Al-Isra

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17e sourate du Coran
Le voyage nocturne
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Informations sur cette sourate
Titre original سُورَةُ ٱلْإِسْرَاءِ,
Al-Isra
Titre français Le voyage nocturne
Ordre traditionnel 17e sourate
Ordre chronologique 50e sourate
Période de proclamation Période mecquoise
Nombre de versets (ayat) 111
Nombre de prosternations 1 (verset 107) ou 1 Ruku (si le verset est récité lors d'une prière)
Ordre traditionnel
Ordre chronologique

Al-Isra (arabe : سُورَةُ ٱلْإِسْرَاءِ, français : Le voyage nocturne) est le nom traditionnellement donné à la 17e sourate du Coran, le livre sacré de l'islam. Elle comporte 111 versets. Rédigée en arabe comme l'ensemble de l'œuvre religieuse, elle fut proclamée, selon la tradition musulmane, durant la période mecquoise.

Origine du nom[modifier | modifier le code]

Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique[1], la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate Le voyage nocturne, en référence aux premiers versets de cette sourate parlant du voyage de Mahomet que la littérature musulmane appelle Isra et Mi'raj[2].

« Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son serviteur de la Mosquée sacrée à la Mosquée très éloignée dont nous avons béni l'enceinte, et ceci pour lui montrer certains de nos Signes. Dieu est celui qui entend et qui voit parfaitement. »

— Coran, XVII, 1, Traduction D. Masson[3].

Historique[modifier | modifier le code]

Il n'existe à ce jour pas de sources ou documents historiques permettant de s'assurer de l'ordre chronologique des sourates du Coran. Néanmoins selon une chronologie musulmane attribuée à Ǧaʿfar al-Ṣādiq (VIIIe siècle) et largement diffusée en 1924 sous l’autorité d’al-Azhar[4],[5], cette sourate occupe la 50e place. Elle aurait été proclamée pendant la période mecquoise, c'est-à-dire schématiquement durant la première partie de l'histoire de Mahomet avant de quitter La Mecque[6]. Contestée dès le XIXe par des recherches universitaires[7], cette chronologie a été revue par Nöldeke[8],[9], pour qui cette sourate est la 67e.

Cette sourate est composée de 111 versets. À l’exception de quelques versets, elle respecte un schéma logique de rimes. Elle dialogue fortement avec la tradition biblique, que les auditeurs du Coran devaient bien connaître[10]. La péricope formée par les versets 22 à 39, contenant des instructions adressées aux croyants, a été qualifiée de Décalogue. Si elle ressemble au texte biblique des Dix Commandements, elle possède des différences importantes. Sa forme la place dans le contexte des débats théologiques de l’Antiquité tardive[10].

Cette sourate possède un style hétérogène, contenant des éléments narratifs, des polémiques, des débats... Elle est composée de sections thématiquement différentes, avec des transitions abruptes. Pour Neuwirth[Note 1], toute la sourate possède une dimension exégétique autour du premier verset[10].  Néanmoins, « de manière générale », la recherche considère que ce premier verset est séparé du reste de la sourate et qu’il pourrait être un ajout tardif[10].

Interprétations[modifier | modifier le code]

Verset 1 : le voyage de Mahomet[modifier | modifier le code]

Trois interprétations du verset XVII, 1 peuvent être distinguées[11]. Elles se différencient sur l'interprétation de l'expression masjid al-aqsa et sur la nature du voyage nocturne.

Une version estime que le voyage n'est pas corporel, mais une vision offerte par Dieu à Mahomet[12]. Une autre version estime que le voyage a été effectué corporellement vers un espace céleste[13], que désignerait le terme « la mosquée la plus lointaine » (al-masjid al-aqsa)[14]. Enfin, la seule version qui a été conservée par la postérité identifie al-masjid al-aqsa à Jérusalem ; cette interprétation est connue à partir du VIIIe siècle dans un texte d'Ibn Ishaq[15], mais la date à laquelle a été entérinée la liaison entre la mention coranique et la ville réelle, puis l'esplanade du Temple, reste sujette à débats[16]. L’interprétation comme désignant Jérusalem n’est qu’une « supposition plausible »[10].

