Isabelle (papillon)

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Graellsia isabellae

Graellsia isabellae
Description de cette image, également commentée ci-après
De haut en bas : mâle, femelle et chenille.
Classification
Règne Animalia
Embranchement Arthropoda
Classe Insecta
Ordre Lepidoptera
Super-famille Bombycoidea
Famille Saturniidae
Sous-famille Saturniinae

Genre

Graellsia
Grote, 1896

Espèce

Graellsia isabellae
(Graëlls, 1849)

Répartition géographique

Description de cette image, également commentée ci-après
Répartition en Europe occidentale.

Statut de conservation UICN

DD  : Données insuffisantes

L’Isabelle (Graellsia isabellae, ou parfois Actias isabellae) est une espèce de lépidoptères (papillons) nocturnes de la famille des Saturniidae. Elle est l'unique représentante du genre monotypique Graellsia. Cette espèce à l'apparence spectaculaire, l'un des plus grands papillons d'Europe, est endémique de certaines régions montagneuses d'Espagne et du Sud de la France.

Description[modifier | modifier le code]


Biologie[modifier | modifier le code]

Phénologie[modifier | modifier le code]

L'Isabelle est univoltine et sa période de vol s'étend de fin mars à juillet[réf. souhaitée].

Biotopes[modifier | modifier le code]

Les habitats de l'Isabelle sont les clairières et lisières (écotone) des forêts de pin, entre 1 000 m et 1 800 m d'altitude. Les typologies phytosociologiques du référentiel Corine Biotope sont Forêts de Pin de montagne à Ononis (Code CORINE : 42.4215, Ononido-Pinetum uncinatae) et Forêts supra-méditerranéennes de Pin sylvestre (Code CORINE : 42.59, Pinetum sylvestris, Buxo-Quercetum hylocomio-Pinetosum)[réf. souhaitée].

Plantes hôtes[modifier | modifier le code]

Les plantes hôtes sont le pin sylvestre (Pinus sylvestris), et parfois le pin à crochets (Pinus uncinata) ainsi que le Pin laricio. Les chenilles consomment les aiguilles, et semblent préférer les plus âgées (plus d'un an)[1].

Cycle de développement[modifier | modifier le code]

Les femelles vierges émettent une phéromone sexuelle qui attire les mâles quand la température est supérieure à 13 °C[2]. La femelle pond durant plusieurs jours 90 œufs en moyenne[3], juste après un long accouplement (deux à quatre heures) lequel peut se produire d'avril à juin au fur et à mesure de l'émergence de nouveaux adultes. Les œufs sont collés par groupes de deux ou trois sur les rameaux terminaux des pins. En laboratoire, 75 % des œufs sont pondus dans les 72 heures suivant la fécondation, mais souvent stériles (0 à 80 % des œufs, peut-être en raison des conditions d'élevage du papillon)[1].

Les chenilles éclosent 10 à 20 jours après la ponte, selon la température. Elles se développent en six stades, sur une durée de 29 à 45 jours, se nourrissant du mois de juin au début du mois d'août. Il semble que certains clones ou écotypes de pins puissent nuire au développement des chenilles[4].

Le sixième stade est celui du tissage par la chenille dans la litière végétale d'un cocon grossier brun, mêlé d'aiguilles de résineux, généralement contre une grosse pierre ou sous une écorce. La chrysalide entre alors en diapause hivernale, jusqu'en avril-juin de l'année suivante.

Les imagos (c'est-à-dire les papillons adultes) émergent dès le début avril lorsque la température atteint 20 à 25 °C, pour une hygrométrie de 70 à 80 % d'humidité[2], et donc plus tardivement en altitude et sur les versants froids, ou dans les vallées froides. Dans une même zone géographique, les éclosions peuvent être échelonnées sur plus de trois mois, avec néanmoins plus de 90 % des émergences en avril-mai[1].

