Alphonse Gent

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Alphonse Gent
Illustration.
Portrait d'Alphonse Gent
Fonctions
Parlementaire français
Député à l'Assemblée Constituante de 1848
député de Vaucluse de 1871 à 1881
sénateur de Vaucluse 1882 à 1894

(176 ans)
Gouvernement IIe République IIIe république
Groupe politique Union républicaine
Biographie
Date de naissance
Date de décès (à 80 ans)
Résidence Vaucluse

Alphonse Gent[1], né à Roquemaure le 27 octobre 1813 et décédé à Paris le 26 janvier 1894, franc-maçon, avocat et homme politique républicain, fut maire d'Avignon, député de Vaucluse, puis sénateur.

Biographie

Avocat

Né le , il fit ses études à Nîmes, commença son droit à Paris[2], le termina à Aix-en-Provence[3]. Il commença sa carrière comme avocat et fut d'abord inscrit au barreau de Nîmes puis à celui d'Avignon[4].

Maire, député et commissaire général d'Avignon

Lors de la révolution de 1848, il devint maire provisoire d'Avignon entre mars et avril 1848[5]. Nommé commissaire du gouvernement provisoire dans le Vaucluse après le 24 février[4], ce fut alors qu'il fonda une loge maçonnique « Les Vrais Amis » qui fut affilée au Grand Orient de France[5].

La même année, Agricol Perdiguier fut élu député dans le Vaucluse et à Paris, il choisit de sièger pour la capitale[4]. En remplacement, Gent fut élu le , en tant que représentant de Vaucluse à l'Assemblée constituante, il devançait Albert-Joseph-Augustin d'Olivier de Pezet, de Bédarrides[6] et Victor Courtet, de L'Isle-sur-la-Sorgue[7].

Cette élection ayant été annulée par l'Assemblée, sous l'accusation d'avoir, en tant que fonctionnaire d'autorité, exercé pression sur certains de ses électeurs[8], ceux-ci furent convoqués à nouveau le , et confirmèrent son mandat[2]. Mais sa venue à Paris fut retardée par des blessures consécutives à deux duels qu'il eut avec ses adversaires politiques[3]. Pour le premier, ce fut le comte Raousset-Boulbon, rédacteur en chef du journal légitimiste La Liberté d'Avignon, qu'il avait battu aux élections, pour le second, Léo de Laborde, qui lui cassa le bras d'un coup de pistolet. Gent ne put siéger à l'Assemblée qu'au mois de décembre 1848[2].

Non réélu, il resta à Paris pour collaborer à la Révolution démocratique et sociale, journal dont le directeur était Charles Delescluze, qui ne réussit pas le faire élire à l’Assemblée législative à lors d’une partielle[8]. Il participa à l'émeute du boulevard des Capucines, lors de la journée du 13 juin 1849, mais ne fut point inquiété car il sauva la vie à Théobald de Lacrosse, ministre des travaux publics, pris à parti par les manifestants devant l'Ambigu[2],[8].

Le complot des républicains du Sud-Est

Il se rendit à Lyon pour défendre quelques-uns des accusés de l'émeute du 13 juin et obtint plusieurs acquittements. Cette notoriété gagnée, il resta sur place à la demande de ses amis politiques. Ses positions fermement républicaines lui firent organiser la résistance dans plusieurs départements[3]. Son dessein était de fédérer toutes les forces éparses sous le nom de « Nouvelle Montagne »[8]. Ce qui ne tarda pas à éveiller l'attention de la police qui le mit sous étroite surveillance. Il fut suivi dans tous ses déplacements dans le Lyonnais, la Drôme et le Vaucluse et les indicateurs découvrirent ses relations avec les responsables démocrates de ces départements[8].

Un de ceux-ci réussit à infiltrer le groupe et à assister, le 29 juin, à Valence, une réunion secrète des délégués de quatorze départements qui avait pour objet de connaître « l'état des forces disponibles dans chaque département et de donner un commandement général à l'insurrection ». Y furent fichés Marescot, représentant les Bouches-du-Rhône et le Var ; Robert, les Hautes-Alpes, et Montanier, le Vaucluse[8].