Il est possible qu'elle ait été réalisée dès le règne d'Abd al-Malik (685-705) et s'expliquerait alors par des raisons politiques autant que religieuse[16]. Cette théorie serait confirmée par la symbolique architecturale du dôme, par le fait qu'à la même période est fixée la date du 27 Rajab[17]. Toutefois, l'absence du verset XVII, 1 dans les inscriptions du dôme du Rocher, et le fait que les sources rapportant la volonté des Omeyyades de détourner le pèlerinage soit partisanes entraînent Oleg Grabar à nuancer cette datation[18], d'autant que l'édification du dôme a lieu au moment de la défaite d'Ibn Zubayr[19]. L'identification du point de départ de Mahomet au Rocher sur lequel est construit le dôme apparaît dans le sources au Xe siècle seulement, avec le développement de la littérature liée au miraj, et se renforce après la première domination croisée sur Jérusalem (1099-1187)[20].

De plus, les traditions ont petit à petit mélangé les deux récits du voyage au al-masjid al-aqsa à celui de l’ascension céleste. Le verset 1 ne semble pas attester de ce mélange. Verset qui semble déconnecté du reste de la sourate, il est « très probable » qu’il s’agisse d’un ajout plus tardif[10].

Versets 22-39 : instructions[modifier | modifier le code]

Ces versets forment un ensemble d'instructions morales à rapprocher du Décalogue biblique[21]. Quelques ajouts y ont été faits. Stefanidis remarque une différence dans la personne à qui sont adressées ces instructions. Cela est lié à un ajout tardif, probablement médinois, des versets 31-35[21]. Pour Stefanidis, le verset 22, sous-entendant que Mahomet pourrait adorer d'autres divinité qu'Allah, gênait les exégètes qui ont élargie la portée de ce verset à l'humanité[21].

Pour Zellentin, le commandement de ne pas gaspiller est issu de la poésie pré-islamique. De même, l'interdiction de l'infanticide est un thème courant dans les littérature juives et chrétiennes. La liste des prohibitions de ce passage coranique possède une "affinité spéciale" avec la Didascalie des apôtres. Cette comparaison montre que les instructions coraniques sont des adaptations au contexte arabe de la tradition légale judéo-chrétienne[21].

Pour Younes, la version classique du Coran (dans son édition égyptienne) du verset 38 qui peut être traduite par "Ce qui est mauvais en tout cela est détesté de ton Seigneur" confond le nom sayyi' avec l'adjectif homonyme et signifie "c'est tout le mal, haineux pour le Seigneur"[21].

Les "enfants d'Israël"[modifier | modifier le code]

Cette sourate utilise à plusieurs reprises le terme de Banū Isrāʾīl, signifiant les « enfants d'Israël ». Ce terme apparaît pendant la période mecquoise pour désigner les juifs alors que durant la période médinoise, le terme Yahud est préféré[22].

Le terme désigne à la fois les Juifs de l'époque de Moïse mais aussi ceux vivants à l'époque de Mahomet. Ce terme peut parfois inclure aussi les chrétiens. Il est utilisé pour mettre en valeur l'ancienneté de la tradition monothéiste au-delà des oppositions religieuses[22].

Galerie[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • M.B. Mortensen, "Sourate 17", Le Coran des Historiens, t.2a, 2019, p. 653 et suiv.
  • R. Paret, Der Koran. Kommentar und konkordanz, 1980[Note 2].

