Claude Lorius

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Claude Lorius
Claude Lorius en 2009.
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Joseph Edmond Claude LoriusVoir et modifier les données sur Wikidata
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Claude Lorius, né Joseph Edmond Claude Lorius[1] le à Besançon[2],[3] et mort le , à Mâcon, est un glaciologue français, dont les recherches sur la composition des inclusions gazeuses des glaces polaires ont permis de caractériser les climats anciens de la Terre et de mesurer leurs variations dans le temps. Inventeur du principe du thermomètre isotopique, il est le premier, avec Jean Jouzel, à avoir mis en évidence le lien entre la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre et l'évolution du climat.

Biographie[modifier | modifier le code]

Claude Lorius réalise son premier hivernage en Terre Adélie à la base Charcot en 1957, après avoir lu une petite annonce — pas très explicite, dit-il : « Recherche jeunes étudiants pour participer aux campagnes organisées pour l’Année géophysique internationale »[4] — sur le mur de l'université de Besançon[5]. Il y reste un an dans l’isolement avec deux autres compagnons[4], lors d'un hivernage à 300 kilomètres des côtes[6].

En 40 ans de carrière, il a pris part à 22 expéditions polaires, ce qui totalise six ans de campagnes sur le terrain[4],[6] dans les années 1960 et 1980, principalement en Antarctique dans le cadre des missions polaires françaises et internationales, notamment à la base Vostok[5].

En 1959, Lorius participe à un raid d’exploration mené par les Américains. Pendant près de 100 jours, il parcourt quelque 1 400 km lors d'un voyage qui s’achève par la découverte d’une chaîne de montagne[4] qui désormais porte son nom[6].

En 1965, chef de l’expédition en Terre Adélie, il a l'intuition que les bulles d’air emprisonnées dans la glace pourraient refléter la composition de l’atmosphère du passé[6]. Près de vingt ans plus tard, en 1984, l’expédition à la base antarctique Vostok lui permettra d'étayer cette idée et d'élaborer une reconstitution des climats terrestres passés[4].

Claude Lorius fait toute sa carrière au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), étant notamment directeur du laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement de Grenoble — qu'il a fondé[6] — entre 1983 et 1988.

En 1994, il est élu à l'Académie des sciences et devient, en 2000, membre fondateur de l'Académie des technologies. En 2002, il reçoit la médaille d'or du CNRS, avec Jean Jouzel. En , il est le premier Français à recevoir le prix Planète bleue (Blue Planet Price) pour l'environnement[7] — et le seul à l'avoir reçu au moment de son décès[6].

À partir de 2011[8], il travaille avec Luc Jacquet et l'association Wild-Touch sur un méta-projet concernant l'évolution du climat et du taux de gaz à effet de serre[9],[10]. Ce projet donne lieu notamment à la réalisation du documentaire La Glace et le Ciel, dont Lorius est le sujet central. Le film est projeté en avant-première en clôture du festival de Cannes 2015[11],[6].

Il termine sa carrière comme directeur de recherche émérite au CNRS.

Claude Lorius meurt le à Mâcon[12] à l'âge de 91 ans[13],[14],[6].

Apports scientifiques[modifier | modifier le code]

C'est en observant les bulles s'échappant des glaçons de son verre de whisky que Claude Lorius (ici en 2008) eut l'intuition initiale de ses futurs travaux.

En 1963, six ans après son hivernage dans la base Charcot, Claude Lorius soutient sa thèse — intitulée « Le deutérium, possibilités d'application aux problèmes de recherche concernant la neige, le névé et la glace dans l'Antarctique »[15] — qui porte sur les carottes de glace qu'il a recueillies en Antarctique. Il montre qu'il existe « une relation entre la température à laquelle la glace se forme et la proportion des isotopes de l'oxygène et de l'hydrogène dans les molécules d'eau formant la glace. » La composition isotopique de l'eau d'un échantillon permet ainsi de déterminer quelle était la température ambiante au moment où la glace s'est formée.

La calotte de glace Antarctique fait plus de 2 km d'épaisseur ; comme elle résulte de l'accumulation de couches de neige successives, une carotte de glace de plusieurs centaines de mètres, obtenue lors d'un forage, contient un enregistrement indirect, sur des dizaines de milliers d'années, de la température : la variation de sa composition isotopique sert alors d'indicateur[16] des paléo-températures.

