André Piettre

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André Piettre
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Président
Académie des sciences morales et politiques
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Académie royale espagnole d'économie et de sciences financières (d)
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Distinctions
Vue de la sépulture.

André Piettre, né le à Caudry, mort le à Châtenay-Malabry, est un économiste français.

Père de sept enfants, il est le mari de Monique Piettre (1907-1996), fille du professeur agrégé de droit Duquesne et ancien doyen de la Faculté de droit de Paris. Elle est auteur spécialisé dans les études historiques, bibliques et mythologiques et a publié notamment Au commencement était le mythe et La Condition féminine à travers les âges, couronnés par l’Académie française, qui a reçu en 1991 le Grand Prix des écrivains catholiques pour l'ensemble de son œuvre.

Carrière universitaire[modifier | modifier le code]

Après avoir effectué ses études de droit, de lettres et sciences politiques à l'Université de Paris, il est docteur en droit et est reçu premier à l'agrégation de droit et de sciences économiques en 1936. Il inaugure sa carrière universitaire à Strasbourg, en 1937. Officier de réserve, mobilisé dès , il est fait prisonnier en . Détenu dans un " Offlag " (camp spécifique pour officiers), il effectue alors des conférences et des cours de droit et de sciences économiques pour les officiers détenus, de tels enseignements étant validés à la Libération comme cours des Facultés de droit et de sciences économiques et permettant l'obtention du diplôme de licence. Il est rapatrié sanitaire à la fin de 1942 et enseigne à Clermont-Ferrand - où s'était repliée l'université alsacienne - de début 1943 à . La paix le ramène à sa première chaire et il est élu en 1952 doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de Strasbourg.

Il enseigne l'économie politique ensuite à Paris de 1953 à sa retraite en 1976. Lors de l'éclatement de la faculté de droit et de sciences économiques de Paris, après la loi Edgar Faure sur l'enseignement supérieur en 1969 et de la création des 2 universités à dominante juridique et économique à Paris, il choisit d'enseigner à l'université de Paris II (dite Paris-Assas), qui est considérée comme l'héritière de l'ancienne Faculté de droit, crée du temps de la Sorbonne historique. Son enseignement d'une économie culturelle s'oppose à celui de Henri Guitton, son collègue dans la même faculté puis dans la même Université, qui est davantage tourné vers les modèles mathématiques.

Il est président du Congrès des économistes de langue française (à compter de 1955).

Il est élu l’Académie des sciences morales et politiques le dans la section d’économie politique, statistique et finances, au fauteuil d’Alfred POSE [1].

Il est élu administrateur de la Société d'économie politique en 1976[2].

Il est président de l'Académie des sciences morales et politiques pour 1980.

Il donne de nombreuses conférences à l’Alliance française, aux Semaines sociales, à l’École Supérieure de guerre et à l'École polytechnique.

Il devient professeur émérite de l'Université de Paris II en 1981.

Il est membre de la Società Gentiliana di Studi umanistici à Rome et de la Real Academia de Ciencias economicas à Barcelone.

En , il cosigne l'« appel aux enseignants » lancé par l'Institut d'études occidentales après la démission de Robert Flacelière de la direction de l'École normale supérieure[3].

Il a appartenu au comité de patronage de Nouvelle École.

Histoire de la pensée économique et sociale[modifier | modifier le code]

"On peut résumer la vie et l'œuvre d'André Piettre par une remarque de Stuart Mill : “Un économiste qui ne serait qu'économiste serait un bien médiocre économiste.”

En effet, toutes ses réflexions, l'ensemble de ses écrits ont été marqués par un profond humanisme chrétien et par sa passion pour l'histoire des civilisations. Mais l'“appel au réel” — un effort de connaissance des faits économiques et des politiques qu'ils ont suscitées — restera le leitmotiv constant de sa pensée, son approche personnelle de la complexité des hommes et des choses"[4].

Dans son Histoire de la Pensée économique et analyse des Théories contemporaines[5], il fournit une intéressante structuration du mouvement de la pensée économique et sociale.

Évolution de la pensée économique et sociale depuis l'Antiquité[modifier | modifier le code]

Économie de service[modifier | modifier le code]

Trois appels sont émis successivement :

Économie de liberté[modifier | modifier le code]

Au XVIIIe siècle, la société de l'Europe occidentale passa d'un statut subordonné, avec un ensemble de normes, coutumes, traditions acceptées comme telles, à un statut indépendant. Les contraintes, l'autorité, les dogmes voilà ce que remettent en cause les gens de l'époque : "La majorité des Français pensaient comme Bossuet. Tout d'un coup les Français pensent comme Voltaire : c'est une révolution"[6]. Les répercussions de ce mouvement sont visibles à trois niveaux :

  • l'émergence générale du libéralisme
  • l'impact sur le domaine économique et monétaire
  • l'impact dans le domaine social

Économie d'Intervention[modifier | modifier le code]

Après l'économie subordonnée et l'économie indépendante, vient le troisième âge de l'économie dirigée, d'où une ré-évaluation de la dimension sociale sur le plan interne (démocratie sociale) et sur le plan externe (ré-équilibre des nations), d'où les notions nouvelles:

  • réaction sociale sous des formes variées : socialisme, marxisme et du réformisme
  • réaction nationale sous forme de protectionnisme de conquête pour l'Allemagne, de richesse pour les États-Unis, de défense pour la France.
  • réaction intellectuelle et méthodologique avec les écoles historique, sociologique et Institutionnaliste.

