cette identité a été établie par Joseph Hergenröther (Photius, Patriarch von Konstantinopel, t. II, Ratisbonne, 1867, p. 230-240), puis par Arthur Lapôtre et Ernst Perels.
  6. Hincmar, Ibid..
  7. Annales Bertiniani, anno 864.
  8. Ibid., anno 865.
  9. « Il chantèrent la liturgie en langue slave dans l'église Saint-Pierre. Le lendemain, il la chantèrent dans l'église Sainte-Pétronille. Le troisième jour, ils la chantèrent dans l'église Saint-André, et encore auprès de l'apôtre Paul, le grand maître des gentils : ils chantèrent de nuit la sainte liturgie en slave près de son saint tombeau, assistés de l'évêque Arsène, qui était un des sept évêques, et d'Anastase le Bibliothécaire » (Vita Constantini, XVII, 7-9, éd. Lavrov, 1930, p. 34). Si l'expression « les sept évêques » désigne les sept « évêques suburbicaires » (qui sont devenus les « cardinaux-évêques »), c'est une erreur : Orte ne fait pas partie de ces sept diocèses.
  10. Selon Hincmar, la rumeur prétendit qu'il s'était entretenu avec des démons avant de mourir, et il ajoute qu'en mourant il « rejoignit son lieu » (« abiit in locum suum »), c'est-à-dire l'enfer.