Architecture gothique

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Facade Ouest de la Basilique Saint-Denis (gothique primitif)
Cathédrale Notre-Dame de Chartres (gothique classique)
La Sainte-Chapelle, Paris (gothique rayonnant)
Cathédrale Saint-Étienne de Toul, Toul, (gothique flamboyant)

L'architecture gothique ou art français (en latin francigenum opus) est un style architectural d'origine française qui s'est développé à partir de la seconde partie du Moyen Âge en Europe occidentale. Elle apparaît en Île-de-France et en Haute-Picardie au XIIe siècle sous la dénomination Opus Francigenum, signifiant « œuvre française ». Elle se diffuse rapidement au nord de la Loire, puis au sud de la Loire et en Europe jusqu'au milieu du XVIe siècle et même jusqu'au XVIIe siècle dans certains pays. Les techniques et l'esthétique gothique se perpétuent dans l'architecture française au-delà du XVIe siècle, en pleine période classique, dans certains détails et modes de reconstructions, puis vient un véritable renouveau avec la vague de l'historicisme au XIXe siècle, jusqu'au début du XXe siècle : le style a été qualifié de néo-gothique.

Nom et étymologie

Cathédrale de Sées : vue de la nef vers le chœur

L'architecture dite « gothique » apparait initialement en Île-de-France sous le nom de « Francigenum Opus » (ou opus modernum), signifiant littéralement Œuvre Française. Trois siècles plus tard, ce sont les italiens de la Renaissance qui ont renommé « gotico » ce style architectural d'origine française. Le terme « gotico » est, semble-t-il, utilisé pour la première fois par le peintre Raphaël vers 1518 dans un rapport au pape Léon X sur la conservation des monuments antiques : Raphaël considère que les arcs en ogive de l'architecture gothique rappellent la courbure des arbres formant les cabanes primitives des habitants des forêts germaniques – un mythe qui refera surface chez les romantiques – et fait référence, de manière neutre, à l'art gothique du Ve siècle, désignant par contre l'« art français » médiéval sous le terme art tudesque[1]. « Gotico » est ensuite repris dans un sens péjoratif par le critique d'art Giorgio Vasari en 1530, faisant, lui, référence au sac de Rome par les « barbares » Goths. L'art gothique était donc l'œuvre de barbares pour les Italiens de la Renaissance, car il aurait résulté de l'oubli des techniques et des canons esthétiques gréco-romains. L'art gothique a également été critiqué par quelques auteurs français tels que Boileau, La Bruyère ou Jean-Jacques Rousseau, avant d'être réhabilité par des architectes comme Francesco Borromini ou Jan Blažej Santini-Aichel inventeur du style baroque gothique[2].

« [Le] fade goût des ornements gothiques,
Ces monstres odieux des siècles ignorants,
Que de la barbarie ont produit les torrents... »

— Molière

La plupart des archéologues et des historiens de l'art réfutent ce jugement et montrent que, par rapport à l'architecture romane qui la précède, l'architecture gothique n'est pas tant une rupture qu'une évolution.

Son identité très forte est autant philosophique qu'architecturale. Elle représente probablement, de ces deux points de vue, l'un des plus grands accomplissements artistiques du Moyen Âge.

Esthétique de l'architecture gothique

Même s'il est courant de définir l'architecture gothique par l'usage de l'arc brisé (l'« ogive » des anciens antiquaires), on ne saurait réduire un style architectural précis, ou tout autre art, à des caractéristiques techniques. Opposer le roman au gothique par l'usage du plein cintre ou celui de l'ogive est absurde et n'a pas de sens historiquement.

L'arc brisé et la voûte sur croisée d'ogives sont utilisés bien avant l'apparition des premiers bâtiments gothiques[3],[4].

De nombreux autres procédés architecturaux ou décoratifs ont été employés. L'alternance de piles fortes et piles faibles rythme la nef et renforce ainsi l'impression de longueur, d'horizontalité. Le rapport hauteur/largeur de la nef accentue ou diminue la sensation de hauteur de la voûte. La forme des piles, la décoration des chapiteaux, la proportion des niveaux (grandes arcades, triforium, fenêtres hautes)... participent tous à l'expression de l'esthétique de l'architecture gothique :

– volonté de hauteur (cathédrale Saint-Pierre de Beauvais) ;
– recherche de verticalité (cathédrale Notre-Dame d'Amiens) ;
– alternance des vides et des pleins (cathédrale Notre-Dame de Laon) ;
– fusion de l'espace (cathédrale Saint-Étienne de Bourges) ;
– multiplication des jeux de lumières et de couleurs (cathédrale Notre-Dame de Chartres)
– volonté d'accueillir le plus grand nombre de fidèles (les deux tiers de l'église gothique sont désormais réservés aux laïcs)[5].

Ainsi, les éléments architecturaux ont été mis au service de choix et de recherches esthétiques. Ils n'ont été que des outils pour obtenir les effets recherchés. Pour élever les nefs toujours plus haut, il a fallu améliorer la technique de l'arc-boutant. Pour augmenter la lumière et évider les murs, l'usage de l'arc brisé était mieux adapté. Les piles fasciculées ont homogénéisé l'espace et donné une sensation de logique aux volumes.

Historique

Le style gothique apparaît essentiellement en Haute-Picardie[6] et en Île-de-France, les tout premiers édifices protogothiques naissant dans la région francilienne. La principale hypothèse pour expliquer ces lieux de naissance francilien et picard est qu'ils sont essentiellement peuplés à cette époque de monuments paléochrétiens, notamment de cathédrales à murs fins, charpentées et percées de nombreuses baies. Ces régions sont donc déjà préparées aux choix techniques et esthétiques du gothique. De plus, elles voient l'avènement des Capétiens et la consolidation de l'État qui, à mesure de l'annexion des fiefs féodaux, impose comme symbole du pouvoir royal le renouvellement de ces édifices. Enfin, elles sont à la frontière de régions dynamiques au niveau des inventions architecturales : la Bourgogne (arc brisé inventé à l'abbaye de Cluny, arcs-boutants inventés à Cluny et Vézelay), la Normandie qui importe la voûte sur croisée d'ogives d'Angleterre (abbaye de Jumièges, abbaye de Lessay). Lieu de passage, de brassage, la Picardie et l'Île-de-France voient les premiers maîtres gothiques synthétiser toutes ces influences[7].

Le style évolue dans le temps : au gothique dit « primitif » (XIIe siècle) succèdent en France le gothique « classique » (1190 - 1230 environ), puis le gothique « rayonnant » (v.1230- v.1350), enfin le gothique « flamboyant » (XVe / XVIe siècle). À la Renaissance, le style gothique évolue, en France, vers un style hybride de structure gothique et de décor Renaissance (église Saint-Étienne-du-Mont à Paris).

