Langues japoniques insulaires

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Langues japoniques insulaires
Pays Japon, Taïwan (comté de Yilan), anciennement Corée du Sud (Jeju-do)
Typologie SOV, agglutinante, morique
Écriture kanas (katakanas et hiragana), kanjis (caractères chinois), rōmaji, braille japonais, écritures okinawaïennes, anciennement man'yōgana
Classification par famille
Carte
Image illustrative de l’article Langues japoniques insulaires
Carte des langues japoniques.

Les langues japoniques insulaires, ou langues japonaises-ryūkyūanes sont une subdivision des langues japoniques s'opposant aux langues japoniques péninsulaires hypothétiques anciennement parlées dans le centre et le Sud de la Corée. Ce regroupement, proposé par Vovin, a été repris plusieurs fois par la suite[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

A l'heure actuelle, la plupart des chercheurs sont d'accord pour dire que les langues japoniques ont été apportées dans l'archipel nippon entre le VIIe et le IIIe siècle av. J.-C. par des cultivateurs de riz humide de la culture Yayoi par le Nord de Kyūshū, remplaçant les peuples jōmon indigènes[2]. Des toponymes indiquent que les langues aïnoues étaient anciennement parlées dans l'Est du Japon[3],[4],[5]. Plus tard, les locuteurs japoniques se sont installés sur les îles Ryūkyū[2].

Linguistiquement, il y a un désaccord sur le lieu et la date de séparation avec la branche continentale. Robbeets (2020, 2021) argue que les deux branches de la famille "japanique" (japonique) se sont séparées quand leurs locuteurs ont quitté le Shandong en 1500 avant J.-C. environ vers le centre et le Sud de la péninsule coréenne. Selon elle, les japoniques insulaires seraient entré dans l'archipel vers 700 avant J.-C. Certains seraient restés au sud des confédérations de Mahan et de Byeonhan[6]. Cette théorie est peu soutenue. Vovin et Whitman affirment plutôt que les langues japoniques insulaires se sont séparées des langues japoniques péninsulaires en arrivant à Kyūshū entre 1000 et 800 avant J.-C.[7].

Il y a aussi un désaccord concernant la séparation du vieux japonais et des langues ryūkyū. Une théorie suggère qu'en tenant compte d'innovation en vieux japonais non-partagées avec les langues ryūkyū, ces deux branches ont dû se séparer avant le VIIe siècle[8], puis les ryūkyūans auraient migré du Sud de Kyūshū vers les Ryūkyū avec l'expansion de la culture Gusuku vers le Xe – XIe siècle environ[9]. Le vieux japonais aurait émergé durant la période Nara[10]. Robbeets propose une théorie similaire, mais place la date de séparation au Ier siècle av. J.-C.[11]. Boer propose que les langues ryūkyū descendent du dialecte kyūshūan du vieux japonais[12]. Une théorie suggère aussi que des ryūkyūans seraient restés à Kyūshū jusqu'au XIIe siècle[13].

Classification interne[modifier | modifier le code]

La parenté entre le japonais et les langues ryūkyū a été établie au XIXe siècle par Basil Hall Chamberlain[14] dans sa comparaison de l'okinawaïen et du japonais[15].

Classification standard[modifier | modifier le code]

Cette classification ci-dessous est la plus utilisée. Vovin classe la langue de Tamna dans la branche japonique insulaire[16],[17]. Le hachijō, parlé dans les îles Izu du Sud et anciennement dans les îles Daitō, est si divergeant du japonais moderne qu'il est parfois considéré comme une langue à part entière[18]. Robbeets (2020) traite les dialectes de Fukuoka et Kagoshima comme des langues indépendantes[11]. Les dialectes sont indiqués en italique.

Classification alternative[modifier | modifier le code]

Carte des dialectes japonais.

Une classification basée sur les accents de hauteur a été proposée[23]. Suivant celle-ci, le japonais est paraphylétique au sein du japonique insulaire[12].

  • langues japoniques insulaires
    • vieux japonais oriental
      • Japonais des îles Izu
        • Hachijō / japonais des îles Izu du Sud
        • Japonais des îles Izu du Nord
      • Japonais de Kantō-Echigo
        • Japonais de Kantō
        • Japonais d'Echigo
      • Japonais de Nagano-Yamanashi-Shizuoka
    • vieux japonais central
      • Japonais de Ishikawa-Toyama
      • Japonais de Gifu-Aichi
      • Japonais de Kinki-Totsukawa
      • Japonais de Shikoku
      • Japonais de Chūgoku
    • groupe Izumo-Tohoku
      • Izumo-Tōhoku conservatif
        • Japonais de Shimokita / Iwate oriental
        • Japonais d'Izumo périphérique
      • Izumo-Tōhoku innovant
        • Japonais du Tōhoku
        • Japonais d'Izumo central
    • groupe Kyūshū-Ryūkyū
      • Japonais de Kyūshū du Nord-Est
      • Japonais de Kyūshū du Sud-Est
      • groupe Kyūshū du Sud-Ouest-Ryūkyū

Comparaison lexicale japonais - ryūkyū[modifier | modifier le code]

Ce tableau comparatif est tiré d'une vidéo indiquée en référence[24].

