Acipenseridae

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Les esturgeons (Acipenseridae) forment une famille de poissons peuplant exclusivement l'hémisphère nord.

C'est l'une des plus anciennes familles de poissons osseux. Les esturgeons fréquentent les rivières subtropicales, tempérées et sub-arctiques, les lacs et les côtes de l'Eurasie et d'Amérique du Nord. Ils se distinguent par leur corps allongé, l'absence d'écailles et une grande taille occasionnelle, allant généralement de 2 à 3 m de longueur ; certaines espèces atteignent jusqu'à 5,5 m. La plupart des esturgeons sont des prédateurs benthiques anadromes, qui s'alimentent dans les deltas, les lagunes, les limans et les estuaires mais remontent les cours d'eau pour pondre ; certains sont tout à fait dulçaquicoles, et très peu s'aventurent dans l'océan au-delà du plateau continental.

Plusieurs espèces d'esturgeons sont pêchées pour leurs œufs, le caviar, mais aussi pour leur chair. Leur croissance lente et leur maturité tardive les rendent particulièrement vulnérables à la surpêche et à d'autres menaces, comme la pollution et la fragmentation de leur habitat. La plupart des espèces d'esturgeons sont actuellement considérées comme menacées d'extinction.

Entre 1970 et 2012, les populations d'esturgeons vivant dans les lacs et les rivières ont chuté de 94 %[2].

Description[modifier | modifier le code]

Crâne d'esturgeon, vue externe et interne, collection du Muséum de Paris.
Dans un élevage de Corée du Sud, un béluga tente d'échapper au reporter Steve Herman (en).

Bien qu'ils appartiennent à la super-classe des Osteichthyes (poissons osseux), les esturgeons ont un squelette principalement cartilagineux, caractéristique de la sous-classe des chondrostéens. Ils n'ont pas d'écailles : leur corps est partiellement recouvert de plaques osseuses nommées scutelles. Ils ont quatre barbillons tactiles devant leur bouche, dépourvue de dents mais capable d'aspirer tout ce qui vit sur le fond. Ce sont principalement des prédateurs benthiques. Avec leur rostre ils fouillent la vase, et utilisent leurs barbillons pour détecter des mollusques, des crustacés et de petits poissons dont ils se nourrissent. Les esturgeons sont immédiatement reconnaissables à leur corps allongé, à leur rostre plat, à leurs scutelles et leurs barbillons ainsi qu'au lobe supérieur allongé de leur nageoire caudale.

Les esturgeons ont parfois été qualifiés de « Léviathans » ou de « Mathusalems » des poissons d'eau douce. Ils sont parmi les plus grands poissons : certains béluga âgés des mers Noire et Caspienne peuvent atteindre 7,5 m pour 1 570 kg, tandis que le calouga du fleuve Amour atteint une longueur similaire et une masse supérieure à 1 000 kg. Leur longévité est l'une des plus grandes parmi les poissons : certains vivent plus de 100 ans et atteignent leur maturité sexuelle à 20 ans ou plus. La combinaison d'une croissance lente et d'une maturité tardive rendent l'esturgeon particulièrement vulnérable à la surpêche. Les esturgeons sont polyploïdes ; certaines espèces ont quatre, huit ou 16 jeux de chromosomes.

Étymologie et taxonomie[modifier | modifier le code]

Le mot « esturgeon » est un emprunt fait à l'ancien bas francique sturio, d'où le néerlandais steur, comparable à l'allemand Stör, vieil anglais styria, vieux norrois styrja.

Le nom de la famille a été attribué d'après celui de l'un des genres. L'étymologie de Acipenser est incertaine, une simple étymologie latine est improbable du fait de la terminaison par er, cependant ce terme pourrait dériver de acupensum via acipensis à la suite de réajustements morpho-phonologiques, dérivant de acus pour « aiguille » et de pensum pour « fuseau ». Acipenser désignerait donc les barbillons en fuseau de son rostre[3].

Liste des genres[modifier | modifier le code]

Évolution[modifier | modifier le code]

Histoire fossile[modifier | modifier le code]

Yanosteus longidorsalis, un membre de la famille éteinte des Peipiaosteidae (en) acipensériformes du Crétacé inférieur (125-120 Ma) trouvé dans la Formation d'Yixian à Liaoning, en Chine.