Son expansion géographique se fait essentiellement en Europe occidentale et l'architecture gothique se décline en de nombreuses variantes locales : gothique angevin, normand, perpendiculaire...

Tableau des principaux édifices religieux gothiques en France
Ville Dates Hauteur sous nef (en mètres) Longueur totale (en mètres)
Sens environ 1135
24
113
Saint-Denis 1135
Noyon environ de 1140
22
102
Rouen vers 1145 à 1506
28
144
Cambrai 1148 (détruite dès 1794)
27
Laon 1155
25
110
Paris 1163
35
128
Saint-Quentin 1170
34
123
Strasbourg 1190 à 1439
31
115
Bourges 1192
38
118
Chartres 1194
37
130
Angers XIIe siècle
24,7
90,47
Reims 1211
38
149,17
Le Mans environ 1220
24 (nef), 34 (chœur)
120
Amiens 1220
42,50
133
Beauvais 1225
48
70
Metz 1220 à 1520
41,77
123
Troyes 1208 - XVIIe siècle
29,50
114


Avant le gothique

Depuis la fin du Xe siècle, les églises sont construites dans le style roman commun à une grande partie de l'Europe occidentale : les nefs sont souvent couvertes d'une voûte en berceau ; les murs sont épais et soutenus par des contreforts massifs situés à l'extérieur. Le nombre et l'ampleur des fenêtres sont limités et l'intérieur des édifices est décoré par des fresques aux couleurs vives.

Les historiens d'art actuels tendent à diminuer la rupture entre les styles roman et gothique, en démontrant que l'héritage antique n'a pas été complètement oublié du style gothique. Les sculpteurs et les architectes s'inspirent souvent des méthodes romaines[8].

Le gothique primitif ou protogothique

Bien que des éléments techniques utilisés par les maîtres d'œuvre de l'époque existent depuis de nombreux siècles (ogive), l'édification du chœur et de la facade de la basilique Saint-Denis et de la cathédrale Saint-Étienne de Sens sont généralement considérés comme les premiers jalons majeurs dans la genèse de l'esthétique gothique en architecture[9].

Les premiers édifices gothiques apparurent vers les années 1130-1150 en Île-de-France et surtout en Picardie. À cette époque, la croissance démographique (en lien avec la croissance agricole et commerciale) commande une augmentation de la taille des édifices religieux (les cathédrales de Trèves et de Genève au IVe siècle sont cependant immenses, au regard de leur population, ce qui traduit une autre motivation : l'orgueil des évêques ou abbés à l'origine de la construction de ces premiers édifices gothiques puis le « patriotisme urbain »[10]). La religion, le culte des reliques sont une composante essentielle de la vie des fidèles. La diffusion des innovations techniques rend le travail plus productif. Enfin, les villes et le commerce se développent, ce qui entraîne l'émergence d'une riche bourgeoisie qui souhaite s'émanciper du pouvoir de la seigneurie féodale dès le XIe siècle par l'obtention de franchises (droit d'impôts, de justice...) et l'exemption de droits seigneuriaux précisées dans les chartes de communes. Cette bourgeoisie souhaite s'émanciper aussi du pouvoir ecclésiastique en tenant ses conseils municipaux non plus dans les églises, mais dans les hôtels de ville dont les beffrois concurrencent les clochers. Au gré des circonstances, ces trois pouvoirs s'affrontent ou s'allient (il peut même y avoir concurrence entre le clergé cathédral et celui des autres églises paroissiales dont la responsabilité de la collecte et l'administration des fonds pour sa construction est assurée par le conseil de fabrique) pour le financement de nouvelles églises et cathédrales. Ces sources de financement sont essentiellement les revenus de l’évêque (c'est lui qui est toujours à l'initiative de ces premiers édifices gothiques, le chapitre de chanoines prendra le relai au milieu du XIIIe siècle à mesure que les chanoines jouent un rôle plus important), les dons de nobles (donations en « pure, perpétuelle et irrévocable aumône » ou demande de messes), de bourgeois (notamment pour leur salut), de corporations (se faisant par exemple représenter dans les vitraux en retour) et les contributions de tous les fidèles (quêtes, indulgences, transport des reliques...)[11].

Premières réalisations

Déambulatoire de la basilique Saint-Denis
(construction débutée en 1141 sous la direction de l'abbé Suger)

Même si elle ne fut consacrée qu'en 1163, les travaux de la cathédrale Saint-Étienne de Sens ont commencé en 1135 et de fait elle est considérée comme la première des cathédrales gothiques. Néanmoins, les premiers essais ne concernent pas les cathédrales.

Les églises et abbatiales de l'abbaye Notre-Dame de Morienval (croisées de ~1125), de Saint-Martin de Paris (chœur de 1130) et de Saint-Germer-de-Fly (1135) présentent déjà quelques traits du gothique. Elles sont antérieures à l'abbatiale de Saint-Denis, mais celle-ci est une des premières constructions religieuses encore debout à se démarquer nettement du style roman[7].

L'abbaye bénédictine de Saint-Denis est un établissement prestigieux et riche, grâce à l'action de Suger, abbé de 1122 à 1151. Ce dernier souhaite rénover la vieille église carolingienne afin de mettre en valeur les reliques de saint Denis dans un nouveau chœur : pour cela, il souhaite une élévation importante et des baies qui laissent pénétrer la lumière.

Suger décide d'achever la construction de sa nouvelle abbatiale en s'inspirant du nouveau style entraperçu dans la cathédrale Saint-Étienne de Sens. En 1140, il fait édifier une nouvelle façade occidentale du type « harmonique », en s'inspirant des modèles normands de l'âge roman, comme l'abbatiale Saint-Étienne de Caen qui offre un bel exemple de façade harmonique normande, rompant avec la tradition carolingienne du massif occidental. En 1144, la consécration du chœur de la basilique marque l'avènement d'une nouvelle architecture. Reprenant le principe du déambulatoire à chapelles rayonnantes en le doublant, il innove en prenant le parti de juxtaposer les chapelles, autrefois isolées, en les séparant par un simple contrefort. Chacune des chapelles comporte de vastes baies jumelles munies de vitraux filtrant la lumière. Le voûtement adopte la technique de la croisée d'ogives qui permet de mieux répartir les forces vers les piliers.

