Anne-Marie-Louise d'Orléans

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Anne-Marie-Louise
Illustration.
Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, en Minerve soutenant un portrait de son père[1] (Pierre Bourguignon (en) (1630-1698), 1672).
Titre
Princesse souveraine de Dombes

(65 ans, 10 mois et 1 jour)
Prédécesseur Marie
Successeur Louis-Auguste Ier
Biographie
Titre complet Petite-fille de France
Princesse d'Orléans
Duchesse de Montpensier
Dauphine d'Auvergne
Princesse de Joinville
Dame de Beaujeu
Comtesse d'Eu
Comtesse de Mortain
Dynastie Maison d’Orléans
Nom de naissance Anne Marie Louise d’Orléans
Surnom La Grande Mademoiselle
Date de naissance
Lieu de naissance Palais du Louvre, Paris (France)
Date de décès (à 65 ans)
Lieu de décès Palais du Luxembourg, Paris (France)
Sépulture Nécropole royale de la basilique de Saint-Denis
Père Gaston de France
Mère Marie de Bourbon
Conjoint Antonin Nompar de Caumont
Héritier Louis-Auguste
Religion Catholicisme

Signature de Anne-Marie-Louise

Anne-Marie-Louise d'Orléans
Souverains de Dombes

Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, née le au palais du Louvre et morte le au palais du Luxembourg, est une des principales personnalités de la haute noblesse de cour du Grand siècle. Fille de Gaston d'Orléans, petite-fille de Henri IV et cousine germaine de Louis XIV, elle hérite, par sa mère, de la souveraineté de la principauté de Dombes, qu’elle transmet au fils légitimé du roi, le duc du Maine.

Indépendante, dotée d'un fort caractère, elle n'a pas hésité à tenir tête à son père et au Roi Soleil au sujet de mariages qu'ils voulaient lui imposer ou de son immense fortune — qu'elle a tenu à gérer elle-même, à sa majorité, devenant ainsi une redoutable femme d'affaires.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines et surnom[modifier | modifier le code]

L'histoire la désigne sous le surnom de « Grande Mademoiselle »[2],[3], en raison du titre de « Grand Monsieur » porté par son père, Gaston de France (1608-1660), depuis la naissance de Philippe, frère cadet de Louis XIV, appelé alors « Petit Monsieur » ; Gaston avait d'abord porté celui de « Monsieur » en tant que frère cadet du roi Louis XIII.

Elle tient son titre de duchesse de Montpensier de sa mère, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, richissime et unique héritière d'une branche cadette des Bourbon[2],[3]. À cela s'ajoute la fortune de son père, ce qui fait de la Grande Mademoiselle la princesse la plus riche et la plus titrée d'Europe. Sa signature était « Anne Marie Louise d'Orléans ».

Enfance et mariages avortés[modifier | modifier le code]

À sa naissance, le , elle se retrouve la plus riche héritière du royaume de France, sa mère étant morte en la mettant au monde[4]. Dans ses Mémoires, elle s'indignera que, selon l'opinion, les « grands biens que sa mère lui a laissés à sa mort pouvaient bien [la] consoler de l'avoir perdue ».

Marié contre son gré pour que la fortune des Montpensier soit attribuée à la famille royale, peut-être jaloux de la richesse de sa fille, son père Gaston d'Orléans lui porte peu d'affection. Il espérait avoir un fils afin de pouvoir peut-être accéder au trône à la mort de Louis XIII, celui-ci n'ayant pas encore d'héritier à l'époque — Anne-Marie-Louise souffrira toute sa vie de ce manque d'amour —, il se remarie par amour en 1632, avec Marguerite de Lorraine sans l'assentiment du roi. De ce fait, la nouvelle duchesse d'Orléans vit plus de dix ans en exil à Bruxelles auprès de la reine-mère Marie de Médicis — elle aussi en exil — pendant que Gaston intrigue contre le pouvoir royal et son représentant, le cardinal de Richelieu. Anne-Marie-Louise connaît l'affection du couple royal, Louis XIII et Anne d'Autriche. Elle a pour gouvernante madame de Saint-Georges, qui lui apprend toute sa généalogie.

Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier.

Elle se voit proposer de nombreux projets de mariage du fait de sa très grande fortune ; nombre de princes et de souverains demandent sa main, mais ces projets échouent à cause de son père et du roi son cousin, jaloux, ainsi que de la haute opinion qu'elle avait de son propre rang — elle est très indépendante et refuse d'obéir à son père et au roi, entendant choisir elle-même son époux. Depuis son plus jeune âge, Anne-Marie-Louise avait le projet d'épouser le roi, son cousin. Le cardinal Richelieu, puis le cardinal Mazarin[5], font tout pour s'opposer à une telle union, s'attirant l'inimitié de la duchesse. Ses espoirs sont réduits à néant le jour où Louis XIV épouse l'infante d'Espagne.

La Fronde[modifier | modifier le code]

La Grande Mademoiselle (Extrait de P. Lenail, Le Parlement des Dombes, 1900.)
Mademoiselle par Jean Nocret.

Gaston d'Orléans ne voulant pas prendre parti dans ce conflit, il envoie sa fille à sa place. Celle-ci, espérant pouvoir enfin briller aux yeux de son père qui l'a toujours négligée, se précipite à Orléans avec ses deux « maréchales de camp », la comtesse de Fiesque et la comtesse de Frontenac[6]. Le , elle arrive dans la ville pour convaincre les autorités municipales de ne pas ouvrir les portes de la ville aux troupes royales. Son discours est un échec, cette action d'éclat n'empêche pas l'avancée des armées de Turenne après la bataille de Bléneau. Le , lors de la bataille du faubourg Saint-Antoine, la duchesse fait tirer le canon de la Bastille sur les troupes royales pour sauver son cousin, le prince de Condé[2],[3],[7], pour qui elle nourrit également des projets matrimoniaux. Le neveu préféré de Mazarin, Paul Mancini, fait partie des victimes de ces combats[7]. Ces deux épisodes ruinent sa réputation et sa faveur : le roi l'exile en Bourgogne pour trois ans[2].

La Grande Mademoiselle par Louis Ferdinand Elle l'Aîné.

Exil et vie à la Cour[modifier | modifier le code]

Sur ses terres de Saint-Fargeau, de 1652 à 1657, elle se lance dans l'écriture de mémoires[2] dont elle poursuit la rédaction au château d'Eu, en Normandie. Dans ce récit elle raconte ses souvenirs comme une poignante confession. Elle brosse son portrait, confie ses états d'âme sans fausse pudeur et même avec un certain talent, teinté d'égotisme. Encore lus de nos jours, ses mémoires sont un témoignage important et, somme toute, unique de la vie d'une femme au XVIIe siècle, prisonnière de son éducation et de son rang : là où les autres mémorialistes disent ce qu'ils ont vécu, elle dit ce qu'elle a ressenti[2].

Elle privilégie les arts durant son exil en découvrant notamment Lully, puis, ultérieurement, en l'introduisant à la cour du Roi[5].