En 1965, lors d'un hivernage en Terre Adélie, Lorius observe les bulles de gaz que le glaçon issu des déchets des carottages[17] qu'il a mis dans son verre libère dans le whisky : « J’ai eu l'intuition qu’elles conservaient des indications sur l’altitude de la formation de la glace et, surtout, qu’elles représentaient des témoins fiables et uniques de la composition de l’air[3]. » Quelque 20 ans plus tard, l'analyse des traces de dioxyde de carbone et de méthane contenues dans les bulles d'air emprisonnées dans les glaces de Vostok pendant des milliers de siècles va permettre d'établir scientifiquement cette intuition.

Le 4 septembre 1979, lors d'une émission des Dossiers de l'écran[18], il relativise néanmoins les propos d'Haroun Tazieff et, surtout, de Paul-Émile Victor qui annonce qu'un réchauffement climatique, lié à l'augmentation de CO2, entraînerait des fontes massives des glaces en Antarctique (mais il valide celles de l'Arctique) dès les prochaines décennies, ne pouvant concevoir de bouleversements sur une si courte échelle de temps.

Cinq ans plus tard, en 1984, lors de l’expédition à la base antarctique Vostok, un forage de 2 200 mètres de profondeur va pour la première fois permettre de reconstituer le climat terrestre et la composition de l’atmosphère sur une période de 150 000 ans[4]. Pour ce faire, Claude Lorius a réussi à obtenir des Américains qu'ils envoient des avions à la station Vostok pour récupérer les carottes remontées par les Soviétiques de la calotte glaciaire, leurs forages étant les plus profonds[6]. En France, ces carottes sont traitées au laboratoire de Claude Lorius, à Grenoble, et à celui de Jean Jouzel, à l’École polytechnique, laboratoires où a été mise au point une technique pour analyser l’air piégé dans la glace[6]. Grâce à l'analyse de la composition des bulles d'air incluses dans les carottes de glace et à la mesure du taux de CO2 prisonnier de cette glace ressortent deux courbes : « celle de la température à la surface de la Terre sur des milliers d’années et celle de la teneur en gaz carbonique. Or les deux courbes sont strictement parallèles[6]. »

Claude Lorius peut alors affirmer que « la planète devrait sensiblement se réchauffer au cours du XXIe siècle, au risque d’affecter les ressources en eau, l’agriculture, la santé, la biodiversité et, d’une façon générale, les conditions de vie des humains…[4] » Première reconnaissance du réchauffement climatique, cette découverte fait la couverture de la revue Nature[19].

Ces découvertes sont le résultat des deux campagnes en Antarctique à Vostok de 1984 à 1991 puis à la base Concordia, lors du forage européen EPICA dont Claude Lorius fut l'initiateur.

Les apports scientifiques de Claude Lorius à la compréhension de l'évolution des climats de la Terre ont été essentiels. Lui, Jean Jouzel et les autres signataires de l'article de Nature[19] ont ainsi montré le lien direct entre les taux de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone et le méthane) et l'évolution climatique sur des périodes allant de 150 000 à 800 000 ans. Les échantillons récoltés ont permis de retracer la composition climatique de la planète sur ces mêmes périodes.

Honneurs et distinctions[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]

Prix[modifier | modifier le code]

Académie[modifier | modifier le code]

Hommage[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Le Deutérium, possibilité d'application aux problèmes de recherche concernant la neige, le névé et la glace dans l'Antarctique, Paris, Impr. de l'Institut géographique national, coll. « Comité national français des recherches antarctiques », 1963
  • Année géophysique internationale. Participation française, Contribution à la connaissance de l'Antarctique, glaciologie en Terre Adélie (1956-1959), par Claude Lorius, Paris, Centre national de la recherche scientifique, 1964
  • Expédition antarctique française (1964/1966), Territoire des terres australes et antarctiques françaises, Terre Adélie, campagnes d'été 1964-65 et 1965-66. Détermination des épaisseurs de glace par une méthode gravimétrique simplifiée, par Claude Lorius, Gaston Rouillon, François Helly, Paris, Expéditions polaires françaises, 1968
  • Antarctique, désert de glace, Paris, Hachette, coll. « Les Quatre éléments », 1981 (ISBN 2-01-007309-6)
  • Antarctique : continent de l'extrême, Paris, Denoël, coll. « Planète : Espace terre », 1991 (ISBN 2-207-23894-6)
  • Glaces de l'Antarctique : une mémoire, des passions, ill. de Michel Creseveur et Jean-Charles Pugno, Paris, Odile Jacob, 1991 ; éd. revue et mise à jour, Paris, Seuil coll. « Points », 1993
  • L'Antarctique, avec Roger Gendrin, coll. « Dominos », éditions Flammarion, 1997 (ISBN 978-2080355164)
  • Le Grand Défi des pôles, avec Bertrand Imbert, coll. « Découvertes Gallimard/Histoire » (no 15), éditions Gallimard, 2007
  • 365 jours sous les glaces de l'Antarctique, avec Roland Schlich et Djamel Tahi, préface de Jean-Louis Étienne, éditions Glénat, 2008
  • Planète blanche : les glaces, le climat et l’environnement, avec Jean Jouzel et Dominique Raynaud, éditions Odile Jacob, 2008
  • Voyage dans l’anthropocène : cette nouvelle ère dont nous sommes les héros, avec Laurent Carpentier, éditions Actes Sud, 2011
  • La Glace et le Ciel, avec Luc Jacquet, Jérôme Chappellaz, Gilles Ramstein ; illustrations de Loïc Fontimpe, assisté de Mathieu Vavril, Paris, Éditions Paulsen, 2015 (ISBN 978-2-916552-69-9)
  • Mémoires sauvées des glaces (autobiographie), récit recueilli par Djamel Tahi, éditions Arthaud, 2016 (ISBN 978-2-08-137589-5)