De nombreux hybrides ont été obtenus depuis 20 ans[Quand ?] avec le genre plutôt asiatique Actias.[réf. souhaitée]

Comportement des adultes[modifier | modifier le code]

Les imagos ont une activité crépusculaire, plus intense durant les deux ou trois premières heures de la nuit. Ils passent la journée immobiles, cachés sur les troncs, dans les branches et les aiguilles des arbres.

Ils ne s'alimentent pas[5], consacrant leur courte vie (de deux à seize jours ; huit jours en moyenne en captivité pour les femelles et cinq pour les mâles) à la reproduction. Le mâle peut théoriquement repérer de très loin la femelle grâce aux capteurs de phéromones de ses larges antennes plumeuses.

Répartition et sous-espèces[modifier | modifier le code]

L'Isabelle ne se rencontre à l'état naturel que dans quelques massifs montagneux de France et d'Espagne. Plusieurs sous-espèces ont été décrites mais elles ne varient que très peu.

La sous-espèce nominale isabellae a été décrite au XIXe siècle en Espagne, où elle est connue aux environs de Madrid dans la Sierra de Guadarrama, ainsi que dans les Montes Universales et les Sierras de Javalambre et de Gudar. Au XXe siècle sont aussi décrites : la sous-espèces ceballosi localisée dans le nord de l'Andalousie dans les Sierras de Segura et de Cazorla, la sous-espèce paradisea en Catalogne et dans les Pyrénées orientales espagnoles et françaises, et la sous-espèce roncalensis dans les Pyrénées espagnols centrales et occidentales[6].

La sous-espèce présente dans les Alpes françaises, appelée galliaegloria, a été décrite en 1922 par Charles Oberthür à la suite de sa découverte dans la région de Briançon, près de L'Argentière-la-Bessée. Sa présence est attestée dans les départements des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence[7].

Systématique[modifier | modifier le code]

L'espèce actuellement appelée Graellsia isabellae a été décrite par le naturaliste espagnol Mariano de la Paz Graëlls y de la Aguera (en) en 1849 sous le nom initial de Saturnia isabellae[8]. La station étudiée était la Sierra de Guadarrama en Espagne.

Le genre Graellsia a été décrit par l’entomologiste anglais Augustus Radcliffe Grote en 1896[9], avec pour espèce type Saturnia isabellae, qui en reste aujourd'hui l'unique espèce, sous le nom de Graellsia isabellae[10],[11].

Une partie des auteurs actuels, notamment des auteurs français, traitent cependant cette espèce sous le nom d’Actias isabellae[7],[12], considérant Graellsia comme un synonyme d’Actias.

Noms vernaculaires[modifier | modifier le code]

  • En français : l'Isabelle, le Bombyx Isabelle, l'Isabelle de France, le Papillon vitrail[13].
  • En espagnol : mariposa isabelina.
  • En anglais : Spanish moon moth.

L'Isabelle et l'Homme[modifier | modifier le code]

Statut et menaces[modifier | modifier le code]

Ce papillon a une répartition morcelée et a été, lorsqu'il était plus rare au XXe siècle, menacée par l'intérêt que les collectionneurs lui portaient. Il est pour cette raison totalement protégé en France (œufs, larves, chrysalides, adultes, morts ou vivants)[14]. Il est d'ailleurs historiquement le premier insecte à avoir reçu ce statut en France, en 1976[15].

De nos jours des populations assez vastes sont connues dans les Alpes françaises, et l'espèce semble moins menacée qu'autrefois, voire en forte expansion. Elle semble avoir beaucoup profité des reboisements des pentes alpines par le pin sylvestre, sa plante hôte, là où le pastoralisme a reculé. Il a d'ailleurs été suggéré que cette espèce puisse ne pas être autochtone dans les Alpes, mais avoir été introduite par des amateurs au tout début du XXe siècle, ce qui expliquerait sa rareté initiale et son expansion constante depuis[16]. Des analyses génétiques publiées en 2016 contredisent cependant cette hypothèse, montrant que l'espèce est probablement autochtone et aurait colonisé les Alpes pendant l'Holocène en accompagnant l'expansion de sa plante hôte[17]. Elle aurait ensuite trouvé refuge dans une toute petite zone durant les siècles passés, lorsque les Alpes étaient très déboisées[16]. Un autre foyer alpin dans le Valais en Suisse, de découverte plus récente et considéré comme non autochtone, est aussi en expansion.