Le premier art gothique s’étend durant la seconde partie du XIIe siècle dans le Nord de la France. Le clergé séculier est alors tenté par un certain faste architectural. Saint-Denis passe pour le prototype : mais ce parti, très audacieux, ne sera pas immédiatement compris et suivi (façade harmonique, double déambulatoire, voûtes d'ogives). La cathédrale Saint-Étienne de Sens est un autre exemple initiateur de ce mouvement, moins audacieux que Saint-Denis : alternance des supports (piles fortes et piles faibles), voûtes sexpartites, murs qui restent relativement épais - l'utilisation des arcs-boutants ne se généralisera qu'à la période classique (même si leur première apparition attestée date de la décennie 1150 à Saint-Germain-des-Prés[12], jusqu'à la découverte de cet élément architectural en 1130 à Cluny[7]). Cependant, on peut y constater des innovations, telles que l'absence de transept qui unifie l'espace et l'éclairage plus abondant. Les apports de Sens sont compris plus vite que ceux de Saint-Denis. La cathédrale de Sens va avoir davantage de répercussions et rapidement de nombreux édifices vont suivre son exemple, au nord de la Loire dans un premier temps. La cathédrale de Laon présente encore une forme « archaïque » en conservant une élévation à quatre niveaux, dont des tribunes. Le contrebutement de la nef, malgré des voûtes sexpartites et une alternance piles fortes / piles faibles, n'est pas encore pleinement résolu.

Cathédrale de Laon
Tableau des principaux édifices du gothique primitif en France
Ville Édifice Début des travaux[13] Fin des travaux (gros-œuvre) Date de la consécration
Sens Saint-Étienne 1135 Entre 1490 et 1517 1164
Noyon Notre-Dame de Noyon 1145 1235
Senlis Notre-Dame de Senlis 1153 inconnue
Laon Notre-Dame de Laon 1155 1235
Soissons Saint-Gervais-et-Saint-Protais 1176 1212 pour le principal de l'œuvre

Le gothique classique

Le gothique classique correspond à la phase de maturation et d'équilibre des formes (fin XIIe-1230 environ). On construit alors toutes les plus grandes cathédrales : Reims, Bourges, Amiens, etc. Des centaines d'églises sont construites ou modifiées dans les villes et villages ou pour les monastères en tenant compte des nouveaux principes dès la fin du XIIe siècle. Dans les cathédrales, le rythme et la décoration se simplifient. L'élan vertical est de plus en plus prononcé. L'architecture s'uniformise : on abandonne l'idée de principe de piles alternées très marqué à Sens.
C'est dans le domaine royal de la dynastie capétienne que le style trouve son expression la plus classique[14]. Pour cette période, on commence à connaître le nom des architectes, notamment grâce aux labyrinthes (Reims). Le travail se rationalise. La pierre se standardise. Le monument prototype est Chartres, projet ambitieux avec une élévation à trois niveaux qui a pu être possible grâce au perfectionnement dans le contrebutement. La mise au point des arcs-boutants permet de supprimer les tribunes qui jusqu'alors jouaient ce rôle. Les autres pays d'Europe commencent à s'intéresser à cette nouvelle forme architecturale (Cantorbéry, Salisbury, etc.).


Tableau des principaux édifices du gothique classique en France
Ville bénéficiaire Édifice Début des travaux[13] Fin des travaux (gros-œuvre) Date de la consécration
Reims Notre-Dame de Reims 1211 1275 1360
Bourges Saint-Étienne 1195 1230 le 13 mai 1324
Amiens Notre-Dame d'Amiens 1220 1264 1455
Chartres Notre-Dame de Chartres 1194 environ 1220 1260
Toul Saint-Étienne de Toul vers 1210 1497 (façade) environ 1400

Le gothique rayonnant

Rose de la façade nord
Notre-Dame de Paris
chœur de la basilique de Saint-Denis
(gothique rayonnant)

Encore une fois, ce style est né à Saint-Denis avec la réfection des parties hautes du chœur de l'abbatiale en 1231. Il s'impose réellement à partir des années 1240 ; les édifices alors en chantier prennent immédiatement en compte cette nouvelle « mode » et changent partiellement leur plan. Le gothique rayonnant va se développer peu à peu jusqu'en 1350 environ, et se répandre dans toute l'Europe avec une certaine homogénéité. Des architectes français seront employés jusqu'à Chypre ou en Hongrie[15].

Les églises deviennent de plus en plus hautes. Sur le plan technique, c'est l'utilisation d'une armature de fer (technique de la "pierre armée") qui permet des bâtiments aussi vastes et des fenêtres aussi grandes[16].

Les fenêtres s'agrandissent jusqu'à faire disparaître le mur : les piliers forment un squelette de pierre, le reste étant de verre, laissant pénétrer une lumière abondante. La surface éclairée est encore augmentée par la présence d'un triforium ajouré comme à Châlons. À Metz, la surface vitrée atteint 6 496 m2. Les fenêtres sont en outre caractérisées par des remplages d'une grande finesse qui ne font pas obstacle à la lumière. La rose, déjà très utilisée auparavant, devient un élément incontournable du décor (Notre-Dame de Paris, transept ; façade de la cathédrale de Strasbourg).

On notera aussi une certaine unité spatiale : les piliers sont tous identiques ; la multiplication des chapelles latérales permet aussi d'agrandir l'espace de la cathédrale.

Le pilier est le plus souvent fasciculé, c'est-à-dire entouré de multiples colonnettes rassemblées en faisceau. Contrastant avec la tendance du pilier fasciculé, tout un groupe de cathédrales et grandes églises adoptent cependant des piles cylindriques à l'imitation de cathédrale Saint-Étienne de Châlons.

Le gothique flamboyant

Historique

Sainte-Chapelle de Vincennes, façade
(gothique flamboyant)
Hôtel Thomassin, Vesoul

Appelé parfois abusivement gothique tardif, il naît dans les années 1350 et notamment à Paris à la chapelle Notre-Dame-de-Bonnes-Nouvelles (aujourd'hui disparue) qui dépendait des hospitaliers et à Riom à la Sainte-Chapelle bâtie par Guy de Dammartin pour le palais de Jean de Berry[17] et se développe jusqu'au XVIe siècle dans certaines régions, telle la Lorraine ou la Normandie : voir par exemple la basilique de Saint-Nicolas-de-Port ou l'abbatiale Saint-Ouen. Ses derniers feux ne s'éteindront d'ailleurs qu'au XVIIe s., citons pour exemples l'église Saint-Samson de Trégastel, dont le chantier entrepris à la fin du XVIe s. ne sera achevé que vers 1630, ou encore celui de la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans qui, détruite en 1599 par les huguenots, sera reconstruite dans le style gothique flamboyant d'origine. On peut même citer, au début du XVIIIe s., un projet d'église pour les Célestins d'Orléans par Guillaume Hénault, en gothique flamboyant. En Champagne il arrive après 1450 environ avec des maçons tels que Florent Bleuet, actif à Troyes et à la basilique Notre-Dame de l'Épine.

Le qualificatif flamboyant aurait été employé la première fois par Eustache-Hyacinthe Langlois, « antiquaire » normand, pour décrire les motifs en forme de flammes (soufflets[18] et mouchettes[19]) que l'on peut voir dans les remplages des baies, des rosaces ou sur les gâbles par exemple.