Gent mit sur pied, dès la fin de l'année 1849, un rassemblement politique dit du « Sud-Est »[2]. Une réunion des délégués montagnards des départements fédérés[9] se tint, le , à Mâcon. Ils proposèrent de porter à leur direction Michel de Bourges, mais ce fut Mathieu de la Drôme qui passa[8]. Gent fut mandaté pour se rendre en Suisse afin de rallier les républicains exilés[2]. Il se rendit le 16 octobre, à Genève, avec Amédée Antoine Bruys (1817-1871), un député montagnard de Bourgogne[8]. De retour à Lyon le 28 octobre, il fut arrêté sous l'accusation de complot contre la sûreté de l'État[2].

Gent logeait alors chez un dénommé Borel, aubergiste de son état, qui logeait des compagnons. La police apprit, par ses indicateurs, que du courrier lui arrivait régulièrement sous double enveloppe, au nom de ceux-ci. Elle saisit plusieurs de ces lettres avant de procéder à son coup de filet[8].

Peu après, les responsables connus des départements du Sud-Est furent arrêtés dont, parmi d'autres, Louis Langomazino, journaliste à Digne, Albert Ode, avocat et ancien procureur de la République à Uzès, Isidore Gent, son frère. À Paris, ce furent une jeune actrice du Théâtre français, Maria Lopez[10], Henri Delescluze puis Charles Lesseps, rédacteur en chef du journal Le Vote Universel. Un peu plus tard, la presse gouvernementale annonça des ramifications en Suisse et en Angleterre. Il s'agissait bien d'un complot[8].

Le procès de Lyon

Pour être sûr que les comploteurs fussent condamnés, le gouvernement et les magistrats instructeurs hésitèrent sur la juridiction adéquate. Ils éliminèrent la Haute Cour, puis la Cour d’assises, pour adopter enfin la proposition du procureur général Gilardin : le conseil de guerre[8].

L'acte d'accusation fut rédigé en ce sens. Il y était expliqué que Gent avait comploté afin de renverser le gouvernement par une insurrection programmée le 11 novembre, date de la rentrée de l'Assemblée. D'après le rapport du procureur général, elle devait d’abord éclater dans le pays d'Apt, où 6 000 hommes devaient se regrouper dans le Luberon, sous les ordres de l'horloger Hubert, le chef montagnard local. À ce signal, Marseille et Toulon se seraient soulevés, les insurgés s’emparant des ports pour tenter de rallier les marins de la Flotte et l'Algérie. Le mouvement s'amplifiant, les frontières suisse et savoyarde passaient sous le contrôle des réfugiés de Genève[8].

Après dix mois de prison préventive, au cours du printemps et l'été 1851, Gent, principal accusé, passa en jugement à Lyon en compagnie d'un autre vauclusien le docteur Étienne Daillan, maire de Bédarrides, qui s'était opposé en tant qu'élu au prince-président[11]. Avec eux furent jugés, par le 2e Conseil de guerre de la 6e division militaire, cinquante républicains accusés d'attentat contre la sûreté de l'État et d'affiliation à des sociétés secrètes afin de renverser le gouvernement[12]. Afin d'en mieux convaincre l'opinion, le procès fut placé sous haute surveillance militaire[8].

Les débats furent présidés par le colonel Couston. Les prévenus étaient assistés par nombre d'avocats sous la direction de Michel de Bourges et de Madier de Montjau. Ceux-ci eurent recours à une méthode qui fut jugée déplorable. Gent ayant voulu questionner un témoin, le président s’y opposa et la défense tout entière se retira des débats. Les accusés furent donc jugés et condamnés sans avoir été défendus[8].

Gent, convaincu d'être l'instigateur du complot en tant que chef de l'association secrète de la Nouvelle Montagne fut condamné, le , à la déportation[2], Ode et Louis Langomazino à la même peine, Henri Delescluze à dix ans de détention, les autres, à la prison. Ils furent reconduits dans leurs cellules au cri de : « Vive la République ! »[8].

Le gouvernement voulut aggraver la sentence. En vertu de la loi du , il décida que tous les condamnés devraient purger leurs peines, aux îles Marquises. Mais, à cause du coût du voyage, ils furent déportés en Algérie. Les cas de Gent, Ode et Langomazino furent réservés et ils durent partir en Océanie, ce qui provoqua de vives interpellations à l’Assemblée de la part d'Adolphe Crémieux et de Désiré Bancel[8].

