...explosante-fixe...

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…explosante-fixe… est une pièce musicale composée par Pierre Boulez. Conçue à l'origine, en 1971, comme un mémorial pour Igor Stravinsky, décédé en avril de la même année, il existe plusieurs versions différentes et successives de l'œuvre, composées par Boulez entre 1972 et 1993, et culminant dans une pièce mixte pour flûte-MIDI solo et orchestre de chambre.

Origine du titre[modifier | modifier le code]

Le titre de l'œuvre est une citation extraite de la phrase de conclusion du premier chapitre de L'Amour fou (1937) d'André Breton : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle, ou ne sera pas[1] ».

Histoire de l’œuvre[modifier | modifier le code]

La première version de …explosante-fixe… (1971-1972) consiste en un morceau aléatoire d'une page en sept parties intitulées, d’après certaines sources, Originel et Transitoires II-VII[2], bien que le manuscrit (dont la publication comporte deux pages de musique et douze pages d'instructions) porte le titre de la main du compositeur [... Explosante-fixe ...], et les indications « Originel » et « Transitoires II–VII » sont alors les noms des groupes selon lesquels le morceau est divisé[3]. Les sept parties représentent chacune un membre d'une série de sept notes issue de la section « Originel » : mi ♭, sol, ré, la ♭ , si ♭, la, mi, qui est un emblème du mémorial de Stravinsky pour lequel elle a été composée (la note mi , tenue au début, est prononcée Es en notation allemande, qui s'apparente à la lettre « S » pour « Stravinsky »)[4],[5]. Les hauteurs de cette série seront plus tard réutilisées dans Rituel[6]. Dans cette forme d'origine, les instruments ne sont pas indiqués[2], bien qu'une possible notation pour deux violons, deux flûtes, deux clarinettes et harpe soit suggérée[7]. Comme la plupart des autres pièces en mémoire de Stravinsky, cela reflète l'instrumentation de deux brèves œuvres commémoratives écrites par Stravinsky lui-même en 1959 : l' Epitaphium pour flûte, clarinette et harpe, et le Double Canon (à la mémoire de Raoul Dufy) pour quatuor à cordes[8].

Les deux années suivantes, Boulez développe ...explosante-fixe... en une œuvre pour flûte solo, accompagnée par un ensemble composé de : clarinette, trompette, harpe, vibraphone, violon, alto, violoncelle et électronique[2]. Les représentations  de cette version font usage d'un nouveau dispositif récemment créé connu sous le nom de Halaphone[2]. Selon l'inventeur Hans-Peter Haller, le Halaphone est capable de « projeter des sons dans différentes directions et à différentes vitesses à volonté, et de les projeter de point à point, les faisant bouger en cercles autour de la salle, ou en les faisant se déplacer en diagonale à travers la salle »[9].

Boulez, cependant, était finalement  insatisfait avec l'électronique[2]. Il y avait en fait deux versions principales : — une version « préliminaire » basée sur le squelette de la partition générale non détaillée, et écrite pour un trio violon, clarinette, trompette, d'abord interprétée par le London Sinfonietta, à St John's, Smith Square, en , — et une version plus longue, plus complexe, et apparemment définitive pour septuor, créée à New York le et par la suite révisée à plusieurs reprises, pour des concerts à Rome le , aux concerts des Proms à Londres, en , au Festival de Donaueschingen, le (date à laquelle l’œuvre était devenue un octuor) et au Théâtre d'Orsay , à Paris, dans le cadre du Festival d'automne 1974, où elle fit sensation[10]. Ces révisions impliquent des changements dans l'ordre des sections et la réécriture de six des huit parties instrumentales. En tout, il existe quatre versions différentes pour la flûte, trois versions chacun pour l'alto et le violoncelle, deux versions chacun pour la trompette, le violon et la clarinette, mais une seule version chacun pour le vibraphone et la harpe, qui diffèrent d'une version à l'autre seulement dans l'ordre de leurs éléments constitutifs[11]. Boulez a retiré le matériel de ces versions, principalement en raison de son insatisfaction avec la trop audible défaillance de l'électronique, et en particulier de l'ordinateur à bande qui était  destiné à diriger la version sans chef d'orchestre pour les Proms de 1973, mais aussi en reconnaissance du fait que, finalement, la partition requérait bel et bien un orchestre symphonique[12],[13].

La version suivante de ...explosante-fixe..., pour vibraphone et électronique, n'a été composée qu'en 1986[2]. Au cours de cette période, des éléments de la matière d'origine de la pièce apparaissent  dans d'autres œuvres de Boulez, spécifiquement Rituel (1975) et Mémoriale (1985)[14].

