État dans l'État

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L'expression « État dans l'État » désigne une institution ou un groupe au sein d'un État disposant d'une autonomie et de moyens lui permettant de fonctionner indépendamment de l'État de droit. Ce groupe est public et identifiable. Il peut correspondre à un groupe social ou à une partie du territoire d'un État officiellement reconnu. Il dispose, de manière plus ou moins réelle ou officielle, de pouvoirs régaliens vis-à-vis de lui-même, ce qui lui permet de limiter l'action du droit public en son sein.

Concept[modifier | modifier le code]

Le concept est utilisé « Pour exprimer le fait qu'un groupe (parti, entreprise industrielle, corporation) acquiert un pouvoir tel au sein de l'État qu'il peut échapper à son autorité voire lui dicter ses volontés[1] ».

Cette expression est généralement péjorative. Elle est souvent utilisée pour pointer du doigt ou dénoncer le fonctionnement indépendant, archaïque voire antidémocratique d'une administration publique ou d'une institution. Par extension, cette expression qualifie parfois certaines organisations non étatiques (groupes religieux, entreprises,… ) qui parviennent à s'affranchir des lois et devoirs pour favoriser leurs intérêts.

Les interactions d'un État dans l'État avec l'État de droit peuvent s'apparenter à la manipulation, l'infiltration ou le conflit. Mais, contrairement à l'État profond, il ne s'agit que de moyens pour pouvoir s'en émanciper.

Au XIXe siècle, le terme n'a pas toujours de connotation négative. La Revue des revues de droit écrit par exemple en 1841 que « il faut dire de la commune tout ce que nous avions à dire de l'état lui-même : la commune en effet n'est qu'un état dans l'état. Elle n'existe avec ses lois propres, que comme dérivation de l'état lui-même[2]. »

Typologie[modifier | modifier le code]

Groupes religieux[modifier | modifier le code]

L'Église catholique locale pendant le Moyen Âge, dont les nombreux pouvoirs temporels seront combattus par Henri II.

En 1838, à propos d'une fusion de l'église protestante et de l’État en Suisse : « S'il faut éviter de créer un état dans l'état, on ne doit pas moins se garder de l'alliance du trône et de l'autel[3]. »

Voltaire qualifie l’Église catholique, « qui a cherché à faire un état dans l'état, un empire dans l'empire », en utilisant l'expression[4].

L'Inquisition, disposant d'une panoplie juridique complète.

En France, durant les rébellions huguenotes, les protestants français, pour se protéger du pouvoir royal catholique, tentèrent d'établir un « État dans l'État ». Ils y arrivèrent partiellement avec l'Édit de Nantes qui leur accorda des places fortes et la capacité de lever une armée pour les défendre[5].

Entité géographique[modifier | modifier le code]

Le Duché de Bourgogne ou le Duché de Bretagne, dont la soumission au roi de France n'a été que formelle.

Armée et organisations militaires[modifier | modifier le code]

L’Armée française, notamment pendant l'Affaire Dreyfus.

Le Fatah en Jordanie dans les années 1960.

Du temps de l'Allemagne nazie, la SS constituait un exemple d'« État dans l'État » (caractéristique des états totalitaires : voir aussi le rôle graduellement réduit de la Phalange dans le régime franquiste en Espagne).

Organisation politiques[modifier | modifier le code]

Au début du XXe siècle, le Parti social-démocrate d'Allemagne[6], avec « une structure bureaucratique et administrative tournant autour du parlementarisme et de la lutte pour des réformes immédiates, […] l'organisation compte plus de 4 000 fonctionnaires qui, loin d'être autodidactes, servent d'intellectuels diplomatiques, avec des postes relativement bien rémunérés, auxquels il faut ajouter les députés et les législateurs des conseils municipaux, notamment dans les régions méridionales de l'Allemagne. La conséquence de ce processus est que un groupe de techniciens se développe au sein du parti, une oligarchie de bureaucrates permanents, pour qui les problèmes idéologiques deviennent secondaires, et qui mettent au premier plan de leurs préoccupations l'amélioration matérielle du sort du prolétariat[7] ».

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Informations lexicographiques et étymologiques de « État » (sens − Loc. Créer, être, former un État dans l'État) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. Revue des revues de droit, Société typographique belge, (lire en ligne)
  3. Pétition au Grand Conseil du Canton de Vaud, sur les Affaires Ecclésiastiques du 14 Avril 1838, M. Ducloux, (lire en ligne)
  4. Voltaire, Œuvres complètes de Voltaire, De l'imprimerie de Fain, (lire en ligne)
  5. (en) R. M. Golden, The Huguenot Connection : The Edict of Nantes, Its Revocation, and Early French Migration to South Carolina, Springer Science & Business Media, , 149 p. (ISBN 978-94-009-2766-7, lire en ligne)
  6. Pierre Broué, Révolution en Allemagne : 1918 - 1923, (ISBN 2707301671 et 978-2707301673, lire en ligne [PDF])
  7. Hernan Ouviña, « Rosa Luxemburg et la réinvention de la politique », (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]