Par rapport à la période précédente, la structure des édifices reste la même ; mais leur décor évolue vers un ornement exubérant, caractérisé par une grande virtuosité dans la stéréotomie (taille de la pierre). La technique de la « pierre armée » de la période rayonnante fait place à la « pierre taillée » : cela explique par exemple que les rosaces soient de dimensions plus modestes[16], même si elles se font plus aériennes reposant sur des structures plus légères comme dans la Sainte-Chapelle de Vincennes. Les façades présentent également la caractéristique d'être ouvragées sur plusieurs plans. À l'intérieur des bâtiments, la voûte d'ogive se fait plus complexe devenant, dans certains édifices, décorative ; c'est le cas à la cathédrale Saint-Guy de Prague. La clef pendante ou cul-de-lampe, véritable prouesse technique, se fait plus fréquente (Saint-Ouen de Rouen, portail des Marmousets).

Cette période voit des styles distincts apparaître dans différentes régions d'Europe. En France, l'élévation se simplifie quelque peu avec souvent une élévation à deux niveaux (Saint-Germain l'Auxerrois), ou bien avec une élévation à trois niveaux, mais avec un triforium aveugle. Les piliers se prolongent sans interruption du sol jusqu'à la clef de voûte ; les multiples colonnettes qui les flanquaient sont remplacées par des nervures.

Les arcs brisés des portails sont surhaussés par des accolades. Les chapiteaux sont parfois réduits à des bagues décoratives, ou disparaissent, lorsque les moulures pénètrent sans interruption de l'ogive dans la colonne qui la supporte.

La base de style gothique flamboyant prend des formes diverses : buticulaire, torsadée, flacon prismatique...

Notons que le gothique flamboyant est plus un style qu'une période, que ce terme qualifie l'architecture gothique où les motifs curvilinéaires, les arabesques développées en courbes et contre-courbes dominent, où les remplages recouvrent les surfaces de leurs motifs évoquant "des flammes, des cœurs ou des larmes" comme disait Michelet. Mais que ce style n'est qu'une des formes que prend l'architecture gothique à partir du milieu du XIVe s. L'Angleterre connaissant alors quant à elle le gothique perpendiculaire, qui apparaît notamment au cloître de Gloucester, œuvre probable de Thomas de Cambridge. Certaines régions germaniques voient se développer un gothique particulièrement sobre, aux surfaces blanches subtilement fragmentées en formes géométriques polygonales, citons l'Albrechtsburg de Meissen par Arnold de Westphalie, ainsi que de nombreux édifices de Slavonice en actuelle République tchèque.

Exemples d'édifices flamboyants

La cathédrale Saint-Gatien de Tours, certaines parties de la cathédrale de Rouen, de l'église Saint-Maclou de Rouen et du Parlement de Rouen, ou la collégiale Saint-Thiébaut de Thann, l'église Notre-Dame de Louviers, l'église de Brou, près de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, appartiennent à ce style, ainsi que la façade de l'abbaye de la Trinité à Vendôme, la façade de la basilique Notre-Dame de l'Épine, la façade de la cathédrale de Toul, la collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville, la Chapelle du Saint-Esprit de Rue, l'Abbatiale de Saint-Riquier, le transept sud de la cathédrale de Sens, cathédrale d'Auch (excepté la façade). La Basilique de Saint-Nicolas-de-Port, en Lorraine, ainsi que la basilique Notre-Dame de l'Épine en Champagne compte parmi les œuvres majeures de l'architecture flamboyante en France[20].

Déclin de l'art gothique à la Renaissance

Église Saint-Eustache (Paris)
Structure gothique, détails Renaissance

Les humanistes de la Renaissance souhaitaient un retour aux formes classiques héritées de l'Antiquité, considérée comme un modèle de perfection. Le terme « gothique » est employé pour la première fois par Giorgio Vasari en 1550 pour désigner l'art médiéval, avec une connotation péjorative : il est fait référence aux Goths, des barbares, dont les armées avaient notamment envahi l'Italie et pillé Rome en 410.

Le dédain pour cet art fut tel qu'on projeta même de détruire la cathédrale Notre-Dame de Paris pour la remplacer par un nouvel édifice. Ce projet ne put cependant se concrétiser lorsqu’éclata la Révolution. La vente ou l'abandon des biens de l'Église entraîna la disparition de nombreux chefs-d'œuvre de l'architecture gothique, dont la plus grande partie furent des abbayes, mais aussi plusieurs cathédrales comme Arras, Cambrai ou Liège (Belgique).

Malgré ce dédain affiché, le gothique connaît encore de beaux succès dans la première moitié du XVIe siècle[21]. Les formes gothiques disparaissent progressivement, se mêlent aux formes Renaissance comme dans l'église Saint-Eustache à Paris où un décor renaissant habille une structure gothique[16]. Certaines églises gothiques de la fin du XVIe siècle ont subi des influences de l'art de la Renaissance dans leur architecture, comme la cathédrale Notre-Dame du Havre.

Le romantisme réhabilite le gothique : le néogothique

La construction d'édifices caractéristiques de l'architecture gothique n'avait pas complètement cessé au XVIe siècle, tant en AngleterreOxford), qu'en FranceTours) ou en ItalieBologne). En Angleterre, l'architecte baroque Christopher Wren construisit la Tom Tower pour le collège de Christ Church (Oxford) et son étudiant Nicholas Hawksmoor ajouta les tours occidentales à l'abbaye de Westminster, toutes en style gothique en 1722.

cathédrale Saint-Patrick, New York (1885-1888), James Renwick Jr.
Façade néogothique

Lorsqu'au XVIIIe siècle naquit le mouvement romantique, l'intérêt pour l'ensemble du Moyen Âge, y compris l'architecture gothique, se développa, et ce mot perdit sa connotation négative. Des amateurs comme Horace Walpole créèrent des demeures avec détails gothick. Le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831) relance l'intérêt pour les cathédrales d'Île-de-France.

S'inspirant des travaux de recherche de Jean-Baptiste-Antoine Lassus et d’Eugène Viollet-le-Duc, de nombreux édifices, notamment religieux, imitent le style médiéval : à Paris un exemple fameux est l'église Sainte-Clotilde. Dès 1840, la basilique Notre-Dame de Bonsecours près de Rouen, inaugure l'ère des églises néogothiques, suivie de peu à Nantes par l'église Saint-Nicolas. Suivent, entre autres, le Sacré-Cœur de Moulins dans l'Allier, l'église Saint-Vincent-de-Paul (Réformés-Canebière) à Marseille, l'église Saint-Paul de Strasbourg, etc., sans oublier, notamment, la finition de cathédrales jamais achevées comme à Moulins et surtout à Clermont-Ferrand avec ses hautes flèches. En Allemagne, le sanctuaire de la cathédrale de Cologne fut achevé de 1842 à 1880.

