Arrêté préfectoral de protection de biotope

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Étang du Crey : un biotope protégé par arrêté préfectoral, Susville, Isère

Un arrêté préfectoral de protection de biotope ou APPB est un type d'aires protégées en France permettant au préfet — ou en Corse au conseil exécutif de Corse[a] — de réglementer ou d'interdire certaines activités humaines, dans l'objectif de protéger les milieux de vie d'espèces protégés au niveau national. Ces arrêtés s'appliquent sur des espaces généralement assez restreints.

Cet outil de protection réglementaire a été créé en 1977, le dispositif est complété par les arrêtés préfectoraux de protection de géotope[1] et les arrêtés préfectoraux de protection des habitats naturels[2], en 2015 et 2018, respectivement afin de protéger les fossiles et minéraux et les habitats naturels.

Les arrêtés préfectoraux de protection de biotope (ou de géotope ou d'habitats naturels) sont des outils relativement rapides à mettre en œuvre par l'administration. Chaque arrêté contient un règlement qui lui est propre. Les APPB ne prévoient cependant pas, habituellement, de gestion conservatoire des sites, ni de budget ou de personnel pour leur suivi[3].

Définition[modifier | modifier le code]

Le lac de Saint-Point, dans le Doubs, bénéficie depuis 1995 d'un arrêté préfectoral de protection de biotope.

Les biotopes protégés[modifier | modifier le code]

Les arrêtés préfectoraux de protection de biotope peuvent protéger aussi bien des sites naturels qu'artificiels, ils sont généralement pris sur des zones restreintes, mais il n'existe pas de limite de taille. Certains ne concernent des clochers d'églises, des greniers ou encore des grottes, milieux considérés comme sans superficie officielle, dans l'objectif de préserver les populations de chauves-souris qui y trouvent un habitat favorable.

En ce qui concerne les aires naturelles, le plus petit APPB de France est en un coteau pendu sec dit Combe d'Armel, situé sur la commune de Mortagne-sur-Gironde, qui ne mesure que 1 are et 50 centiares, surplombant les polders de la rive droite de la Gironde dont la flore a des affinités méridionales (hysope blanchâtre ou Hyssopus officinalis, Sumac des corroyeurs ou Rhus coriaria[4].

Un unique arrêté peut protéger plusieurs « sous-sites ».

Contenu réglementaire[modifier | modifier le code]

Les arrêtés préfectoraux de protection de biotope permettent aux préfets, ou en Corse au conseil exécutif de Corse d'interdire certaines activités humaines telles que la chasse, la pêche, la cueillette, le camping, l'écobuage, le dépôt de déchets ou de matériaux, la plantation d'arbres. Ces mesures visent à protéger des milieux de vie d'espèces protégés au niveau national, elles s'appliquent sur des espaces généralement assez restreints.

Gestion[modifier | modifier le code]

La gestion conservatoire des sites n'est pas systématiquement prévue par les arrêtés préfectoraux de protection du biotope. Cependant de nombreux sites sous APPB bénéficient de gestion au tire d'autre type de protection (Natura 2000, Réserve, PNR...) couvrant le même terrain. Pour les sites qui ne font l'objet d'aucune autre protection, moins d'1/4 sont activement gérés, en général par des associations ou des Conservatoires d'espaces naturels, dans quelque cas cette gestion est mentionnée par l'arrêté.

Histoire[modifier | modifier le code]

Début : le décret de 1977[modifier | modifier le code]

Le premier arrêté préfectoral de protection du biotope pris en Outremer est celui du qui classe l'Île de Petite-Île à la Réunion.
L'arrêté de protection de biotope de Monte a Supietra[5], sur la commune d'Omessa en Corse.
L'église de Lopérec dans le Finistère qui abrite une colonie de Chauves-souris dans ses combles, bénéficie d'un arrêté préfectoral de protection de biotope depuis le 13 février 1995[6].

Les arrêtés préfectoraux de protection du biotope ont été institués par le décret no 77-1295 du 25 novembre 1977.

Les premiers arrêtés préfectoraux de protection de biotope n'ont été pris qu'au début des années 1980 : le tout premier date du et concerne « Les Brotteaux », dans la commune d'Ambronay dans le département de l'Ain. Ce délai est expliqué par la durée de la procédure et par le fait qu'il a fallu attendre la publication des arrêtés préfectoraux de protection des espèces de faune et de flore sauvages, lesquels permettaient de justifier ou valider les procédures de création d'arrêtés préfectoraux de protection de biotope[4].

À partir de la fin des années 1990 une base de données sur les APPB est mise à jour chaque année et plusieurs synthèses globales ont été faites : en 1987[7], en 1993, en 2007 et en 2018.

Évolution quantitative depuis 1980[modifier | modifier le code]

En métropole, c'est la période entre 1986 et 1998 où la création d'APPB a été la plus importante, 34 arrêtés ayant été signés par an, en moyenne pour arriver à 55% du réseau existant en 2018. Entre 1999 et 2017, plus de 22 arrêtés ont été créés chaque année, avec un rythme globalement stable.

