Albert Soleilland

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« Soleilland l'assassin de la jeune Erdelbing [sic] 8 f[év.] 1907. Condamné à mort Peine commuée en celle de Travaux forcés à perpétuité ».
« L'assassinat de Marthe Erbelding. Le meurtrier dans sa cellule. - Le portrait de la victime ». Une du Supplément illustré du Petit Journal, du 24 février 1907.

Albert Louis Jules Soleilland (Nevers, [1] - Île Royale, en ) est un ébéniste français reconnu coupable du viol et du meurtre d'une fillette de onze ans, Marthe Erbelding, le 31 janvier 1907. L'affaire, qui donne lieu à un véritable feuilleton journalistique occupant les unes au début du mois de février 1907, suscite un vif émoi populaire.

Condamné à mort le 23 juillet 1907 par la Cour d'assises de la Seine, Soleilland est gracié par le président de la République Armand Fallières, abolitionniste. La peine de mort étant automatiquement commuée en travaux forcés à perpétuité en cas de grâce, il est envoyé au bagne à l'Île Royale, où il termine sa vie.

Le contexte

Alors que les dernières exactions de la Bande Pollet et des Apaches occupent largement la une des journaux et attisent la « crise sécuritaire », cette affaire va déchaîner la presse, à commencer par Le Petit Parisien – autoproclamé « Le Plus fort Tirage des Journaux du Monde entier »[2] – et « a pour conséquence de repousser de trois quarts de siècle l'abolition de la peine de mort », alors débattue au Parlement, et portée entre autres par Jean Jaurès et Aristide Briand[3].

L'affaire Soleilland

« Gracié !… Ce qu'il méritait Ce qu'il espère ». Une du Supplément illustré du Petit Journal, 29 septembre 1907[4].

Le 31 janvier 1907, à Paris, Albert Soleilland, ouvrier dans un petit atelier fabriquant des sièges de voitures, ami du couple Erbelding, vient chercher leur enfant Marthe en fin de matinée. Sa femme, Julienne, doit emmener la fillette voir un spectacle de café-concert au Ba-Ta-Clan, pour lequel elle a obtenu deux billets de faveur. Le patron de Julienne exige d'elle qu'elle retourne à son atelier de couture pour terminer un travail urgent, et Albert Soleilland raconte qu'il a alors lui-même emmené l'enfant au spectacle vers 14h30, mais que celle-ci est sortie à l'entracte pour aller aux toilettes, et qu'elle a disparu[5].,[6]

Après des recherches avec les parents, la disparition de la fillette est signalée au commissariat vers 22 heures. Albert Soleilland est rapidement soupçonné, bien que les Erbelding lui témoignent toute leur confiance. Les déclarations de l'homme comportent en effet de nombreuses invraisemblances. Ainsi, aucun employé du Ba-Ta-Clan ne se souvient d'Albert et Marthe et, alors que Soleilland déclare que l'artiste du café-concert chantait des chansons grivoises, il apparaît que, ce jour-là, cette chanteuse, malade, était absente. Le passé de Soleilland ne plaide pas non plus en sa faveur : auparavant, en 1902, il a été condamné pour abus de confiance[5], a par la suite fait prostituer sa femme, et a tenté de violer sa belle-sœur en 1906 en la menaçant d'un poignard.

Plusieurs témoins confondent Soleilland sur son emploi du temps qui ne concorde pas, si bien qu'au bout de plusieurs confrontations, le 8 février, il finit par avouer son crime. Il déclare que Marthe refusait d'aller au concert sans Julienne puis il avoue avoir, chez lui, au n° 133 de la rue de Charonne, étranglé l'enfant et avoir ensuite transporté son corps à la consigne de la gare de l'Est. C'est là que le corps est retrouvé, empaqueté dans des toiles d'emballage[7]. L'autopsie révèle qu'en fait, elle a été violée, étranglée, puis poignardée au cœur[8].

Le président Armand Fallières.

