Armoiries imaginaires

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 2 novembre 2014 à 00:43 et modifiée en dernier par Efilguht (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Les armoiries imaginaires sont les armes attribuées à des personnes, morales ou physiques, dont l'existence est antérieure à la naissance de l'héraldique ou à des personnages de fiction, voire à des symboles personnalisés[1]. L'héraldique étant un langage symbolique, elle peut servir à représenter des êtres ou de concepts antérieurs à sa création. Le fait que des artistes ont représenté symboliquement des personnages par des armes imaginaires ne signifie pas qu'ils aient cru que ces personnages les ont réellement portées.

Selon Michel Pastoureau, l'étude de ces armes imaginaires est le terrain d'enquête héraldique le plus riche ouvert depuis la seconde moitié du XXe siècle[1].

Ce type de création né avec l'héraldique est toujours actif de nos jours.

Les différents types d'armoiries imaginaires au Moyen Âge

Il existe différents types d'armoiries imaginaires. Michel Pastoureau en a proposé une catégorisation, en ce qui concerne celle produites pendant le Moyen Âge. Son analyse ne concerne pas les productions postérieures.

  • Figures historiques véritables de l'Antiquité et du Haut Moyen Âge : rois de Rome, grandes figures grecques et romaines, papes, empereurs et rois du Haut Moyen Âge. Parmi les armoiries les plus souvent représentées, celles d'Alexandre[2], de Jules César[3], de Charlemagne[4], des Neuf Preux[5], des royaumes de l'Heptarchie anglo-saxonne.
  • Personnages de la mythologie gréco-romaine, en particulier les personnages liés à la Guerre de Troie[6] comme Hector ou Ulysse.
  • Personnages des mythologies germaniques et scandinaves : les exemples sont moins nombreux que ceux issus de la mythologie gréco-romaine : Odin, Thor, Siegfried et les héros des Nibelungens[7]
  • Personnages véritables ou supposés tels ayant vécu ou vivant hors de la Chrétienté : émirs et sultans, Attila, l'empereur de Chine et les princes de son entourage[8].
  • Personnages bibliques, par exemple, Adam, Abraham, Moïse, Josué[9], les Rois mages[10].
  • Figures du christianisme : la Sainte Trinité (écu chargé d'un pairle) et les personnes divines, Marie et les apôtres, saints historiques et légendaires, Satan et ses créatures[11].
  • Personnages, royaumes et lieux créés par l'imagination médiévale, par exemple : le Prêtre Jean, les Neuf Preuses[12], les Meilleurs Trois[13].
  • Héros littéraires : Roland et ses compagnons[14], les figures des romans germaniques[15], Arthur et ses compagnons.
  • Personnifications diverses : vices et vertus, personnifications allégoriques (comme dans le Roman de la Rose), figures animales à caractère humain (comme dans le Roman de Renart), fleuves, vents et parties du monde.

Un autre domaine où fleurit la création d'armes imaginaires concerne le monde musulman. Fanny Caroff produit une analyse[16] d'où il ressort la volonté de discréditer l'adversaire - l'infidèle - par des éléments à connotation péjorative :

«L'emploi et l'association de certaines couleurs, qui peuvent être partagés par toutes les catégories de personnages déconsidérés, permettent également de souligner des différences entre les protagonistes. L'or, le sable (noir) et le gueules (rouge) sont les couleurs les plus employées dans les armoiries imaginaires des musulmans : le sable est généralement l'émail retenu pour les meubles, le gueules pour le champ, tandis que l'or sert aux deux. L'association d'un meuble de sable sur fond or est la plus usitée : viennent ensuite les unions sable/gueules et or/gueules. Ce sont, de façon générale, les trois couleurs qui expriment le plus fréquemment le péjoratif dans les armoiries imaginaires. L'imagier peut aussi transgresser la règle du blason relative à la juxtaposition des émaux et des métaux : l'infraction la plus répandue consiste alors à associer le sable et le gueules. II peut encore utiliser deux émaux semblables distingués seulement par une légère différence de gamme chromatique. Ces combinaisons, impossi­bles dans les armoiries véritables dont les couleurs sont abstraites et absolues, se rencontrent principalement dans les figures géométriques du XIIIe siècle. Une autre formule consiste à appliquer des couleurs n'appartenant pas aux émaux et métaux du blason : c'est ainsi que le rose et le beige (du blanc cassé au marron) apparaissent dans les sources étudiées. De façon générale, près de la moitié des combinaisons retenues par les imagiers constitue des infractions.»

Ce type d'infraction volontaire dévalorisante se retrouve également dans les armes de Satan. Le non-respect des règles de l'héraldique ne procède pas seulement de la volonté de dévaloriser, d'autres causes sont possibles, comme la méconnaissance de ces règles.

L'héraldique imaginaire après le Moyen Âge

Blanche-Neige et ses armes imaginaires.

La création d'armoiries imaginaires n'a pas cessé avec le Moyen Âge mais la forme et le fond évoluent selon les idéaux des époques concernées.