En Outre-mer, la mise en place d'APPB est plus récente puisque 80% du réseau a été constitué entre 1994 et 2010.

bilan de 2007[modifier | modifier le code]

Début 2007, il y avait en France (Métropole et Outre-mer)[4] 672 APPB, dont :

  • métropole : 641 pour 124 500 hectares répartis en 1 182 sous-sites, soit 0,22 % du territoire ;
  • Outre-mer : 31 pour 200 000 hectares.

En 2007, une synthèse est publiée (bilan après 30 ans d'existence de l'APPB), faite à partir des données des 22 DIRENs métropolitaines et des 4 DIREN d’Outre-Mer disponibles à la date du [4].

Espèces visées[modifier | modifier le code]

Les APPB ont, le plus souvent, été établis pour protéger des espèces animales :

  • 295 sites pour les animaux ;
  • 93 sites, (soit 14,7 % des APPB) établis pour protéger des espèces végétales ;
  • 244 sites (38,6 %) protègent à la fois des animaux et végétaux des APPB)[4].

La motivation "faunistique" pourrait avoir été favorisée par le texte même de la loi qui précise « dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces » (la notion de repos fait directement allusion aux animaux)[4].

Types de milieux concernés[modifier | modifier le code]

En outre-mer c'est la forêt qui semble sous-représentée (par rapport à sa surface en Guyane) et ici contrairement à la métropole les APPB visent souvent des habitats littoraux et halophiles (plages, îlots rocheux, falaises, mangroves), mais aussi des eaux non marines (étangs), les landes et fourrés, quelques éléments de forêt tropicale, le milieu rocheux et les grottes. Tous ces milieux abritent une faune très remarquable et souvent menacée.

Bilan 2018[modifier | modifier le code]

En 2018, on compte 911 APPB, répartis comme suit :

  • Métropole : 870 pour 167 419 ha soit 0.3 % de la superficie métropolitaine.
  • Outre-mer : 41 pour 230 067 ha, avec 181 138 ha pour le seul APPB de Clippertone.

Espèces visées[modifier | modifier le code]

écrevisse à pattes blanches

72 % des APPB (658 arrêtés) mentionnent l'espèce ou les espèces qu'ils visent à protéger. L'absence d'information sur les espèces concerne principalement les arrêtés les plus anciens. Sur 598 APPB analysés en 2018 50 % concernait uniquement un enjeu faunistique, 16 % un enjeu floristique et les 34 % restant présentent des enjeux des deux groupes.

Les dix espèces les plus souvent citées sont l'écrevisse à pattes blanches, 4 espèces de chiroptères, la truite, la couleuvre à collier, le lézard vert, le faucon pèlerin et le hibou grand-duc.

Types de milieux concernés[modifier | modifier le code]

le graphique ci-dessous ne représente que la métropole

Cadre règlementaire[modifier | modifier le code]

Les APPB sont codifiés dans le Code de l'environnement aux articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-15, R.411-16 et R.411-17.

Le dispositif est créé par le décret no 77-1295 du 25 novembre 1977, qui a postérieurement été complété par :

Ils étaient précédemment codifiés dans le Code rural : articles L. 211-l et L. 211-2 ; articles R. 211-12 à R. 211-14[8].

Procédure de création[modifier | modifier le code]

L’APPB est proposé par l’État, en la personne du préfet et généralement instruit par les DDT voir les DREAL, concernées et signé après avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel, de la commission départementale des sites, de la chambre d'agriculture, et le cas échéant du directeur de l'Agence ONF de situation si une forêt publique relevant du régime forestier est concernée. D'autres instances doivent être consultés dans le cas où les interdiction prononcées concernent directement leurs intérêts[9].

Le tribunal administratif de Fort-de-France a rappelé dans sa décision n°1300504 du 30 décembre 2014 que les arrêtés préfectoraux de protection de biotope doivent être soumis à la consultation du public comme prévus pour l'ensemble des textes environnementaux, au titre de l'article L. 123-19-1 du code de l’environnement[10].

La consultation des conseils municipaux est obligatoire depuis 2018, ils rendent des avis simples.

Publicité et informations des tiers[modifier | modifier le code]

Conformément à l'article R. 411-16 du Code de l'environnement[9], l'arrêté préfectoral signé est :

  • affiché dans chacune des mairies concernées ;
  • publié au recueil des actes administratifs et mis en ligne sur le site internet de la préfecture concernée ;
  • mentionné dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans l'ensemble du ou des départements concernés ;
  • notifié à l'ensemble des propriétaires fonciers concernés.

Devenir des arrêtés préfectoraux de protection de biotope[modifier | modifier le code]

Contentieux[modifier | modifier le code]

Selon ce bilan [Lequel ?], les APPB jouent leur rôle. Peu ont été annulés (seuls 22 l'ont été entre 1993 et , dont 8 pour former un APPB unique reprenant l’ensemble des secteurs (sites à Sternes en région Centre) et d'autres pour être remplacés par un statut de protection plus fort. Seules quelques annulation correspondaient à une fragilité juridique et/ou à un constat d’échec (disparition des espèces protégées qui avaient justifié l'APPB)) et dans certains cas d’autres espèces protégées ont été signalées sur le site, ce qui a justifié une reconduction de l’APPB, par exemple pour l’APPB FR3800016 Bois de la brume et mare de Tornibus (APPB datant du 28/10/1991, pris pour deux espèces végétales protégées d'Île-de-France : Blechnum spicant et Eriophorum angustifolium) annulé puis recréé le 14/04/2006 pour protéger Carex laevigata, Blechnum spicant ne figurant plus dans le nouvel arrêté).