Les innovations techniques permettant aux constructions de s'affranchir de certaines contraintes qui dictaient leur forme, une nouvelle architecture réinterprète son patrimoine historique, et après le néo-classique, le néogothique fait son apparition, particulièrement en Angleterre suivie par les États-Unis dans les années 1840. Ce style était utilisé pour les bâtiments nouveaux comme les gares (Gare de Saint-Pancras à Londres), les musées (musée d'histoire naturelle de Londres, Smithsonian Institution) et le palais de Westminster. À la suite d'Oxford, ce style connaît un grand succès dans les universités américaines, telles que Yale.

Le succès du néo-gothique se prolongea jusqu'au début du XXe siècle dans de nombreux gratte-ciel, notamment à Chicago et New York. En Europe, le monument le plus célèbre s'inspirant de l'héritage gothique tout en s'en démarquant très nettement dans le style organique propre à Gaudi est probablement la Sagrada Família à Barcelone (Espagne).

Les différentes formes locales

En France

Le gothique angevin

Voûtes de la grande salle des malades,
ancien hôpital Saint-Jean d'Angers

Le gothique angevin, également appelé gothique Plantagenêt, se distingue par des façades différentes de celles d'Île-de-France qui ne comportent pas trois portails. Le chevet ne comporte pas non plus systématiquement d'arcs-boutants, comme la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers dont le chevet est un simple mur vertical. Mais ce sont surtout les voûtes qui caractérisent le gothique angevin : la voûte angevine présente un profil très bombé (clef de voûte sensiblement plus haute que les doubleaux et les formerets), alors que la voûte francilienne est plus plate (clef de voûte au même niveau que les doubleaux et les formerets).

Ce système, typique du milieu du XIIe siècle, est une combinaison d'influences du renouveau gothique (voûte d'ogives) et de l'architecture romane de l'ouest de la France (églises à files de coupoles comme la cathédrale Saint-Front de Périgueux ou la cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême). Il se caractérise par une nef à vaisseau unique, c'est-à-dire sans bas-côtés, et des voûtes d'arêtes très bombées qui poussent peu à dévers et qui ne nécessitent pas d'arcs-boutants.

Parmi les plus beaux exemples de voûtes angevines peuvent être cités la cathédrale Saint-Maurice d'Angers et l'ancien hôpital Saint-Jean d'Angers, actuel musée Jean-Lurçat.

Le gothique normand

Tour-lanterne de l'église abbatiale de Fécamp,
haute de 65 mètres

La Normandie a été très tôt associée au mouvement gothique. Une des spécificités du gothique normand est la présence, au-dessus du transept, d'une tour centrale qui peut être lanterne et/ou clocher, construite dans de nombreuses grandes églises et dans presque toutes les cathédrales de la province (cathédrale de Coutances, de Rouen, d'Évreux, ancienne cathédrale de Lisieux, abbaye de la Trinité de Fécamp, etc.). La cathédrale de Sées n'en comporte pas, mais elle était prévue à l'origine. Cette architecture a grandement influencé l'art gothique en Angleterre, où la présence d'une tour centrale est la règle. Exceptionnellement, il en existe aussi ailleurs (Burgos ou la cathédrale de Lausanne par exemple).

Le gothique méridional

église des Dominicains d'Arles
Gothique méridional

Le gothique méridional désigne un courant de l'architecture gothique, développé dans le Midi de la France, qui se caractérise par l'austérité des constructions, l'utilisation de contreforts à la place d'arcs-boutants et des ouvertures rares et étroites (exemples : cathédrale Sainte-Cécile d'Albi, cathédrale Saint-Fulcran de Lodève, cathédrale Saint-Pierre de Montpellier). En outre, beaucoup d' édifices de ce style ne possèdent pas de bas-cotés et sont couverts par des charpentes reposant sur des arcs diaphragmes.


En Angleterre

Contrairement au reste de l'Europe, le gothique anglais s'est développé en trois phases. On distingue le gothique primaire, le gothique curvilinéaire et le gothique perpendiculaire.

Le gothique primaire

Le gothique primaire (ou Early English gothic) se développe du XIIe siècle jusqu'en 1250.

Caractéristiques

Le développement le plus important et caractéristique de la période du gothique primaire est l'utilisation de l'ogive aussi bien pour la nef que pour des portes et des fenêtres. Les fenêtres cintrées sont étroites par rapport à leur hauteur et sont sans entrelacs. Bien que l'ogive équilatérale est le plus souvent utilisée, l'ogive en lancette se retrouve fréquemment et est une grande caractéristique du style. Au lien d'être massif, les piliers étaient composés de minces tiges individuelles entourant un pilier central. Des entrelacs avec des trèfles à trois ou quatre feuilles sont introduits dans les rosaces présentes dans la nef et dans le transept. Les feuillages qui ornent les chapiteaux sont d'une grande beauté et s'étendent aux tympans, aux bossages... Dans les tympans des arches, des travaux héraldiques sont occasionnellement rencontrés.

Exemple notables

La cathédrale de Salisbury est un superbe exemple de ce style.

Le gothique curvilinéaire

Il commence vers 1250 et va durer un siècle environ. Le gothique curvilinéaire (ou decorated style) se distingue par des baies gothiques très travaillées. Elles comprennent des meneaux qui séparent les différentes parties de la fenêtre. À l'intérieur du bâtiment, les colonnes sont plus fines et plus élégantes que celles du gothique primaire.

Certains auteurs divisent le decorated style en deux périodes : tout d'abord le geometric, caractérisé par des fenêtres aux remplages verticaux en lancettes, puis le curvilinear, qui correspondrait au gothique flamboyant, avec des remplages en mouchettes et soufflets.[réf. nécessaire]

Caractéristiques

Le "decorated style" est caractérisé par ses entrelacs de fenêtres. Les fenêtres sont divisées par des meneaux parallèles étroitement espacés. Sur la partie supérieure de la fenêtre, les meneaux se ramifient et se croisent pour former des entrelacs comprenant souvent des trèfles à trois ou quatre feuilles. Le style curvilinéaire était d'abord géomètrique puis fluide en raison de l'omission des cercles dans les entrelacs. Cette évolution des entrelacs est souvent utilisée pour délimiter les deux périodes : "geometric" et "curvilinear". Les intérieurs de cette période comportent souvent de hautes colonnes de formes plus élancées et élégantes que le style précédent. Les voûtes deviennent plus complexes grâce à une augmentation du nombre de nervures.

Le gothique perpendiculaire

Voûtes en éventail
abbaye de Bath

Typiquement britannique, le gothique perpendiculaire voit le jour vers 1340, lors de la transformation du chœur de la cathédrale de Gloucester et de la construction de son cloître.

Ce style se caractérise par une redéfinition des volumes intérieurs et des masses extérieures. De grandes baies distribuent largement la lumière dans les salles et les nefs, suivant des lignes horizontales et verticales qui sont à l'origine du terme perpendiculaire. Apparaissent également les voûtes en éventail (fan vaults) qui cassent le verticalisme des lignes architecturales, créant un effet dynamique et très décoratif. Ces voûtes sont particulièrement remarquables dans la chapelle Henri-VII de l'abbaye de Westminster, l'abbaye de Bath, la cathédrale de Peterborough et King's College Chapel de Cambridge. À l'extérieur, quelquefois les arcs-boutants sont supprimés.

