Ancien couvent des Carmes de Nantes

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Ancien couvent des Carmes de Nantes
Tombeau de François II de Bretagne, achevé en 1507 dans la chapelle des Carmes, d'où il est extrait en 1792 et transféré en 1817 dans la Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes.
Présentation
Type
Destination initiale
Couvent
Destination actuelle
Détruit
Construction
Démolition
État de conservation
démoli ou détruit (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
Pays
Ancienne province de France
Commune
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L'ancien couvent des Carmes de Nantes, est un couvent de l'ordre du Carmel fondé en 1318 à Nantes, en France, ville alors située dans le duché de Bretagne. Il a été progressivement détruit à partir de la Révolution française.

Situation

Dans la configuration urbaine actuelle, le couvent a été établi entre la rue des Carmes et rue du Moulin, au niveau de la rue des Trois-Croissants, dans un espace traversé par la rue des Bons-Français[1],[2].

Histoire

Fondation

En 1318, Thibaut II de Rochefort (vers 1260-après 1327), vicomte de Donges, officier du duc de Bretagne à Nantes (et peut-être gouverneur de la ville) fonde un couvent des Carmes. Il respecte en cela une tradition du temps, qui conduit les familles nobles dominantes à choisir une congrégation pour qu'elle accueille les sépultures de leurs lignées. Cette prérogative ajoutait à leur prestige. La famille de Rochefort est alors « une des plus anciennes maisons de l'aristocratie bretonne »[3].

Thibaut II demande à six religieux de l'établissement de Ploërmel, le premier Carmes de Bretagne, fondé en 1273 par son ancien suzerain, le duc Jean II (1239-1305) de venir créer un couvent qu'il installe d'abord dans l'« hôtel de Rochefort »[4]. Cette vaste demeure et son terrain sont situés à l'angle des actuelles rues Saint-Vincent et Fénelon[1]. Thibaut de Rochefort fait construire un oratoire ; le premier prieur se nomme Jean de Paris[4].

Cependant, les Cordeliers, installés non loin de là vers le nord-est, font valoir un privilège qui leur a été accordé par le pape Clément IV, selon lequel aucun autre ordre religieux ne peut s'installer à moins de 140 cannes (210 mètres[4] ou 310 mètres[1] selon les sources) environ d'un de leurs établissements. Le couvent des Carmes déménage alors pour l'« hôtel de Rougé », entre les actuelles rue des Carmes et du Moulin[1], dans la période entre 1325 et 1327[5].

Les Cordeliers, soutenus par les Jacobins protestent de nouveau contre cette implantation, en vain, jusqu'en 1345. La chapelle des Carmes (aussi appelée église) est bâtie entre 1365 et 1372[1]. La construction du couvent proprement dit s'étale entre 1369 et 1384[6].

Agrandissement sous Jean V de Bretagne

Le duc Jean V de Bretagne finance l'agrandissement de l'établissement en 1420[6]. Lors de sa séquestration par Marguerite de Clisson dans le château de Champtoceaux en mai de cette année-là, il fait le vœu de verser son poids en or au couvent s'il en réchappe. Le duc une fois libre tient promesse, et, revêtu de son harnois de guerre, il fait disposer sur le plateau d'une balance un ensemble de bijoux, de pièces de monnaie et d'orfèvrerie, et en fait don à l'établissement (l'inventaire en a été conservé). Une partie de ce trésor est récupéré plus tard par le duc et ses successeurs[1]. Mais la générosité du duc permet aux religieux d'acquérir des terrains, et d'agrandir le couvent, entre 1421 et 1488[7].

Tombeau de François II de Bretagne

Un coffret en or, sphérique, portant des insciptions gravées, et surmonté d'une couronne.
Écrin du cœur d'Anne de Bretagne.

En 1499, Anne de Bretagne lance le projet de faire réaliser un tombeau orné de sculptures, notamment les gisants de ses parents, François II de Bretagne et Marguerite de Foix. Cette œuvre monumentale est dessinée par le peintre Jehan Perréal et exécutée par le sculpteur Michel Colombe entre 1502 et 1507. François y est inhumé auprès de sa première épouse, Marguerite de Bretagne, dans la chapelle des Carmes. En 1506, la duchesse et reine de France obtient l'autorisation de transférer les restes de sa mère et seconde épouse de son père, Marguerite de Foix, dans l'église des Carmes où est achevé le tombeau. Lorsque le corps y est déposé en 1507, la sépulture contient alors trois dépouilles. À sa mort, Anne de Bretagne est inhumée dans la basilique Saint-Denis, comme tous les monarques capétiens. Seul son cœur, déposé dans un écrin (ou reliquaire) en or, est placé dans le tombeau familial[8].