Analyse des théories contemporaines[modifier | modifier le code]

Alors que la pensée économique avait jusque-là suivi une voie d'affinement depuis la Nature (physiocrates) à l'homme (Adam Smith, Étienne Bonnot de Condillac, ...) pour déboucher vers les mécanismes (marginalisme et théories de l'équilibre), la démarche des théories contemporaines va, selon André Piettre, "procéder à une remontée inverse, curieusement symétrique. En partant d'une analyse révisée des mécanismes fondamentaux, elle est conduite à retrouver l'Homme et ses données psychologiques en ce qu'ils président aux grandes fonctions économiques, pour aboutir finalement à replacer toute l'activité économique dans son milieu historique et sociologique (étude des structures et des systèmes)."

Avant la révolution keynésienne[modifier | modifier le code]

Les mécanismes mis en avant par les classiques avaient centré l'attention sur :

  • la valeur et les prix ;
  • la répartition et les relations fondamentales d'équilibre ;
  • la monnaie et les échanges extérieurs.

Les théories contemporaines ne tardent pas à les remettre en cause.

Révolution keynésienne[modifier | modifier le code]

Comme le dit Keynes, dès les premières lignes de son ouvrage : "J'ai appelé ce livre “Théorie Générale de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie, en entendant mettre l'accent sur le préfixe 'générale'. L'objet de ce titre est de montrer l'opposition entre la teneur de mes arguments avec ceux de la théorie 'classique' sous lesquels j'ai grandi et qui ont dominé la pensée économique–à la fois sur le plan pratique et théorique–des gouvernants et du corps académique de cette génération pendant une centaine d'années."

Le système keynésien tient dans une triple affirmation quant à la notion d'équilibre :

  • Il n'est pas assuré par les mécanismes classiques.
  • Il s'établit sous l'effet de certaines fonctions de caractère psychologique.
  • Il s'établit spontanément à un niveau de sous-emploi, qui réclame et commande l'intervention.

Après la révolution keynésienne[modifier | modifier le code]

Jusqu'alors, la notion de dynamique économique était incomplète :

Après la révolution keynésienne, l'étude de la dynamique économique reprend consistance selon plusieurs axes :

  • L'étude des flux et de leur évolution (amplifications, anticipations, expansions, ...).
  • L'étude des forces (techniques, démographiques, psycho-sociologiques, domination, ...) qui meuvent le processus économique.
  • L'étude élargie de la dynamique des structures et des systèmes.

Humaniste engagé[modifier | modifier le code]

Sépulture d'André Piettre et de son épouse au cimetière ancien de Châtenay-Malabry.

Il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques le . Sa pensée fut marquée par un profond humanisme chrétien.

Président fondateur de la revue Sursaut (1970), il collabora à de nombreuses revues économiques et à la Revue des Deux Mondes, s'opposant au marxisme et à l'abandon moral. En 1976, il sera un des fondateurs de l'association d'inspiration chrétienne sociale Évangile et société.

Distinctions[modifier | modifier le code]

André Piettre est officier des Palmes académiques et commandeur de la Légion d'honneur[7].

Citations[modifier | modifier le code]

"J'ai bâti ma maison tout en haut d'un piton, Et si quelque érudit épluche mes écrits, qu'il sorte de son bagne et monte ma montagne !"

"Les civilisations naissent dans le sacré, s'exaltent dans la liberté et s'épuisent dans l'étatisme."[8]

"Un pays riche doit s'ouvrir aux autres, ils se sont fermés sur le plan commercial au moment même où, sur le plan financier, ils voulaient trop gagner. Tout s'apprend, même le métier de faire fortune" (à propos des États-Unis durant les années 1920)

Publications[modifier | modifier le code]

  • 1937 : Économie dirigée et commerce international (thèse de droit)
  • 1938 : La politique du pouvoir d’achat
  • 1947 : Colbertisme et dirigisme
  • 1950 : Humanisme chrétien et économie politique
  • 1952 : L’économie allemande contemporaine
  • 1955 : Les trois âges de l’économie (3e éd. 1983)
  • 1957 : Marx et marxisme (5e éd. 1973)
  • 1959 : Histoire de la pensée économique et analyse des théories contemporaines (8e éd. 1983)
  • 1963 : Lettres à la jeunesse, prix Sobrier-Arnould de l’Académie française en 1964
  • 1966 : Ad lucem (poésie)
  • 1967 : Monnaie et économie internationale du XIXe siècle à nos jours
  • 1969 : La culture en question. Sens et non-sens d’une révolte, prix Alfred-Née de l’Académie française en 1970
  • 1969 : Histoire économique et problèmes économiques contemporains (initiation économique) (2e éd. 1973)
  • 1970 : Pour comprendre la vie économique, t. I. (2e éd. 1971)
  • 1972 : Lettre aux voyous du cœur (sur le prix et le mépris des formes)
  • 1976-1977 : Les grands problèmes de l’économie contemporaine, 2 vol.
  • 1978 : Église missionnaire ou Église démissionnaire ?
  • 1983 : Esthétique d’abord
  • 1984 : Les chrétiens et le socialisme
  • 1986 : Les chrétiens et le libéralisme

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Notice sur la vie et les travaux d'André Piettre par Pierre Tabatoni, séance du 25 juin 1996.
  2. La Revue des deux mondes, mars 1976
  3. « L'Institut d'études occidentales lance un appel aux enseignants », sur lemonde.fr, .
  4. « André Piettre, Encyclopédie Universalis »
  5. Lib Daloz Paris 1970 et 1983
  6. Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris 1939
  7. « LÉGION D'HONNEUR », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. André Piettre, Les trois âges de l'économie, Paris, Les Editions Ouvrières, , 430 p.

Liens externes[modifier | modifier le code]