Albert Caquot

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Albert Caquot
Naissance
Vouziers (Ardennes)
Décès (à 95 ans)
Paris (France)
Nationalité Drapeau de la France France
Profession
savant et ingénieur
Formation
Distinctions

Albert Caquot, né le à Vouziers (Ardennes) et mort le à Paris, fut considéré comme « le plus grand des ingénieurs français vivants[1] » pendant un demi-siècle.

Croix de guerre 1914-1918, membre de l'Académie des sciences (1934-1976), Grand-Croix de la Légion d’honneur (1951) et titulaire de nombreuses décorations étrangères (notamment DSO et Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges britanniques et Distinguished Service Medal des États-Unis).

Doté d’une faculté d’invention féconde et variée, son génie mécanicien et visionnaire s’appliqua aussi bien à la construction aéronautique naissante qu’à la réalisation d’ouvrages en béton armé, avec plus de 300 ponts et barrages de tous types, dont plusieurs furent des records du monde, et des œuvres de génie civil les plus variées. Il est un exemple des premières décennies du XXe siècle qui virent de jeunes intelligences issues des milieux les plus divers manifester la volonté de s’élever dans la société en s’illustrant dans les sciences s'appliquant à l’art de construire.

Biographie

Enfance et formation

Grands propriétaires terriens, ses parents, Paul et Marie-Irma Caquot "dirigeaient une importante exploitation agricole familiale, jouxtant un moulin au bord de l’Aisne" [2], à Vouziers dans les Ardennes. Son père ouvrit au modernisme cette exploitation, en installant chez lui l'électricité et le téléphone dès 1890. Un an seulement après sa sortie du lycée de Reims, Albert Caquot est reçu à dix-huit ans à l'École polytechnique (promotion 1899) et en sort dans le corps des Ponts et Chaussées.

Le savant et bâtisseur

De 1905 à 1912, il fut ingénieur des ponts et chaussées dans l’Aube, à Troyes, et se fit remarquer par les mesures d’assainissement importantes qu’il développa. Celles-ci sauvèrent de nombreuses vies humaines et protégèrent la ville de la grande crue de la Seine de 1910.

En 1912, il rejoint comme associé le bureau d’études de béton armé d’Armand Considère[3] (1840-1914) où il donnera libre cours à son talent de concepteur d’ouvrages d’art. En 1914, après la mort d'Armand Considère, le bureau devient Pelnard-Considère & Caquot. C’est dans ce même cadre qu’il œuvrera de 1919 à 1928, de 1934 à 1938, puis à partir de 1940.

Ses brillantes recherches, Albert Caquot ne les a entreprises qu’en vue des applications qu’elles trouvent dans les ouvrages d’art. Ses travaux de recherches les plus connus concernent :

  • le béton armé, avec la résistance des matériaux. En 1930, il définit la courbe intrinsèque et explique pourquoi la théorie de l’élasticité n’est plus suffisante pour le calcul des ouvrages modernes.
  • le critère de Caquot pour les solides rigides plastiques en mécanique des milieux continus.
  • la mécanique des sols, alors naissante, et le calcul des fondations. Il énonce le théorème des états correspondants. Ses publications en 1933 sur la stabilité des massifs pulvérulents ou cohérents font l’objet d’un rapport admiratif de l'Académie des sciences, où il est élu membre de la section de mécanique le . En 1948, avec Jean Kerisel (1908-2005), son gendre et disciple, il présente un nouveau mode de calcul des équilibres de poussée-butée dans les ouvrages de soutènement avec une surface de rupture logarithmique. Ce principe est appliqué depuis partout dans le monde.
  • le renouveau des ponts à haubans grâce au béton armé (Donzère Mondragon, 1952, première réalisation au monde de ce type) qu’il voyait dépassant de grandes portées et franchissant la Manche en quelques bonds. En 1967, il propose pour cela un projet de pont avec des portées de 810 m et deux étages de 25 m de large pour 8 chaussées, 2 voies de chemin de fer et 2 voies d’aérotrain.
  • la « méthode rationnelle » pour l'écoulement des débits de ruissellement, utilisée notamment en assainissement urbain.