Au XVIe siècle, l'établissement connaît un engouement commun à toutes les confréries religieuses. En 1532-1533, les Carmes comptent 435 membres[9].

À la suite d'un débordement de la Loire, en 1590, le reliquaire du cœur d'Anne de Bretagne est exhumé pour en vérifier l'état[8].

La chapelle est remaniée au XVIIe siècle[1], l'ensemble du couvent est reconstruit en 1622. Les États de Bretagne ont lieu aux Carmes en 1636 et 1638[6].

Gérard Mellier, alors maire de Nantes, fait de nouveau exhumer l'écrin du cœur d'Anne de Bretagne en 1727, craignant que les religieux n'en aient fait fondre l'or[8].

Démantèlement

En 1791, lors de la Révolution française, les religieux sont dispersés, et le mobilier est vendu. En 1792, les bâtiments, dont l'église, sont vendus comme biens nationaux[1]. Le tombeau de François II est déplacé dans la cathédrale, puis est caché pour en éviter la destruction[8]. Le reliquaire d'Anne de Bretagne est envoyé à la Monnaie de Paris en 1793, pour y être fondu. Oublié, il est récupéré endommagé, transmis à Nantes en 1852 et détenu depuis par le musée Dobrée[8].

En 1802, la nef est transformée en salle de spectacle, le « théâtre des Variétés », dirigé par la veuve Charles « et Compagnie », puis par des dénommés Ferville et Potier. Au début du XXe siècle, quelques arcades et des voûtes sont encore visibles au no 3 de la rue des Bons-Français et aux nos 16 et 18 de la rue des Carmes[6]. En 1975, il n'en subsiste plus rien[1].

Architecture

L'architecture du couvent est mal connue[1], les seuls éléments d'étude conservés étant les plans dressés par deux architectes, Julien-François Douillard et François-Léonard Seheult[10]. La chapelle, qui était considérée comme une des plus belles églises du duché de Bretagne à la fin du Moyen Âge[11], présentait une nef unique, et le chœur était aussi long mais plus étroit que cette dernière. Le sculpteur Michel Colombe avait réalisé deux statues représentant saint François et sainte Marguerite, et également le crucifix qu'elles encadraient fait de tuffeau et présentant des colonnes de marbre, œuvre des architectes Guillaume Béliard (également auteur du jubé de la cathédrale de Nantes)[1], Jacques Corbineau, Bernard Malherbe, Michel Perrier, René Le Moulinet entre autres[12]. Le chœur était fermé par un jubé, réalisé en 1631, et financée par un legs de Jean de Rieux, marquis d'Assérac. Le chœur abritait également le tombeau de François II de Bretagne et celui des seigneurs de Rieux[1].

Vestiges

Outre le tombeau de François II et le reliquaire d'Anne de Bretagne, des sculptures dont la provenance semble être l'ancien couvent ont été conservées, notamment celles figurant saint Marc[13], saint Adrien (celle-ci provient peut-être de la chapelle Saint-Germain, proche de la porte ouest de l'église[14]), saint Matthieu (l'identification du personnage sculpté à ce saint est contestée), un saint évêque et un diacre[15], qui se trouvaient dans l'église. Une étude comparative montre que les sculptures sont faites par les mêmes ateliers que ceux qui interviennent au fil du temps sur le décor de la cathédrale[13]. Ainsi, les statues des Carmes sont d'abord réalisées par des artistes issus de l'intérieur du duché de Bretagne (celle de saint Marc, réalisée vers 1420[16]), puis par d'autres venant de la région de Tours (les quatre autres statues, qui sont probablement des commandes du duc François II, réalisées vers 1460)[17]. Ces vestiges sont conservés au musée départemental Thomas-Dobrée.