Abandonné vers 1520, le gothique perpendiculaire connaît un certain regain dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, menant au palais de Westminster vers 1850.

En Belgique et aux Pays-Bas

Le gothique brabançon

Le style gothique brabançon est une variante que l'on retrouve dans plusieurs monuments situés sur le territoire du Brabant historique, c'est-à-dire en Belgique (provinces de Brabant et d'Anvers) ainsi qu'au sud des Pays-Bas (province de Brabant-Septentrional), et dans les régions avoisinantes. Né au XIIIe siècle sous l'influence du gothique français, le gothique brabançon ne tarde pas à acquérir des caractéristiques propres.

Le gothique tournaisien

Le gothique tournaisien (parfois appelé gothique scaldien) est un style architectural gothique primitif ou romano-gothique de transition, typique de l'ancien comté de Flandre.

Dans le Saint-Empire romain germanique

Le gothique rhénan

S'inspirant du plan roman-rhénan hérité des cathédrales ottoniennes à deux chevets, cette forme architecturale, bien que souvent abandonnée à la période gothique, se retrouve dans certains édifices — principalement en Lorraine —, mais également dans les régions voisines, comme l'Alsace, la Champagne-Ardenne ou encore la Franche-Comté.

C'est le cas :

Par ailleurs, le gothique rhénan a conduit plus tard à la construction de flèches audacieuses, comme celle de la collégiale Saint-Thiébaut de Thann, ou celles de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Ces tours dotées d'une flèche sont typique de l'architecture germanique.

Le « Sondergotik »

Église Sainte-Marie de Lübeck (briques)

Ce style gothique peut être divisé en trois styles distincts :

église-halle ;
église des ordres mendiants ;
gothique de brique.

De nombreuses églises allemandes ont adopté le style gothique et beaucoup de ses réalisations dans les pays germaniques sont des œuvres d'art exceptionnelles (cathédrale de Cologne, au plan adapté de celui d'Amiens, cathédrale d'Ulm (plus haute flèche gothique en pierre du monde), Fribourg-en-Brisgau, Ratisbonne, Vienne (Autriche), Prague, etc. dans un style peu différencié de la France.
Au nord de l'Allemagne et de la Pologne, la pierre fait place à la brique, ce qui limite fortement la décoration sculpturale (c'est le Backsteingotik à Lübeck, Stralsund, Gdańsk, Malbork, Toruń…) ; dans certains édifices, la nef et les bas-côtés peuvent être de même hauteur, d'où le nom d' église-halle. De même, ce type d'église se rencontre fréquemment, dans l'extrême Nord de la France ainsi qu'en Flandre et aux Pays-Bas.

L'Italie n'a pas entièrement intégré l'art gothique venu du Nord. La cathédrale de Milan est le seul monument religieux vraiment gothique de ce pays. Certaines églises comme les cathédrales de Sienne ou d'Orvieto sont constituées d'éléments décoratifs repris de l'art gothique puis adaptés à leur goût.

En Espagne

Cathédrale de Burgos

À Séville, le monumental minaret de la mosquée - désaffecté depuis la Reconquista - s'est vu flanqué d'une cathédrale gothique tardive qui restera la plus vaste du monde. Ses dimensions impressionnantes ont été autorisées par un allègement dû à l'absence de charpente permise par une faible pluviosité. Les cathédrales du nord de la péninsule (à Burgos, León) sont des transpositions de l'art gothique français. La cathédrale de Palma de Majorque se caractérise par un volume intérieur exceptionnel et des voûtes reposant sur des piliers excessivement élancés.

Porte de la Concepción, cathédrale de Séville, la plus vaste cathédrale gothique du monde

À partir de 1480 et jusqu'à 1520 se développe le style plateresque (plateresco en espagnol). C'est un style architectural de transition entre l'art gothique et la Renaissance. La première phase du style plateresque est également appelée « gothique hispano-flamand », ou encore « style isabélin » ou « des Rois catholiques », car il s'est développé dans les pays de la couronne de Castille, sous le règne des « Rois catholiques », Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon. Les formes du gothique flamboyant sont encore dominantes, et les éléments Renaissance restent peu utilisés ou de façon mal comprise (selon les canons de la Renaissance artistique). On retrouve la prédominance des motifs héraldiques et épigraphiques. L'un des traits de décoration les plus marquants est l'utilisation récurrente des symboles du joug, des flèches et de la grenade, qui font directement référence aux deux monarques espagnols. On retrouve également le motif des boules pour décorer les édifices. Le style isabélin est particulièrement bien représenté par les œuvres des architectes Enrique de Egas, Juan de Álava ou encore Diego de Riaño.

Honoré de Balzac rend hommage au style gothique espagnol, particulièrement à celui de la première cathédrale de Cadix, à l'origine gothique. « L'église, due aux libéralités d'une famille espagnole couronne la ville. La façade hardie, élégante, donne une grande et belle physionomie à cette petite cité maritime. N'est-ce pas un spectacle empreint de toutes nos sublimités terrestres que l'aspect d'une ville dont les toits pressés, presque tous disposés en amphithéâtre devant un joli port, sont surmontés d'un magnifique portail à triglyphe gothique, à campaniles, à tours menues, à flèches découpées [24]? »

Premier gothique (XIIe siècle)

Exemples notables

Gothique rayonnant (XIIIe siècle)

Exemples notables

Gothique mudéjar

Ce style résulte de la rencontre des styles chrétiens et musulmans à partir du douzième siècle dans la péninsule ibérique.

Caractéristiques

Le style mudéjar est caractérisé par l'utilisation principale de la brique. Les formes géométriques typiquement islamiques dominent et apparaissent sur les murs et le sol par des carrelages complexes. On utilise la céramique. L'utilisation du bois pour les toits est caractéristique de ce style, ils sont plats et couverts de nombreux motifs géométriques. On retrouve aussi le stuc peint.

Au Moyen-Orient

Né à l'époque des Croisades, l'art gothique a laissé quelques témoignages inattendus dans les pays du Levant, comme à Chypre[25] où les cathédrales latines de Nicosie (Cathédrale Sainte-Sophie de Nicosie) et Famagouste (mosquée Lala Mustapha Pacha) furent ensuite converties en mosquées.

Techniques utilisées dans l’architecture gothique

L’architecture romane a remplacé l’idée de la basilique charpentée par celle de la basilique voûtée qui nécessite des murs d’appui épais, le plus souvent renforcés par des contreforts accolés de place en place.

