Al-Wāt̠iq

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Al-Wathiq
Illustration.
Dinar d'al-Wathiq, frappé à Bagdad en 843.
Titre
9e calife du califat abbasside

(5 ans, 7 mois et 5 jours)
Prédécesseur Al-Mou'tassim
Successeur Al-Moutawakkil
Biographie
Dynastie Abbassides
Date de naissance début ou milieu des années 810
Lieu de naissance La Mecque
Date de décès
Lieu de décès Samarra
Nature du décès Resté trop longtemps dans une étuve très chaude
Père Al-Mou'tassim
Mère Qaratis (en)
Fratrie Al-Moutawakkil (demi-frère)
Al-Mousta'ine (demi-frère)
Enfants Al-Mouhtadi
Religion Islam sunnite

Abū Jaʿfar Hārūn ben Muḥammad al-Muʿtaṣim (en arabe : أبو جعفر هارون بن محمد المعتصم), connu sous le nom de règne (laqab) al-Wāthiq bi’llāh (en arabe : الواثق بالله), né sur le chemin de La Mecque dans les années 810 et mort en 847 à Samarra, est le 9e calife de la dynastie des Abbassides.

Il gouverne le califat de Samarra de la mort de son père Al-Mou'tassim en 842 à la sienne, en 847. Son demi-frère Al-Moutawakkil lui succède.

Règne[modifier | modifier le code]

À la mort d'Al-Mou'tassim le , son fils Al-Wathiq lui succède sans susciter d'opposition au sein de la cour. Son règne, relativement court, se fait dans la continuité de celui de son père puisque les affaires courantes continuent d'être expédiées par des hommes de main d'Al-Mou'tassim, à commencer par les généraux turcs Itakh (en), Wasif (en) et Ashinas (en), le grand vizir Ibn az-Zayyat (en) et le juge en chef de l'État Ahmad ibn Abi Dou'ad (en)[1]. Sa mère Qaratis (en) décède au début de son règne en accompagnant son demi-frère Ja'far en pèlerinage à La Mecque. Elle est enterrée à Koufa dans le palais de Dawoud ibn Issa ibn Ali al-Abbassi (gouverneur de la ville sous le califat de Hâroun ar-Rachîd)[2].

Révoltes au Cham et au Hedjaz[modifier | modifier le code]

Il y eut plusieurs révoltes au cours de son règne, au Cham et au Hedjaz. Ces révoltes ont pour origine le fossé grandissant séparant les populations arabes et les armées turques qui avaient été formées par le père d'Al-Wathiq, le calife Al-Mou'tassim. Ces révoltes ont été réprimées mais l'antagonisme entre ces deux groupes n'a fait qu'augmenter avec la prise de pouvoir progressive des Turcs.

Poursuite de la mihna[modifier | modifier le code]

Sous son règne, le mou'tazilisme reste le dogme officiel de l'État et le tribunal inquisitorial instaurée par son oncle paternel Al-Ma'moun poursuit ses activités.

Al-Wathiq maintient Ahmad ibn Hanbal en résidence surveillée mais, contrairement à son père Al-Mou'tassim, il ne le fait pas flageller, jugeant cette sanction contre-productive car elle augmente la popularité de l'imam[3]. Pendant plus de cinq ans, ce dernier ne peut sortir de chez lui que pour accomplir la prière en groupe et rien d'autre. On l'empêche également d'enseigner. Cependant, par un stratagème habile, il parvient à transmettre quelques traditions prophétiques à Baqi ibn Makhlad (ar), un étudiant venu d'Andalousie pour profiter de sa science[4].

C'est sous le règne d'Al-Wathiq que les savants musulmans Nou'aïm ibn Hammad (en) et Al-Bouwaïti meurent enchaînés en prison pour avoir refusé d'abjurer leur croyance au Coran incréé et en la vision de Dieu dans l'Au-delà[5].