Cinéma[modifier | modifier le code]

Dans Le Papillon, comédie dramatique de Philippe Muyl avec Michel Serrault et Claire Bouanich sortie en 2002, Serrault interprète un septuagénaire passionné de papillons à la recherche d'une espèce toute particulière, l'Isabelle.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Ylla J., 1997.
  2. a et b Maso A. & Willien P., 1989.
  3. Vuattoux, R., 1980.
  4. Fiche CNRS/INIST Zeitschrift für Angewandte Entomologie (Z. Angew. Entomol.), ISSN 0044-2240. CODEN ZANEAE
  5. Éditions Larousse, « Encyclopédie Larousse en ligne - papillon de nuit », sur www.larousse.fr (consulté le )
  6. Contribution à la connaissance de Graellsia isabelae galliaegloria Oberthur (Lepidoptera, Attacidae) connu uniquement en France, par le collectif : OPIE, Parc National des Ecrins, Parc naturel régional du Queras, Laboratoire des médiateurs chimiques (INRA - Versailles), Station de Zoologie forestière (INRA - Orléans), Amateurs éleveurs adhérents de l'OPIE, dans le Rapport d'études de l'OPIE, vol. 3, décembre 1998, [1].
  7. a et b « Actias isabellae », sur Lépi'Net (consulté le ).
  8. Graëlls 1849
  9. Grote, 1896, Mitt. Roemer-Museum, Hildesh. 6: 3.
  10. FUNET Tree of Life, consulté le 13 décembre 2020
  11. MNHN & OFB [Ed]. 2003-présent. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), Site web : https://inpn.mnhn.fr, consulté le 13 décembre 2020
  12. (de) Lepiforum.
  13. MNHN & OFB [Ed]. 2003-présent. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), Site web : https://inpn.mnhn.fr, consulté le 20 octobre 2019
  14. Arrêté du 23 avril 2007 fixant les listes des insectes protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
  15. Carlos Lopez Vaamonde, Cartographie d’Actias isabellae galliaegloria dans les Alpes françaises à l’aide d’un piège attractif non destructif utilisant une phéromone synthétique (Lep. Saturniidae), 2013, [2].
  16. a et b Guillaume Leraut, Actias isabellae (Graëlls, 1849) dans les Alpes françaises : espèce patrimoniale ou invasive ?, Revue Française d'Entomologie Générale, 1 (4) 253-274, janvier 2020, [3].
  17. Marí-Mena et al., 2016.

Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Publication originale : (en) Graëlls, « Description d'un Lépidoptère nouveau de la tribu des Saturnides, appartenant à la Faune entomologique espagnole », Revue et Magasin de Zoologie, vol. 2, no 1,‎ , p. 601–602 (lire en ligne).
  • P.C. Rougeot, P. Viette, Guide des papillons nocturnes d'Europe et d'Afrique du Nord, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1978.
  • (en) Neus Marí-Mena, Carlos Lopez-Vaamonde, Horacio Naveira, Marie-Anne Auger-Rozenberg et Marta Vila, « Phylogeography of the Spanish Moon Moth Graellsia isabellae (Lepidoptera, Saturniidae) », BMC Evolutionary Biology, BMC et Springer Science+Business Media, vol. 16, no 1,‎ , p. 139 (ISSN 1471-2148, DOI 10.1186/S12862-016-0708-Y)Voir et modifier les données sur Wikidata.