Susan Neiman

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Susan Neiman
Susan Neiman (2015).
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Susan Neiman, née le à Atlanta (capitale de l'État de Géorgie aux États-Unis) est une philosophe, commentatrice culturelle et essayiste américaine. Elle est l'autrice d'ouvrages faisant le lien entre la philosophie morale des Lumières, la métaphysique et la politique, destinés aussi bien au public universitaire qu'au grand public. Elle vit depuis les années 2000 en Allemagne, où elle est directrice du Forum Einstein de Potsdam.

Sa pensée philosophique est essentiellement une interrogation devant le constat que la réalité telle qu'elle est n'est pas celle qu'elle devrait être selon les espoirs ou attentes, les idées de justice et les idéaux de raison de l'humanité. Politiquement engagée dès l'adolescence, elle prend position d'abord contre l'action des États-Unis au Viêt Nam, puis contre la guerre d'Irak de l'administration Bush et en tant que collaboratrice électorale pour Barack Obama. Sa revendication philosophique de « clarté morale » vise à rendre les questions d'éthique traditionnelles à nouveau fécondes pour la pensée et l'action de la gauche, c'est-à-dire à ne pas les abandonner à l'appropriation conservatrice et à la souveraineté d'interprétation de la droite.

Biographie[modifier | modifier le code]

Née au sein d'une famille juive ashkénaze, sa jeunesse et sa scolarité se déroulent dans sa ville natale d’Atlanta, en Géorgie. Adolescente elle abandonne ses études secondaires pour rejoindre le mouvement d'opposition à la guerre du Viêt Nam. Plus tard, elle étudie la philosophie à l'université Harvard où elle obtient, en 1986, son doctorat sous la direction de John Rawls (1921-2002) et Stanley Cavell (1926-2018). Puis, elle poursuit ses études supérieures à l'université libre de Berlin où elle passe plusieurs années.

Son premier livre, Slow Fire, paru en 1992, relate sa vie de jeune femme juive dans le Berlin des années 1980. De 1989 à 1996, elle est assistante et professeure associée de philosophie à l'université Yale, et de 1996 à 2000, professeure associée de philosophie à l'université de Tel-Aviv. En 2000, elle devient la directrice du Forum Einstein à Potsdam. Elle est mère de trois enfants.

Susan Neiman a été membre de l'Institute for Advanced Study de Princeton (New Jersey), chercheuse au centre d'études de la Rockefeller Foundation à Bellagio et Senior Fellow de l' American Council of Learned Societies. Elle est aujourd'hui membre de l'académie des sciences de Berlin-Brandebourg. Ses livres ont remporté des prix du PEN International, de l' Association of American Publishers et de l' American Academy of Religion. Ses articles plus courts ont été publiés dans le New York Times, le Boston Globe, le Globe and Mail et la revue Dissent. En Allemagne, elle contribue, entre autres à Die Zeit, au Frankfurter Allgemeine Zeitung et au Freitag.

Susan Neiman appartient au petit nombre des femmes ayant acquis une notoriété en philosophie, discipline à majorité masculine[1],[2],[3].

Principaux travaux[modifier | modifier le code]

Les ouvrages de Susan Neiman sont traduits en français dans la maison d'édition Premier Parallèle.

Penser le mal[modifier | modifier le code]

Peinture du visage d'un homme portant une perruque en vue plongeante de trois quart gauche Photographie en noir et blanc d'une femme au regard pensif, la tête appuyée sur la main gauche vue de trois quarts droit
Emmanuel Kant influence la vision du mal de Susan Neiman.
Hannah Arendt est une autre influence éthique majeure de Susan Neiman.

Evil in Modern Thought (Penser le mal, Premier Parallèle, 2022[4]) décrit l'histoire de la philosophie moderne comme une série de réponses à l'existence du mal : celui-ci, que ce soit sous la forme d'une cause naturelle infligeant la souffrance à des innocents ou d'une action humaine qui le provoque intentionnellement, « menace notre sens du sens du monde » (« threatens our sense of the sense of the world »)[5]. Selon Susan Neiman, le problème du mal fournit un meilleur cadre que l'épistémologie pour comprendre l'histoire de la philosophie parce qu'il comprend un plus large éventail de textes, forme un lien entre la métaphysique et l'éthique et est plus fidèle aux préoccupations déclarées des philosophes. Le mal, en défiant l'intelligibilité du monde dans son ensemble, serait donc à la base de toute recherche philosophique.