français proto-japonique insulaire vieux japonais japonais hachijō proto-ryūkyū okinawaïen miyako
un (1) *pitə pitötu ichi tetsu *pito tiːtɕi pi̥tiitsɿ
deux (2) *puta putatu ni ɸu̥tatsu *puta taːtɕi fu̥taatsɿ
trois (3) *mi(t) mitu san mittsu *mi miːtɕi miitsɿ
quatre (4) *jə yötu shi, yon jottsu *yo juːtɕi juutsɿ
cinq (5) *itu, *etu itutu go itsutsu *etu itɕitɕi itsɿtsɿ
six (6) *mu(t) mutu roku muttsu *mu muːtɕi mmtsɿ
sept (7) *nana nanatu shichi, nana nanatsu *nana nanatɕiː nanatsɿ
huit (8) *ja yatu hachi jattsu *ya jaːtɕi jaatsɿ
neuf (9) *kəkənə kökönötu ku, kyuu kokonotsu *kokono kukunutɕi ku̥kunutsɿ
dix (10) *təwə juu tou *towa tuː tuu

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Vovin (2017)
  2. a et b Serafim 2008, p. 98.
  3. Patrie (1982), p. 4.
  4. Tamura (2000), p. 269.
  5. Hudson (1999), p. 98.
  6. Robbeets et Savelyev 2020, p. 4.
  7. Whitman (2011), p.157
  8. Pellard 2015, p. 21-22.
  9. Pellard 2015, p. 30-31.
  10. Shibatani 1990, p. 119.
  11. a et b Robbeets et Savelyev 2020, p. 6.
  12. a et b de Boer (2020), p. 52.
  13. Pellard 2015.
  14. (en) Basil Hall Chamberlain, , Yokohama, Kelly & Walsh, coll. « Transactions of the Asiatic Society of Japan » (no 23, supplément), 1895.
  15. (en) John Bentley, , dans Patrick Heinrich, Shinsho Miyara et Michinori Shimoji, , Berlin, De Mouton Gruyter, 2015 (ISBN 9781614511618), DOI 10.1515/9781614511151.39), p. 39-60.
  16. Vovin (2013), pp. 236–237.
  17. Vovin (2010), pp. 24–25.
  18. Iannucci (2019), pp. 100–120.
  19. Shibatani (1990), pp. 187, 189.
  20. Chien, Yuehchen; Sanada, Shinji (2010). "Yilan Creole in Taiwan". Journal of Pidgin and Creole Languages. 25 (2): 350–357. doi:10.1075/jpcl.25.2.11yue.
  21. a b c d e f g et h (en) « Family: Japonic », sur glottolog.org.
  22. Pellard 2015, p. 18-20.
  23. Shimabukuro (2007), pp. 2, 41–43.
  24. « JAPONIC LANGUAGES » (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Alexander Vovin, Origins of the Japanese Language, Oxford Research Encyclopedia of Linguistics, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-938465-5, lire en ligne)
  • (en) Alexander Vovin, From Koguryo to Tamna: Slowly riding to the South with speakers of Proto-Korean, Korean Linguistics, (lire en ligne)
  • (en) Alexander Vovin, Korea-Japonica: A Re-Evaluation of a Common Genetic Origin, University of Hawaii Press, (ISBN 978-0-8248-3278-0)
  • (en) Masayoshi Shibatani, The Languages of Japan, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-36918-3)
  • (en) Elisabeth de Boer, The classification of the Japonic languages, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-880462-8, lire en ligne)
  • (en) Martine Robbeets et Alexander Savelyev, The Oxford Guide to the Transeurasian Languages, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-880462-8, DOI 10.1093/oso/9780198804628.003.0005).
  • (en) Elisabeth de Boer, « The classification of the Japonic languages », dans Martine Robbeets et Alexander Savelyev, The Oxford Guide to the Transeurasian Languages, Oxford University Press, (p. 40–58).
  • (en) Leon A. Serafim, « The uses of Ryukyuan in understanding Japanese language history », dans Bjarne Frellesvig et John Whitman, Proto-Japanese: Issues and Prospects, John Benjamins, (ISBN 978-90-272-4809-1), p. 79–99.
  • (en) James Patrie, The Genetic Relationship of the Ainu Language, Oceanic Linguistics Special Publications, University of Hawai'i Press, (ISBN 978-0-8248-0724-5, JSTOR 20006692)
  • (en) Suzuko Tamura, The Ainu Language, Tōkyō, ICHEL Linguistic Studies, (ISBN 978-4-385-35976-2)
  • (en) Mark J. Hudson, Ruins of Identity: Ethnogenesis in the Japanese Islands, University of Hawai'i Press, (ISBN 978-0-8248-2156-2)
  • (en) David J. Iannucci, The Hachijō Language of Japan: Phonology and Historical Development, Mānoa, University of Hawaiʻi,
  • (en) John Whitman, Northeast Asian Linguistic Ecology and the Advent of Rice Agriculture in Korea and Japan, Rice, (DOI 10.1007/s12284-011-9080-0 Accès libre, lire en ligne)
  • (en) Thomas Pellard, « The linguistic archeology of the Ryukyu Islands », dans Patrick Heinrich, Shinsho Miyara et Michinori Shimoji, Handbook of the Ryukyuan languages: History, structure, and use, De Gruyter Mouton, (ISBN 978-1-61451-161-8, DOI 10.1515/9781614511151.13, S2CID 54004881), p. 13–37.

Articles connexes[modifier | modifier le code]