Au printemps 846, Al-Wathiq se saisit d'As-Samsamah (la célèbre épée du compagnon Amr ibn Ma'adi Yakrib) et s'en sert pour décapiter le théologien anti-mou'tazilite Ahmad ibn Nasr al-Khouza'i (ar), malgré l'opposition du juge en chef de l'État Ahmad ibn Abi Dou'ad (en)[6].

À la suite d'un débat entre Ahmad ibn Abi Dou'ad et un vieil homme venu d'Adana (Abdoullah ibn Mouhammad ibn Ishaq al-Adhrami selon Ahmad ibn Abderrahmane ibn Ahmad ach-Chirazi), Al-Wathiq et son fils Mouhammad renoncent à la doctrine du Coran créé en 847. Selon certains auteurs Al-Wathiq met alors fin à l'inquisition, selon d'autres il ne fait rien pour l'arrêter et cette tâche revient à son demi-frère et successeur Ja'far[7],[8].

Guerre et paix avec les Romains[modifier | modifier le code]

L'Asie mineure et la frontière romano-abbasside à l'époque d'Al-Wathiq.

Après l'accession d'Al-Wathiq au califat, le régent romain Théoctiste le Logothète tente sans succès de reconquérir la Crète, alors au main d'un émirat vassal des Abbassides[9]. En 844, un raid commandé par Abou Saïd Mouhammad ibn Youssouf ibn Abderrahmane ath-Thoughouri (peut-être accompagné de l'émir de Malatya Omar al-Aqta) ravage la cité de Dorylée et atteint la rive orientale du Bosphore[10],[11]. Le régent Théoctiste décide de partir à la rencontre de l'armée musulmane, qui le défait lourdement à la bataille du Mauropotamos. Le califat abbasside est cependant incapable de capitaliser sur cette victoire en raison de ses nombreux problèmes internes[12]. L'Empire romain se trouvant dans une situation analogue, une trêve ainsi qu'un échange de prisonniers sont décidés entre les deux États[13]. Les Romains ayant beaucoup plus de prisonniers que les Abbassides, Al-Wathiq se met à acheter des esclaves dans les marchés de Bagdad et de Raqqa ainsi qu'à libérer des femmes grecques de son harem pour combler la balance. L'échange a lieu en au bord de la rivière Lamos (en) et voit les Abbassides récupérer près de 4 000 de leurs sujets (dont des centaines de femmes et une centaine de dhimmiyoune) selon Tabari[14].

Après l'expiration de la trêve, le gouverneur abbasside de Tarse (en) Ahmad ibn Saïd ibn Salm ibn Qoutaïbah lance un raid hivernal en territoire romain, mais celui-ci se solde par un échec : plus de 500 soldats musulmans meurent (beaucoup de noyades dans la rivière Podandos), environ 200 sont faits prisonniers et le butin ramené se limite à 1 000 bœufs et 10 000 chèvres. Furieux, Al-Wathiq limoge Ahmad ibn Saïd et le remplace par Nasr ibn Hamzah al-Khouza'i le [15]. Après cet épisode, la frontière romano-abbasside reste calme jusqu'en 851[16].

Mort et succession[modifier | modifier le code]

Le , il meurt dans une étuve d'eau trop chaude qu'il utilisait pour soigner son hydropisie[17].

À sa mort, un conseil (composé du grand vizir Ibn az-Zayyat (en), du juge en chef de l'État Ahmad ibn Abi Dou'ad (en), des généraux turcs Itakh (en) et Wasif (en) et de quelques autres dignitaires de l'État abbasside) se réunit choisir le nouveau calife. Ibn az-Zayyat propose le fils d'al-Wathiq, Mouhammad, comme successeur mais en raison de son jeune âge, il est écarté par les autres membres du conseil au profit de son demi-frère Ja'far[18],[19].