Dans le département de l'Essonne (voir l'article Aires protégées en Essonne pour plus de détails), l'arrêté protégeant le Coteau des Vignes sur la commune d'Athis-Mons, pris en 1992, a été abrogé en 1997, à la demande du propriétaire de l'époque[11]. Le site est couvert par une zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles depuis 2009, et fait l'objet d'une convention de gestion entre le conseil départemental et la commune, depuis le 15 juin 2019[12].

Évolution en autre type d'aire protégée[modifier | modifier le code]

réserve naturelle nationale des marais de Kaw-Roura

Contrairement à l'idée mise en avant dans la synthèse de 2008, l'analyse de 2018 montre que les APPB n'ont que très rarement évolués vers d'autres type d'aire protégée. Quelques exceptions sont la réserve naturelle nationale des marais de Kaw-Roura, classée par décret le 13 mars 1998, qui succède à l'APPB de la « plaine et de la montagne de Kaw » créé en 1989, la réserve naturelle nationale du mont Grand Matoury qui remplace depuis 2006 un APPB datant de 1994, en Guyane ou encore la réserve naturelle régionale des landes et tourbière des Égoutelles créée en 2009 qui englobe, dans sa partie sud, un ancien arrêté préfectoral de protection de Biotope datant de 1986, en Mayenne.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. on parlera alors d'« arrêté de protection du biotope », sans l'adjectif « préfectoral »

Références[modifier | modifier le code]

  1. Décret no 2015-1787du 28 décembre 2015
  2. Décret no 2018-1180du 19 décembre 2018
  3. Léonard 2018, p. 6.
  4. a b c d e et f Jacques COMOLET-TIRMAN, Guillaume GRECH, Jean-Philippe SIBLET et Jacques TROUVILLIEZ, service du patrimoine naturel, Le patrimoine naturel protégé grâce aux Arrêtés préfectoraux de Protection de Biotope (APB) : milieux naturels, faune et flore : Un bilan après trente années d’existence d’un outil de protection souvent méconnu et sous-estimé, Paris, MEDAD & MNHN, (lire en ligne)
  5. « FR3800542 - MONTE A SUPIETRA », sur INPN
  6. « arrêté 95-0285 du 13 février 1995 portant protection du biotope des combles de l'église de Lopérec »
  7. BARRE V, BONNIN LUQUOT C et FEUGERES A (1987) Première évaluation des arrêtés de biotope. Secrétariat d'État auprès du Premier Ministre chargé de l'environnement, Direction de la Protection de la Nature, Service des Espaces Naturels
  8. « Article R*211-13 », sur Legifrance
  9. a et b Article R411-16
  10. Simon Jolivet, « Biotopes et habitats naturels, les faux-jumeaux de la protection de la nature », L’Actualité juridique, Dalloz, no 9,‎ , p. 519 (lire en ligne)
  11. Gaelle Sabourin, « ZNIEFF 110320023 - LE COTEAU DES VIGNES » (consulté le )
  12. « ENS - 30 ans d'action concrètes : dossier de presse » (consulté le ), p. 11

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Baron X (1993) Inventaire des arrêtés préfectoraux de biotope, présentation méthodologique, analyse synthétique. Secrétariat de la Faune et de la Flore, M.N.H.N.
  • Barré V, Bonnin Luquot C et Feugères A (1987) Première évaluation des arrêtés de biotope. Secrétariat d'État auprès du Premier Ministre chargé de l'environnement, Direction de la Protection de la Nature, Service des Espaces Naturels.
  • Bélier S (2006) De la nécessité de préserver l’habitat d’une espèce protégée : l’arrêté de protection de biotope a-t-il fait ses preuves ? p. 115-131- in Actes des journées anniversaire de la loi du sur la protection de la nature, 30 ans de protection de la nature, bilan et perspectives. Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement Durables, Société Française pour le Droit de l’Environnement, Ligue ROC.
  • Jacques COMOLET-TIRMAN, Guillaume GRECH, Jean-Philippe SIBLET et Jacques TROUVILLIEZ, service du patrimoine naturel, Le patrimoine naturel protégé grâce aux Arrêtés préfectoraux de Protection de Biotope (APB) : milieux naturels, faune et flore : Un bilan après trente années d’existence d’un outil de protection souvent méconnu et sous-estimé, Paris, MEDAD & MNHN, (lire en ligne)
  • Lilian Léonard et al., UMS Patrinat, Les Arrêtés Préfectoraux de Protection de Biotope (APPB) :état des lieux du réseau national et de la mise en œuvre de l’outil, Paris, MNHN, (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]