Îlot de sénescence

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Aspect sauvage d'un îlot de sénescence.

En forêt, un « îlot de sénescence » est une zone volontairement abandonnée à une évolution spontanée de la nature jusqu'à l'effondrement complet des arbres (chablis) et reprise du cycle sylvigénétique. Il ne doit pas être confondu avec l'« îlot de vieillissement » qui n'est conservé que provisoirement (et géré avec un objectif sylvicole)[1].

C'est un des moyens de soutien de la biodiversité forestière en favorisant des espèces et habitats liés au bois mort et aux arbres sénescents (porteurs de cavité et abritant davantage d'épiphytes).

Ils offrent des habitats qui améliorent la « naturalité » des forêts : on peut y trouver des arbres grands et vieux ainsi que du bois mort, comme on en trouverait dans une forêt naturelle, pour permettre la survie des espèces dépendantes de ces milieux. Ces sites ne sont pas eux-mêmes gérés, mais il ne s'agit pas non plus d'un « abandon » ; cette « non-gestion » est un élément à part entière du plan de gestion (gestion durable de la forêt).

Pour des raisons de sécurité des promeneurs éventuels, ces îlots sont généralement mis en place à distance suffisante des voies de circulation publiques.

Éléments de définition[modifier | modifier le code]

Les îlots de sénescence ont en France été définis en 2009 par l'ONF comme suit :

« Petit peuplement laissé en évolution libre sans intervention culturale et conservé jusqu'à son terme physique, c'est-à-dire jusqu'à l'effondrement des arbres. Les îlots de sénescence sont composés d'arbres de faible valeur économique et qui présentent une valeur biologique particulière (gros bois à cavité, vieux bois sénescents…). Les îlots de sénescence sont donc préférentiellement recrutés dans des peuplements de qualité technologique moyenne à médiocre, des peuplements peu accessibles, des séries boisées d'intérêt écologique… Pour des raisons de sécurité et de responsabilité, ils sont choisis hors des lieux fréquentés par le public. »

Fonctions[modifier | modifier le code]

  • Ils sont ou deviennent aussi des Îlots de vieux bois conservés jusqu'à leur mort[2] et des zones où le forestier accorde une durée de vie naturelle aux arbres sénescents et à cavité. Ces îlots permettent la survie de nombreuses espèces entièrement dépendantes du cycle terminal (sénescent et chablis + longue décomposition des bois durs) de la sylvogenèse, alors que les gros bois et très gros bois sont ailleurs en déficit (par rapport à la forêt naturelle), et en régression parfois, à la suite d'une stratégie de sylviculture dynamique.
  • En tant que « refuges biologiques »[3] ils doivent jouer un rôle de substitut à la forêt ancienne pour assurer la survie de nombreuses espèces typiques des forêts mûres ou « surannées ». Ces espèces constituent une grande partie de la biodiversité des forêts, notamment pour le monde des champignons et des invertébrés, mais aussi pour les bryophytes[4],[5]), ils constituent l'un des critères de gestion durable des forêts.
  • Leur utilité n'est plus discutée, mais des questions se posent encore quant à leur surface ou proportion minimale, quant à leur situation dans les massifs boisés, ou quant au degré de connectivité écologique à conserver d'une part entre les îlots et d'autre part avec le reste de la forêt.

Choix de positionnement[modifier | modifier le code]

Il est recommandé de mettre en place un réseau écologiquement pertinent d'îlots, dans le cadre d'une gestion adaptative de la forêt.

  • Le gestionnaire peut profiter d'un chablis dans un boisement déjà ancien pour y installer à peu de frais une zone de sénescence, mais cette zone ne sera pas nécessairement la plus propice à la biodiversité.
  • l'objectif étant d'y sauvegarder le cortège d'espèces typiques des forêts mûres et surannées dont certains champignons, lichens et invertébrés à faible capacité de dispersion (les bryophytes semblent un peu plus mobiles[6]), il convient de judicieusement disposer les îlots, en archipels d'îlots de manière à permettre et entretenir une connectivité nécessaire et suffisante avec des « milieux-sources » de spores, graines et autres propagules d'espèces associées aux stades sénescents de la forêt et du bois (dont racines dans le sol), et ceci pour chaque type de peuplement et habitat caractéristique d'un massif (Cf. « typologie forestière »), surtout s'il est menacé.
  • Pour établir ce réseau, le gestionnaire peut utiliser quelques biodindicateurs. Ainsi, en forêt (y compris feuillue), la richesse et variété d'une zone en lichens épiphytes et épixyles semble bien corrélée avec l'écopotentialité du site[7] mais aussi avec sa valeur de refuge pour des espèces menacées (plus d'espèce de liste rouge)[7]. Cette richesse est donc un indicateur utile pour le choix du lieu de création d'îlots de vieillissement et d'îlots de sénescence[7].

Contexte français[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Marion Gosselin, « Des îlots de vieux bois pour la biodiversité forestière », Espaces Naturels, no 71,‎ , p. 42 (lire en ligne, consulté le )
  2. ONF. 2009. Îlots de vieux bois. NDS-09-T-310
  3. Leblanc, M., & DERY, S. 2005. Lignes directrices pour l’implantation des refuges biologiques rattachées à l’objectif sur le maintien des forêts mûres et surannées. Québec, gouvernement du Québec, ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de l’environnement forestier, 21 p.
  4. Anderson L.I. et Hytteborn, H. 1991. Bryophytes and decaying wood - a comparison between managed and natural forest. Holarctic Ecology 14: 121-130.
  5. Odor, P., Van Hees, A.F.M., Heilmann-Clausen, J., Christensen, M., Aude, E., Van Dort, K.W., Pilvater, A., Siller, I., Veerkamp, M.T., Grebenc, T., Kutnar, L., Standovar, T., Koserc, J., Matocec, N., & Kraigher, H. (2004), Ecological succession of bryophytes, vascular plants and fungi on beech coarse woody debris in Europe. Rapport Technique Nature-based Management of Beech in Europe.
  6. Odor, P., Van Hees, A.F.M., Heilmann-Clausen, J., Christensen, M., Aude, E., Van Dort, K.W., Pilvater, A., Siller, I., Veerkamp, M.T., Grebenc, T., Kutnar, L., Standovar, T., Koserc, J., Matocec, N., & Kraigher, H. (2004), Ecological succession of bryophytes, vascular plants and fungi on beech coarse woody debris in Europe. Rapport Technique Nature-based Management of Beech in Europe.
  7. a b et c Norden, B., Paltto, H., Götmark, F., & Wallin, K. (2007), Indicators of biodiversity, what they indicate? Lessons for conservation of cryptogams in oak-rich forest. ; Biological Conservation, 135, 369–379 (résumé).
  8. a et b ONF (1993), Prise en compte de la diversité biologique dans l’aménagement et la gestion forestière. 93-T-23.
  9. ONF. 1999. Îlots de vieillissement. 99-037.
  10. ONF. 2003. Îlots de vieillissement : mode d’emploi. Dijon
  11. ONF. 2009a. Conservation de la biodiversité dans la gestion courante des forêts publiques. INS-09-T-21.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Statistiques[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]