La duchesse revient à la Cour en 1657. Un épisode célèbre de sa vie est son aventure, à partir de 1670, à l'âge de 43 ans, avec le duc de Lauzun[3], un gentilhomme cadet de Gascogne, bellâtre et volage, de cinq ans plus jeune, qui lui fait une cour assidue[5]. Le roi, devant l'insistance de sa cousine, autorise le mariage pour le plus grand bonheur de celle-ci[5] en lui conseillant toutefois de vite se marier avant que la nouvelle ne se sache. Lorsque les courtisans apprennent ce projet, ils protestent en effet[5] : Lauzun est issu d'une famille désargentée et qui n'a pas de place importante à la cour ; il y a entre lui et la Grande Mademoiselle un immense fossé social. Trois jours après avoir autorisé le mariage, Louis XIV convoque les amants, sa cousine et Lauzun, pour leur retirer le droit d'épouser Lauzun[5]. Celle-ci est désespérée ; elle hurle, pleure, mais rien n'y fait[5]. Lauzun, quant à lui, réagit froidement et demeure insensible et détaché : en effet, il souhaitait épouser Anne-Marie-Louise pour profiter de son immense fortune. Il essaie alors d'obtenir une charge plus importante à la cour, s'adressant pour cela à madame de Montespan, la maîtresse du roi. Elle accepte de parler au roi en sa faveur. Lauzun se cache alors sous le lit de la marquise de Montespan et du roi et entend celle-ci dire à Louis XIV qu'il faut se méfier de lui et surtout ne pas lui accorder cette charge. Peu de temps après, Lauzun, furieux, insulte la marquise. Le roi le fait alors emprisonner pendant dix ans dans la prison de Pignerol[5]. Pour l'en faire sortir, la Grande Mademoiselle accepte de faire don d'une partie de sa fortune, essentiellement des terres (le comté d'Eu, la principauté des Dombes et la baronnie de Beaujolais) au fils naturel de Louis XIV, le duc du Maine et d'en faire son héritier. Elle épouse secrètement Lauzun — sans doute vers 1671[8], cependant encore aujourd'hui le doute demeure — mais n'y trouve pas son bonheur. Lauzun se lasse bientôt d'elle pour reprendre sa carrière de courtisan ambitieux et de séducteur invétéré.

Malgré son immense fortune, la Grande Mademoiselle n'est pas très populaire à la Cour. La plupart des courtisans et des princes, dont Louis XIV lui-même, sont jaloux non seulement de son argent mais aussi de ses innombrables possessions. La marquise de Sévigné la décrit dans ses lettres comme une personne très avare et assez froide qui a peu d'amis à Versailles. Elle passe ses dernières années en dévotion[1].

Sépulture[modifier | modifier le code]

Elle meurt à soixante-cinq ans en 1693[9] d'une maladie de vessie qui s'aggrave rapidement[8]. Le mémorialiste Saint-Simon écrit : « L'urne qui était sur une crédence et qui contenait les entrailles se fracassa avec un bruit épouvantable et une puanteur subite et intolérable ». Son corps est inhumé dans le caveau des Bourbons en l'église abbatiale de Saint-Denis.

Son cœur est porté à la chapelle Sainte-Anne (nommée la « chapelle des cœurs » renfermant les cœurs embaumés de 45 rois et reines de France) de l'église du Val-de-Grâce. En 1793, lors de la profanation de cette chapelle, l'architecte Louis François Petit-Radel s'empare de l'urne reliquaire en vermeil contenant son cœur, le vend ou l'échange contre des tableaux à des peintres qui recherchaient la substance issue de l'embaumement dite « brun momie » – très rare et hors de prix – qui était censée, une fois mêlée à de l'huile, donner un glacis incomparable aux tableaux[10].

Publications[modifier | modifier le code]

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

Titres[modifier | modifier le code]

Statue d'Anne Marie Louise d'Orléans dans la série des Reines de France et Femmes illustres du jardin du Luxembourg.

La Grande Mademoiselle possédait de très nombreux titres, terres et seigneuries. Voici ceux qui sont connus :

La duchesse de Montpensier avait droit en France au prédicat d'altesse sérénissime, du fait de son rang de première princesse du sang de France. Le prédicat d'altesse royale ne sera conféré au premier prince du sang que sous le règne de Charles X au profit du duc d'Orléans, futur roi Louis-Philippe Ier.

Toutefois, en tant que petite-fille de France, et donc petite-fille de roi, elle portait néanmoins le titre d'altesse royale. Son appellation officielle à la Cour était d'ailleurs « S.A.R. Mademoiselle ». Ce rang a été créé par Louis XIII à l'instigation du père de la duchesse, pour lui accorder un rang supérieur aux autres princesses du sang.