L’architecture gothique amène une solution aux problèmes de forces que connaît l’art roman[26]. Par ce changement, on peut alors édifier des parties beaucoup plus hautes, plus légères et plus lumineuses. En effet, l’arc brisé, la croisée d'ogives et l’arc-boutant permettent d’équilibrer efficacement les forces tout en allégeant la structure et en permettant l’ouverture de larges baies. Ainsi, les murs épais de l’architecture romane sont remplacés par des piles et des murs bien plus allégés dans l’architecture gothique. Une église gothique est un monument éminemment structuré et planifié. Les concepts physiques sur lesquels repose l’architecture gothique ne seront toutefois théorisés qu’à partir du XVIe siècle[réf. nécessaire].

L'ogive

L'une des caractéristiques de l'architecture gothique est le transfert de la pression exercée par la voûte du mur vers des arcs. Le roman a pratiqué en fin de période la voûte d'arêtes, l'arête étant déterminée par l'intersection de deux voûtes; certaines de ces arêtes étaient déjà brisées. Ce système transférait déjà une partie de la pression de la voûte vers les piliers où aboutissaient les arêtes. Les pierres formant l'arête étaient cependant difficiles à travailler, les arêtes étaient souvent irrégulières. Dans un premier temps, on eut l'idée d'habiller ces arêtes de pierres travaillées séparément pour régulariser le tracé. Presque simultanément, on s'aperçut que l'alignement de pierres pouvait servir non seulement de décoration, mais aussi de support à la voûte elle-même. On les appela ogifs, puis ogives.[réf. nécessaire]

L’arc-boutant

Quelques termes d'architecture
Quelques termes d'architecture

L'arc-boutant est un étai formé d'un arc en maçonnerie qui contrebute la poussée latérale des voûtes en croisées d'ogives. Il reprend non seulement la fonction des contreforts de l'architecture romane, mais permet aussi de limiter la force des vents et de la pluie sur les fenêtres hautes. Enfin, il est souvent associé au système d'évacuation des eaux de pluie de la toiture, comme pour la première fois à la cathédrale d'Amiens.

L’arc brisé

Arc dont la courbe inférieure est formée à partir de deux demi-arcs symétriques s’appuyant l’un sur l’autre.

La culée

Contrefort massif maçonné supportant les arcs-boutants.

Le pinacle

Les pinacles sont des petits édicules au sommet des arcs-boutants. Parfois en plomb et de forme pyramidale de base polygonale (ou simplement une flèche ou pointe), ils servent en premier lieu à augmenter la masse des arcs-boutants pour améliorer l’équilibre des forces issues des murs. Ils sont parfois ajourés et ornés de fleurons servant de couronnement, ajoutant donc une fonction décorative.

Le triforium

Galerie, souvent voûtée, ouverte sur l’intérieur et aménagée latéralement au-dessus des bas-côtés de la nef d’une église. Comme les arcs-boutants, le triforium fait partie des éléments qui contrebutent les poussées des voûtes. Il n'a aucune fonction liturgique ou de circulation dans l'édifice.

Le tympan (architecture)

Tympan gothique de la Chapelle Sainte-Croix de Forbach.

Le tympan est la surface verticale d'un fronton remplissant le carré délimité par les corniches, ou la partie verticale d'un portail, comprise entre le linteau et un arc plein-cintre ou une voûte d'ogive. Il est surmonté par des archivoltes.

Il est souvent utilisé pour présenter un bas-relief en façade des églises d’architecture gothique.

Proportions d’un édifice gothique

Genèse de la croisée d’ogives

Si l’arc en plein cintre donnait satisfaction pour la construction d’une nef simple munie d’une voûte dite en berceau, il convenait mal à la croisée du transept et de la nef. Il en résultait, aux diagonales de l’intersection, des arcs elliptiques aplatis beaucoup plus fragiles. L’effondrement de la coupole de l’église Hagia Sophia à Constantinople avait illustré ce problème.

La solution fut de réserver la robustesse des arcs en plein cintre aux diagonales de la croisée, ce que l’on appelle une croisée d’ogives. La projection orthogonale de cette croisée selon l’axe de chacune des nefs donne alors une demi-ellipse posée dans sa hauteur, très résistante en son sommet. Par chance, il existe une bonne approximation de cet arc pour cette époque où, sur le chantier, à défaut de bons moyens de calcul et de mesures précises il vaut mieux recourir à des tracés simples à exécuter : il s’agit d'un arc brisé composé de deux arcs de cercle centrés respectivement au premier et au troisième quart de la distance à franchir.

Cette approximation est souvent observable à une légère déformation de la voûte de la croisée à l'endroit où elle se raccorde aux nefs.

Décoration

Contrairement à la tendance dominante du style roman à la sobriété, le style gothique se pare souvent d’une multitude d’arcs, de colonnades, de statues, etc.

Les vitraux

Le style roman permettait des ouvertures limitées et des jeux de contraste entre ombre et lumière.

Au nord, ce parti pris structurel rendait probablement les bâtiments très sombres. Des ouvertures plus grandes devaient être envisagées pour laisser pénétrer la lumière. Mais l'arc en plein cintre ne permet pas de percer des ouvertures suffisamment grandes pour la luminosité tant recherchée par l'art gothique, sans risquer d'affaiblir les murs. Les forces latérales appliquées aux murs sont très importantes et on ne peut envisager d’élever la voûte sans renforcer les murs pour contrebuter la poussée résultante.

En revanche, l’arc brisé et la croisée d'ogives permettent d'équilibrer les forces sur des piles. Les murs n’ont donc plus à supporter le poids de la structure et peuvent alors être ouverts vers l'extérieur. La lumière devient donc suffisamment abondante pour que les peintre-verriers puissent jouer à la colorer par des vitraux. Ces derniers ne laissent rien voir de l’extérieur, mais laissent entrer la lumière. Cependant, l'expression « cathédrale de lumière » est à nuancer : les vitraux qui filtrent la lumière naturelle ont tendance à assombrir les églises et cathédrales d'autant plus que la fumée des bougies et des encens encrassent les murs et vitraux qui se colmatent et s'opacifient au cours des siècles (vitraux lixiviables)[27] ; le clergé du XVIIe siècle et surtout du XVIIIe siècle qui recherche plus de clarté privilégie ainsi les vitreries claires aux bordures décoratives et les vitraux en grisaille qui rendent les églises moins sombres[28]. Les vitraux sont censés être édifiants pour les fidèles et représentent bien souvent des scènes bibliques, la vie des saints ou parfois même la vie quotidienne au Moyen Âge, constituant une véritable « Bible des pauvres ». Ils sont considérés comme de véritables supports imagés, à la façon d'une bande dessinée, pour le catéchisme des fidèles supposés n'avoir alors qu'à lever les yeux. En réalité, cette conception utilitariste de l'art médiéval est fausse, les vitraux existant comme œuvres d'art par elles-mêmes, car certaines verrières étaient trop hautes[29] pour être lisibles, leurs scènes bien souvent trop petites et souvent situées à hauteur d'œil n'étaient pas interprétables (à l'exception des grands classiques qu'étaient la Nativité, l'Assomption, etc.) par les fidèles (le catéchisme originel ne s'adressant pas aux fidèles, mais aux prêtres)[30].