Entre 1991 et 1993, alors à l'IRCAM[2], Boulez compose une nouvelle version de ...explosante-fixe..., pour flûte-MIDI solo avec électronique en temps réel, deux flûtes "ombres"  et orchestre de chambre[14],[15]. Cette version a été créée à Turin, en Italie , le , par l'Ensemble intercontemporain[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « ...explosante-fixe... » (voir la liste des auteurs).
  1. Annie Labussière et Jean-Marc Chouvel, « Pierre Boulez : Mémoriale (…explosante-fixe… originel) », Musurgia: Analyse et pratique musicales 4, no 1 (1997) p. 42–66. Citation page 44, extraite de : André Breton, « L'Amour fou », Œuvres complètes (Paris, Gallimard, coll. Pléiade, 1992), 2:687.
  2. a b c d e f et g Javier Alejandro Garavaglia, « Raising Awareness about Complete Automation of Live-electronics: A Historical Perspective », dans Auditory Display: 6th International Symposium, CMMR/ICAD 2009, Copenhagen, Denmark, May 18–22, 2009, éd. Sølvi Ystad, p. 443–445, revue dans Computer Science 5954 ; LNCS Sublibrary SL 3 (Berlin et New York, Springer, 2010).
  3. Pierre Boulez, Elliott Carter, Aaron Copland, Alexander Goehr, Elisabeth Lutyens, Darius Milhaud et Roger Sessions, [Supplement] : « In Memoriam: Igor Stravinsky. Canons & Epitaphs, Set 2 ». Tempo, new series, no. 98 (1972) : [13–26 sur 27 pages non paginées (insérées entre les pages pages 22 et 23), la citation figure page 13].
  4. (en) Susan Bradshaw, « Comparing Notes », Musical Times 137, no. 1844 (octobre 1996) p. 5–12. Citation page 8.
  5. Annie Labussière et Jean-Marc Chouvel, "Pierre Boulez: Mémoriale (…explosante-fixe… originel)", Musurgia: Analyse et pratique musicales 4, no. 1 (1997) p. 42–66.
  6. (en) Edward Campbell, Boulez, Music and Philosophy, Music in the Twentieth Century 27 (Cambridge and New York: Cambridge University Press, 2010) (ISBN 978-0-521-86242-4), p. 206.
  7. Pierre Boulez, Elliott Carter, Aaron Copland, Alexander Goehr, Elisabeth Lutyens, Darius Milhaud et Roger Sessions, [Supplement]: « In Memoriam: Igor Stravinsky. Canons & Epitaphs, Set 2 ». Tempo, new series, no. 98 (1972): [13–26 sur 27 pages non paginées, citation page 25–26].
  8. Pierre Boulez, Elliott Carter, Aaron Copland, Alexander Goehr, Elisabeth Lutyens, Darius Milhaud et Roger Sessions, [Supplement] : « In Memoriam: Igor Stravinsky. Canons & Epitaphs, Set 2 ». Tempo, new series, no. 98 (1972): [27 pages non paginées, note éditoriale page 27].
  9. New York (20 janvier 1973). (en) « New German Invention Alters Sound Direction », Billboard, p.46. vol. 85, No. 3. ISSN 0006-2510.
  10. Annie Labussière et Jean-Marc Chouvel, « Pierre Boulez: Mémoriale (…explosante-fixe… originel) », Musurgia : Analyse et pratique musicales 4, no. 1 (1997) p. 42–66.
  11. Paolo Dal Molin, Introduction à la famille d'œuvres …explosante-fixe… de Pierre Boulez : Étude philologique, PhD diss. (2008), 366 p.  (OCLC 603087206)
  12. (en) Susan Bradshaw, « Boulez at 65 », Musical Times 131, no. 1765 (mars 1990) p. 127–128. Citation page 127.
  13. (en) Susan Bradshaw, « Comparing Notes », Musical Times 137, no. 1844 (octobre 1996) p. 5–12. Citations pages 8 eet 11–12.
  14. a et b (en) Thomas May, « ...explosante-fixe... », Los Angeles Philharmonic, sur Los Angeles Philharmonic (consulté le )
  15. a et b (en) « Pierre Boulez - ... explosante-fixe ... », Universal Edition (consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Pierre Boulez, Michel Fano et Thomas Repensek, « A Conversation ». October 14 (automne 1980), p. 101-120.
  • (en) Susan Bradshaw, « First Performances: '…explosante-fixe…' ». Tempo, nouvelle série, no. 106 () p. 58–59.
  • Paolo Dal Molin, « Mémoriale de Pierre Boulez: Ce que les sources (ne) nous disent (pas) ». Revue de musicologie 95, no. 2 (2009) p. 475–523.
  • (en) Jonathan Goldman, « Exploding/fixed : form as opposition in the writings and later works of Pierre Boulez. ». PhD diss. Montréal, Université de Montréal, 2006 (ISBN 978-0-494-24456-2).
  • (en) Jonathan Goldman, « Charting Mémoriale: Paradigmatic Analysis and Harmonic Schemata in Boulez’s ...explosante-fixe… ». Music Analysis 27, nos. 2-3 (2008), p. 217–52.
  • (de) Rudolf Kimmig, « Unterricht beim Meister: Pierre Boulez' Fragment explosante-fixe ». Motiv: Musik dans Gesellschaft anderer Künste, nos. 2-3 (1991) p. 73-74.
  • (en) Simon Mawhinney et Pierre Boulez, « Composer in Interview: Pierre Boulez ». Tempo, nouvelle série, no. 216 (), p. 2-5.

Liens externes[modifier | modifier le code]