Au XVIe siècle, Jérôme de Bara, auteur et artiste parisien fit imprimer plusieurs éditions de son maître-livre : Blason des armoiries, « auquel est montrée la manière de laquelle les Anciens & Modernes ont usé en icelles. » Il s'agit d'un ouvrage largement consacré à l'héraldique imaginaire. Il est dédié dans l’édition de 1579, à monsieur de Langes, conseiller du roi et sénéchal de Lyon. Deux odes en latin, l'une de François Béroalde et l'autre de Nicolas le Digne et trois sonnets (dont un de Le Digne) lui sont dédiés au début de son livre. Ils témoignent qu’il fut un artiste très estimé et que l'héraldique imaginaire continua d'intéresser au-delà du Moyen Âge.

Au XIXe siècle, il faut citer Honoré de Balzac qui constelle sa Comédie humaine d'armes imaginaires[17]. Vers 1880, l'artiste peintre d'origine autrichienne Marianne Stokes dota le personnage de Blanche-Neige d'armes imaginaires.

À l'époque contemporaine, un regain est constaté en particulier avec l'apparition du genre dit "Fantasy", principalement dans des sous-genres comme Médiéval-fantastique ou fantasy arthurienne, dans lesquels apparaissent de nouvelles armoiries imaginaires. Le plus souvent celles-ci sont fautives et imblasonnables. Ceci résulte non de la volonté de discréditer un porteur comme au Moyen Âge, mais le plus souvent de la méconnaissance des règles de l'Héraldique.

Galerie héraldique imaginaire

Les armes imaginaires ont été reproduites sur des tapisseries, des sculptures, des enluminures.

Armorial des armes imaginaires

Le nombre d'armes imaginaires étant très important, certaines "familles" font l'objet d'un armorial spécifique. Ainsi:



Image Nom du porteur et blasonnement
Balthazar

D'or à un homme de sable vêtu de gueules[18].

Princesse de Blamont-Chauvry

Ecartelé de gueules à un pal de vair, flanqué de deux mains appaumées de carnation et d'or à deux lances de sable mises en chevron[19].

Blanche-Neige

Parti d'or au chef de sable à une couronne à l'antique du champ ; et de gueules à un franc-canton d'or[20].

Casteran

Tiercé en fasce d'azur, de gueules et de sable, au cheval élancé d'argent, ferré d'or[21].
Le terme correct pour le cheval est "courant", élancé se dit pour le cerf.

Clochemerle-en-Beaujolais

D'argent à une vespasienne de sinople sommée d'une cloche de gueules, accostée de deux merles affrontés de sable becqué aussi de gueules, perchés sur les parois latérales de la vespasienne.

David

D'azur à la harpe d'or[22].

Édouard le Confesseur

D'azur à la croix florencée cantonnée de quatre merlettes et soutenue d'une, tous d'or.

Victurnien d'Esgrignon

D'or à deux bandes de gueules [23].


Gaspard

D'azur au croissant tourné d'or accompagné d'une étoile du même[18].

Hector

De gueules au lion d'or assis sur un trône d'argent, tenant de sa senestre un fourreau de sable et de sa dextre une épée basse d'argent issant de ce foureau[24].

Héraldique

D'argent à six écusons posées 3-2-1, de gueules, d'or*, d'azur, de sable, de sinople et de pourpre[25].
* Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (or sur argent. Pour symboliser l'héraldique, cette faute est surprenante.).

Josué

D'argent à un dragon de sinople[22].


Melchior

D'azur semé d'étoiles d'or[18].

Micocolambos[26]

D'azur à trois couronnes d'argent.

Palamède

Échiqueté d'argent et de sable[27].

Priam

D'azur aux deux lions passant d'or[28].

Roland

D'or au lion de gueules, à la bordure engrêlées de sable[29].

Royaume d'Essex

De gueules à trois badelaires d'argent garnis d'or posés en bande la pointe à senestre et rangé en pal

Lucien de Rubempré

De gueules, au taureau furieux d'argent dans un pré de sinople[30].

Sainte Trinité

De gueules au « scutum fidei » d'argent.

Satan

De gueules à la fasce d'or accompagné de trois crapauds de sinople[31]
* Il y a là non-respect de la règle de contrariété des couleurs : ces armes sont fautives (sinople sur gueules : la faute peut se comprendre comme volontairement dévalorisante).

Fichier:Hogwarts coat of arms colored with shading.svg Poudlard

Écartelé, au premier de gueules au lion d'or, armé et lampassé de gueules (qui est de Gryffondor), au deuxième de sinople au serpent d'argent (qui est de Serpentard), au troisième d'or au blaireau de sable (qui est de Poufsouffle), au quatrième d’'azur à l'aigle de bronze (qui est de Serdaigle), sur le tout d’argent à la lettre H de sable.

Différences entre dessin et blasonnement : 1) lion contourné; 3) blaireau regardant au naturel ; 4)couleur fantaisiste.