Accompagné de Louis Langomazino et d'Albert Ode, Gent fut contraint de se rendre à pied de Lyon à Brest[13]. Là les trois hommes furent embarqués, le 21 décembre, pour purger leur peine dans une forteresse de Nouka-Hiva où ils arrivèrent en juin 1852. Ce furent les premiers déportés des Marquises[14]. Ils y restèrent jusqu'en novembre 1854, les îles Marquises ayant été déclassées comme lieu de déportation. Gent vit alors sa peine commuée en vingt ans de bannissement[2], et fut contraint de s'exiler au Chili[4] où il devint avocat à Valparaíso[3].

Retour en grâce

Sa peine fut partiellement élargie et il put rentrer en Europe pour vivre tout d'abord en Italie, en 1861, puis à Madrid où il devint le correspondant des journaux Le Siècle et Le Temps en 1863. L'autorisation de rentrer en France lui fut accordée après la défaite de Sedan[4].

Décidé à entrer à nouveau en politique, Gent se présenta, dans le Vaucluse, en tant que candidat d'opposition aux législatives du . Ce fut un échec face au candidat officiel. Le 22 novembre de la même année, il se soumit une seconde fois au suffrage des électeurs dans la 8e circonscription de la Seine et se fit battre par Emmanuel Arago[2].

Disponible, il lui fut proposé, le , la charge gouvernementale de Commissaire de la Défense Nationale dans le Vaucluse, il refusa mais accepta une mission en Algérie. Il fut rappelé, en novembre, par Gambetta pour être en poste comme administrateur à la préfecture de Marseille[2].

La Ligue du Midi

Il y rejoignit Alphonse Esquiros, l'administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône. Le , Gent fut élu « Commissaire Général de la Ligue du Midi pour la défense de la République » qui regroupait quinze départements[15]. Le conflit qui régnait au sein du Conseil municipal de Marseille entre républicains modérés et révolutionnaires était arbitré sinon attisé par la Garde nationale (bourgeoise) et la Garde civique (ouvrière). De plus, tous savaient qu'Esquiros s'opposait à Gambetta et au gouvernement provisoire de Tours. Cela suffit pour provoquer une réaction populaire. Le , l'Hôtel de Ville fut occupé et la Commune proclamée. La popularité de l'administrateur général qui présidait en fait un véritable gouvernement restait intacte. Il demanda à Gent de rejoindre Tours pour tenter de convaincre Gambetta d'adhérer à la Ligue, mais le délégué marseillais fut retenu par le chef du gouvernement comme membre du « Comité de guerre ». Ce fut alors qu'Esquiros, effondré par la mort de son fils qui venait de succomber à la typhoïde, fit savoir qu'il souhaitait être remplacé par Alphonse Gent qui rejoignit aussitôt Marseille[4].

Les circonstances jouèrent en faveur de celui-ci. Victime d'un attentat de la part d'un communaliste qui le blessa légèrement au bas ventre d'un coup de pistolet[2], il reçut immédiatement le soutien populaire. Cette sympathie à son égard lui permit de reprendre le pouvoir en main au nom du Gouvernement. Et le 13 novembre, le nouvel administrateur général, qui avait rôle de préfet, put télégraphier à Tours que l'ordre régnait à Marseille. Après la capitulation de Paris, le , il donna sa démission, après avoir proclamé « Alors, gardez les Prussiens comme gendarmes » et s'engagea dans l'armée de Garibaldi[3].

Député et sénateur

Statue d'Alphonse Gent au cimetière de Saint-Véran d'Avignon, Buste sculpté en 1896 par Louis Cosme Demaille, (Gigondas 1837- Paris 1906)

Décidé de revenir à la vie politique, il se présenta aux élections du , et fut élu représentant de Vaucluse à l'Assemblée nationale. Comme elles furent invalidées en bloc et une enquête ordonnée, de nouvelles élections eurent lieu le , et Gent fut réélu. Siégeant à l'extrême-gauche, il s'inscrivit à l'Union républicaine dont il fut vice-président et président[2].

Il allait désormais rester député de Vaucluse de 1871[3] à 1881[5], ce qui lui permit de soutenir la politique coloniale et scolaire de Jules Ferry. Candidat dans son département aux élections sénatoriales du , il échoua mais fut plus heureux aux élections législatives du 20 février suivant où il fut élu député de l'arrondissement d'Orange. Il reprit sa place à l'Union républicaine. Au cours de cette législature, il vota pour la protestation des gauches, le , et fut des 363 députés qui se prononcèrent contre le ministère de Broglie-Fourtou[2].