Statue de saint Marc

Dans les années 1860, le propriétaire de la maison située aux nos 18 et 20 de la rue des Carmes exhume plusieurs statues dans la cour de son immeuble. Il choisit de faire don de ses découvertes au musée Dobrée en 1867. La statue de saint Marc est aujourd'hui la plus ancienne de celles détenues par le musée. Bien que réalisée par des artistes bretons, elle est manifestement inspirée du style de la vallée de la Loire. Le saint est représenté en évangéliste. Les traits du visage sont précis, au contraire de la qualité de réalisation du vêtement[18].

Statue de saint Matthieu

Bien qu'également évangéliste, Mathieu est représenté sous son apparence de percepteur d'impôts : à sa ceinture se trouve une aumônière, et il tend la main pour percevoir de l'argent. C'était en effet sa profession avant sa rencontre avec Jésus de Nazareth. Le visage semble être un portrait réalisé à partir d'un modèle, et n'est pas stylisé comme l'est celui de saint Marc[19].

Personnalités inhumées dans l'établissement

Les personnalités suivantes ont été inhumées dans le couvent[20] :

Références

  1. a b c d e f g h i j k et l de Berranger 1975, p. 129.
  2. Plan de la ville de Nantes et de ses faubourgs levé par ordre de MM. les maire, échevins et procureur du roy sindic de ladite ville, levé par F. Cacault en 1756 et 1757, gravé par J. Lattré, en 1759, archives municipales de Nantes.
  3. Durand 1997, p. 73.
  4. a b et c Durand 1997, p. 77.
  5. Bois 1977, p. 89-90.
  6. a b c et d Pied 1906, p. 71.
  7. Bois 1977, p. 91.
  8. a b c d et e de Berranger 1975, p. 130.
  9. Bois 1977, p. 112.
  10. Guillouët 2008, p. 62.
  11. Guillouët 2008, p. 61.
  12. Un document de 1631, cité par Georges Durville sans ses Études sur le Vieux Nantes, tome II, p. 142, indique « Un jubé faisant séparation du coeur de ladite églze et la naif d'icelle, où il y aura deux autelz et au costé d'iceulx et entrée du coeur, siw grandes colonnes de marbre jaspé et noir avecq plusieurs autres enrichissements de mesmes estoffe audit jubé... le tout suivant le desseing et figure représentés par lesdits prieur et religieux et architectes... ». Les architectes sont désignés en fin de texte : « Jacques Corbineau, Guillaume Beliart, Bernard Malherbe, Michel Perrier, René le Moulinet, et autres architectes pour la construction et accomodation entière dudit jubé, en datte du 18ème de décembre 1630 ».
  13. a et b Guillouët 2008, p. 63.
  14. Guillouët 2008, p. 71.
  15. Guillouët 2008, p. 70.
  16. Guillouët 2008, p. 67.
  17. Guillouët 2008, p. 80.
  18. « Saint Marc », conseil général de la Loire-Atlantique (consulté le ).
  19. « Saint Matthieu », conseil général de la Loire-Atlantique (consulté le ).
  20. de Berranger 1975, p. 129-130.

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Henri de Berranger, Évocation du vieux Nantes, Paris, Les Éditions de Minuit, (réimpr. 1994), 2e éd. (1re éd. 1960), 300 p. (ISBN 2-7073-0061-6, OCLC 312748431).Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Paul Bois (dir.) et al., Histoire de Nantes, Toulouse, Éditions Privat, coll. « Univers de la France et des pays francophones » (no 39), , 477 p. (ISBN 2-7089-4717-6).Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Yves Durand (préf. Hein Blommestijn), Les Grands carmes de Nantes : un couvent dans la ville : 1318-1790, Rome, Édition carmelitane, coll. « Textus et studia historica carmelitana » (no 23), , 386 p. (ISBN 88-7288-046-7).Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Jean-Marie Guillouët, « Les chantiers de sculpture à Nantes au XVe siècle : transferts et perméabilité », dans Hélène Rousteau-Chambon (dir.) et al., Nantes religieuse, de l'Antiquité chrétienne à nos jours : actes du colloque organisé à l'université de Nantes (19-20 octobre 2006), Département d'histoire et d'archéologie de l'université de Nantes, coll. « Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de la Loire-Atlantique » (no hors série), , 268 p. (ISSN 1283-8454, lire en ligne).Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Édouard Pied, Notices sur les rues de Nantes, A. Dugas, , 331 p., p. 53-54.Document utilisé pour la rédaction de l’article

Articles connexes