Articles[modifier | modifier le code]

  • « Les recherches polaires », Paris, Grand Larousse annuel, Le livre de l'année (1992), 1993 (ISBN 9-782031-00293-2)

Documentaires[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Décret du 31 décembre 2020 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier dans l'ordre national de la Légion d'honneur », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  2. Site officiel de Claude Lorius.
  3. a et b Biographie Claude Lorius sur le site du CNRS.
  4. a b c d e f et g « Claude Lorius, aux origines de la climatologie », France Culture, À voix nue, mars 2012.
  5. a et b Laure Cailloce, « Claude Lorius, une vie sur la glace », Le Journal du CNRS, no 281,‎ (lire en ligne).
  6. a b c d e f g h i j k et l Laurent Carpentier, « Claude Lorius, glaciologue et spécialiste du climat, est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. « Environnement : Claude Lorius, premier Français à recevoir le prix Blue Planet », communiqué de presse du CNRS du 19 juin 2008.
  8. Stéphanie Belpêche, « Luc Jacquet, le retour en Antarctique », sur Le Journal du dimanche, (consulté le ).
  9. « Entre la glace et le ciel une biographie de Claude Lorius », sur wild-touch.org (consulté le ).
  10. « Lancement du métaprojet La Glace et le Ciel », sur wild-touch.org, (consulté le ).
  11. « “La Glace et le ciel”, de Luc Jacquet, en clôture du Festival de Cannes », sur telerama.fr, (consulté le ).
  12. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970.
  13. « VIDEOS. Décès de Claude Lorius, le glaciologue français avait été l’un des premiers à démontrer l’existence du réchauffement climatique », sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté (consulté le ).
  14. « Disparition. Le glaciologue et lanceur d'alerte Claude Lorius est mort à l'âge de 91 ans », sur ledauphine.com (consulté le ).
  15. Claude Lorius, Le deutérium, possibilités d'application aux problèmes de recherche concernant la neige, le névé et la glace dans l'Antarctique, Paris, thèse soutenue à la Faculté des Sciences de Paris, (lire en ligne).
  16. De proxy, selon le terme anglais.
  17. Note : commentaires en voix off du film La Glace et le Ciel.
  18. « Haroun Tazieff et le risque de réchauffement climatique », sur Ina.fr (consulté le ).
  19. a et b Vostok ice core : climatic response to CO2 and orbital forcing changes over the last climatic cycle par Genthon, C., J.M. Barnola, D. Raynaud, C. Lorius, J. Jouzel, N.I. Barkov, Y.N. Korotkevich and V.M. Kotlyakov dans Nature 329, (6138) 414-418, 1987.
  20. Promotion de la Légion d'honneur dans Le Monde du 12 avril 2009.
  21. Le .
  22. « Claude Lorius », sur Tyler Prize for Environment - site officiel.
  23. « Claude Lorius », sur Fondation internationale Prix Balzan.
  24. CNRS, « Liste des médaillés d'or du CNRS », sur cnrs.fr (consulté le ).
  25. (en) « Claude Lorius », sur European Geosciences Union (EGU) (consulté le ).
  26. « Claude Lorius », sur fi.edu, The Franklin Institute (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Presse[modifier | modifier le code]

  • Laurent Carpentier, « Claude Lorius, glaciologue et spécialiste du climat, est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)

Radio[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]