Au cours de sa vie, Albert Caquot enseigna longtemps la résistance des matériaux dans les trois Écoles nationales supérieures des Mines, des Ponts et Chaussées et de l’Aéronautique.

Au cours de sa carrière, habile dessinateur et infatigable calculateur, il réalisa plus de 300 ouvrages de génie civil de toutes sortes dont plusieurs furent des records du monde, notamment :

La barrage de la Girotte

Deux prestigieuses réalisations contribuent à sa renommée internationale : la structure interne en béton armé de la grande statue du Christ rédempteur sur le Mont Corcovado (1931), à Rio de Janeiro (Brésil), œuvre du grand sculpteur Paul Landowski (hauteur de 30 m et 1 145 t de poids) et le pont George V à Glasgow (Écosse) sur la Clyde pour lequel les ingénieurs écossais demandèrent son aide.

À la fin de sa vie, il étudie un immense complexe devant capter l’énergie des marées dans la baie du mont Saint-Michel (projet d’usine marémotrice de la baie du Cotentin).

Le constructeur aéronautique

Un ballon d'observation type Caquot français en 1915.

Il consacra sa vie à l’aéronautique et au génie civil par périodes alternées au rythme imposé par les Première et Deuxième Guerres mondiales. Les apports d’Albert Caquot à l’aéronautique sont inestimables, de la mise au point du moteur à hélice et l’ouverture du ministère de l'Air aux innovations techniques, à la fondation des premiers instituts de mécanique des fluides. Marcel Dassault, qui fut chargé par Albert Caquot de construire un prototype du programme de trimoteurs postaux, a écrit de lui : « C'est un des meilleurs techniciens que l'aviation ait jamais connu. C'était un visionnaire qui, dans tous les domaines, abordait l'avenir. Il était en avance sur tout le monde. »

Dès 1901, déjà visionnaire, il effectue son service militaire dans un bataillon d’aérostiers. Au début de la Grande Guerre, il retrouve un bataillon d’aérostiers comme capitaine. Il met en évidence la grande instabilité du ballon sphérique dont sont dotées les unités pour une vitesse de vent supérieure à 22 km/h et, en 1915, il réalise un modèle de ballon captif fuselé et équipé de stabilisateurs arrières, permettant l'observation par des vents de 90 km/h. L’atelier aérostatique de Chalais-Meudon se met alors à fabriquer des « ballons Caquot » pour toutes les armées alliées. Le treuil à couple de freinage constant qu'il crée lui permet d'adapter ses ballons aux flottes alliées (conduite de tir et détection de sous-marins) et de leur faire supporter des vents de 125 km/h. Également appelé « saucisse », ce ballon captif donne à la France et à ses alliés un avantage stratégique majeur. En janvier 1918, Clemenceau le nomme directeur technique de l’aviation militaire. Grâce à Caquot, la France et ses alliés obtiendront en 1918 la maîtrise de l'air qui contribuera largement à leur victoire finale. En 1919, Albert Caquot est à l’origine de la création du musée de l'air français (aujourd’hui le musée de l’air et de l’espace du Bourget). C’est le plus ancien musée aéronautique du monde.

En 1935, il construit un hangar à double auvent de 120 m de long, 60 m de largeur sur 9 m de hauteur libre et ses annexes pour environ 10 000 m2 à Fréjus sur la base aéronavale. Ce hangar est toujours en activité.

En 1928, il devient le directeur général technique du ministère de l'Air nouvellement créé. Il pratique une politique de recherche, de prototypes et de production en séries qui redonne à la France l’industrie qu’elle mérite. Il lance aussi :

  • des initiatives de formation en mécanique des fluides, avec la construction en 1928 de l’École nationale supérieure d’aéronautique (Sup’Aero), qui va garantir l’excellent niveau scientifique de l’aviation française et prépare la naissance d’institutions comme l’ONERA (Office national des études et recherches aérospatiales) en 1946, dont il demeurera Président du comité scientifique jusqu’en 1961, et le CNES (Centre national d’études spatiales) en 1952.
  • la construction de laboratoires de recherche sur l'endurance des matériaux aux efforts alternés et d’une soufflerie géante à Chalais-Meudon en 1929[4] (120 m de longueur et 25 m de hauteur) permettant de tester un avion réel, avec moteur en route et pilote à bord. Cette soufflerie était la plus grande du monde et elle a servi à tester le Mirage III, la Caravelle et le Concorde, mais aussi des voiture (la 4 CV et la Coccinelle).

