Heinrich August Winkler

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Heinrich August Winkler, né le à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie), est un historien allemand spécialiste d’histoire politique de l’Allemagne moderne et notamment de la république de Weimar. Il est professeur émérite d’histoire moderne à l’université Humboldt de Berlin.

Biographie[modifier | modifier le code]

Winkler quitte en 1944 avec sa mère la Prusse-Orientale. Il grandit en Allemagne du Sud. Il passe son abitur au « Gymnasium Humboldt » à Ulm. Il étudie ensuite l’histoire, la philosophie, le droit public et la science politique à l'université de Münster, Heidelberg et Tübingen. Il reçoit son doctorat dans cette dernière en 1963, sous la tutelle de Hans Rothfels, sa thèse porte sur l'histoire du Parti progressiste allemand. Il obtient dans la foulée un poste d'assistant de recherche à la FU Berlin, qu'il occupe jusqu'en 1970. Il obtient son habilitation cette même année et devient ainsi professeur titulaire toujours à la FU Berlin. En 1972, il est muté à l'université de Fribourg. En 1991, finalement, il retourne à Berlin et prend la chaire d'Histoire moderne à l'université Humboldt de Berlin[1]. Il prend sa retraite en .

En l'an 2000, il publie l'ouvrage en deux tomes : Der lange Weg nach Westen (« La Longue Voie vers l'Ouest »). Il y discute de la Sonderweg suivie par l'Allemagne, en y décrivant son cheminement vers l'unification et la démocratie. Il reçoit pour ce livre le prix du meilleur livre politique de la fondation Friedrich Ebert en 2001, et le prix de littérature Friedrich-Schiedel en 2002.

Engagement politique et positions publiques[modifier | modifier le code]

Débuts précoces[modifier | modifier le code]

Winkler était, selon ses propres dires, déjà très précocement fortement intéressé par la politique: « J'ai mené un cercle de travail scolaire, le séminaire politique de la jeunesse d'Ulm. Nous invitions des hommes politiques à discuter und entreprenions aussi par nous-mêmes des voyages au Bundestag allemand (sic), à Bonn, à l'assemblée consultative du conseil européen à Strasbourg ou à l'assemblée nationale française, à Paris. »[2] Après s'être engagé à la CDU alors qu'il était écolier, il mit un terme à cet engagement à la suite de la campagne électorale de 1961, lors de laquelle Willy Brandt, entre autres, fut diffamé parce qu'étant émigré, puis il intégra la SPD en 1962[2].

En tant qu'universitaire[modifier | modifier le code]

Dans le milieu des années 1980, Winkler s'implique dans l'Historikerstreit, un débat entre historiens allemands qui prit de grandes proportions. Aux côtés de Rudolf Augstein et Jürgen Habermas, il prit part aux débats par contributions interposées dans les grands quotidiens et hebdomadaires suprarégionaux. Il s'est exprimé principalement à travers une lettre ouverte publiée dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le débat tourne autour du fait de savoir si l'apparition du parti nazi constitue une anomalie dans l'histoire allemande ou si au contraire elle était inéluctable. Il reprocha à Ernst Nolte, le rédacteur du papier controversé, à Andreas Hillgruber et à Michael Stürmer de minimiser les crimes national-socialistes afin de fabriquer une conscience nationale sans faille.

De 1975 à 1999, Winkler est coéditeur du magazine Geschichte und Gesellschaft (de) et est un de ceux de la Berliner Ausgabe qui rassemble discours et lettres de Willy Brandt. Il est membre des conseils scientifiques de la fondation du mémorial du président du Reich Friedrich Ebert, de la Maison de l'histoire de la République Fédérale d'Allemagne et de l'Institut d'histoire contemporaine (Institut für Zeitgeschichte). Du reste, il collabora à la commission commune pour l'investigation de l'histoire primitive des relations russo-allemandes et appartient au comité international de la fondation du chancelier fédéral Willy Brandt (de).