Personnalité et héritage[modifier | modifier le code]

Dépourvu des qualités d'un grand souverain, son bref règne ne se distingue pas par des événements notables. Par ailleurs, son caractère cupide, intolérant et libidineux tend à en faire un dirigeant impopulaire. On lui reconnaît cependant certains mérites comme sa générosité envers les pauvres des villes saintes de La Mecque et Médine ou encore sa bienveillance envers les membres de la famille alide[20].

À l'instar de son père et prédécesseur Al-Mou'tassim, il se fait le mécène de nombreux chercheurs et artistes. Lui-même féru de chant et de poésie, il est l'auteur de plus d'une centaine de chansons. Hammad, le fils d'Ishaq al-Mawsili, le considère comme le plus doué en chant de tous les califes et la personne la plus à même de chanter sur la mélodie du luth (oud)[21].

Calife réputé pour sa curiosité intellectuelle, il envoie deux grandes missions d'exploration pour découvrir deux lieux mentionnés dans la sourate Al-Kahf : la grotte des gens de la caverne et la barrière de Dhû-l-Qarnayn[20].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Kennedy 2005, p. 231.
  2. Ṭabarī 1989, p. 4.
  3. Ibn al-Jawzī 2016, p. 205.
  4. (ar) Al-Dhahabi, Siyar a'lam an-noubala (ar), vol. 13, Beyrouth, Mou'assasat Resalah (ar),‎ (lire en ligne), p. 293
  5. Ibn al-Jawzī 2016, p. 249.
  6. (en) Taha Jabir Alalwani (en) (trad. Nancy N. Roberts (en)), Apostasy in Islam : A Historical and Scriptural Analysis [« لا إكراه في الدين: إشكالية الردة والمرتدين من صدر الإسلام إلى اليوم »], International Institute of Islamic Thought,‎ , 157 p. (ISBN 978-1-56564-508-0 et 1-56564-508-1, OCLC 1155922639, lire en ligne), chap. 6 (« Muslim Scholars Who have been Accused of Apostasy »), p. 122
  7. Ibn al-Jawzī 2016, p. 206-212.
  8. Mostafa Brahami, Évolution historique du fiqh : Les six grands imams : Abû Hanîfa, Mâlik, Zayd, Ja'far, Shâfiî, Ahmad et les autres..., Lyon, Tawhid, , 431 p. (ISBN 978-2-84862-235-4 et 2-84862-235-0, OCLC 1033470062), chap. 6 (« L'imam Aḥmad ibn Ḥanbal »), p. 342 :

    « Dans ses derniers jours, al-Wâthiq commença à comprendre l'absurdité de cette croyance, mais il ne fit rien pour arrêter la machine répressive.

    Le nouveau calife, al-Mutawakkil (232-246H), lui, prit conscience de la folie de ses prédécesseurs. Il libéra l'imam Aḥmad et tous les autres prisonniers d'opinion, il congédia Ibn Abî Du'âd et rétablit la croyance orthodoxe, réaffirmant ainsi le caractère incréé du Coran. »

  9. Vasiliev 1935, p. 194-195.
  10. Vasiliev 1935, p. 196.
  11. Vasiliev 1935, p. 400.
  12. Vasiliev 1935, p. 198.
  13. Vasiliev 1935, p. 199.
  14. Ṭabarī 1989, p. 39-41.
  15. Ṭabarī 1989, p. 43-44.
  16. Vasiliev 1935, p. 204.
  17. Ṭabarī 1989, p. 51-52.
  18. Kennedy 2005, p. 232-233.
  19. Ṭabarī 1989, p. 68.
  20. a et b Zetterstéen, Bosworth et van Donzel 2001.
  21. (en) George Dimitri Sawa, Musical and Socio-Cultural Anecdotes from Kitāb Al-Aghānī Al-Kabīr : Annotated Translations and Commentaries, Leyde, Brill, , 465 p. (ISBN 978-90-04-38365-4 et 90-04-38365-4, OCLC 1051776096, lire en ligne), chap. 6 (« Solos, Accompaniment, and Ensemble Music »), p. 249

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]