En 1934, les moyens lui étant refusés pour poursuivre, il préfère se retirer et se consacrer de nouveau au génie civil.

En 1938, sous la menace de la guerre, Albert Caquot est rappelé pour assurer la présidence commune de toutes les sociétés nationales d’aéronautiques. En juillet 1939, il reprend aussi le rôle de directeur général technique du ministère de l'Air mais, bien qu'ayant spectaculairement redressé la production d'avions, les obstacles qu’il rencontre de la part de l'état-major et la direction du Contrôle le conduisent à offrir sa démission en 1940.

L’homme

Son action a toujours été animée d’une grande indépendance d’esprit et d’un immense désintéressement. Les nombreuses distinctions honorifiques de tout pays qui lui furent décernées, entre autres la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur (1951), ont rendu hommage à ses mérites exceptionnels. Il présida de nombreuses organisations scientifiques françaises pendant plus de vingt ans, comme le Conseil national des ingénieurs français et la Société d’encouragement pour l’industrie nationale et fut administrateur d’Électricité de France pendant plus de dix ans. Il siégea 41 ans à l’Académie des sciences et en fut le président en 1952. En 1961, à 80 ans, Albert Caquot se démit volontairement de toutes les présidences qu’il avait toujours assurées bénévolement. Chaleureux, attentif et disponible, il était très épris du cadre familial.

Hommage

Le , un timbre de 4,50 FRF et 0,69  est émis pour le 120e anniversaire de la naissance et le 25e anniversaire de la mort de l'ingénieur Albert Caquot. Son portrait y voisine avec deux de ses créations : le ballon captif « saucisse » et le pont de la Caille[5]. Dessiné et gravé par Claude Andréotto, le timbre est imprimé en taille-douce en feuille de quarante et fut diffusé à 4,37 millions d'exemplaires.

Depuis 1989, le Prix Albert-Caquot est décerné chaque année par l'Association française de génie civil à un ingénieur pour l'ensemble de sa carrière, en particulier pour ses travaux scientifiques et techniques et pour ses projets et ses réalisations, mais aussi pour ses qualités morales et son rayonnement dans le monde de la construction. Une année sur deux, il est remis à un ingénieur français membre individuel de l'AFGC et, l'année suivante, à un ingénieur étranger. Fritz Leonhardt (1909-1999), Tung-Yen Lin (1912-2003) et Jean Muller font partie des récompensés.

Notes et références

Pour en savoir plus

Biographies

  • Jean Kerisel, Albert Caquot 1881-1976 - Savant, soldat et bâtisseur, août 2001
  • Jean et Thierry Kerisel, Bulletin de la SABIX, numero 28 spécial sur Albert Caquot, juillet 2001
  • 50 ans de l'École des Ponts en cent portraits, sous la direction de Guy Coronio, Presses de l'École Nationale des Ponts et Chaussées, février 1997
  • L'art de l'ingénieur de Peyronnet à Caquot, l'innovation scientifique liée à la pratique, Presses de l'École Nationale des Ponts et Chaussées, octobre 2004
  • Le Curieux Vouzinois, Hyppolyte Taine et Albert Caquot, par Jean Kerisel, Vouziers (Ardennes), 25 mars 2001
  • Sciences Ouest, numero 112, « L'École Polytechnique et la Bretagne. Le barrage et l'usine marémotrice de la Rance », juin 1995
  • L'Union, « Une journée particulière en hommage à Albert Caquot », Vouziers (Ardennes), 25 mars 1995
  • La Jaune et la Rouge, « Albert Caquot (X 1899) », par Robert Paoli (X 1931), novembre 1993

Articles connexes

Liens externes

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