En tant que professeur émérite[modifier | modifier le code]

Winkler a fait longtemps partie des opposants à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne[3]. En , toutefois, il adoucit sa position dans une interview et déclare que le fait de remplir les critères de Copenhague suffirait à son adhésion[4]. Quant à savoir si les musulmans seraient prêts à s'intégrer en Allemagne, Winkler se reconnaît « un certain optimisme », puisque des sondages montrent que ceux y vivant approuvent tant les libertés de culte, d'opinion et de presse que les droits fondamentaux. Ferait toutefois obstacle le fait que moult jurisconsultes musulmans ne feraient valoir les droits humains que dans le cadre de la charia, et contesteraient leur caractère inaliénable. Revenant sur l'année 2014, Winkler déclare le 25 janvier 2015: « L'inestimabilité[pas clair] et l'omniprésence de la terreur islamiste ont plus que toute autre caractéristique de l'année passée nourrit un sentiment d'insécurité. Rétrospectivement, l'attaque terroriste des États-Unis du 11 septembre 2001 semble avoir annoncé de quoi serait fait le XXIe siècle. »"[5]

S'exprimant en 2018 au sujet de la crise migratoire en Europe, il appelle l'Union européenne à faire la distinction entre migration et droit d'asile. Il rappelle notamment qu'aucune société n'a jamais possédé de droit général autorisant l'immigration. Il demande à la nation allemande de ne pas se proclamer « chef moral de l'Europe » (« die moralische Leitnation Europas ») et met en garde contre l'occultation des problèmes dont beaucoup de gens s'inquiètent. Cette occultation qui a conduit beaucoup de gens à se tourner vers la droite serait, selon Winkler, très dangereuse pour la culture politique de la démocratie[6].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (de) Preussischer Liberalismus und deutscher Nationalstaat. Studien zur Geschichte der Deutschen Fortschrittspartei 1861-1866, Tübingen, Mohr Siebeck Verlag, (Libéralisme prussien et État allemand. étude du parti progressiste allemand de 1861 à 1866), thèse
  • (de) Mittelstand, Demokratie und Nationalsozialismus. Die politische Entwicklung von Handwerk und Kleinhandel in der Weimarer Republik, Cologne, Kiepenheuer und Witsch, (ISBN 3-462-00862-5) (Classe moyenne, démocratie et national-socialisme. Le développement politique de la main-d'œuvre et des petits commerçants dans la république de Weimar), habilitation
  • (de) Arbeiter und Arbeiterbewegung in der Weimarer Republik, Berlin/Bonn, Dietz, (Travailleur et mouvement travailleur dans la république de Weimar) en 3 tomes:
  • (de) Weimar 1918-1933. Die Geschichte der ersten deutschen Demokratie, Munich, Beck, (ISBN 3-406-37646-0) (Weimar 1918-1933. Histoire de la première démocratie allemande)[7]
  • (de) Der lange Weg nach Westen, Munich, Beck, en 2 tomes :
    • (de) Deutsche Geschichte vom Ende des Alten Reiches bis zum Untergang der Weimarer Republik, , 652 p. (ISBN 978-3-406-46001-2 et 3-406-46001-1, lire en ligne) (histoire allemande de la fin de l'ancien empire allemand jusqu'à la fin de la république de Weimar)
    • (de) Deutsche Geschichte vom "Dritten Reich" bis zur Wiedervereinigung, , 742 p. (ISBN 978-3-406-46002-9 et 3-406-46002-X, lire en ligne) (histoire allemande depuis le troisième Reich jusqu'à la réunification)
  • (de) Auf ewig in Hitlers Schatten? : über die Deutschen und ihre Geschichte, Munich, Beck, , 221 p. (ISBN 978-3-406-56214-3 et 3-406-56214-0, lire en ligne) (pour toujours dans l'ombre d'Hitler? Sur les Allemands et leur histoire.)
  • (de) Geschichte des Westens, Munich, Beck, (Histoire de l'Occident) en 2 tomes :

Liens externes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Pierre Merlin, « Heinrich August Winkler, Der lange Weg nach Westen, (Le long chemin vers l’Ouest), Munich, Éditions C.H. Beck, 2000, 2 tomes. », Revue d'histoire du XIXe siècle, 29, 2004, 189-197
  2. a et b (de) Intervieweurs: Jens Hacke et Marcel Steinbach-Reimann, « Interview mit Heinrich August Winkler » Accès libre, sur H-Soz-Kult (consulté le )
  3. (de) « Heinrich August Winkler contre l'entrée de la Turquie dans l'UE », die Zeit,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (de) « l'Europe doit s'aiguiser », The European,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. (de) « Interview mit Heinrich August Winkler », Der Tagesspiegel,‎
  6. (de) "Rettung verpflichtet nicht, Menschen einwandern zu lassen", entretien, deutschlandfunk.de, 15 juillet 2018
  7. Pierre Ayçoberry, Heinrich August Winkler, Weimar 1918-1933. Die Geschichte der ersten deutschen Demokratie (compte-rendu), Annales, Année 1998, 53-1, pp. 170-171