Des Acipenseriformes sont visibles parmi les fossiles d'il y a environ 174 à 201 millions d'années (Ma) au cours du Jurassique inférieur, ce qui en fait les plus anciens actinoptérygiens encore vivants[4]. Les vrais esturgeons apparaissent dans le registre fossile au cours du Crétacé supérieur. Au cours de cette période, les esturgeons ont subi remarquablement peu de changements morphologiques, ce qui indique que leur évolution a été exceptionnellement lente et leur vaut le statut informel d'espèce panchronique[5],[6]. Cela s'explique en partie par le long intervalle entre les générations, la tolérance à de larges plages de température et de salinité, l'absence de prédateurs en raison de leur taille et de leurs scutelles, et l'abondance de proies dans l'environnement benthique. Bien que leur évolution ait été remarquablement lente, ils sont un Ordre très évolué, et ne ressemblent pas étroitement à leurs ancêtres chondrostéens. Ils partagent cependant plusieurs caractéristiques anciennes, telles que la queue hétérocerque, la squamation réduite, plus de rayons de nageoires que d'éléments osseux de soutien, et une attache unique de la mâchoire[7].

Les esturgeons et l'homme[modifier | modifier le code]

Vendeuses d'esturgeons de la Caspienne sur un marché à Türkmenbaşı (Turkménistan).

Utilisations[modifier | modifier le code]

Les esturgeons renvoient depuis le XIXe siècle à une image de grand luxe à cause du caviar qu'ils produisent, jadis réservé à la noblesse russe et plus récemment à la nomenklatura et à l'exportation vers les pays riches. Outre ses œufs, l'esturgeon fournit une chair prisée qui accompagne traditionnellement le caviar, mais aussi un cuir de prestige[8] utilisé dans la maroquinerie de luxe. Cette réputation a contribué à sa surpêche et à sa disparition dans presque la totalité de son aire de répartition.

Avant 1800, les vessies natatoires d'esturgeon (principalement du béluga) ont été utilisées comme une source de colle de poisson, une forme de collagène utilisée historiquement pour la clarification de la bière, comme un prédécesseur de la gélatine.

Espèces menacées[modifier | modifier le code]

Les esturgeons étaient autrefois présents dans toute l'Europe. Jusqu'au XIVe siècle, ils semblent encore présents dans une grande partie de la France. Ainsi au XVe siècle on pouvait les pêcher en pleine ville dans la petite rivière de Valenciennes (aujourd'hui souterraine sous des voûtes de brique) : « le vingt-quattriesme d'apvril dudit an 1648, à Valentienne, at esté prins en la rivierette Descronais, à l'opposite de la ruelle Haprois, un esturgeon lequel pesoit cent trente cinq livres »[9], ce qui laisse penser qu'ils étaient encore présents dans tout l'Escaut et nombre de ses affluents.

Conservation[modifier | modifier le code]

La plupart des espèces d'esturgeons sont désormais protégées, et figurent dans l'appendice III de la convention de Berne, leur commerce est également limité en vertu de l'appendice II de la CITES.

Culture[modifier | modifier le code]

Amalberge de Tamise avec son esturgeon.

Selon une légende franque, la noble moniale Amalberge de Tamise vivant en Flandre avait pour emblème un esturgeon.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Richard Van Der Laan, William N. Eschmeyer et Ronald Fricke, « Family-group names of Recent fishes », Zootaxa, vol. 3882, no 1,‎ , p. 1 (ISSN 1175-5334 et 1175-5326, DOI 10.11646/zootaxa.3882.1.1, lire en ligne, consulté le )
  2. « En quarante ans, 88 % des grands animaux d’eau douce ont disparu », sur France 24,
  3. (it) Renato Oniga, « Etimologia e struttura morfologica di Acipenser », De lingua Latina novae quaestiones acta
  4. (en) Eric J. Hilton, Lance Grande et Fan Jin, « Redescription of † Yanosteus longidorsalis Jin et al., (Chondrostei, Acipenseriformes, †Peipiaosteidae) from the Early Cretaceous of China », Journal of Paleontology, vol. 95, no 1,‎ , p. 170–183 (ISSN 0022-3360, DOI 10.1017/jpa.2020.80, lire en ligne)
  5. B. G. Gardiner (1984) Sturgeons as living fossils. Pp. 148–152 in N. Eldredge and S.M. Stanley, eds. Living fossils. Springer-Verlag, New York.
  6. J. Krieger et P.A. Fuerst, « Evidence for a Slowed Rate of Molecular Evolution in the Order Acipenseriformes », Molecular Biology and Evolution, vol. 19, no 6,‎ , p. 891–897 (PMID 12032245, DOI 10.1093/oxfordjournals.molbev.a004146 Accès libre)
  7. Gene Helfman, Bruce B. Collette, Douglas E. Facey et Brian W. Bowen, The Diversity of Fishes: Biology, Evolution, and Ecology, John Wiley & Sons, , 252– (ISBN 978-1-4443-1190-7, lire en ligne)
  8. Voir sur montres-de-luxe.com.
  9. Pierre Le Boucq, Amédée Le Boucq de Ternas (1857) Histoire des choses les plus remarquables advenues en Flandre, Hainaut, Artois et pays circonvoisins depuis 1596 jusqu'à 1674 ; Vve Ceret-Carpentier (voir p 73).

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Références taxinomiques[modifier | modifier le code]