Ce livre explore la période allant du début des Lumières à la fin du XXe siècle à travers des discussions sur des philosophes qui figurent souvent dans les histoires traditionnelles de la philosophie, tels que Leibniz, Kant, Hegel, Nietzsche et Schopenhauer et d'autres, comme Pierre Bayle, Sigmund Freud, Albert Camus, Emmanuel Lévinas et Hannah Arendt. Neiman regroupe les penseurs autour de deux distinctions fondamentales : la première entre ceux qui croient en un ordre directeur au-delà des apparences et ceux qui pensent que l'expérience sensorielle est tout ce dont nous disposons pour nous orienter ; la seconde entre ceux qui croient qu'il faut essayer de comprendre le mal et ceux qui soutiennent que cela serait immoral au motif que toute explication du mal équivaudrait à sa justification.

Moral Clarity[modifier | modifier le code]

Dans Moral Clarity, (Clarté morale, non traduit en français) Susan Neiman soutient que tous les êtres humains ont des besoins moraux, mais que la culture laïque, en particulier dans la gauche politique, est réticente ou incapable de les satisfaire et, par conséquent, a laissé le domaine de la morale à la religion et aux conservateurs traditionnels. Elle attribue cet échec non pas à un manque de valeurs mais à un « manque de point de vue à partir duquel ces valeurs ont un sens » (« lack of a standpoint from which those values make sense »)[6]. Cet ouvrage explore les raisons pour lesquelles il en est ainsi et propose un nouveau cadre de pensée morale basé sur les idées des Lumières, en particulier celles de Kant et de Rousseau, qui ne reposent ni sur l'autorité divine ni sur une idéologie autoritaire.

Grandir[modifier | modifier le code]

Dans Why Grow Up ? (Grandir, Premier Parallèle, 2021[7]), Susan Neiman dénonce l'infantilisation qui, selon elle, s'est répandue dans la société moderne. Elle suggère que « les forces qui façonnent notre monde » (« the forces that shape our world ») encouragent le consumérisme, l'apathie, le cynisme et la fétichisation de la beauté et de la jeunesse afin de garder les citoyens passifs et dociles[8]. Ces forces, pense-t-elle, s'appuieraient sur une conception de l'âge adulte selon laquelle celui-ci serait synonyme de pénibilité, de résignation et de déclin inévitable.

Neiman plaide en faveur d'un idéal de l'âge adulte qui implique d'exercer son jugement, de comprendre sa propre culture en s'immergeant dans celle d'autrui, de façonner activement la société et de chercher une orientation face à l'incertitude. Comme dans Moral Clarity, Neiman s'appuie sur les travaux de Kant, Rousseau, Arendt et d'autres philosophes pour plaider en faveur d'un concept de maturité dans lequel penser de manière critique ne signifie pas abandonner ses idéaux.

Learning from Germans[modifier | modifier le code]

Learning from Germans (Apprendre des Allemands, non traduit en français) examine les efforts allemands pour expier les atrocités nazies et identifie les leçons sur la façon dont les États-Unis pourraient accepter leur héritage d'esclavage et de racisme. Ce livre rassemble des analyses historiques et philosophiques; des entretiens avec des politiciens, des militants et des témoins contemporains en Allemagne et aux États-Unis ; et les propres observations à la première personne de Neiman en tant que femme blanche grandissant dans le Sud et de femme juive qui vit depuis près de trois décennies à Berlin.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Photogtraphie en couleurs d'une femme aux cheveux bouclés portant des lunettes, ayant l'index gauche posé sur sa tempe.
Susan Neiman, photographiée en 2019.

En 2014, Neiman reçoit le prix international Spinoza et un doctorat Honoris causa de l'université de Saint-Gall. Elle a donné les conférences Tanner sur les valeurs humaines à l'université du Michigan en 2010.

En 2018, elle est élue à l'American Philosophical Society [9] se voit décerner la médaille Lucius D. Clay pour ses contributions aux relations germano-américaines[10].

Bibliographie sélective[modifier | modifier le code]

Livres[modifier | modifier le code]

  • (en) Left is Not Woke, 2023, Polity
  • (fr) Penser le mal. Une autre histoire de la philosophie, 2022, Éd. Premier Parallèle, (ISBN 978-2850611520).
  • Grandir. Éloge de l'âge adulte à une époque qui nous infantilise., 2021, Éd. Premier Parallèle, (ISBN 978-2850610578).
  • (en) Learning from the Germans: Race and the Memory of Evil, Farrar, Straus and Giroux, 2019.
  • (de) Widerstand der Vernunft: Ein Manifest in postfaktischen Zeiten, Ecowin, 2017.
  • (en) Why Grow Up?, Penguin, 2014 (part of the series Philosophy in Transit). [Reprinted as Why Grow Up? Subversive Thoughts for an Infantile Age, Farrar, Straus & Giroux, 2015.]
  • (en) Moral Clarity: A Guide for Grown-Up Idealists, Harcourt, 2008.
  • (de) Fremde sehen anders: Zur Lage der Bundesrepublik, Suhrkamp, 2005.
  • (en) Evil in Modern Thought: An Alternative History of Philosophy, Princeton University Press, 2002.
  • (en) The Unity of Reason: Rereading Kant, Oxford University Press, 1994.
  • (en) Slow Fire: Jewish Notes from Berlin, Schocken, 1992.

Articles et chapitres de livres[modifier | modifier le code]

  • "Understanding the Problem of Evil" in Chignell, ed., Evil: Oxford Philosophical Concepts, Oxford University Press, 2019.
  • "A Dialogue Between Business and Philosophy" (with Bertrand Collomb) in Rangan, ed., Capitalism Beyond Mutuality? Perspectives Integrating Philosophy and Social Science, Oxford University Press, 2018.
  • "Amerikanische Träume," in Honneth, Kemper, and Klein, ed., Bob Dylan, Suhrkamp, 2017.
  • "Ideas of Reason," in Rangan, ed., Performance and Progress: Essays on Capitalism, Business, and Society, Oxford University Press, 2015.
  • "Forgetting Hiroshima, Remembering Auschwitz: Tales of Two Exhibits," Thesis Eleven, 129(1), 2015: 7–26.
  • "Victims and Heroes," in Matheson, ed., The Tanner Lectures on Human Values, University of Utah Press, 2012.
  • "Subversive Einstein," in Galison, Holton and Schweber, ed., Einstein for the 21st Century, Princeton University Press, 2008.

Articles de journaux et de magazines[modifier | modifier le code]

  • "There Are No Nostalgic Nazi Memorials," The Atlantic, 2019.
  • "Working Off the Past, from Atlanta to Berlin," The New York Review of Books, 2019.
  • "Germany paid Holocaust Reparations. Will the U.S. Do the Same for Slavery?" Los Angeles Times, 2019.
  • "The President of Our Country is Evil," Salon, 2017.
  • "In Germany, Monuments Reflect the Nation's Values," Miami Herald, 2017.
  • "Die Deutschen sollten keine Angst haben," Frankfurter Allgemeine Zeitung, 2016.
  • "What Americans Abroad Know about Bernie Sanders," Los Angeles Times, 2016.
  • "An Enlightenment for Grownups," Spiked Review, 2016.
  • "Antimodernismus: Die Quelle allen Unglücks?" Die Zeit, 2016.
  • "Deutschland hat sich positiv verändert. Das beglückt mich," Die Zeit, 2016.
  • "Aufklärung heißt nicht, nur nach mehr Toleranz zu rufen!" Der Tagesspiegel, 2016.
  • "The Rationality of the World: A Philosophical Reading of the Book of Job," ABC Religion and Ethics, 2016.
  • "Hört auf, Antisemiten zu zählen!" Die Zeit, 2014.
  • "History and Guilt," Aeon, 2013.
  • "Was ist Religion?" Die Zeit, 2013.
  • "What It All Means," The New York Times, 2011.
  • "Is Morality Driven by Faith?" The Washington Post/Newsweek, 2008.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Jonathan Wolff, « How can we end the male domination of philosophy? », sur theguardian.com, The Guardian, (consulté le )
  2. (en) Katy Waldman, « What Is Philosophy's Problem With Women? », sur slate.com, Slate, (consulté le )
  3. (en) Katherine Mangan, « In the humanities, men dominate the fields of philosophy and history », sur chronicle.com, The Chronicle of Higher Education, (consulté le )
  4. « Penser le mal :: Premier Parallele », sur www.premierparallele.fr (consulté le )
  5. Susan Neiman, Evil in Modern Thought: An Alternative History of Philosophy, Princeton, Princeton University Press, , 2 p.
  6. (en) Susan Neiman, Moral Clarity: A Guide for Grown-Up Idealists, New York, Harcourt Brace & Co, , 17 p.
  7. « Grandir :: Premier Parallele », sur www.premierparallele.fr (consulté le )
  8. (en) Susan Neiman, Why Grow Up?: Subversive Thoughts for an Infantile Age, New York, Farrar, Straus & Giroux, , 193 p.
  9. (en) « Election of New Members at the 2018 Spring Meeting »
  10. (en) « Lucius D. Clay Medal », www.vdac.de, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]