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Les islamologues ont utilisé plusieurs approches pour tenter de dater les différentes sourates du Coran. Paret et Neuwirth appartiennent à l’« école allemande » qui, à la suite de Nöldeke, s’appuie sur la chronologie traditionnelle et sur un récit « laïcisé » des traditions musulmanes. Autrefois dominant dans les études islamologiques, ce paradigme nöldekien n'est plus qu'« en partie présent ». Les auteurs du Coran des historiens appartiennent davantage à l’autre courant (dit « sceptique ») qui prend davantage en compte une critique des sources traditionnelles. Voir : Historiographie de l'islam et du Coran
  2. En 2019, seuls deux ouvrages peuvent être considérés comme des commentaires scientifiques et continus du texte coranique. Il s'agit du Commentary on the Qur'an de Richard Bell publié en 1991 (aujourd'hui daté) et du Coran des historiens publié en 2019. L'ouvrage de Paret s'inscrit, avec ceux de Blachère, Khoury et Reynolds, dans un ensemble de traduction avec apparat critique. Voir : Sourate

Références[modifier | modifier le code]

  1. A. Chouraqui, Le Coran, traduction et commentaires, 1990, p. 15.
  2. A. Chouraqui, Le Coran : L'appel, France, Robert Laffont, , 625 p. (ISBN 2221069641)
  3. Le Coran, vol. 1, Paris : Gallimard, 1967, p. 340
  4. G.S. Reynolds, « Le problème de la chronologie du Coran », Arabica 58, 2011, p.477-502.
  5. R. Blachère, Introduction au Coran, p.244.
  6. R. Blachère, Le Coran, 1966, p. 103.
  7. M. Azaiez, « Chronologie de la Révélation »
  8. G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianus n°95, 2011, p. 247-270.
  9. E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorâns' Chronological Reordering », Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008, p.13.
  10. a b c d e et f M.B. Mortensen, "Sourate 17", Le Coran des Historiens,t.2a, 2019, p. 653 et suiv.
  11. B. Schrieke, « Miʿrad̲j̲. 1. — Dans l’exégèse islamique et la tradition mystique du monde arabe.», Encyclopédie de l'Islam, Leyde : Brill ; M.-A. Amir-Moezzi, « Me'rāj », Encyclopaedia Iranica, [2]
  12. Jacqueline Chabbi, Le Seigneur des tribus : L'islam de Mahomet, Paris, CNRS éditions, , 730 p. (ISBN 978-2-271-06711-1), p. 517 note 235
  13. Dans le Dictionnaire du Coran, p. 95, E. Geoffroy indique : « Le 'Sanctuaire très éloigné', selon les premiers musulmans, qualifiait le prototype céleste de la Ka'ba, ou encore 'le ciel le plus éloigné' de la terre, ce qui constituait dès lors une allusion à l'ascension du Prophète »
  14. Le terme masjid, traduit habituellement par « mosquée » ou « sanctuaire », ne désigne pas nécessairement une construction, mais littéralement le « lieu de la prosternation » (sujud)
  15. Oleg Grabar, La formation de l'art islamique, Paris : Flammarion, 2000, p. 74
  16. a et b E. Geoffroy, « Ascension céleste », Dictionnaire du Coran, Paris : Robert Laffont, 2007, p. 95-96
  17. Deux points mentionnés par J. et D. Sourdel à l'article « Coupole du Rocher » du Dictionnaire historique de l'islam, p. 224
  18. Oleg Grabar, La formation de l'art islamique, Paris : Flammarion, 2000, p. 73-74
  19. Françoise Micheau, p. 33
  20. Françoise Micheau, p. 36; J. et D. Sourdel, « Coupole du Rocher », Dictionnaire historique de l'islam, Paris : PUF, 2004, p. 224
  21. a b c d et e M. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016). The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter., passage QS 18 Q 17:22–39
  22. a et b Goitein, S.D., “Banū Isrāʾīl”, in: Encyclopaedia of Islam, Second Edition, Edited by: P. Bearman, Th. Bianquis, C.E. Bosworth, E. van Donzel, W.P. Heinrichs.