Gryffondor De gueules au lion d'or, armé et lampassé de gueules.

Différences entre dessin et blasonnement : Le loin est dessiné contourné, ce qui n'est pas dit.


Serpentard De sinople au serpent d'argent.

Différences entre dessin et blasonnement : Le serpent est dessiné contourné, ce qui n'est pas dit.


Poufsouffle D'or au blaireau de sable.

Différences entre dessin et blasonnement : Le blaireau est dessiné passant en bande, ce qui n'est pas dit.


Serdaigle D'azur à l'aigle de bronze..

Différences entre dessin et blasonnement : L'aigle est dessinée d'or, mais est dite "de bronze" qui n'est pas une couleur héraldique.


Theuca, l'une des Preuses

Coupé d'or et d'azur, au lion de l'un en l'autre armé et lampassé de gueules[32].

Bibliographie

Notes et références

  1. a et b Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 192.
  2. C. Raynaud, Images et pouvoirs au Moyen Âge, Paris, 1993, p. 101-114.
  3. R.L. Wyss, Die Cäsarteppiche und ihr ikonographisches Verhältnis zur Illustration des Faits des Romains im 14. und 15 Jahrhundert, dans Jahrbuch des Bernischen Historischen Museums in Bern, t.35-36, 1955-1956, p. 103-232.
  4. R. Folz, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans l'Empire germanique médiéval, Paris, 1950.
  5. N. Civel, Les Neuf Preux et leurs armoiries. Un cas d'héraldique imaginaire, mémoire de maîtrise, Nanterre, Université de Paris X, 1995, dactyl.
  6. C. Van den Bergen-Pantens, Guerre de Troie et héraldique imaginaire", dans Revue belge d'archéologie et d'histoire de l'art, t.52, 1983, p. 3-22.
  7. O. Höfler, Zur Herkunft der Heraldik, dans Festschrift Hans Sedlmayr, Munich, 1962, p. 134-200 ; G. Scheibelreiter, Tiernamen und Wappenwesen, Vienne et Cologne, 1976.
  8. Michel Mollat du Jourdin et J. Devisse, L'Image du Noir dans l'art occidental, t. II : Des premiers siècles chrétiens aux grandes découvertes, Fribourg, 1979.
  9. A.Z. Keck, Observations on the Iconography of Joshua, dans The Art Bulletin, t.32, 1950, p. 267-274.
  10. H. Hostmann, Die Wappen der Heiligen drei Könige, dans Kölner Domblatt. Jahrbuch des Zentral-Dombauvereins, t. 30, 1969, p. 49-66.
  11. R. Dennys, The heraldic imagination, Londres, 1975, p. 96-102
  12. A. MacMillan, Men's Weapons, Women's War : the Nine Female Worthies, 1400-1640, dans Mediaevalia, t. 5, 1979, p. 113-139.
  13. W. Paravicini, Armoriaux et histoire culturelle : le Rôle d'armes des Meilleurs Trois, dans Cahiers du Léopard d'Or, vol. IV, 1998, p. 361-382.
  14. R. Lejeune et R. Stiennon, La légende de Roland dans l'art du Moyen Âge, Bruxelles, 1966.
  15. G.A. Seyler, Geschichte der Herldik, Nuremberg, 1890, p. 1-135.
  16. Fanny Caroff, Différencier, caractériser, avertir : les armoiries imaginaires attribuées au monde musulman, in : Médiévales, no 38, p. 139-140.
  17. Comme le souligne Pastoureau dans "figures de l'héraldique" ISBN 2-07-053365-4 page 105 où sont dessinées les armes imaginaires des "Rastignacs" et celles des "Rubemprés"
  18. a b et c Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 211.
  19. Le Lys dans la vallée, Balzac p. 266
  20. Selon gravure de Marianne Stokes : file:Marianne Stokes Schneewittchen.jpg (1880)
  21. "Beatrix Honoré de Balzac page 381
  22. a et b Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 175.
  23. Honoré de Balzac "Les Rivalités - Le Cabinet des Antiques", page 126)
  24. « Les neuf preux » du Chevalier errant 1394, BN, illustration reprise par Ottfried Neubecker, Roger Harmignies, dans Le grand livre de l'héraldique, éd. Bordas, 1988, p. 172. La source ne donne pas le blasonnement.
  25. Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 194.
  26. "Grand Duc de Quiroquie", un des nombreux personnages -imaginaires - blasonnés par Cervantes dans Don Quichotte (Partie 1 Chapitre 18)
  27. Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 199.
  28. Nicolas Civel, Les insignes héraldiques des Troyens dans l'armorial Le Breton, dans : Une histoire pour un royaume, éd. Perrin, 2009, p. 426.
  29. Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 197.
  30. Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, page 339.
  31. Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 205.
  32. Michel Pastoureau, L'Art de l'héraldique au Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, octobre 2009, (ISBN 978-2-02-098984-8), page 181.

Articles connexes

Sur les autres projets Wikimedia :