Ascendance[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean Hubac, « La Grande Mademoiselle », L'Histoire par l'image,‎ (lire en ligne)
  2. a b c d e et f Nathalie Grande, « Montpensier, Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de [Paris 1627 - Id. 1693] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions Des femmes, , p. 3006 - 3007
  3. a b c et d Jean Meyer, « Montpensier Anne Marie Louise d'Orléans duchesse de, dite La Grande Mademoiselle (1627-1693) », sur Encyclopædia Universalis
  4. Jean Garapon, préface de Mémoires d'Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, Paris, Honoré Champion, 2020, tome I, p. 14.
  5. a b c d e f g et h Amélie de Bourbon-Parme, « Histoire : la duchesse de Montpensier n’est pas à la noce », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  6. Gaston d'Orléans, « Lettre à mesdames les comtesses, maréchales de camp de l'armée de ma fille contre le Mazarin », Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, Charpentier, 1858, vol.II, p. 47.
  7. a et b Pierre Goubert, « Le retour du cardinal et la guerre civile de Condé », dans Splendeurs et misères du XVIIe siècle, Fayard, , p. 279
  8. a et b Arvède Barine, La Grande Mademoiselle sur Wikisource.
  9. G. G.-A., « Les infortunes de la Grande Mademoiselle », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. André Castelot, L'Histoire insolite, Paris, Perrin, , 427 p. (ISBN 978-2-262-00248-0, BNF 34671947), p. 171.
  11. Jean Lafond, « Les techniques du portrait dans le "Recueil des Portraits et Éloges" de 1659 », Cahiers de l'Association internationale des études francaises, no 18,‎ , p. 139-148 (DOI 10.3406/caief.1966.2311, lire en ligne)
  12. Lieselotte Steinbrügge, « Du genre d’un genre nouveau : les portraits littéraires d’Anne-Marie-Louise d’Orléans », Littératures classiques, no 90,‎ , p. 119-132 (DOI 10.3917/licla1.090.0119, lire en ligne)
  13. Mémoires de Mlle de Montpensier, petite-fille de Henri IV, collationnés sur le manuscrit autographe avec notes biographiques et historiques, par Adolphe Chéruel, 1858-1859 (lire en ligne)
  14. Jean Garapon, « Mademoiselle de Montpensier, l'autobiographie d'une princesse du sang », Cahiers de l'Association internationale des études francaises, no 40,‎ , p. 39-49 (DOI 10.3406/caief.1988.1677, lire en ligne)
  15. Dominique Bonnet, « Louis XIV, l’amour impossible de la Grande Mademoiselle », Paris Match,‎ (lire en ligne)
  16. « Vente par mademoiselle de Montpensier au duc du Maine des terres, seigneuries et comté d'Eu et de la baronnie de Cuverville, moyennant la somme de 1 600 000 francs, 2 février 1681 ». (Fond de Dreux, papiers de famille, 300 APII 14), cité dans « La Grande Mademoiselle » par Christian Bouyer, Pygmalion, 2004.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Arvède Barine, « La Grande Mademoiselle », Revue des Deux Mondes, no 25,‎ . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Christian Bouyer, La Grande Mademoiselle, la tumultueuse cousine de Louis XIV, Pygmalion 2004 (ISBN 2-85704-909-9)
  • Simone Bertière, Les Femmes du Roi-Soleil. - Éditions de Fallois, 1998. - (ISBN 2-253-14712-5)
  • Yohann Deguin, « Bussy-Rabutin et la Grande Mademoiselle : la noblesse entre amateurisme et expertise », Elseneur [En ligne], 38 | 2023, mis en ligne le 14 novembre 2023. DOI : https://doi.org/10.4000/elseneur.1441
  • Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, Œuvres complètes, volumes I et II, Mémoires, édition critique de Jean Garapon, Paris, Honoré Champion, 2020.
  • Mémoires de Mlle de Montpensier. Charpentier. 1864-1868. 4 volumes.
  • (en) Sophie Marinez, Mademoiselle de Montpensier : Writings, châteaux, and female self-construction in early modern France, Leiden, Brill/Rodopi, (ISBN 978-90-04-33720-6, BNF 45365329).
  • Bernard Allorent, La Fortune de la Grande Mademoiselle. Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier (1627-1693). Un enjeu politique au XVIIe siècle, Honoré Champion, 2019.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]