Mais au-delà de la représentation iconographique, c'est aussi pour toute la symbolique de la lumière que l'on avait recours aux vitraux durant le Moyen Âge, et plus particulièrement pendant la période dite gothique. Selon Vitellion, intellectuel du XIIIe siècle, on distingue deux sortes de lumières : la lumière divine (Dieu) et la lumière physique (la manifestation de Dieu). Les vitraux étaient alors chargés de transformer la lumière physique en lumière divine, autrement dit de faire entrer la présence divine dans la cathédrale.

Toujours dans la mentalité médiévale, on associait le sombre ou l'absence de lumière au Malin[réf. nécessaire]. Ainsi, quand un fidèle entrait dans la cathédrale, il se sentait protégé du mal par Dieu et cela grâce à la luminosité des vitraux. On retrouve une explication du lien entre Dieu et la lumière dans la Bible, dès le livre de la Genèse (1, 4-5): « Dieu vit que la lumière était bonne et Dieu sépara la lumière des ténèbres... » Cette métaphore se trouve en de nombreux versets, par exemple en l'évangile selon saint Jean 3, 19 : « La lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. »

Le contexte historique dans lequel cette théologie de la Lumière s'est mise en place est décrite dans l'œuvre de l'historien Georges Duby (plus particulièrement dans son livre Le Temps des cathédrales - Gallimard - 1976 - pages 121 à 162).

« Je suis la lumière du monde ; celui qui Me suit ne marche point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »

— Évangile selon Jean, VIII, 12

En outre, la lumière provenant des vitraux a pour but de délimiter un microcosme céleste au cœur de l'église.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Notes et références

  1. Ce rapport est aussi daté de 1510 et attribué à Bramante ou Baldassarre Peruzzi (source : Roland Recht, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, volume 146, no 3, 2002, p. 1033)
  2. (en) Fiske Kimball, George Harold Edgell, History of Architecture, Research & Education Assoc., , p. 215
  3. La cathédrale de Durham, l'abbatiale de Lessay sont entièrement voûtées d'ogives, mais conservent l'esthétique du roman anglo-normand
  4. « Puis, il faut bien le dire tout de suite, l'ogive ou plutôt l'arc en tiers-point que l'on s'imagine encore être le signe distinctif d'une ère en architecture, ne l'est pas en réalité, comme l'ont très nettement expliqué Quicherat et, après lui, Lecoy de la Marche. L'École des Chartes a, sur ce point, culbuté les rengaines des architectes et démoli les lieux communs des bonzes. Du reste, les preuves de l'ogive employée en même temps que le plein-cintre, d'une façon systématique, dans la construction d'un grand nombre d'églises romanes, abondent : à la cathédrale d'Avignon, de Fréjus, à Notre-Dame d'Arles, à Saint-Front de Périgueux, à Saint-Martin d'Ainay à Lyon, à Saint-Martin-des-Champs à Paris, à Saint-Étienne de Beauvais, à la cathédrale du Mans et en Bourgogne, à Vézelay, à Beaune, à Saint-Philibert de Dijon, à la Charité-sur-Loire, à Saint-Ladre d'Autun, dans la plupart des basiliques issues de l'école monastique de Cluny » Huysmans, Joris-Karl, La cathédrale
  5. Roland Bechmann, Les Racines des cathédrales, Payot, , 330 p.
  6. Thiebaut Jacques, Les Cathédrales gothiques en Picardie, CRDP d'Amiens, 1987 ISBN 978-2-86615-001-3. p. 3.
  7. a b et c Christine Le Goff, Gary Glassman, documentaire Les Cathédrales dévoilées, 2011, synthèse des dernières découvertes archéologiques et historiographiques sur le gothique en France.
  8. La Façade de la cathédrale de Reims / Peter Kurmann ; 2-601-00630-7 (Payot). - 2-222-04013-2 (CNRS)
  9. Sauerländer Willibald, Le Siècle des cathédrales - 1140-1260, Paris Gallimard, 1989, ISBN 978-2-07-011172-5
  10. Jacques Le Goff, Héros du Moyen Âge, Le roi, le saint, au Moyen Âge, Gallimard Quarto, , 1320 p.
  11. Henry Kraus, À prix d'or : Le financement des cathédrales, Cerf, , 368 p.
  12. Alain Erlande-Brandenburg et Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg : Histoire de l'architecture française du Moyen Âge à la Renaissance, éditions Mengès/éditions du patrimoine, 1995 (ISBN 978-2-85620-367-5)
  13. a et b de la partie gothique
  14. Branner Robert, St. Louis and the Court style in Gothic architecture, Londres, A. Zwemmer, 1965 ISBN 0-302-02753-X
  15. Ainsi, Villard de Honnecourt a travaillé sur la cathédrale de Košice [réf. nécessaire].
  16. a b et c Alain Erlande-Brandenburg, Architecture romane, Architecture gothique, Jean-Paul Gisserot, 2002 (ISBN 978-2-87747-682-9)
  17. Jean-Pierre Willesme, L'art gothique, in Grammaire des styles, Flammarion, Paris, 1982
  18. Sorte de quatre-feuilles déformé allongé en pointe à sa partie inférieure
  19. Longs fuseaux ondulés garnis de redents
  20. Jean-Pierre Willesme, op. cité, p. 35
  21. Le Gothique de la Renaissance, site de l'INHA : http://www.inha.fr/spip.php?article1480
  22. Eugène Voltz, « L'église Sainte-Croix de Bouzonville », Les Cahiers lorrains, 2e et 3e trimestres 1984.
  23. F.-X. KRAUS : Kunst und Altertum im Elsass-Lothringen, Strasbourg, 1876.
  24. La Duchesse de Langeais, 1832, Édition Furne de 1845, vol.IX, p.112
  25. Enlart, Camille, L'art gothique et la renaissance en Chypre : illustré de 34 planches et de 421 figures, Paris, E. Leroux, , 416 p. (lire en ligne)
  26. A Arquitectura Gótica em Portugal, Mario Tavares Chicó, éd. Livros Horizontes, p. 135-177 notamment.
  27. Yves Miserey, « La fin annoncée des vitraux du Moyen Âge », sur Le Figaro,
  28. [PDF]L'art du vitrail
  29. Les verrières basses, à portée de vue, racontent plutôt des moments de la vie du Christ et des Saints alors que les hautes présentent de grands personnages (la Vierge, les apôtres, etc.)
  30. Yves Combeau, L’Histoire de Notre-Dame de Paris : 850 ans... et toujours aussi belle ! sur Canal Académie, 23 décembre 2012