Aux élections du qui suivirent la dissolution de la Chambre, Gent échoua, à Orange face au candidat officiel et légitimiste[2]. Mais la nouvelle majorité de la Chambre invalida cette élection à cause des fraudes de la part du candidat élu[16]et, au scrutin du , il retrouva son siège[2].

Le , Alphonse Gent démissionna de son mandat pour accepter le poste de gouverneur de la Martinique qui lui était offert. Mais la presse bonapartiste se déchaîna contre lui mettant en cause sa vie privée, vieille accusation datant de 1848 et dont un jury d'honneur l'avait déjà blanchi. Pourtant le ministère revint sur sa nomination le 25 novembre. Gent se représenta à nouveau et ses électeurs lui renouvelèrent leur confiance le 21 décembre suivant[2].

Réélu lors des élections du face à son principal concurrent Eugène Raspail, il profita du renouvellement triennal pour entrer au Sénat, le , en tant que sénateur de Vaucluse[17]. Siégeant à l'extrême-gauche, il vota pour le rétablissement du scrutin d'arrondissement, le et pour la procédure sénatoriale à suivre pour juger le général Boulanger[2].

Le sénateur décéda le et fut inhumé au cimetière Saint-Véran d'Avignon[18]. C'est Félix Devaux qui réalisa, en 1895, le buste qui orne sa tombe. Son second buste au rocher des Doms d'Avignon a été sculpté en 1897 par Louis Demaille.

Bibliographie

  • Marc Maynègre, Alphonse Gent in De la Porte Limbert au Portail Peint, histoire et anecdotes d’un vieux quartier d’Avignon, Sorgues, 1991, (ISBN 2950554903) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Marcel Dessal, Le Complot de Lyon et la résistance au coup d'État dans les départements du Sud-Est, Revue d'histoire du XIXe siècle, 2001, mis en ligne le 27 juin 2005. Consulté le 2 avril 2009 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Sudhir Hazareesingh, Republicanism, War and Democracy : The Ligue du Midi in France's War Against Prussia, in French History, vol. 17, no 1, mars 2003. Document utilisé pour la rédaction de l’article

Notes et références

  1. Pour l'État civil, il fut déclaré Alphonse-Antoine-Joseph Gent.
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Carrière politique d'Alphonse Gent
  3. a b c d e et f Rubrique nécrologique d'Alphonse Gent, publiée dans le New York Times, le 11 février 1894
  4. a b c d e et f Biographie d'Alphonse Gent
  5. a b et c Marc Maynègre, op. cit., p. 135
  6. Le comte Olivier de Pezet, gros propriétaire foncier, avait été maire d'Avignon de 1841 à 1843.
  7. Cet écrivain saint-simonien fut un prédécesseur de Gobineau avec son ouvrage ''La science politique fondée sur la science de l'homme ou Étude des races humaines sous le rapport philosophique, historique et social
  8. a b c d e f g h i j k l m n o et p Marcel Dessal, op. cit.
  9. Il s'agissait du Jura, de l’Ain, de la Saône-et-Loire, du Rhône, de l’Isère, de la Drôme, du Vaucluse, des Hautes-Alpes, des Basses-Alpes, des Bouches-du-Rhône, du Var, de l’Ardèche, du Gard, de l’Hérault et de l’Aude.
  10. Maria Lopez fut libérée après un mois de prison préventive. Elle avait simplement été arrêté pour avoir reçu une lettre d'Alphonse Gent disant « Je me suis attelé à une besogne rude, difficile, à laquelle j'ai donné ma vie, à laquelle, je sacrifierai toutes mes espérances de bonheur. Je l'accomplirai si les forces d'un homme peuvent y suffire et ne m'abandonnent pas en chemin. Je te dis cela à toi, à toi seule ».
  11. « 16-17 août 1851 Compte-rendu dans le Journal de Toulouse du procès de Lyon intenté contre Étienne Daillan et Alphonse Gent »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) consulté le 6 septembre 2009
  12. Biographie de Pierre Édouard Désiré Toscan du Terrail, juge au « Procès du Complot de Lyon »
  13. La déportation d'Alphonse Gent, in Mémoires de Georges Cavalier, dit Pipe-en-bois
  14. Les trois premiers déportés aux Marquises
  15. Sudhir Hazareesingh, op. cit., p. 48-78.
  16. Biographie de Raoul-Victor-Pierre-Hippolyte-Joachim, marquis de Bilotti
  17. fiche d'Alphonse Gent au Sénat
  18. Personnages illustres inhumés au cimetière Saint-Véran d'Avignon

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes