L'Histoire du soldat

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L'Histoire du soldat
Informations générales
Formes
Œuvre dramatico-musicale (d)
Œuvre choréographique (d)
Opéra-balletVoir et modifier les données sur Wikidata
Compositeur
Date de création
Date de sortie

L'Histoire du soldat est un mimodrame (musique de scène en forme de mélodrame) composé par Igor Stravinsky en 1917 sur un texte de Charles-Ferdinand Ramuz pour trois récitants (le Lecteur, le Soldat et le Diable) et sept instrumentistes (violon, contrebasse, basson, cornet à pistons, trombone, clarinette et percussions).

Elle est postérieure aux grands ballets stravinskiens et précède sa période néoclassique. Le musicien est alors réfugié en Suisse du fait de la révolution russe, et Serge de Diaghilev, lui-même exilé, ne peut guère l'aider. Il est alors présenté à Ramuz par le chef d'orchestre suisse Ernest Ansermet. Une partie de la partition fut écrite à Lens (Valais), où Stravinsky était hébergé dans le chalet du peintre Albert Muret[1].

Ce ballet-opéra de chambre dont l'ambiance emprunte au cirque ambulant et au jazz comporte plusieurs courts tableaux dont certains sont inspirés de diverses danses (tango, valse, ragtime). Une suite pour piano, clarinette et violon en a été extraite en 1919. Une seconde suite, respectant l'orchestration initiale, fut écrite en 1920.

La création eut lieu le avec Georges Pitoëff, au théâtre municipal de Lausanne, sous la direction d'Ansermet. Le Lecteur était Élie Gagnebin, le Diable Jean Villard, futur Gilles. L'instrumentation réduite devait permettre son interprétation au cours d'une tournée dans différents villages helvétiques. Ce projet dut être annulé au dernier moment du fait de la propagation de la grippe espagnole et la représentation suivante ne put avoir lieu qu'en 1923, à Paris.

Argument[modifier | modifier le code]

L'argument de la pièce est d'inspiration faustienne mais reprend un vieux conte russe compilé par Alexandre Afanasiev : un Soldat pauvre vend son âme (représentée par le violon) au Diable contre un livre qui permet de prédire l'avenir. Après avoir montré au Diable comment se servir du violon, il revient dans son village. Hélas, au lieu des trois jours promis, le séjour passé avec le Diable a duré trois longues années. Personne au village ne reconnaît le Soldat : ni sa mère, ni sa fiancée, qui s'est mariée.

Le Soldat utilise alors son livre magique pour devenir fabuleusement riche. Incapable d'être heureux avec sa fortune, il joue aux cartes contre le Diable : son argent contre le violon. Le Diable gagne, mais enivré par ses gains il se laisse voler le violon. Le Soldat peut alors guérir et séduire la Princesse malade promise par son père le Roi à qui la guérirait. Malheureusement, cherchant toujours plus de bonheur, le Soldat et la Princesse quittent alors le royaume et désobéissent au Diable. Le Soldat est emporté en enfer.

L'œuvre se termine par le triomphe du démon dans une marche sarcastique.

Les deux suites extraites de l’œuvre[modifier | modifier le code]

La suite de 1919[modifier | modifier le code]

En 1919, la première suite que Stravinsky tire de la pièce est arrangée pour piano, clarinette et violon. Elle comporte cinq parties :

  1. Marche du soldat
  2. Le violon du soldat
  3. Petit concert
  4. Tango / Valse / Ragtime
  5. Danse du diable

La suite de 1920[modifier | modifier le code]

En 1920, Stravinsky arrange une seconde suite qui conserve l'orchestration originale. Elle comporte neuf parties et dure environ 25 minutes :

  1. Marche du soldat
  2. Musique pour la scène 1 : air au bord du ruisseau
  3. Musique pour la scène 2 : pastorale
  4. Marche royale
  5. Petit concert
  6. Trois danses: Tango / Valse / Ragtime
  7. Danse du diable
  8. Petit choral / Grand choral
  9. Marche triomphale du diable

Influences musicales[modifier | modifier le code]

L’Histoire du soldat illustre à quel point Stravinsky a su intégrer une variété d’influences à son propre langage musical : le paso doble dans la « Marche royale »; les trois danses « Tango / Valse / Ragtime » jouées par le Soldat pour guérir la Princesse; la musique klezmer dans l’instrumentation et le travail des textures; le choral Ein feste Burg de Luther dans le « Petit choral »; l’influence de Bach dans le « Grand choral ». Le musicologue Danick Trottier fait le lien entre ces influences multiples et les expériences acquises par Stravinsky dans le Paris cosmopolite du début des années 1910 :

Dans le rétroviseur de Stravinski au moment il compose l’Histoire du soldat, il y a la France et surtout Paris où il a connu ses premiers succès et où il a appris à se bâtir un langage personnel fait d’appropriations et d’influences provenant d’ailleurs, pour autant qu’elles colorent son langage et lui permettent de développer une singularité artistique. Car le Paris de la Belle Époque est bien le lieu par excellence de la confluence des musiciens et des musiques, surtout dans le cas de celles qui proviennent de loin comme le tango et le ragtime[2].

Les chorégraphies[modifier | modifier le code]

La pièce inspire de nombreux chorégraphes, parmi lesquels :

Adaptations[modifier | modifier le code]

En 1984, l'illustrateur et animateur américain R.O. Blechman (en) réalise un film d'animation de 58 minutes, reprenant la musique et l'essentiel du texte, dans un style mêlant le dessin au trait à des allusions à Kandinsky, Mondrian et à l'Art déco. La musique est interprétée par Gerard Schwarz dirigeant l'Orchestre de chambre de Los Angeles, les voix des protagonistes sont tenues par Dušan Makavejev (le soldat), Max von Sydow (le diable), Andre Gregory (en) (le narrateur), doublés dans la version française successivement par Henri Salvador (le soldat), Serge Gainsbourg (le diable), et François Périer (le narrateur)[3].

Mises en scène notables[modifier | modifier le code]

Réception[modifier | modifier le code]

Theodor W. Adorno considère l'œuvre comme le centre de l'œuvre du compositeur, où s'incarnent des personnages typiques du fascisme : « L'Histoire du soldat s'avère le véritable centre de l'œuvre de Stravinsky aussi parce que, dans la mise en musique du remarquable texte de Ramuz, elle mène pour ainsi dire jusqu'au seuil de la conscience de ce fait. » Il s'agit de ce que l'auteur décrit plus loin « le dépérissement du temps subjectif ». Le texte se poursuit ainsi : « Le héros, figure typique de cette génération d'après la Première Guerre mondiale qui a fourni au fascisme ses hordes […] périt parce qu'il contrevient au commandement enjoignant le chômeur de vivre uniquement dans l'instant. […] »[5].

Discographie[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • "Centenaire d’Histoire du soldat", Les Amis de Ramuz, Bulletin n°39, Jean-Louis Pierre (éd.), Tusson, Du Lérot, 2019, 176 p.[6]
  • François-René Tranchefort, Guide de la musique de chambre, dir. P.-E. Barbier (réd.), Paris, Fayard, 1989, 863 p.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Guide du Valais, Musées cantonaux du Valais, Sion-Viège, 2009, p. 243.
  2. Danick Trottier, « 1918. Histoire du soldat, la France dans le rétroviseur de Stravinski », Nouvelle histoire de la musique en France (1870-1950),‎ mis en ligne le 12 mars 2020. (lire en ligne)
  3. lien imdb
  4. « Une troupe et un soldat », Jean-Pierre Thiollet , Le Quotidien de Paris, 15 janvier 1981.
  5. Theodor W. Adorno (trad. de l'allemand par Hans Hildenbrand et Alex Lindenberg), Philosophie de la nouvelle musique [« Philosophie der neuen musik »], Paris, Gallimard, coll. « Tel » (no 42), (1re éd. 1948 (de)), 222 p. (OCLC 779865836, BNF 42809024), « Stravinsky et la restauration », p. 197–198 (note).
  6. (en) Fondation C.F. Ramuz, « Bulletin », Bulletin,‎ 0000 u (ISSN 0293-0773, lire en ligne, consulté le )