L'émotion populaire, abondamment alimentée par la presse, s'exprime notamment, comme il est fréquent à l'époque, dans une « Complainte de la petite Marthe », chantée – et vendue – aux coins des rues parisiennes[9]. Lors des funérailles de la petite victime, qui ont lieu le 14 février au cimetière de Pantin, une foule, de cinquante à cent mille personnes selon les journaux, accompagne le cercueil, et six chars sont nécessaires pour porter les bouquets et couronnes de fleurs offerts par des anonymes[10].

La grâce

Condamné à mort le 23 juillet 1907 par la Cour d'assises de la Seine[11], Albert Soleilland est gracié le vendredi 13 septembre par le président de la République Armand Fallières[12], ce qui déchaîne la presse et, partant, la colère populaire[13]. La peine étant automatiquement commuée en travaux forcés à perpétuité, Soleilland embarque pour le bagne le 24 septembre 1907. Il sera interné à l'île Royale, où l'horreur de son crime le privera de tout contact social. Il y sera néanmoins agressé plusieurs fois par ses co-détenus dont un qu'il avait tenté de séduire. Devenu infirme, vieilli prématurément, et guetté par la folie. Il mourut de la tuberculose qu'il avait contracté, à l'hôpital des îles du Salut en mai 1920 après 12 ans de bagne[14].

Notes et références

  1. Acte de naissance de Soleilland.
  2. Tel est du moins le sous-titre du journal à cette époque.
  3. Jean-Marc Berlière, « 1907, la France a peur ! L'affaire Soleilland », L'Histoire, no 323,‎ , p. 54
  4. Cette une est accompagnée d'un commentaire : « Explication de nos gravures » et « La vie au bagne », p. 2. En ligne sur Gallica.
  5. a et b « Disparition mystérieuse d'une fillette. Marthe Erbelding a-t-elle été tuée ? », article en une du Petit Parisien, 5 février 1907 (Soleilland y est appelé par erreur Soleillard). En ligne sur Gallica. Voir aussi les deux unes suivantes.
  6. « Inquiétante disparition d'une petite Parisienne », article en une du Petit Journal, 5 février 1907 (la famille Erbelding y est appelée par erreur Erbilding). En ligne sur Gallica.
  7. « Un nouveau Menesclou. Soleilland a assassiné la petite Marthe », article du Petit Parisien, 9 février 1907, p. 1-2. En ligne sur Gallica. Voir aussi la une suivante.
  8. « La fillette a subi les pires tortures. Effroyables révélations de l'autopsie », article en une du Petit Parisien, 11 février 1907. En ligne sur Gallica.
  9. « La Complainte de la petite Marthe », dans Le Petit Parisien, 12 février 1907. En ligne sur Gallica.
  10. « Cent mille personnes aux obsèques de la petite Marthe », article en une du Petit Parisien, 15 février 1907. En ligne sur Gallica. Sur la même page figure l'éditorial signé Jean Frollo, alias Charles-Ange Laisant, directeur du journal : « Le Crime et la Défense sociale ».
  11. « Soleilland devant les Jurés » et « Soleilland condamné à mort », articles du Petit Parisien, respectivement des 23 et 24 juillet 1907, p. 1-2. En ligne sur Gallica. Voir aussi la une du 25, s'interrogeant sur « Où dresserait-on l'échafaud, à Paris ? », avec une photo à l'appui, indiquant d'une croix l'endroit en question.
  12. « Soleilland est gracié », article en une du Petit Journal du 14 septembre 1907. En ligne sur Gallica.
  13. (en) Alfred Morain, The Underworld of Paris : Secrets of the Sûreté, Jarrolds, , p. 120.
  14. Figures du bagne - Albert Soleilland.

Voir aussi

Lien externe

Bibliographie

  • Dominique Kalifa, L'Encre et la sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque, Fayard, 1995.
  • Jean-Marc Berlière, Le Crime de Soleilland (1907). Les Journalistes et l'assassin, Paris, Tallandier, 2003
  • Jean-Marc Berlière, « 1907. La France a peur ! L'affaire Soleilland », dans L'Histoire, no 323, 2007, p. 54-59.

Article connexe